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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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Articles RÉCents

4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 18:59

 

 La secrétaire d'État aux droits des femmes, à la faveur de l'ouverture de la semaine du même nom (nous ne vivons que de semaines dédiées à telle ou telle cause ou à tel ou tel malheur,  parce que notre respiration doit tout entière être conditionnée par les grands mythes du temps) s'est crue politique intelligente et militante féministe (ce qui, on le sait, va de pair) en laissant entendre qu'elle était contre le droit des femmes à porter le voile à l'Université.

Puisqu'on est dans un moment électoral de binômes, je suggère  à l'intéressée, qui serait de gauche,  de faire bise nounours avec Éric Ciotti afin qu'ils puissent, dans une campagne commune, chacun draguer pour leur parti  tous ces sympathiques électeurs allergiques à tout ce qui peut évoquer l'Islam.

C'est déjà un mauvais coup qui a frappé l'enseignement secondaire comme bien des espaces publics de faire confondre le voile islamique couvrant tout le visage (mais, à la différence de la burka,  mettant encore en valeur les yeux)  et le fichu arabo-judéo-berbère (celui du Maghreb, dont des modèles comparables sont également portés dans les pays de l'Est, des Balkans, des pays du Nord ou du continent sud-américain) entourant le visage et le mettant en valeur tout en protégeant la tête; mais on appelle ce foulard , ce fichu,  "voile traditionnel" pour pouvoir le proscrire en voulant décider à la place des intéressées ( que l'on stigmatise du même coup)  de ce qui leur convient.

On prétendra que ce sont leurs hommes ou leurs familles qui leur imposent. Est-ce bien vrai ? Moi, je suis très favorable à ce que les jeunes filles (et les femmes de tous âges) qui le souhaitent puissent décider de cacher un peu leurs "attraits", de se rendre ainsi mieux protégées ou plus désirables, puissent avoir la liberté de ne pas s'offrir dans les emballages courants simplifiés d'objets d'intérêt sexuel comme bien des militants  "droits des femm'istes"   aimeraient peut-être que, le moins couvertes possibles, elles se laissent  apprécier. Car reconnaissons que tous ces interdits (par exemple du voile) et en parallèle ses absences d'interdit (par exemple de tel ou tel tenue très sexy et provocante à l'extrême) sont aussi des formes de ce "deux poids deux mesures" bien équivoques et qui pourraient bien expliquer les crises d'adolescence de quelques jeunes femmes fascinées par des aventures qui leur sont présentées sous l'angle d'une conversion vers  plus de décence et plus de spiritualité qu'il n'en existe dans les goûts et les pratiques de notre société occidentale. Ah, si  le droit au voile pouvait  faire vaccin contre le djihad !

En tout état de cause, ne soyons pas injuste. N'interdisons pas plus d'être pudique que d'être impudique . Pas plus qu'il n'y a d'outrage aux moeurs, il ne doit y avoir d'outrage à la laïcité. Soyons cohérent dans la conception et l'application de la liberté.

Pourquoi faire droit à quelques profs un peu malades qui ne veulent pas voir un voile - pas plus que les vieux laïcards n'auraient voulu voir une cornette -  un  fichu, pas plus qu'un foulard, ne dépasser ou ne couvrir quelques nuques ou oreilles,  ne dépareiller l'uniformité mixte de leurs amphis ? Ne font-ils partie de ceux qui ont oublié que la première vertu des Universités fut le multi culturalisme ?

Ce sont des empêcheurs de vivre en rond, de vivre chacun selon nos moeurs, goûts et désirs, alors que si ce n'est relevé comme une provocatiion, cela ne dérange pas grand monde, mais offre tout au contraire le plaisir du spectacle des diversités; ce sont des ayatollahs de l'uniformité qui - au nom de je ne sais quelle image de l'homme ou de la femme universelle (un  peuple de clones comme n'en ont jamais connu nos sociétés) -  viennent à tout propos et hors de propos mettre de l'huile sur le feu des relations entre les groupes divers et variés qui constituent la France d'aujourd'hui, pas plus hétérogène que ne le fut la France d'hier. A défaut d'y pourchasser les Musulmanes, ont y pourchassait les Bécassines, à défaut de goûter les  strings on adorait les Alsaciennes, on s'y moquait des Auvergnats, mais on adoptait la baguette des Parisiens et le béret des Basques pour faire  notre image chauvine de synthèse.

Et bien, ce fichu des femmes du Maghreb, pareil à celui des femmes de la Bible, à celui des paysannes des pays de froid  ou de soleil,  de  brume ou de vent, à celui de toutes les aïeules qui durent se couvrir les oreilles et les cheveux pour mener leur vie et qui ont eu parfois aussi à se protéger du brutal désir des hommes, ce fichu je demande qu'il ait droit de cité sur la tête de leurs héritières : qu'il ne soit, où que ce soit, pas plus interdit que n'est interdit le béret basque !

PS le 7 mars :

En ayant regardé tout ce que, ici et là,  les uns et les autres expriment à propos du "voile" - que très peu distinguent du foulard - et , alors même que ce que j'ai à dire s'applique encore plus fortement au port du premier que du second - je précise des points  qui ne me paraissent guère assez  mis en vedette par les articles à ce sujet et les commentateurs :

Le port du voile est loin d'être un phénomène religieux, comme on veut - pour des motifs de propagande politique anti-islamique -  le faire entendre ; ce n'est pas vraiment l'expression d'une appartenance confessionnelle et, de ce fait , cela ne tomberait pas sous le coup d'une loi de protection  de la laïcité ; mais c'est un marqueur culturel  par lequel celles qui le portent revendiquent la reconnaissance de leur différence; et c'est la différence que l'on veut nier.

Ce marqueur culturel exprime une double différence : d'abord, entre des ordres de valeurs occidentaux contemporains  et des héritages rémanents d'autres types de société ayant survécu aux colonisations ; ensuite il est, automatiquement, affichage de l'existence de la différence entre les femmes et les hommes
.

Or la négation de la différence entre homme et femme ( du fait le la confusion entre différence et inégalité) est l'un des axiomes de notre bien pensance qui est en quelque sorte ainsi narguée par le port du voile.

 

Celui-ci, plus encore, peut plonger les hommes attachés à nos habitudes  dans le malaise en ce qu'il oblige à un autre type de regard sur les femmes et donc propose un autre type de  relations avec elles : le vêtement occidental réalise  la plupart du temps une présentation de la femme appelant un regard très sexualisé sur celle-ci , en  favorisant le désir, voire en portant à la prédation.  Or le voile se veut un cache sexe et, paradoxalement  est aussi un  affichage de sexe . Il est donc en même temps moyen de protection et de gommage des singularités  des femmes ainsi que facteur de frustration  des hommes identifiant des silhouettes de  femmes, mais ne pouvant pas les voir ( les mater) en tant que telles, si bien que le voile est une provocation d'autant plus subtile qu'il peut parfaitement laisser deviner et faire fantasmer.

Le  port du voile pouvant correspondre à des situations bien différentes selon les âges  et les conditions de la femme exprime aussi des modes de vie familaiux et des rapports aux femmes (mères, épouses, filles)  faits de combinés de possessions et de respects  aux antipodes de nos libertés. Les sexes  étant au centre des constructions pratiques et  culturelles ( et de leurs habillages religieux) de toute organisation sociale , ce sont des canons d'autres relations intersexuelles que celles dont on a pris l'habitude  qui s'expriment  dans le port du voile.

 

Les attaques contre le voile camouflent sous l'expression  d'une laîcité de combat le malaise sexuel de certains de nos concitoyens devant une forme à la fois de révélation et d'interdit de la femme . Le buzz autour du voile ne révéle pas un défi religieux , mais traduit - face aux obsessions sexuelles qui en ont fait l'un des signes de moeurs de certaines sociétés, notamment islamiques -  les obsessions  sexuelles réciproques de notre  société : celle-ci h'accepte pas  d'autres modèles de genres que les siens ou se trouve  au moins dérangée lorsqu'ils se manifestent par des signes vestimentaires. Les Français veulent des femmes accessibles à l'image  des leurs et l'on doit regretter, pour la paix civile,  qu'ils n'aient pas des goûts plus exotiques.

 

 

 

             

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 14:52

Gérald Andrieu et Eric Conan sont-ils devenus des "beaufs"?

C'est à dire des gens ne supportant pas ceux qui ne leur ressemblent pas...


C'est bien la tonalité de leur nouveau papier que "Marianne" (qui déraille de plus en plus et qui ne parvient  même pas, cette fois,  à rendre intelligible l'interview pourtant prometteur de Jean Claude Michéa)  vient de publier contre la gauche différentialiste, en tirant prétexte (pour continuer à chercher à déstabiliser Ayrault au profit de Valls ?) de certaines préconisations évidemment abusives des rapports annexés au rapport Tuot.

 

C'est tout juste si on n'y comprend pas que ceux-ci recommanderaient de permettre la polygamie (celle-ci qui n'est le privilège de personne n'a d'ailleurs pas besoin de loi)  et l'excision, puisqu'on lit dans la foulée que des intellectuels de la gauche différentialiste auraient soutenu ces pratiques culturelles et, comme il n'en a pas été donné d'exemple, je me suis senti visé comme tout homme de cette gauche différentialiste, accusé ainsi de faire le martyr des femmes, parce que, moi, je ne colporte pas les délires d'Onfray soutenant que la gauche anti républicaine est favorable à toutes les religions sauf la chrétienne.

 

D'autant que je suis très porté à voir renaître en France - ce qui rendrait nos foules moins tristement uniformes -  l'expression  vestimentaire de la foi catholique : je suis aussi heureux lorsque je rencontre (c'est bien rare) une religieuse en tenue que je suis compréhensif lorsque je rencontre (c'est presqu'aussi rare) une femme voilée : toutes les deux sont des témoignages audacieux contre la commercialisation du sexe et du string telle que l'ont assuré le double libéralisme de l'économie et des moeurs, de petites lueurs contre  la transformation de la femme en objet de commerce hedoniste et facile ( alors que séduire une religieuse ou faire lever un voile  exige sans doute toujours des qualités exceptionnelles et offre certainement des plaisirs sublimes).

 

Cet article puant d'amalgames - comme inspiré par  tous  ceux qui sont en concurrences croisées  pour draguer le beauf qui dort en chacun  de nous ou la femme qu'on veut effrayer par l'Islam - veut jeter dans le même sac tous ceux qui  ne combattent pas   côte à côte  avec  l'UMP, le Front National, des socialistes de droite et des identitaires de tout poil - sous la bannière de la laïcité conquérante sectaire, dévorante et donc la pire  inclusive - oui, veut jeter dans le même sac tous ceux qui veulent bien accepter ( voire , se réjouissent, comme moi,  d'accepter)  sur le sol français  des gens ne ressemblant aux Français "de  souche", enfin... de toujours.

 

Mais ces Français là  n'existent que dans les caricatures ( ou dans des "réserves" régionales) , puisque la France a été faite de tant de sédimentations et de communautarismes plus ou moins dissous dans les valeurs nationales qu'il est idiot de parler en soi d' "intégration" . Dire "intégrer",  cela signifie ne pas reconnaître l'autre, mais lui demander de devenir l'interchangeable de ceux qui pré-existent. Déjà difficile hier, c'est devenu impossible aujourd'hui puisque les"immigrés"  conservent désormais, dans notre monde de communications, de fortes passerelles avec leurs pays et cultures d'origine ( et d'ailleurs qui le reproche aux Asiatiques, épargnés de toutes critiques malgré leur China Towns, etc... sans doute parce que ce sont des fourmis économiques qui ressemblent à l'homo économicus des rêves libéraux..) .

 

L'Empire (colonial français) respectait mieux que nos  prétendus républicains d'aujourd'hui, les multiplicités, les originalités des peuples qui le composaient et s'il s'exerçait parfois dans la violence , il en a souvent honoré - au moins par raison tactique comme dans "la politique berbère"  -  les traditions tout en les poussant à évoluer avec des concours symboliques en métropole (la Mosquée de Paris, l'Hopital Avicenne, etc. et même, malgré quelques abominations - comme à propos des Kanaques - lors de cette grande reconnaissance mutuelle que fut l'exposition coloniale) et sur place (des créations architecturales et culturelles métissées ont marqué tous les territoires)  vers une modernité partagée qui a débouché sur les décolonisations elles-mêmes et sur ce temps venu où ce n'est plus nous qui allons chez eux ( là où nous avons imposé notre façon de vivre) , mais eux chez nous (là où ils ont bien le droit, eux,  de garder au moins des caractères propres sans être soumis - dès lors que l'ordre et la loi ( qu'il faudrait parfois assouplir pour favoriser coexistences et "inclusions" ) sont respectées - à des obligations de conformisme ou à la stigmatisation.

 

Et c'est vrai que parfois, à la faveur d'ailleurs de la naissance des quartiers ghettos,  ils prennent un  peu leur revanche : c'est le moindre des ressacs de l'Histoire, en attendant peut-être les grandes inévitables migrations du Sud vers les Nord ; mais personne ne demande aux "Français de toujours" - que les beaufs, que Conan et Onfray se rassurent - de se faire animistes, hindouistes  ou musulmans ( alors qu'il n'y a pas si longtemps nous prêchions, nous,  la conversion au christianisme dans toutes les colonies).

 

De plus, encore, la force d'un Empire  - qu'il existe en extension géographique ou en concentré dans  quelques points forts de l'ancienne métropole - c'est d'apporter la richesse, un moment la démographie, souvent  les connectiions internationales de ses diversités; et d'ailleurs les sociétés multi ethniques  - comme les sociétés anglo-saxonnes au prix, certes, de leurs problèmes parfois de coexistence -  nous  donnent l'illustration de ce peut  le multiculturalisme. Celui qui s'assumerait enfin chez nous, marié aux valeurs traditionnelles de la France, serait encore plus fécond. Et parions que les mariages mixtes - que le climat de racisme prospérant, grâce aux démagogies,  depuis quelque sept ans a eu naturellement tendance à réduire - pourraient reprendre de plus belle.    

 

Lorsque je m'affirme communautariste dans l'unité de la République ( et , par contre, hostile à toute régionalisation du pouvoir, alors que, là encore, partie de la  presse veut faire un amalgame anti Ayrault qui n'a aucun  sens  que la volonté de déstabilisation du premier ministre  ) pour le respect des uns, l'éducation et la paix de tous, je suis fidèle à la meilleure part de l'Empire, alors que j'ai été, par clairvoyance, au nombre des décolonisateurs que combattaient les républicains colonialistes des années cinquante. Ce  sont leurs descendants colonialistes spirituels directs - des beaufs comme des intellectuels sans expérience - qui veulent aujourd'hui faire la loi de la conformité.

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9 septembre 2013 1 09 /09 /septembre /2013 18:59

 

 

 

La proscription des signes religieux ou communautaires est l'expression, à mes yeux, d'une laïcité négative : celle qui faisait autrefois réprimer une petite croix au cou des filles élèves catholiques, celle qui condamne le port d'une calotte par des  enfants juifs ou d'un foulard laissant le visage ouvert aux filles arabo-berbères (d'ailleurs tantôt juives, tantôt musulmanes, tantôt laïques), celle qui voit dans un sari ou un boubou une provocation vestimentaire.

 

Il n'y a, en France,  qu' à la Réunion, parce que c'est une mosaïque d'ethnies que  l'on comprend la diversité ....

 

Une laïcité ouverte - en fait proche du réel esprit de la loi de séparation des Églises et de l'État -  est celle qui accueillerait  toutes les différences et en permettrait l'expression "comme la diversité des traits se résout en l'harmonie du visage"( Jacques Roumain). Nous devons reconnaître que notre pays est devenu multi ethnique et multi culturel et il ne faut pas effacer cette richesse qui est un peu le reflet de celle de l'ex Empire et de l'Union française ( d'ailleurs si "tous ces gens" sont chez nous, c'est que nous avons été chez eux ).

 

Contraindre à l'uniformité - ce qui est prétendre qu'on est mieux que les autres - ne peut que  susciter des ressacs. Et  puis, l'uniformité , c'est triste . Mais la contre partie de ce "différentialisme" - qu'il faut, à mon sens,  promouvoir pour accoutumer les enfants à s'accepter les uns les autres,  dans leurs singularités culturelles qu'adultes ils rencontreront dans toute leur vie  -  c'est, par tous,  le respect de l'ordre public parfaitement conciliable avec la tolérance  .

 

Par ailleurs, il n'y a guère de sens à afficher un  drapeau européen alors qu'on a refusé en 2005 une constitution européenne, tandis qu'il faut, à l'inverse,  faire valoir aujourd'hui les intérêts propres de la Nation.  Ses principes fondateurs ( la République ne reconnaît aucune valeur à des traitements fondés sur des différences d'origine, de races, de religions) , doivent faire reconnaître  les droits de l'homme et de la femme à se choisir une identité respectée par les autres.

 

C'est aussi  la part de francophonie de notre héritage qui,   dans la différence de ses composantes,  doit être reconnue comme pouvant toujours  faire  la  force  de la France.

 

PS : et Orange a publié ( sans doute parce que c'est une forme de critique d'une ligne gouvernementale !)

de même que, le lendemain, aussi cet autre billet dans le même sens



la laïcité de combat continue

Il est évident que ce type de jusqu'au boutisme * , dans la suite des exigences d'une Blandine Kriegel lorsqu'elle présidait le haut comité de l'intégration, et aujourd'hui à la remorque de l'islamophobie populiste,  va sans le sens de la laïcité répressive (voir infra ma précédente réaction) qui ne peut être guère produire fécondités et solidarités .

* référence à l'article Laïcité : le Défenseur des droits demande des "éclaircissements" L

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 19:15

 Engagé depuis plus de cinquante ans, non seulement de manière intellectuelle, mais, concrètement, dans des positions et actions personnelles, professionnelles, collectives, etc.…. contre bien des racismes, je ne supporte pas le cinéma de vouloir abolir l’usage officiel  du mot « race » …, comme je suis renversé de voir les théories affabulatrices du genre et du queer  jeter le si beau bébé des sexes avec l’eau du bain des machismes, ou, désormais des  dictatures féministes[i].

 

1 - À mes yeux, la négation de principe de la notion de “race”, bien qu’inspirée par les fléaux des racismes,  est une posture contreproductive.

 

Bien sûr, comme le disait, dès 1992, Danièle Lochak: (in « La race: une catégorie juridique? ») «  le mot «  race » …devrait rester tabou, s'il est vrai que les races n'existent pas, qu'elles sont l'invention des racistes. Lorsque le législateur, en effet, proscrit les discriminations fondées sur la race, n'entérine-t-il pas en même temps leur existence, ne leur confère-t-il pas une objectivité ambiguë ? C'est sans doute la prise de conscience de cette ambiguïté qui explique la tendance perceptible dans les textes les plus récents à substituer aux mots race ou origine raciale des termes dont on pense, à tort ou à raison, qu'ils sentent moins le soufre, comme ethnie ou origine ethnique… » et puis l’idée – et c’est moi qui ajoute - que pour se débarrasser du problème, il suffisait de nier le mot :  pas de race, pas de racisme.  Mais la même auteure, qu’on ne peut soupçonner de  complaisance (professeur émérite de droit public à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, elle est ancienne présidente du Gisti ) envers quelque dérive raciste que ce soit,  placée devant le vote de l’Assemblée, indique avec retenue, “ce n'est pas le mot race dans les textes qui alimente le racisme". De même le célèbre pourfendeur de toute approche racialiste A. Langueney (cf. infra) dit bien[ii] que la disparition du mot ”race des textes français ne peut avoir qu’un  effet symbolique.

 

Et même si le concept de « race » ne répondait à rien - d’un côté,  parce que le mot a été discrédité, d’un autre,  parce que la notion est floue (tantôt relative aux vieilles divisions cardinales selon les couleurs de peaux, tantôt appliquée à des communautés plus étroites et singulières, à tel point qu’on ne saurait recenser ni nommer les races [iii]) -  l’illusion que porte ce concept peut d’autant mieux être combattue qu’elle est référée à un mythe collectif clairement nommé : celui de la race, ayant à la fois nourri de compréhensibles sensibilités communautaires entre individus ressemblants , mais ayant aussi apporté d’ignobles justifications à des systèmes d’exploitation et à de monstrueuses entreprises criminelles. Si les « races » sont niées  plus par principe sémantique ( ce qui fait bizarre)  que par exigence éthique ( ce qui a valeur d’absolu)  et, le cas échéant, par démonstration scientifique (ce qui garde toujours une valeur relative) et que, par la confusion des bonnes consciences et des clins d’yeux politiques,  le mot devienne tabou, on se trouverait moins bien armé pour lutter contre le racisme qui ne peut, lui, être aboli par un vote de  législateurs.  

 

Tout au contraire, de la même manière que  la loi sur le mariage gay [iv] a nourri l’homophobie, la  suppression du mot “race” ne peut, à mon sens,  que nourrir des racismes et des malentendus : lorsqu’un élu (de droite)  déclare “on ne change pas la réalité en changeant les mots”,  n’est-il immédiatement soupçonné de racisme, alors que ce n’est qu’une méchante interprétation de son  propos qui se rapportait, à l’évidence, à une perception de données physiques et non à des constats scientifiques?  On voit que cette affaire est un nid de polémiques, comme résultat de l’un des points d’un  programme présidentiel qui faute d’avoir pu dessiner une nouvelle stratégie pour la France a parfois additionné quelques  idées gadgets (et boomerangs) puisées dans une pseudo culture de gauche : encore une histoire de gribouilles dans laquelle il vaudrait mieux - cette fois-ci – ne pas faire preuve d’un entêtement méprisant des réactions massives enracinées dans une espèce de bon sens commun qui n’est évidemment pas le hic et nunc de l’intelligence contemporaine, mais qui traduit la résistance populaire à accepter qu’on lui fasse prendre des vessies pour des lanternes, des hommes pour des femmes et des Chinois pour des Africains. 

 

Cette tentation de la négation du mot et concept de « race » a été fortifiée par le fait que depuis les années 60 , il a paru de plus en plus possible de  pouvoir afficher comme vulgate [v]  - partagée par la quasi totalité des généticiens et des théoriciens de l’évolution (et dont les travaux de Stéphan Jay Gould [vi] offrent à la fois des illustrations et une forme de synthèse ) -  une unité d’origine géographique et de souche homogène « sapiens » de l’espèce humaine excluant la notion de “sous espèce », c’est à dire l’équivalent en taxinomie de celle de « race » pour des animaux.   Mais la notion de « race » - qui, à vrai dire, dans le langage populaire (voire administratif) n’a pas de signification scientifique ,  a été - par ceux là mêmes qui la proscrivent comme le diable - immédiatement remplacée, pour expliquer des singularités  perceptibles (comme la couleur de la peau ou la morphologie ) ou non perceptibles au commun des mortels (comme des réactivités différentes à certaines maladies et remèdes ) par le constat de l’existence de groupes typifiés de populations (cf. infra).

 

S’il est vrai que le terme de « race » peut être dangereux, il me semble ainsi néanmoins faux de dire que la notion de race ne correspond à rien et ne sert à rien, puisqu’il existe des différenciations extrêmement marginales sur le fond (voire anodines ou superficielles), mais lisibles dans des apparences et ayant même parfois quelques aspects pratiques. Il faut simplement la dédiabioliser , en particulier en lui ôtant toute valeur de hiérarchisation entre groupes humains, à l’inverse ce qui a été le fait des idéologues racialistes et des exploitants colonialistes comme des acteurs politiques pouvant promouvoir jusqu’à la folie une politique raciste. Mais le terme - qui désigne aussi, y compris par nombre de leurs membres eux-mêmes,  des identités ayant chacune des valeurs intrinsèques -  est tout autant utilisé pour combattre les thèses et systèmes racialistes !

 

Quoiqu’il en soit, il faut lutter sans cesse contre les crimes envers l’humanité  et contre les injustices envers ces hommes et ces femmes que d’autres regards considèrent comme des inférieurs. C’est en effet là ce que peuvent  engendrer, dans toutes les relations inter ethniques, sans évidemment aucune portée hiérarchique , mais non  sans certaines singularités (à conséquences éventuelles, notamment de types humains, mais aussi, parfois, de portées  psychiques et médicales) , ce qui est vu ou ressenti comme des altérités. Ces différences sont soit évidemment perceptibles comme celles qui concernent les apparences physiques des personnes , soit peuvent être  – tout à fait marginales, mais non anodines  – scientifiquement identifiables, et alors même que leurs constats  ne fondent rien qui puisse rompre l’unité de l’espèce humaine  ont servi, et servent encore à travers le monde,  de souches à des constructions de fictions (cf. des types de ces  constructions dans les ouvrages cités qui recensent les étapes et formes des idéologies racialistes)  , que leurs   caractères intéressé, illuminé, littéraire, romantique ou fantomatique mettent parfois encore d’une certaine manière  à l’abri de démantèlement rationnel, de même que, symétriquement,  bien des communautés ( qu’il  faut reconnaître malgré la sectaire doctrine anti différentielle uniformatrice nationaliste hyper laïque française) ne peuvent se définir qu’en s’attachant à une origine : la leur. 

 

2 - « La race » est donc aussi un ressenti affectif  d’appartenance qu’il faut respecter comme tel,  tant  il est vrai que  bien des individus, à la recherche de repères et de solidarités,  se trouvent des « identités » dans ces combinaisons d’éléments physiques, culturels, politiques, vrais et imaginaires qui les font se reconnaître dans des « races » aux contours et critères très plastiques dessinant des frontières psychiques d’appartenances. Quelques sondages  auprès de mes amis de la diversité  qui , comme beaucoup, revendiquent eux une appartenance  et font valoir que si le métissage est une belle chose, il est normal que parallèlement  (cf. sur ce site l’article dû 05/03/09 - Alain Despointes versus Stephen Jay Gould ) chacun puisse être attaché à l’identité dans laquelle il se sent ses racines et peut souhaiter (notamment par endogamie) inscrire son avenir.

 

Oui, aux races, à chaque race identifiée par ceux qui s’en réclament  de manière un peu subjective (les hommes vivants ne sont pas tenus par les critères objectifs des sciences), qui  sont attachées à des valeurs affectives singulières faisant que les uns ou les autres célèbrent (légitimement, s’il ne s’agit pas d’asseoir leur empire)  qui l’indianité, qui telle ou telle famille sémitique, qui une souche européenne, qui la négritude, etc. La proclamation de cette « négritude » n’est-ce d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles on loue Aimé Césaire, même lorsqu’il appelle les siens à une reconquête de  l’histoire ?  N’interpellait-il en ce sens (et le lien en  note va vous permettre d’entendre sa voix) à la Sorbonne,  en septembre 1956, alors que  se tenait à Paris le premier congrès des écrivains et artistes Noirs : "Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l'Histoire" [vii] ?  

 

L'avenir de notre univers  c'est à la fois d’un côté , de plus en plus,  les interfécondités et les vertus du métissage [viii] , mais, toujours, de l’autre, la  coexistence non fusionnelle de diverses identités différentes qui, par le passé, ont été grossièrement réparties en quatre ou cinq « races », selon des dénominations qui se sont discréditées par des ignominies de toute nature et origine, mais qui , dans l'égalité, portent chacune et ensemble, délivrées des mythes destructeurs,  une arborescence universelle de valeurs convergentes et complémentaires, « comme la contradiction  des traits se résout dans l’harmonie du visage » [ix] de même que la différence et l'union des deux sexes  forment l’unique irremplaçable semence  de notre monde aussi obligatoirement bisexuel que racialement multi ethnique.  

 

C’est une débile conduite de fuite, angélique et irresponsable, que se mettre la tête dans le sable devant le mot « race ». D’ailleurs, de la même façon qu’un certain nombre de militants de l’anti racisme ne trouvent pas cette idée très pertinente, je sais,  pour avoir beaucoup vécu aux contacts des populations les plus diversifiées du monde, combien beaucoup d’entre leurs membres attachés à leurs traits et histoires respectives – avec, il est vrai, le risque de leur propre racisme - sont les premiers qui ne sauraient admettre de voir supprimer le concept et le mot. Et il est regrettable que, peut-être pour masquer l’inanité du reste de l’offre française de changement,  triomphe l’art de provoquer des débats (sur les sexes et sur les races) dépourvus de sens mais riches d’affrontements inutiles.

 

On en vient à se demander si les  vulgates bien intentionnées ( la race est   une fiction, le mariage et la filiation sont pour tous) ne sont pas avant tout inspirée par l’horreur des racismes et par celle des violences ou ostracismes  homophobes, mais,  de la même façon que la dénonciation – fut-ce avec talent – de « l’horreur économique », loin de conduire à des stratégies qui puisse la combattre,  a surtout nourri des compassions, ces proclamations de principe ne peuvent pas avoir plus d’effets concrets que « Indignez vous » aboutissant à un énorme succès d’estime en compensation de l’impuissance à dire comment réformer.  

 

En effet les racismes ne s’alimentent pas, même si tant de théoriciens les ont servis[x],  à des concepts qui leur offrent des pseudo justifications, mais à des perceptions qui les provoquent, ce qu’exprimait  d’un raccourci  P.  Lozès,  l’ex président du CRAN (le Conseil représentatif des associations noires de France) en disant “Les races n'existent pas, mais la couleur de la peau existe »[xi].

 

3- Entre pioche programmatique, magie législative, media vendeurs  et révisions d’honnête homme…

 

La négation du sexe (exemple, par  la loi gay) et l'abolition du mot  "race " dans les textes législatifs  (proposition de loi votée en AN, en attendant la remise en cause du Préambule de la Constitution et des grandes déclarations internationales sur les droits de l'homme ! En attendant, sans doute aussi que l’emploi public du mot  devienne  un délit ) participent d'un acharnement pseudo égalitariste français qui voudrait que, malgré les richesses par les diversités  de notre société  composite,  tout le monde soit uniforme, que nous soyons tous ressemblants et interchangeables  et  qui débouche sur le fétichisme du verbe : ainsi utiliser le mot « mariage » pour définir un autre type d’union que celle d’une femme et d’un homme, aurait le pouvoir magique d’effacer que l’union de deux personnes du même sexe est quelque chose de différent ; ainsi chasser de mot « race » aurait le pouvoir magique en faisant de cette notion un  tabou de proscrire le racisme. Je le suis  suffisamment battu contre celui-ci et contre, sinon l'homophobie ( qui est un sentiment qui ne se commande pas), mais contre l'agressivité homophobe ( qui est une criminelle violence sociale)  pour dénoncer ce gouvernement par le verbe qui se permet de piocher dans  la ligne de Gérard Schröder pour promouvoir de nouveaux modèles sociaux et de piocher dans la reprise des  formules simplificatrices de Charlie Hebdo , d’une part au service de la légitime cause des homo, d’autre part pour répéter que l'espèce humaine est unitaire ; mais  en le disant à la façon très tranchée d’Albert Jacquard ou très militante de André Langaney, c’est le faire d'une manière plus inutilement abrupte  que constructive.... puisque c'est pour dire immédiatement après qu'il y a une diversité humaine. : la synthèse stylistique – « la continuité dans le changement » que l’on croyait typiquement pompidolienne – consiste, pour bien marquer qu’il n’y a pas de saut de nature  qualitative,   en une espèce d’ oxymore :  « la continuité de variation génétique des populations » Bataille de mots ? On y reviendra.

 

L'orgueilleux  législateur, quant à lui, s'arroge le droit de trancher dans les échanges  nuancées d'une pléiade de scientifiques qui semblent partager un consensus mais qui ne l'éclairent pas tous pareillement en ne  s'exprimant pas unanimement tout à fait de la même manière en matière de génétique et de biologie moléculaire.  La prétention de trancher par la loi une question que des écoles scientifiques ont largement éclairée , mais ne sont pas parvenus à exposer d’une manière unitaire et sur laquelle il existe aujourd’hui de ce fait plus que des nuances de présentation, relève bien non seulement, comme on l’a déjà relevé ,  de la foi dans magie, mais aussi  de l’orgueil : de la même façon qu’avec la loi gay, la majorité s’est donnée un pouvoir que Carré de Malberg ne reconnaissait pas à la toute puissance de la loi parlementaire (qui « peut tout faire sauf changer un homme en femme »), par l’abolition du mot « race »,  elle  veut d’une part se donner le pouvoir de trancher une interrogation scientifique complexe et, d’autre part, celui  de mettre en cause l’expression universellement reconnue ( dans les Déclarations des droits et dans celles de bien des organismes internationaux ) de la volonté de refuser toute distinction fondée sur celle-ci.

 

Quant aux  média, ils sont plus dans leurs intérêts de vendeurs que dans un rôle de  pédagogues en cherchant moins à présenter des synthèses que des jeux de confrontations de titres -  cf. fin mai,  à deux ou trois jours de distance  dans « Le Monde[xii], « sexe et race : deux réalités »[xiii], puis,  « deux illusions »-  ou ils aboutissent - comme dans l’émission d'excellente intention de B. Taddéi , «  Ce soir ou jamais » à un plateau très tendu avec les  propos désobligeants envers d'autres participants de l'acteur F. Huster confondant cercle de réflexion et théâtre d'expression, avec un dialogue de sourds entre spécialistes peu coopérants entre eux et à ce qui,  pour le non initié, a paru parfois le galimatias de certains invités ( comme l’approche queer de Marie Hélène Bourcier). Aussi ressent-on le besoin de clarification. J’ose tenter pour moi-même comme  pour certains mes lecteurs,  un peu d'une délicate vulgarisation, pouvant comporter d'impertinentes questions de profane envers les dogmes en cours.

J’ai donc voulu non seulement comprendre mais faire passer ce que je crois avoir compris comme ce qui m'interpelle un peu.  J'ai donc fait, en n’étant qu’un généraliste honnête homme, de nombreuses révisions ou découvertes dans des fiches pédagogiques, des présentations universitaires[xiv],   des encyclopédies, des ouvrages écrits de manière accessible et dans des revues voulant mettre des sciences à la portée du grand public.

 

 

4 – Il y a bien un  champ commun des constats génétiques et biologiques partagés par tous.

 

En taxinomie, la famille des « hominidés » réunit les sous familles d’un côté des gorilles,  et celle des  chimpanzés et bonobos et, d’autre part, l'espèce humaine. Celle-ci est  constituée aujourd’hui, au titre du genre homo, du seul Homo sapiens - encore que celui-ci ait pu un moment coexister (et ait pu se métisser ?) avec des néanderthaliens. Entre l’espèce humaine et les espèces apparentées,  les différences sont dues à un petit nombre de gènes. Les analyses ADN montrent ainsi que l’espèce humaine possède déjà un peu plus de 98,6 % de son génome en commun avec les chimpanzés. Lespèce[xv] humaine unitaire - dont les membres,  selon  l’approche consensuelle scientifique, sont tous aujourd’hui  originaires de l’homo sapiens (encore que leur génome porterait comme  de minimes traces néandertaliennes) est composée de tous les individus susceptibles de se reproduire les uns avec les autres[xvi], tous ceux et celles dont les sangs peuvent se mêler, et, donc,  sous réserve qu’ils appartiennent au groupe adéquat, être transfusés les uns pour les autres. Ainsi un noir et un blanc du même groupe sanguin ou de groupes sanguins compatibles  sont-ils biologiquement plus proches que deux noirs, ou deux blancs,  qui appartiennent chacun à des groupe sanguins incompatibles entre eux. Les analyses ADN montrent que l’espèce humaine possède en  partage le même patrimoine génétique à 99,9 %.

 

Au sein de l’espèce, les génomes des individus sont tous différents, c’est le polymorphisme génétique. D’une part parce que 0,1 % du génome des hommes est propre à chacun ce qui donne des profils AND individuels, d’autre part parce que les gènes peuvent s’exprimer de manière différente[xvii], avoir des versions originales. S’il y a 25 000 à 30 000 gènes humains,  leurs différentes versions ( qu’on nomme des « allèles ») et leurs combinaisons produisent un nombre faramineux de génotypes possibles pour un individu, ce qui fait  que nous sommes tous différents et qu’il a plus de différences effectives entre les individus d’un même groupe de populations que de différences visibles ( des phénotypes)  entre ces populations, le phénotype étant l'ensemble ( phénome) des caractères observables ( visibles, anatomiques, morphologiques, physiologiques comportementaux ) de cet individu, tandis que le génotype  exprime  la fréquence des allèles qui caractérise le génome d'un individu (l’information génétique sur chacun. Pour certains traits simples -  les grandes différences humaines, au niveau de l’apparence (et notamment, s’il y a continuité héréditaire, couleur de la peau, des yeux, morphologie)- la correspondance entre le génotype et le phénotype est directe, mais la plupart des caractères individuels dépendent (par exemple, je crois, en cas de métissage), de multiples gènes (dominants et récessifs) et des rapports d’impacts entre eux.

 

Ces apparentes différences anatomiques et physiologiques à l’intérieur de l’espèce sont dues à un nombre très restreint de gènes  (ou plutôt de version /expression de gènes -  ces « allèles » favorisés ou défavorisés par tel ou tel facteur d’environnement, (par exemple, ensoleillé ou non, forestier ou glacial) – et  tout gène peut avoir plusieurs allèles, qui déterminent souvent l'apparition de caractères héréditaires différents.

 

C’est à l’extrême marge asymptotique que se font les différenciations, les  diversifications catégorielles internes à l’espèce étant le résultat non de la présence ou de l’absence de tel ou tel gènes,  mais le produit des versions, des dosages et donc des  fréquences dans divers groupes de populations d’un stock de gènes commun à tous les hommes. C’est ce qu’on peut comprendre de l’explication schématique et forte présentée par A. Langaney (in La Revue, précitée) : « le concept de race, au sens scientifique, ne s'applique pas à l'espèce humaine. Il n'existe aucun caractère génétique que l'on retrouve chez tous les individus d'une population et qui n’existe pas chez les autres. Les mêmes gènes sont présents dans toutes les populations humaines. Certains sont plus fréquents en Afrique ou plus rares en Asie, mais c'est tout ». Puis,  vient de sa part, l’assertion matraque  qui n’est pas partagée par absolument tout le monde scientifique (cf. infra, la question de la souche humaine) : « La seule explication possible, c'est que les sept milliards d'êtres humains descendent tous d'une unique population ancestrale, qui vivait il y a soixante mille à deux cent mille ans. Et qui était assez réduite : 15 000 à150 000 personnes environ »,hypothèse dominante sur laquelle on reviendra.

 

Au sein d’une espèce, un groupe d’individus - si ceux-ci  se trouvent isolés (pour des raisons géographiques ou écologiques, des variantes de facultés anatomiques  ou sensorielles) - peut évoluer en dehors du courant génétique de l’espèce de référence, cette évolution se produisant soit par des transmissions (?) de caractères acquis (cf. débat infra) dans la relation de maximisation de l’adaptation à l’environnement,  soit – d’une causalité plus mystérieuse encore - par des mutations. Mais il n’en est pas été ainsi - semble-t-il -  au sein de l’espèce humaine. Certes, celle-ci présente des caractères individuels phénotypes  variants et des morphotypes différents. C'est un des éléments de la diversité génétique qui est considérée comme facilitant l'adaptation des populations à leur environnement plus ou moins changeant. Mais, il n’est pas apparu des sous-espèces (qui seraient génétiquement des “races”) parce qu’il  n’y a pas eu, depuis la souche apparemment  unitaire du genre humain,  d’assez longs isolements de groupes humains les uns  par rapport aux autres[xviii]. Néanmoins,  alors même que les variations génétiques fonction des « origines » sont très faibles, bien moindres, comme on l’a déjà indiqué  que les diversités génétiques individuelles au sein d'une même « population  »,  à partir du génome d'une personne, il est aujourd'hui possible de connaître avec une relative précision la région du Globe d'où proviennent ses ancêtres [xix]: pourrait-on dire sa «race» ? Bien que ni la génétique, ni l’anthropologie, ni l’ethnologie, ni l’anthropomorphie ni les synthèses des philosophes de l’évolution, ni   les découvertes récentes,  ne semblent avaliser au sein de l’unité humaine, le modèle  taxinomique de l’existence de  sous-espèces, on constate une «pluralité humaine» sans hiérarchie liée. Depuis l'achèvement du  séquençage du génome hulain en 2004, un certain nombre d'analyses génétiques basées sur des polymorphismes génétiques  permettraient de distinguer une répartition par « groupe géographique » de certains polymorphismes pertinents du génome humain et à fréquence allélique suffisante. L'équipe de Luigi Luca Cavalli-Sforza  suggère que les Homo Sapiens  se répartissent en neuf « populations » de base[xx] dans la mesure où l’on retrouve au sein de chacune des combinaisons génétiques  proches ayant notamment une pertinence médicale[xxi].

 

 

 

neuf groupes populations

Ces neuf (certains en trouvent sept)  déclinaisons sont apparemment  reliées par des groupes et des zones  de transition (comme la Méditerranée, le Pacifique, etc.…encore qu’il puisse y avoir des distances génétiques importantes entre individus géographiquement proches et parfois ressemblants[xxii]) et par les très grandes variétés des métissages de plus en plus développés offrant des types multiethniques. De toute façon, il n’y a  pas de césure dans l’humain) ces groupes et ces sous groupes géo/ethniques  restant très proches génétiquement, avec pour bonne raison, l'extrême jeunesse de l'espèce humaine. En 150 à 60 000 ans (depuis la sortie d'Afrique de l'Homo sapiens), l'évolution n'a pas eu le temps et aurait de moins en moins de circonstances d’isolement dans un univers mondialisé, pouvant se prêter à creuser de fossés génétiques. Il n’y a pas eu de mutations génétiques qui auraient été propres à  tel ou tel groupe et qui pourraient être des marqueurs de différences pour la suite.

 

 

5 – Des questions  débattues : d’où viennent les grandes ethnies mondiales ? Et d’où procèdent leurs phénotypes dominants ?

 

Au delà des consensus précités, la divergence qui apparaît est celle qui sépare les majoritaires des scientifiques  convaincus de la théorie “out of Africa” (un nombre croissant de chercheurs supposeraient aujourd’hui  que l'origine de l'homme moderne n'est pas en Afrique de l'Est ou du Sud mais en Afrique du Nord)  telle, rappelons-le que l’exprime  A. Langaney (“La seule explication possible ( de l’unité uniformité du capital génétique de base), c'est que les sept milliards d'êtres humains descendent tous d'une unique population ancestrale, qui vivait il y a soixante mille à deux cent mille ans..)  Et des très  minoritaires soutenant une conception polygéniste (croyance à la pluralité intercontinentale des souches originaires de l’homme). C’est celle  de continuité avec hybridation défendue depuis les années 1980 notamment par l'Américain Milford Wolpoff, le Chinois Wu Xinzhi et le paléontologiste et paléoanthropologue français Yves Coppens [xxiii] et  qui pourrait  contribuer à nourrir une “essentialisation” de  l’idée de “race”.

 

Un profane croît donc discerner une double question qui effrite la vulgate

 

Première question : une seule ou  plusieurs souches ?  Le pluralisme a  longtemps  été suggéré par la frappante correspondance entre continents ou ensembles archipélagiques avec des phénotypes et, pour une part, avec des familles de  langues. Et s’il faut s’en tenir à  une seule souche , comment ont pu se faire - en plus des migrations géographiques que la démographie des mouvements parvient à  expliquer – les acquisitions et fixations de phénotypes (et de génotypes ? au moins  correspondants ) donnant différentes déclinaisons d’apparences à l’unité humaine ? Est ce de manière, semble-t-il un peu simpliste, comme présentée par  A. Langaney (cf. toujours  La Revue, juin 2013 : « les différences humaines viennent, en fait,  de l’histoire, pas de la génétique »   (par exemple, « la peau est devenue plus foncée dans les zones intertropicales pour des raisons liées à la synthèse de la vitamine D et aux cancers  de la peau. Elle est devenue claire dans les zones tempérées… ») . Comment ces acquisitions de l’histoire peuvent-elles s’être fixées et se transmettre héréditairement ? Pour ma part, je comprends que pour que des caractères se forment distinctement depuis une souche unique en se stabilisant par transmission héréditaire, il faut que de la diversification se fixe  dans les cellules reproductrices ( les gamètes, le noyau), ce sui débouche sur …

 

… la deuxième question – comment peuvent donc  se transmettre les effets du milieu ou les adaptations au milieu ? Que l’on soit d’ailleurs dans une approche darwinienne ou dans une approche lamarckienne,  les deux postulent en fait,  quoique de manière différente,  un mécanisme d’hérédité de caractères acquis. En effet  la première théorie de la sélection  est qu’apparaissent chez certains individus, dans la longueur des temps géologiques,   de manière aléatoire, des mutations différenciantes qui les rendent ou plus faibles ou plus forts par rapport au milieu, et que ceux qui sont sélectionnés, lèguent, par transmission  héréditaire, leurs avantages relatifs. Dans l’autre théorie, celle de l’adaptation, ceux des individus placés dans des milieux différents qui ont su maximiser leurs capacités d’adaptation vont transmettre à leurs  descendants une hérédité incorporant une préadaptation positive. Mais qu’il y ait mutations aléatoires ou adaptations, on est renvoyé au vieux débat sur la possibilité de transmission des caractères acquis [xxiv] qui a longtemps été conclu en défaveur du Lamarckisme.  À ce titre, on a longtemps considéré que les influences du milieu (alimentation, humidité, température et lumière), si elles peuvent certes provoquer une variation de forme chez les êtres vivants qui affecte leur soma (le corps, hors cellules sexuelles, cad hors le noyau des gamètes portant les chromosomes, le germen) ne peuvent pas toucher au patrimoine génétique assurant la transmission héréditaire. Alors  que le germen est, par construction réversible dans le soma, puisque l’union sexuelle de deux germen  fait la descendance, ce qui a pu transformer le soma ne serait pas réversible dans le germen, sous réserve de deux exceptions : soit si une intervention  extérieure (il y a de longues  pratiques sur les plantes et des expériences étroites  portant sur des caractères de cobaye ou de volatiles) est venu en quelque sorte « « trafiquer » le noyau  qui transmet alors  la modification ; soit s’il y a des mutations aux causes mystérieuses ou telles que la radio activité).  

 

Toutefois, en intégrant dans les recherches le facteur temporel de phases d’interactions aux durées très variables, entre un organisme et des phénomènes environnementaux, on envisage aujourd’hui des hypothèses intermédiaires[xxv]. Les évolutions de l’expérimentation, de l’observation et de la  réflexion théorique suggèrent ainsi des diversités de voies de plasticité d’une même souche originaire. Mais la théorie, qu’ Yves Coppens aime nommer « Out of nowhere » - le passage d'Homo erectus  à Homo sapiens s’est fait parallèlement dans toutes les régions du monde, sauf dans un certain nombre de régions particulièrement isolées, notamment en Europe  ou Homo erectus n'a pas évolué en H. Sapiens mais a donné naissance à l'homme de Néandertal  et,  par la suite il y aurait eu un « grand métissage » entre les Homo sapiens venus d'Afrique et ceux se trouvant sur place – ne paraît pas absolument invraisemblable.

 

Si l’on ne peut pas totalement exclure que des « races », au sens de souches différentes d’une même espèce sapiens,  puissent exister – et d’ailleurs peu à peu, se dissoudre, au moins marginalement,  par des métissages, et afin de ne fonder aucun risque de racisme  dans une éventuelle diversité géographique des origines,   pour ma part, sans évidemment être apte à trancher quoique ce soit sur le fond,    je croirais prudent de ne pas lier l’égalité de tous les hommes entre eux à l’unicité de leur souche d’origine.

 

 

6 – De toute façon, plutôt que conduire une mythologique bataille de mots,  il faut valoriser les différences.

 

 

Tout revient à une définition du mot “race”. Si le mot correspond à la notion de « gènes communs et exclusifs à un groupe d’individus », la « race » n’existe pas,  puisqu’aucune population humaine ne possède exclusivement des gènes propres, les différences anatomiques que l’on perçoit, par exemple entre un individu asiatique et un européen, n’étant – pour parler schématiquement - que l’expression plus ou moins forte de gènes communs.  Mais, si, conformément à la suggestion de François Lebas (Directeur de recherche honoraire de l'INRA) « au sein d'une espèce, une race est ….une collection d'individus ayant en commun un certain nombre de caractères morphologiques et physiologiques qu'ils perpétuent lorsqu'ils se reproduisent entre eux...", la « race » existe, le mot pouvant d’ailleurs  être remplacé par celui d’ethnie. Il s’agit donc d’un mot qui porte bien des ambigüités : il ne signifie scientifiquement rien, mais il répond à des réalités ; il a été levier d’agressivité et il est support de dignité; historiquement conflictuel par les méfaits et dominations qu’il a porté, il est la référence  militante permettant  l’expression des volontés de justice et d’égalité. Au lieu de d’abolir la notion de race , ne faut-il valoriser un combiné des constats de « races » et d’ »ethnies » ?

 

 

Ça me semble une interpellation biaisée que celle signée Foucard dans Le Monde du 3 juin : « Les " races humaines " existent?  Alors énumérez-les !” Car, sans doute, on peut les énumérer en se référant aux groupes de population définis par Cavalli-Sforza (cf. tableau joint). Même si l’auteur a raison de marquer combien le parallèle est insoutenable entre des races animales ( qui n’ont pas le même patrimoine génétique) et des  races humaines ( qui ont toutes le  même capital génétique, se trouvant, selon des groupes de populations, différemment exprimé), il mérite la réponse qu’on peut nommer une appréciable variété de “diversités ” humaines, au sens de groupes de populations marquées par des phénotypes et caractérisés par des cultures singulières; et il faut que les débatteurs admettent en partage que si « races » ou « ethnies » il y a,  la définition de leurs caractères et frontières peut comporter une pure approche phénoménologique , mais dont la part de malléable devrait être restreinte par une convention sur le sens des mots .

 

Certes, c’est ce qui est regardé (ou ressenti) comme une race ou une ethnie est ce qui est une race ou une ethnie, ce qui renvoie aux appréciations, (reprises par bien  des auteurs souvent submergés dans de douloureuses subjectivités) de J.P.  Sartre ou de Frantz Fanon . Toutefois ne peut-on admettre que le premier terme est un vocable caractérisant par la saisie d’un caractère simple, visible et sommaire, un large ensemble humain (en langage populaire, par ex. « les Jaunes » et en approche « scientifique » les  trois groupes d’ « Asian » des « clusters »  de Cavalli-Sforza) ? ; admettre aussi que le second vocable, au sein de l’un de ces ensembles inclusifs, selon le nombre des critères pris en compte, définit de manière de plus en plus pointue telle ou telle communauté  (en terme ethnographique, par ex.  « les Hmong » ) : dans les deux cas, malgré la différence de sens entre ces réalités apparentées que sont  “race “ et “ethnie”, ces termes désignent bien   ce qui, d’un point de vue externe ou interne, est perçu et/ou ressenti comme l’existence de différents niveaux de groupes identitaires correspondant au partage de certains facteurs communs entre des personnes s’inscrivant dans une part de même histoire  et constituant  des complexes géo/phénotypo/culturel; celui –ci pouvant être variablement et souplement défini selon des approches d’échelle différentes avec plus ou moins de recul, et donc en distinguant  des traits identitaires très généraux ou plus précis  selon la taille de la population  considérée et le cas échéant selon les métissages intervenus qui font – en faisant sauter les inclusions dans une « race » et une autre - ce qu’on nomme avec , hélas, des connotations hiérarchiques, «  les frontières de couleurs » dans bien des pays tropicaux.

 

Mais il n’y a pas de base à des distinctions juridiques, ce qui condamne complètement, par exemple, la notion américaine de “race  hispanique, encore que l’on soit obligé de tolérer la notion recognitive d’un “caractère hispanique” ou « yankee ». Il va de soi que ces pratiques de langage - qu’on ne supprime pas par décret - doivent exclure des indications de caractère stéréotypé ayant pris, à travers les racismes historiques, une valeur de stigmatisation, sauf si les intéressés se reconnaissent ainsi et demandent eux-mêmes à être nommés d’un nom qui était une tare et est devenu une forme de gloire. . 

 

Le sexe et la race  - qu’on le veuille ou non – sont des données immédiates des sens et de  la conscience.Comme l’observait Colette Guillaumin il y a 25 ans [xxvi] il faut surmonter un paradoxe.  «Non, la race n’existe pas. Si, la race existe. Non certes elle n’est pas ce qu’on dit qu’elle est, mais elle est néanmoins la plus tangible, réelle, brutale des réalités». «Parler de question raciale n’est pas supposer l’existence des races et donc entériner à notre insu l’idéologie raciste», mais tenir compte de phénomènes individuels et collectifs omni présents ».

 

Pour en tenir compte, ne faut-il accepter que bien des mortels utilisent le mot simple de « race » – même s’il a pris de redoutables connotations, mais qui sont aussi celles vis à vis desquelles on peut entretenir tous les contrefeux indispensables ? En définitive, ne doit-on faire preuve d’une grande relativité et tolérance sur la question  sémantique ; d’autant que ce champ n’est pas vierge et comporte des références positives  qui, dans la conscience universelle,  ont prévalu sur les instrumentations tragiques. Ces références sont celles qui peuplent les déclarations des droits et se trouveraient vidées de tout leur volontarisme si le recours au terme de “race” disparaissait de notre Préambule par on ne sait quelle procédures nationale et –on voit encore moins par quelles procédure - du corps des déclarations internationales solennelles en la matière.    

 

Qu’est-ce qui est d’ailleurs le plus important ? Quand les sciences molles ne peuvent que constater des diversités raciales et ethnographiques, tandis que les sciences dures démontrent qu’il n’y a pas de fondement génétique à la notion de race, n’est-ce -  par dessus  leur dialogue -  à un volontarisme politique farouche, enraciné dans le constat physiologique et le principe moral de l’unique nature de tous ceux qui peuvent avoir ensemble des enfants, de proclamer - que la bonne hypothèse de souche humaine soit  une ou plurielle – l’égalité de tous les membres des différents groupes de populations du monde ? Ai-je  besoin  de savoir que l’espèce humaine possède en  partage le même patrimoine génétique à 99,9 %  pour, physiquement, sexuellement et moralement,  ressentir l’unité humaine telle qu’en attestent les capacités d’interfécondité de toutes les races et telle que des capacités correspondantes d’intercommunication travaillent à en développer les solidarités ? La déclaration de l'UNESCO datée du 20 juillet 1950 proclamant que « l'humanité est une et que tous les hommes appartiennent à la même espèce », alors qu’elle était manifestement enracinée dans l‘élan des sens et de l’esprit, n’a bien été scientifiquement validée qu’a posteriori ! Il y a un lien fondateur entre, d’une part, la divisons des humains entre deux sexes distincts dont la complémentarité assure la fécondité, et, d’autre part, la réalité physiologique de l’unité de l’espèce ; la procréation uniquement possible entre interféconds fait de l’altérité entre les deux sexes et de l’égalité interraciale s’exprimant aussi bien dans les identités que dans des métissages  les deux pivots conjoints  du monde.

 

Il faut donc valoriser les différences entre les deux sexes tout en se gardant du « sexage » par lequel la précitée Colette  Guillaumin et, la sociologue qui fit ensuite la fortune de ce terme,  Michèle Causse désignaient la réduction d'une personne à son sexe. Il faut aussi valoriser la coexistence de races, d’ethnies et de cultures différentes, sans chercher à les abolir, mais en recueillant tous les fruits (et les devoirs) de leurs intercommunications. Dans les deux cas, pour ces coexistences, entre le sexe féminin et le sexe masculin, entre des communautés ethniques de cultures diverses, la tension qui existe dans notre société est entre deux voies : la voie de l’uniformisation dans laquelle chacun devient identique, interchangeable, et où il faut aller ailleurs pour retrouver les saveurs du monde. Ou la voie du respect et de la volonté des différences, en appréciant une société composite, en reconnaissant chacun irréductible à l’autre, mais en devant à tous une même égalité et une même équité. Il est bien évident que c’est pour beaucoup affaires d’éthique et de mœurs, et que cela ne relève pas jusqu’au bout du droit et des pouvoirs politiques. S’il appartient à ceux ci de légiférer pour résorber les injustices établies et d’être intraitable sur la sécurité de qui est menacé, l’incursion démesurée des politiques dans la gestion des mœurs et dans des appréciations sur les relations entre les hommes et les femmes, de même pour gérer les relations  entre  les communautés différenciées ( au moins, un long moment même en cas d’intégration) selon leurs origines et selon leurs cultures ( dont leur religions ; et avec une part d’inévitables impacts sur leurs modes de vie)   est une démarche – et souvent une démarche d’ingérence lorsqu’elle sort du champ de faire respecter l’ordre public et les bonnes relations de voisinage -  qui entretient les tensions plus qu’elle ne les résout.

 

C’est jusque dans la Constitution qu’au lieu d’envisager de supprimer le mot « race », il faut le valoriser. Dans la Revue « les Outre-mers français - année 2012 »[xxvii], je me suis, sur ce point , exprimé de la manière suivante : « …la Nation n’a pas été faite de l’assimilation d’allogènes au cas par cas,  mais par des insertions successives, selon diverses étapes et transactions, tantôt de nouveaux incorporés par extensions territoriales, tantôt de nouveaux arrivants par immigrations, les uns et les autres pouvant plus ou moins individuellement  ou familialement se  fondre dans la collectivité  ou s’y continuer en des formes de communautés. Si on ne peut aller jusqu’à dire simplement que la Nation française a été formée de divers peuples – puisque les rôles et poids respectifs des divers composants humains de l’histoire et de la démographie de la France ont été bien différents – il faut, pour le moins, afficher que cette Nation n’est ni uniforme, ni destinée à le devenir, mais qu’elle est plurielle et appelée à continuer ainsi : elle inclut ces minorités que voudraient nier des principes, mais qui sont toujours « visibles » ou  identifiables. Aujourd’hui, moins placée, à notre sens, sous la menace spirituelle et politique de l’Islam que déjà possédée par l’expansion matérielle et financière de l’Asie, la part dominante de notre société nourrit des fantasmes la conduisant à préférer l’ouverture aux marchandises plutôt qu’aux hommes, à partager plus facilement les liens d’affaires que les rémanences des points communs de civilisation. Alors que, par l’incorporation des Traités européens,  la Constitution a intégré, sans toutes les prudences utiles, la mondialisation commerciale, elle devrait mieux incorporer, avec les précautions nécessaires, la mondialisation interethnique, d’autant que les immigrations que reçoit notre territoire sont pour une part  non négligeable un héritage indirect de l’Union française ».

 

« En conséquence  le texte même de la charte fondamentale serait à réviser d’une manière qui, au lieu d’interdire toute portée aux distinctions, positiverait la diversité : « La France assure l’égalité devant la loi de tous  les citoyens- et, à ce point, remplacer « sans distinction » ce qui est négatif, par ce qui serait constitutif de la reconnaissance d’une société composite, par : dans le respect de leurs différences d'origine, de race ou de religion ». Et, à titre de signe pouvant assurer à la France bien des adhésions, cette Constitution ne devrait-elle ainsi inscrire qu’elle garantit,  dans le cadre de ses lois,  le respect  des cultures des minorités nationales  et celles des résidents étrangers présents sur son sol ? »

« Double provocation que l’idée de constitutionnaliser d’une part la reconnaissance de la diversité des composants du peuple souverain, d’autre part le principe d’un droit des minorités. Il y a eu de ces schémas  dans de puissants empires et il y en a dans des États critiqués. Peut-on imaginer que l’esprit français s’applique à imaginer ce qui pourrait être ainsi, comme une forme de suite, bien plus étroite, mais devenant réellement égalitaire,  à un Empire disparu ? Et le rôle que cet esprit pourrait jouer, peut-être mieux que l’Union pour la Méditerranée en tant que charnière d’Europe, pour donner une nouvelle dimension à la tradition universaliste française ?

 

 

 Ce serait retrouver les « PAROLES POUR SOLDER LA MER » de Édouard P. Maunick, ce poète de l’Océan indien qui chante son « peuple arc en ciel », réconcilié par son avenir avec les étendues marines qui n’étaient pas la liberté, mais les chemins de la servitude puisqu’elles portèrent les flottes négrières des marchands d’hommes de tous les pays.

 

".. Mon Ile est un ghetto
si mes yeux ne se rivent qu'au nombril de la terre...
Mon Ile est une aubaine
si je monte à l'assaut des chemins océans
.................. ...
Que le rêve se casse
que cesse le va et vient
entre imposture du jour et menaces de la nuit
.................
Que je dise bois d'ébène
et que l'aubier durcisse au seul nom du bois noir...
Que je dise outremer
pour dire nous sommes vivants
pour scinder la lumière en égal héritage...

Que le rêve se casse
que je revienne ici
vers ma foule arc en ciel

... De quel peuple sommes nous plus
neuf que l'an deux mille
nos visages confondus
nos langues s'entremêlant
nos veines se tutoyant
nos dieux plantés en terre de même cérémonial
et nos gorges mouillées par les mêmes prières
Nous sommes le lendemain des siècles à venir
avec danse à nos reins


 

 

 

 



[i] voir « Moralopolis », éditions Tabou , 2012.

 

[ii] In « La Revue », juin 2013.

 

[iii] Les " races humaines " existent ? Alors énumérez-les ! foucart@lemonde.fr - 3 juin2013.

 

[iv] C’est un problème comparable à celui que peuvent poser certaines lois mémorielles qui en viennent à dicter une opinion univoque en matière d’histoire ou de société. 

 

[vi] Voir notamment « La Structure de la théorie de l'évolution »,  Gallimard, 2006, et l'édition actualisée par l'insertion d'articles plus récents  que l'édition originale "Darwin et les grandes énigmes de la vie", dans la collection "Points ».

 

[vii] C'est par cette citation du poète lui-même à écouter sur

http://www.tv5.org/TV5Site/publication/galerie-325-6-Premier_congres_des_ecrivains_et_artistes_noirs_video.htm (Actualité de Valérie Marin La Meslée in “L'Histoire n°312 ,  page 25) que Nicolas Sarkozy a rendu hommage à Aimé Césaire au Panthéon en avril 2011; ce fut auparavant  par la première évocation de ce thème, selon le constat à Dakar, que cette entrée sur la scène de l’Histoire contemporaine n’avait pas encore été assez largement conduite que ce discours, alors écrit  avec la meilleure bonne foi par Louis Guaino, valut au Président de la République une incompréhension totalement injustifiée.

 

[viii] selon le médecin, fondateur de l'hémotypologie *,  Jacques Ruffié ,  l'hybridation en assurant aux hommes une réserve inépuisable de variétés de types génétiques produit un plus grand nombre d'individus « préadaptés » à de multiples situations d'environnement, donc susceptibles d'assurer à l'humanité de meilleures chances d’avenir..

 * L'hémotypologie cherche à définir des groupes d'individus, c'est-à-dire des populations, en s'appuyant sur la répartition dans le monde des systèmes de marqueurs génétiques (groupes sanguins, catégories tissulaires selon les protéines). Cette discipline a montré qu'il n'existe pas de gènes marqueurs absolus d'une population et que la notion de race n’a pas de fondement biologique. La rareté ou la fréquence de certains gènes peuvent caractériser une population. Ces différences de fréquence peuvent avoir des conséquences sur le type de pathologie observée.

 

[ix]   Comme le chantait le poète révolutionnaire, Jacques Roumain. 

 

[x] Voir

- sous la direction de Sarga Moussa, « L’idée de « race » dans les sciences humaines et la littérature (XVIIIe et XIXe siècles) », l’Harmattan 2003.

- F. Monneyron et G. Siary, «L’idée de race, histoire d’une fiction », Berg International, 2012.

 

[xi] Lors d’un affrontement judiciaire avec l’avocat de Éric Zemmour poursuivi en mai 2012  pour diffamation envers Christine Taubira, mais qui avait préféré ne pas venir à une audience correctionnelle d’où il ressortit que pour le Parquet, "l'escroquerie intellectuelle " d'Eric Zemmour n'est pas un délit pénal cf. LEXPRESS.fr, publié le 05/07/201.

 

 

[xii] du 17 puis du 24.05.2013.

 

[xiii] Sous réserve d’un premier thème incompréhensible de la part d’un biologiste

(le premier argument mis en avant par les auteurs est un remarquable contresens : puisqu'il existe différentes races de chiens - ce que chacun s'accorde à constater -, il n'y a pas de raisons valables à ce qu'il n'existe pas de races humaines),  c’est un papier très convainquant que « Sexes et races, deux réalités »de Nancy Huston et Michel Raymond (spécialiste de biologie évolutionniste à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier) soulignant tant à l’égard de la négation des sexes qu’à l’égard de celle des races que “Ces mythes modernes ont en commun avec les religions de reposer sur la dénégation tranquille de faits physiques et biologiques av

érés et irréfutables. Ils ont aussi en commun avec les religions de nous flatter et nous rassurer sur notre statut "unique", "choisi", "élu" parmi les espèces terriennes : loin de faire partie du règne animal et de la nature, nous assurent-ils, les humains jouiraient d'un statut à part. Les races et les sexes, c'est bon pour les plantes et les animaux. Nous, on est supérieurs ! On décide de notre propre sort ! Cet orgueil inné de l'humain (étant) particulièrement coriace en France, où il se combine avec la certitude nationale de disposer d'une intelligence exceptionnelle.”

Aussitôt,  a fait écho la dénégation d’un prix Goncourt, certainement très compétent en la matière puisqu’il est aussi professeur de sciences naturelles, Alexos Jenni : “Sexes et races, deux illusions” se voulant dans son style excessif (il suffit de lire – et je l’exprime en tant qu’acteur de terrain  qui s’est prononcé beaucoup plus tôt que beaucoup d’autres contre la stupidité de la guerre d’Algérie  - les démesures que comporte “L'Art français de la guerre ") : par son seul titre,  une contre vérité provocatrice , puis, soutenant à l’encontre des auteurs précédents, que  “Si l'homme n'échappe pas aux différences biologiques, rien ne permet de conclure à l'existence d'un déterminisme” , alors que les auteurs précédents n’avaient, à mes yeux, apparemment tiré aucun déterminisme de leur  constat d’une réalité des sexes et des races.

 

[xiv] Par exemple

http://www.ac-grenoble.fr/svt/log/3eme/log_ebc/OMHtmlExport/La_notion_de_race_n_existe_pas_pour_l_espece_h.htm

- et comme vulgarisation < www.Hominides.com>  cf. article »« Race humaine, couleur de la peau et génétique - Hominidés.html »

- voir aussi la documentation  sur évolution et génétique de l’Université libre de Bruxelles

 

[xv] L'espèce se définit comme une communauté d'êtres vivants interféconds (ou interfertiles, capables de se reproduire entre eux), pouvant échanger du matériel génétique et produisant des descendants eux-mêmes féconds (en effet, dans le règne animal, certains individus du même genre mais appartenant à des espèces différentes peuvent se croiser pour donner un individu hybride, généralement stérile

 

[xvi] cf. « Les Animaux dénaturés » , roman de Vercors publié en 1952 : Des anthropologues partis à la recherche du « chaînon manquant » (hypothétique créature intermédiaire entre l'homme et le singe) découvrent une population dont un homme d'affaires imagine de faire une main-d'œuvre totalement exploitable parce qu’elle ne serait pas couverte par les droits de l’homme ;  la mission cherche donc à trover le critère de l’homme. Dans cette fiction aucun des critères concevables ( posture, astragale, complexité du cerveau, langage) dont le livre fait le tour ( et c’est tout son intérêt d’illustrer alors l’interrogation de l’époque… avant le séquençage complet de l'ADN du génome humain.) n’apporte de réponse ; même pas l’interfécondité  parce que des femelles de la population imaginée fécondées par du sperme d'homme ou de singe se révèlent toutes fécondes, ce qui interdit d'avoir la réponse par ce critère avant que ces rejetons ne soient eux-mêmes en âge de procréer).

Débouchant sur  l’impasse , le livre s’achève en drame, mais Vercors a ou ainsi mettre en évidence les relativités de l’humain…et c’est pourquoi il est sous titré “plus ou moins homme » en voulant illustrer la continuité du vivant et les risques d’inhumanité de la part de ceux qui sont des hommes envers des vivants ressemblants, voire envers  divers types de leurs semblables (en les disqualifiant d’être humain comme le firent les nazis auquel le résistant Vercors ne cesse sans doute de penser dans cette œuvre ) .

Une circonstance réelle comparable est celle du face à face des conquistadors et des Amérindiens : si ceux-ci sont des sous-hommes, les Européens peuvent les exploiter à mort et les tuer; si ce sont des hommes, ils doivent les évangéliser; pour les Amérindiens, si les Blancs sont des dieux, ils doivent se soumettre; mais si leurs corps pourrissent, ils doivent les combattre.

 

[xvii] Deux expressions différentes d’un même gène sont, par exemple, la chenille et le papillon.

 

[xviii] Ainsi Albert Jacquard,  en soulignant que race n’est pas réductible à descendance, soutient que pour avoir l’uniformité ethnique d’un groupe, il faudrait autant d’années d’isolement  que de membres du groupe.

 

 

[xix] SELON http://www.larecherche.fr/savoirs/evolution-homme/races-01-07-2004-83213  

 du 01/07/2004, par Marcus Feldman, Richard Lewontin, Mary-Claire King.

 

[xx] Voir le tableau de ces groupes in http://fr.wikipedia.org/wiki/Luigi_Luca_Cavalli-Sforza

et ses ouvrages de synthèse

·  Génétique des populations, éd. Odile Jacob, 2008.

·  Evolution biologique, évolution culturelle éd.Odile Jacob 2005

·  L'Aventure de l'espèce humaine éd. Odile Jacob, septembre 2011

 

Par ailleurs, référence à une variante, cf. in Le Point du 28/02/2008 Une seule race, mais sept groupes biologiques

 

 

[xxi] Selon une étude de l’Institut Pasteur et du CNRSportant sur le patrimoine génétique de 210 individus représentatifs des différents types de population dans le monde et après comparaison de plus de 2.8 millions de marqueurs polymorphes (zone de variabilité) répartis sur les chromosomes, il semblerait que les grandes différences humaines, aussi bien au niveau de l’apparence (couleur de la peau, des yeux, morphologie) que de la sensibilité aux maladies, soient dues à la variation de seulement 582 gènes dont les mutations ont procuré un avantage sélectif à ceux qui les portaient.

 

[xxii] Distances génériques entre plusieurs populations : en se basant sur l’ADN autosomal, les Européens du Sud tels que les Grecs et Italiens du Sud apparaissent soit à peu près autant distants des Arabes du Levant (Druzes, Palestiniens) que des Scandinaves et Russes, soit plus proches des premiers. Un Italien du Sud est ainsi génétiquement deux fois et demi plus proche d'un Palestinien que d'un Finlandais. . Par ailleurs, en avril 2011, Moorjani et ses collègues, ayant analysé plus de 6 000 individus provenant de 107 populations différentes en utilisant une nouvelle méthode d'estimation des origines ancestrales, ont montré que presque toutes les populations sud européennes présentaient une proportion de gènes ( de fréquences alléniques) d'Afrique sub-saharienne située entre 1 et 3 % (3,2 % au Portugal, 2,9 % en Sardaigne, 2,7 % en Italie du Sud, 2,4 % en Espagne et 1,1 % en Italie du Nord). Ce flux de gènes africains aurait pu se produire selon les auteurs par l'intermédiaire des Nord-Africains à la fin de l'Empire romain et lors des conquêtes musulmanes qui ont suivi.

 

[xxiii]  théorie de « la continuité avec hybridation ».

Ces controverses sont très passionnées. Cf.  Y. Coppens déclarant à la revue Science et Avenir (n° 772, juin 2011)  « L’Afrique n’est plus le (seul) berceau de l’Homme moderne ».

 

[xxiv] Selon Wikipedia, « depuis la théorie synthétique, les biologistes considèrent que le système génétique est le seul responsable de l'hérédité des variations phénotypiques, et cette transmission entre les générations est largement indépendante des changements environnementaux.

Cependant, de nombreuses hérédités « non génétiques » sont actuellement admises, et permettent une transmission des caractères induits ou appris. Nous pouvons citer en premier lieu les phénomènes épigénétiques, mais également les mutations adaptatrices, l'hérédité comportementale, l'hérédité supportée par les relations sociales, le langage, les symboles, etc.… Plus généralement le néo-Darwinisme admet qu’il n’y a que l’information génétique qui est transmise aux descendants, portée par les chromosomes de la lignée germinale. Ceci implique que les phénotypes transmis aux descendants doivent respecter la ségrégation méiotique, c'est-à-dire les lois de Mendel.

Or de nombreuses études mettent en lumière des hérédités violant ces lois, le plus souvent supportées par des mécanismes épigénétiques, comme par exemple les para mutations ou bien l’ « absorption » d’ADN exogène dans les spermatozoïdes de nombreux métazoaires. Ces exemples relancent donc le débat sur la possibilité que l’environnement puisse avoir une « empreinte » sur l’hérédité, et démontrent la transmission de caractères induits, ce qui équivaut à une certaine hérédité des caractère acquis, concept associé dans la littérature au néo lamarckisme. »

Cette question de la transmissibilité ou non des caractères acquis fait ainsi l’objet de nouvelles explorations  sous le terme de la recherche épigénètique : l'épigénétique (au delà de la génétique ) à trait à la façon dont l'environnement et l'histoire individuelle influent sur l'expression des gènes et concerne l'ensemble des modifications de l'expression génique transmissibles d'une génération à l'autre,

Cf. Edith Heard - 13 décembre Leçon inaugurale à la Sorbonne, Amphithéâtre Marguerite de Navarre - Marcelin Berthelot, consultable sur  13 déc. 201218:00  - 19:00 Epigénétique et mémoire cellulaire Edith Heard , et selon laquelle « il est absolument certain que l’environnement dans lequel nous vivons peut influencer la manière dont nos gènes sont exprimés, et que cela peut parfois entraîner des modifications stables du phénotype – et dans certains cas, des maladies. Cependant, il en va autrement dès lors que l’on cherche à savoir dans quelle mesure de telles modifications peuvent être transmises d’une génération à une autre. Au cours des dernières années, il est apparu clairement que des caractéristiques qui ne sont pas dues à des modifications de la séquence de l’ADN peuvent être transmises d’une génération à une autre chez certains organismes vivants, en particulier dans le règne végétal ; la question est donc : quel est le rôle de l’environnement ? Et ce type de processus peut-il se produire chez l’homme ? Et si oui, dans quelle mesure ? Nous ne disposons pour l’instant d’aucune réponse claire à ces questions ».

 

[xxv]  Selon un autre article wiki, sur « le néo lamarckisme »

« Il y a plusieurs échelles temporelles dans les variations environnementales

  • Les variations rapides, de l'ordre de la génération, auxquelles les organismes répondent par la plasticité phénotypique. Non héritable, celle-ci n'a donc pas d'influence directe dans l'évolution.
  • Les variations longues, de l'ordre des temps géologiques. Elles expliquent la macroévolution, et la modification des phénotypes (comme la couleur de la  peau)  sur des centaines ou milliers de générations.
  • Il existe également des variations de l'environnement d’échelles de temps intermédiaires, de l'ordre de quelques dizaines de générations. Or la variation génétique ne peut pas répondre à ces variations. La réponse à ces variations intermédiaires serait cette hérédité épigénétique. L'évolution aurait sélectionné des mécanismes de variation phénotypique rapides, héritables sur quelques générations ... et donnant un avantage reproductif (qu’un organisme pourrait transmettre comme variation à ses descendants…Il existerait donc des « échelles de l'évolution » supportés par des mécanismes biologiques différents afin de répondre à des variations de l'environnement d'échelles de temps variée. Cette « plasticité héritable » à un donc un enjeu fondamental très important pour la compréhension de l'évolution, particulièrement dans la période actuelle où les organismes doivent faire face à une pression de sélection très forte, en grande partie dut à l’homme, mais aussi pour comprendre comment les populations naturelles vont s’adapter au réchauffement climatique »

 

[xxvi] Citée par E. Fassin dans «De la question sociale à la question raciale ?» (La Découverte, 2006).

 

[xxvii] à la faveur d’un compte rendu (publié sur ce site)  sur le colloque  « Destins des collectivités publiques  d’Océanie ».

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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 17:07

Ce texte est extrait du "Livre Bulles d'Histoire et Autres Contes vrais".

je le reproduis aujourd'hui, car je ferai, écho très bientôt ...à cette éloquente anecdote

 

 

 

 

C'était à la Bourse du Travail, une fin d'après-midi d'hiver pluvieux. Un collectif de mes amis d'outre-mer avait convié  ceux que blessent les manifestations de racisme, qui militent pour que les franches agressions ou les relents encore plus pervers de cet esprit soient poursuivis et combattus. Sous les voûtes reliées de poutrelles de fer,  aux frontons marqués des métiers du dix-neuvième siècle, face à l'hémicycle occupé d'Antillais, d'Africains, de Réunionnais, d'immigrés, de quelques exilés du Pacifique, au pied de la tribune se tenaient les intervenants pressentis, le long d'une table qu'éclairaient les tons d'une nappe en madras.

 

Ils ont pris tour à tour la parole avec émotion, avec pugnacité, avec précision, les délégués des associations, les rapporteurs des comités d'études, les avocats spécialisés, les témoins d'injustices et de traumatismes, les présidents de la Ligue des droits de l'homme et du "Réseau France Outre-mer", la nouvelle RFO, enfin pilotée par des hommes de coeur, les comédiens de couleur constatant que le noir n'avait pas toute sa place légitime sur les scènes et les écrans. Ils m'ont aussi demandé de dire quelques mots, ce qui était élégant. J'apporte aujourd'hui mon concours à la fédération des entreprises des DOM qui eut la réputation, par le passé, de représenter plutôt de grandes sociétés que dominèrent les familles blanches ou béké. Mais il est vrai que cette organisation est devenue beaucoup plus réellement fédérative de toutes les entreprises et des employeurs de toutes origines et qu'avec, bien sûr, la part de déformation de tout lobby, elle est vraiment au service des activités ultra-marines et de leurs chances de développement. Il y avait néanmoins quelque paradoxe à ce qu'un représentant du patronat soit, à côté de la statue de Jaurès, sur cette estrade illustrée par les combats conduits par tant de tribuns du monde du travail.

 

Ayant fait cette remarque, j'ai surtout voulu ensuite indiquer aux participants qu'il existait, à côté de leurs motifs d'amertume et de luttes, des raisons de constater combien ce combat contre le racisme avait déjà emporté des succès aussi notoires qu'insuffisants. Ne vivions nous pas, du fait d'abus d'autorité, de brutales hostilités, d'ostracismes inavoués, la contradiction des mauvais traitements subis par des hommes et des femmes de couleur au sein d'un monde très fortement marqué et enrichi par ce métissage qui est lisible dans la rue, dans le métro, dans les services publics, dans la mode, dans le sport, dans les arts, dans les amours, dans toute la vie politique, culturelle, intellectuelle, scientifique de notre pays.

 

Cette société comportait toujours des tares de comportements racistes, mais n'avait-elle - quand même - progressé ? Encore qu'il faille se méfier de ceux qui se plaisent à dire que "le métissage est l'avenir du monde". L'hommage aux valeurs du métissage pourrait en venir à nier les valeurs d'identité de chacun. Il fallait reconnaître les deux. La reconnaissance de l'autre n'est pas de dissoudre, mais de saluer sa singularité. C'est bien pourquoi, osais-je dire, c'est la seule manière de casser la spirale du racisme et du contre-racisme qui se nourrissent souvent des mêmes concurrences, des mêmes angoisses dans un monde marqué par le chômage, l'insécurité, la violence. Enracinés consciemment dans leurs passés, même lorsqu'ils ne vivent plus dans leurs pays d'origine, nos concitoyens d'outre-mer nous apportent la fécondité de la créolité et peuvent être victimes d'un amalgame répressif les faisant regarder comme des étrangers toujours suspects, souvent honnis. L'autre vraie question est donc bien que l'étranger lui-même ait droit à sa singularité et soit protégé, par principe, contre toute menace d'atteinte à son intégrité. Il ne faut pas seulement que le regard et les actes du policier ou de l'employé de banque ne portent pas de discrimination à l'encontre des originaires d'outre-mer; il faut aussi que le regard de ceux-ci ne soit pas de condescendance parfois à l'égard d'autres communautés de couleur, que le regard du Guyanais ne soit pas d'hostilité à l'égard de l'immigrant venant du Surinam ou du Brésil. A ce compte - que doit faciliter un monde mieux développé et donc capable d'être plus accueillant et plus juste, ce que n'auraient pas démenti bien des vieux orateurs socialistes, de formation matérialiste historique, ayant parlé dans ces lieux - nous avancerons ensemble de manière plus cohérente vers l'accomplissement de vos ambitions.

 

J'étais plutôt inquiet de ces propos dans un milieu à la fois chaleureux et susceptible dont je connais un peu - sachant qu'il est composé de créanciers de l'Histoire - les sensibilités,  les tabous, les réactions à fleur de peau. Elles s'expriment souvent par des raccourcis de langage qui marquent soit un dédain, soit une adoption . Pour marquer le rejet de ce que vient de dire un interlocuteur, on dit "Tchip". A l'inverse, quand on dit "Ti-untel", c'est plutôt affectueux. Le terme "ti" est d'abord tout simplement le créole de "petit". "Ti-moon"; les petites gens. Il caractérise aussi ce qui peut être délicat ou discret.

 

Greg Germain, comédien antillais de talent, chargé de faire la synthèse des interventions a trouvé, pour résumer la mienne, la contrepèterie de circonstance. 

 

« Le dernier intervenant nous a parlé du métissage, mais il nous a  fait aussi passer un ti-message. »      

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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 17:38

Ce  27 janvier 2010, B. Guetta sur France Inter a réservé un sort éminent à la déclaration de  Ehud Barak, ministre de la Défense du gouvernement de coalition conduit par Benjamin Netanyahu :

 

"C’est un étonnant reflet des désarrois et interrogations d’Israël. Appelant, hier, devant un parterre universitaire, à une paix fondée sur la coexistence de deux Etats, le chef du parti travailliste israélien,, a estimé que « tout autre situation, et non pas une bombe iranienne ou tout autre menace extérieure, constituerait la menace la plus grave pour l’avenir d’Israël ».

On a bien entendu.... le plus sérieux des dangers pesant sur Israël n’est pas que l’Iran se dote de la bombe atomique, que le Hamas ou le Hezbollah dispose d’armes plus sophistiquées ou qu’une nouvelle guerre éclate avec le monde arabe. Non. Le plus grand des dangers, c’est que perdure « tout autre situation » que la coexistence avec un Etat palestinien dont la naissance serait, autrement dit, urgente.

 

Ehud Barak n’est pas le seul à penser en Israël. C’est parce que son parti était arrivé à cette conclusion dès le début des années 90, avant même que ne se développent les ambitions nucléaires de l’Iran, que la gauche israélienne avait signé, avec l’OLP de Yasser Arafat, les Accords d’Oslo, ceux qui auraient, en principe, du mener à cette solution à deux Etats. C’est parce qu’il avait fini par arriver à la même conclusion qu’Ariel Sharon, ancien partisan du Grand Israël, avait évacué Gaza et rompu avec le Likoud, son parti, pour fonder Kadima, nouvelle formation centriste et favorable aux deux Etats. C’est peut-être – c’est moins clair, on verra – pour cette même raison que l’actuel Premier ministre et héros de la droite, Benjamin Netanyahu, a accepté, en juin dernier, avec toutes les conditions imaginables, la création d’un Etat palestinien.

 

L’idée est aujourd’hui majoritaire parmi les Israéliens que, faute d’un Etat nation palestinien, Israël risque d’être confronté bientôt à un changement de stratégie des Palestiniens qui demanderaient à devenir citoyens israéliens, à disposer du droit de vote et pourraient ainsi, pacifiquement, par la démographie et la démocratie, prendre les commandes de ce qui avait été la Palestine du mandat britannique, aujourd’hui divisée."


J'ajoute personnellement  que c'est sans doute pour envisager de compenser un peu ce risque démographique et démocratique que  les autorités de l'État Hébreu cherhent à attirer le maximulm d'immigrants Juifs et du même coup poussent à une colonisation qui par un effet pervers nuit à "la bonne solution" des deux États ! (ce qui illustre parfaitement les contradictions d' Israël)

Quant à B. Guetta il cntinuait ainsi :

L’idée de  l’alternative est simple, l’Etat palestinien ou une victoire palestinienne par le nombre, est devenue dominante en Israël mais pourquoi Ehud Barak, un ministre - de la Défense qui plus est - l’a-t-il en quelque sorte officialisée ?

Il y a deux hypothèses possibles. La première est qu’il a voulu faire pression sur Benjamin Netanyahu, l’amener à ne plus tergiverser mais à vraiment bouger pour parer la « plus grave des menaces ».

Autrement plus fascinante, la seconde est qu’Ehud Barak saurait que des choses progressent dans l’ombre, qu’il a voulu pouvoir apparaître, a posteriori, comme l’un des artisans du mouvement et que sa déclaration était destinée à préparer l’opinion à la possibilité d’un tournant. On ne sait pas mais, dans l’une ou l’autre hypothèse, cette déclaration est importante.

 

 

C'est sur ce changement de concept quant aux voies de traitement du besoin de justice du peuple palestinien  qu'il y a un an sur ce site j'avais appelé  appelé l'attention dand les termes ci dessous:

L’hypothèse ..... que les massacres  de Gaza puissent être jugés par un tribunal international a été regardée comme invraisemblable par certains de mes lecteurs. Or depuis lors, au vu des suspicions d’emplois  d’armes démesurées et meurtrières (avec phosphore,  et aussi avec uranium appauvri ?), et au vu de la destruction d’une installation de l’ONU, c’est le secrétaire général de cette institution qui évoque un  tel type de plainte.

De la même façon que ce qui était hier considéré comme invraisemblable ne doit être exclu, il faut aller à une nouvelle hypothèse de réglement des drames de Palestine, hypothèse que beaucoup regarderont, bien sûr,  comme à contre courant de l'Histoire, mais qui serait peut-être  en fait la chance de l'Histoire. 

L’État hébreu s’est mis sur la sellette sous bien des collimateurs, au milieu de ses impasses . Il a conduit une offensive inspirée par la loi du talion à la puissance X et  construite sur une erreur  d’estimation militaire . En voulant détruire les combattants du Hamas, il  n’a pas vu à temps à quel point le bouclier humain  dont on  leur fait honte est automatique puisque ceux-ci  sont immergés dans un camp assiégé et que pour les détruire il faut quasiment taper dans le tas. Ce qui s’est pratiquement fait jusqu’à un point  levant l’indignation internationale  et a du, en conséquence,  être stoppé. Tel est l’échec de la stratégie d‘Israël. Tandis que l’on s’interroge par ailleurs sur celles qui peuvent ressortir des deux camps palestiniens dont la plus pertinente serait apparemment que ceux-ci  - également aujourd'hui dans leurs impasses - se rapprochent en un gouvernement d’union pour des renégociations.

Mais sur quelles bases? celles de deux États, l’un hébreu et l’autre palestinien, ce qui renouvellera  les occasions de conflits et résoudrait si difficilement les questions des territoires occupés, des populations déracinées, des moyens des uns et des autres.  N‘y a-t- il une totale  révision conceptuelle à imaginer un jour ? Ne devrait -on regarder les chances que pourrait avoir  un État multi culturel ? Un État - comme devraient l’être tous les États sérieux du monde -  sachant gérer, s’il le faut, par le fédéralisme,  des différences religieuses et ethniques , mais refusant d’avoir un  pays né de leurs  héritages,  éclaté entre entités coexistant mal. Un État abandonnant donc ces voies nées  à une autre époque, sous d'autres circonstances et s’engageant, au contraire,  dans une Histoire enfin tournée vers un avenir commun, libérée de  l’inégalité des conditions humaines,  du malheur des vaincus et du malaise de bien des occupants, hors  des passés  fantasmés des uns et des autres?"

Il y a un an environ une réflexion de cette nature ne recevait guère  chez nous du moins,  droit de  crédibilité,  mais les choses ont été vite .
Moustapha Barghouti qui dirige l"’Initiative Nationale Palestinienne", parti politique créé en 2002  préconisant l’action non-violente a développé dans le New York Times du 16 décembre 2009 que 

 « La fin de la solution à deux Etats ne pourra conduire qu’à une nouvelle lutte pour l’égalité des droits dans un seul État. Israël, qui fait le choix tragique de la suprématie plutôt que de l’intégration avec ses voisins palestiniens, aura provoqué ce nouveau combat en poussant sans relâche l’entreprise de colonisation. Nul ne peut dire qu’il n’aura pas été averti.  ( note GB : et c'est bien cet avertissement que vient de relèver E. Barak)  Au bout du compte, nous serons libres dans notre propre pays, que ce soit avec la solution de deux Etats ou dans un nouvel Etat unique. »

(sur  Moustapha Barghouti et son itinéraire cf."le Monde diplomatique", interview par I.Ramonet -

www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-05-09-Moustapha-Barghouti)

 

 

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12 octobre 2008 7 12 /10 /octobre /2008 17:01
 Le magazine "choc" (du 25/9/2008) , manifestement de conviction  hostile  à la présence de populations étrangères, notamment du Sud, sur le sol français a publié un numéro spécial " L'immigration, une chance pour qui ?". On peut en schématiser les thèses présentées sous des signatures diverses dont celles d'universitaires reconnus en les résumant en deux points.

- Le premier  point  serait de fait : aujourd'hui les formes et les poids respectifs qu'ont prises  les immigrations  ( de travail; de peuplement notamment  par regroupements familiaux; d'admission à l'asile pour des motifs politiques ou humanitaires; d'expansion des diasporas des sociétés émergentes), compte tenu de la recherche d'activité et de sécurité qui inspire les migrants et des  besoins et problèmes qu'ils engendrent  représenterait, même compte  tenu des apports des intéressés à l'économie et aux comptes nationaux, un coût net global très conséquent.
Cette thèse veut s'inscrire avec véhémence à l'encontre du thème souvent développé par les soutiens des immigrés et qui est récurrente en filigrane dans de nombreuses études ( y compris celle récente de la Fondation Schuman, cf. son article  en  trois parties, fin sept/début oct.) selon laquelle l'immigration - du moins une grande part de celle-ci - a pu constituer un atout pour les pays d'accueil et répond à des besoins de toute nature que ces pays  ne couvriraient pas sans ces apports.
Le caractère apparemment très documenté de cette publication devrait appeler qu'elle ne soit pas traitée par le mépris ou l'indignation  que des défenseurs de l'immigration ont peut-être trop tendance à employer pour écarter ce genre de contestation de leurs convictions. Faire ce travail que je n'ai pas seul la possibilité de mener à bien serait une tâche de clarification indispensable, tant il est vrai que laisser accréditer ce qui est soutenu,  sert trop, dans l'opinion,  les actions  répressives à l'égard des immigrés et plus encore, une conception protectionniste non pas orientée vers la sauvegarde  de notre économie, mais détournée vers un barrage à l"encontre des hommes, des femmes et des enfants venus d'ailleurs.


Pour autant que de telles comptabilités sur le capital humain  en termes d' apports et de charges puissent être faites et aient un sens, il faut donc  s'y essayer sans que ce point de fait épuise le sujet. En effet, alors même, qu'en un  moment déterminé, après ces époques passées où l'immigration de travail nous a été si nécessaire, le rapport comptable coûts/avantages des immigrations serait défavorable - ce qui n'est pas présentement impossible, moins du fait de l'immigration d'ailleurs que de l'affaiblissement de notre capacité économique d'expansion -  il n'y aurait pas de motif recevable à la contenir par principe et à la traquer, mais seulement raisons de mieux savoir,en concertation avec les pays de départ,  la gérer . Il est non seulement de bonne stratégie mondiale de s'y prêter, mais encore et surtout,  être pays d'accueil fait partie des devoirs des pays avancés aussi longtemps que la politique économique commerciale internationale crée, par le libre échange non régulé,  une situation qui favorise l'exploitation  des populations vivant dans des  contrées à bas coûts de revient, placées le plus fréquemment sous le joug de régimes oligarcho autoritaires.  Le pire des protectionnismes est celui qui refuse de s'exercer à raison des intérêts du négoce mondial, contre les marchandises et services  obtenus à prix de dumping, mais qui acceptant ces biens, s'en prend aux hommes, puisqu'on ne peut s'ouvrir  dit-on, aux deux à la fois, sauf à rendre encore plus complexes les problèmes d'emploi. Or si l'on régulait des entrées de biens,  on pourrait en compenser les effets aux pays d'origine  (cf. sur ce site, ma rubrique sur juste ou libre échange  ); mais quand, sans accompagnement "ad hoc",  on refoule ou on expulse des êtres humains, ils n'y a guère de compensation possible à leurs perspectives d'enfers .

- Le second point dominant de la thèse de Choc est  - semble-t-il - de soutenir que ces immigrations sont largement inassimilables pour autant qu'elles proviennent d'autres ethnies, d'autres cultures, d'autres religions . Si, bien sûr,  telle approche de principe  éclaire d'une conception à dominante de critères raciaux - nous n'osons dire d'une manière qui serait pour le moins simplificatrice , sinon caricaturale, "racistes", car les juristes du magazine pourrait tenter de contester la qualification et de poursuivre le qualifiant   -  le procès fait à la place des immigrés en France, elle nous apparaît comme le contre coup malheureusement  assez logique de la position trop  généralement tenue dans notre pays par bien des autorités politiques, certaines "compétences" sociologiques et pas mal de juristes : le destin de l'immigré , s'il veut durer et plus encore rester, est regardé comme étant de devoir "s'intégrer", soit pour faire valider une faculté de séjour, ou/et de travail, soit, a fortiori, pour prétendre à l'acquisition de la nationalité.

Sans aller jusqu' à l'assimilationisme, notre ligne directrice est clairement de longue date  celle de l'intégration, ce qui n'est pas sans ambiguïté. Cette attitude répond d'abord évidemment à celle de ces nombreux Français qui acceptent les autres à condition qu'ils cessent de faire apparaître  des identités différentes de la leur, "le racisme à la française" ( cf. sur ce site, à la date du 19/05/07, notre article "
Stratégies, tensions et progrès dans la France multi ethnique et culturelle", publié par la Revue Politique et Parlementaire , N° 1042, janvier mars 2007 : 2007 : LE MODÈLE FRANCAIS À L'ÉPREUVE  ) étant de demander la ressemblance maximale avec la population basique de l'hexagone. La politique de l'intégration se traduit ensuite par l'ensemble de ces actions qui visent à obtenir un alignement culturel minimal, une réserve des immigrés dans les lieux publics et de service public sur des spécificités, notamment de souches religieuses, qui viendraient en contradiction avec notre conception à mes yeux parfois aggressive de la laïcité ( et qu'illustre bien l'originalité législative française sur tous les signes religieux, à l 'école mais stigmatisant en fait essentiellement le port du  voile) . Qu'il y a t-il d'étonnant dès lors qu'un  magazine, disons,  très "nationaliste", doute  qu'il puisse y avoir intégration dès lors que les immigrés  conservent des coutumes (vestimentaires, alimentaires) , voire des moeurs de toute nature dont certaines manifestations ou pratiques  pouvant être symboliques d'une foi comme d'un  attachement à leurs origines   ( ce qu'illustre par exemple le Ramadan, ses disciplines et ses fêtes) et qu'ils  affichent ainsi leurs originalités  par rapport à la population  majoritaire issue du creuset  commun  qui a déjà mixté bien des traits singuliers de nos provinces comme de pays voisins .

La réponse conciliatrice de principe est dans la combinaison
nécessaire des respects réciproques : celui de  notre droit et de nos personnes françaises par ceux qui résident sur notre sol et veulent s'y implanter, étant entendu qu'à ce devoir  doit faire écho notre respect de leurs propres cultures  et de leurs propres personnes.  Il n'y a pas hospitalité lorsqu'on demande à l'hôte de renoncer à lui-même. Voilà bien pourquoi, sur ce second point d'opinion, la position  de Choc, en étant  caricature de la politique dite d'intégration,  y trouve une part de son inspiration, et ces circonstances sont ainsi pour moi l'occasion de dire que cette politique d'intégration si sourcilleuse des discriminations ( sur lesquelles elle s'est centrée ,  plus que sur l'autre  question , elle aussi cardinale, des conditions souhaitables et équitables de  la coexistence  sur notre sol de communautés différentes)  devrait en parallèle être plus souple, moins rigidement citoyenne et laïque, reconnaître, en tant que de besoin,  autant les valeurs de singularités et de solidarités communautaires que les valeurs d'alignement, de métissage et de fusion.

Dès lors que nous
constatons ( en ne partageant pas les ostracismes qui inspirent le magazine qui nous inquiète ), que nous acceptons donc, que beaucoup d'entre nous souhaitent une société mullti ethnique et multi culturelle dans l'observation  des lois de la République comme dans l'observance par chacun , lorsqu'il le veut , des valeurs et des signes de ses origines, nous estimons que, loin de menacer  la France, ces apports doivent être regardés comme la constituant désormais à due proportion  autant que son socle géographique et autant que les vagues d'immigrations du passé. Le temps doit être donné au temps pour faire sa part d'intégration; l'hospilatité adoptive doit aussi être accordée à toutes les personnalités qui ne s'intégrent pas par ressemblance mais par  loyauté s'ils restent étrangers et par citoyenneté s'ils deviennent de nationalité française.

Ces apports font partie de la construction de notre pays nourri par l'univers mondialisé qui nous englobe ;   l'intégration doit être nuancée par le droit à la différence et, en fait -malgré les tabous que la tradition assimilatrice universaliste  qui nous a trop longtemps exclusivement et orgueilleusement inspirés - par la reconnaissance de communautés pouvant avoir leurs caractéristiques singulières  et leurs espaces d'une certaine manière, le cas échéant, protégés , notamment par l'application à leur profit, si elles ne constituent pas des illégalités, des régles de vie auxquellles leurs membres peuvent tenir.  Les Iles Britanniques, la Nation américaine  de toujours, l'Autriche-Hongrie d'autrefois offrent des exemples de conglomérats de communautés  ayant coexisté et s'étant  pour une part  métissées sans  s'être dissoutes les unes dans les autres  et n'ayant pas  manqué , tout en traversant les diffiultés et tensions que l'on sait,  de  richesses et vertus. Notre Empire d'autrefois est rentré dans l'hexagone et dans le métro,  et avec lui une part du monde entier . N'est -ce pas un retour plutôt fertile - même s'il est parfois difficile à gérer - d'une lourde histoire ? Et s'il faut que les immigrés veuillent savoir marier leurs identités et nos lois, il faut que nos législateurs et certains inspirateurs d'opinions  ne fassent pas des différences, raciales, psychologiques, culturelles - fussent-elles affichées, dès lors qu'elles ne troublent pas l'ordre public - des espèces de présomption de contravention au bon ordre social ou d'irrédentisme par rapport à une  Nation qui doit désormais  être vécue et assumée comme un corps encore plus multiple que ne le fut longtemps le si riche et varié royaume de France, mais pas plus chamarré que ne l'étaient les puissances de Rome ou d'Alexandrie.                                
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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 20:35

Pour donner suite et contrepoints critiques  à la publication sur ce site de mon article de janvier/mars 2007 ( dans la Revue Politique et Parlementaire )  sur  les "stratégies, tensions et progrès dans la France multi ethnique et culturelle", je fais présentation de divers travaux de Jean-Michel Bélorgey, conseiller d'Etat,  sur mon site mac :

http://web.mac.com/gerard.belorgey

auquel je me permets de renvoyer les lecteurs intéressés
qui peuvent, à titre provisoire faire réponse sur le présent blog, en attendant "l'opérationnalité" de ce second site.

 

merci

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19 mai 2007 6 19 /05 /mai /2007 17:44
Au lendemain d'une campagne électorale dont une part des thèmes a trouvé ses sources dans l'héritage multi-ethnique (l' Empire est dans le métro) et dans la diversité culturelle (le monde entier prend nos autobus et nous y lisons des publications du monde entier) de la société française, et où les questions de "l'identité nationale" et de "l'immigration" sont apparues comme jamais, je mets en ligne l'article que je viens de publier dans la Revue Politique et Parlementaire (N° 1042, janvier mars 2007 : 2007 : LE MODÈLE FRANCAIS À L'ÉPREUVE ).
Plus que centenaire cette Revue dont c'est, pour sa 109 eme année, le N° 1042, est elle-même l'illlustration de la continuité dans le renouvellement.
Cet article est heureusement suivi par celui de Nonna MAYER et Guy MICHELAT ("Les Français sont-ils plus racistes qu'hier ?). Vous aurez la réponse soit en consultant la RPP dans une bibliothèque, soit en la commandant à votre Libraire ou au siège de la revue, 3 rue Bellini - 92800 Puteaux , fax 00 33 (1) 47 73 01 48.

Encore un scrupule. Le texte qui suit ne renvoie aux ouvrages fondamentaux sur les questions d'identité, de culture, de citoyenneté, de différence. Consulter notamment les ouvrages clefs de André Semprini, Michel Wieviorka, Dominique Schnapper, Fred Constant.


Stratégies, tensions et progrès
dans la France multi ethnique et culturelle (1)



Au regard des très nombreuses études de base sur les questions liées à ces thèmes, on ne saurait citer que quelques travaux récents, et on ne peut rendre compte de l’abondance des interventions de tous les partenaires de cet univers multiple qui apparaît comme un véritable chaudron. Aussi, cet incomplet panorama sera forcément schématique en tentant de faire ressentir, sans nécessairement en juger, l’éventail des sentiments des membres des « minorités visibles » comme de la population « de souche européenne ». Et je présente mes regrets à ceux que je pourrais blesser par quelques simplifications tant c’est délicat : dans ces relations inter ethniques, comme au sein même de chaque communauté, chacun est aux aguets des autres, ainsi qu’aux représentations qui sont données des diverses situations rencontrées ; rares sont les analyses qui ne soient contestées, tandis que toute ligne de conduite préconisée porte d’appréciables enjeux politiques. Il faut d’autant plus unir aux rappels des débats de principe et des données que collectent des enquêtes, un effort d’écoute, que, dans l’état de notre instrumentation statistique (2) et de notre pratique sociologique (3), la compréhension des opinions et sensibilités est encore plus difficile que la connaissance des itinéraires et des faits.


1 - Des cercles de l’Empire ...

La plupart des « immigrés » pourraient dire, « nous sommes ici parce que vous étiez là-bas ». Cette « société de la diversité (4) » s’inscrit évidemment dans la suite de l’Empire. Elle n’en est pas pour autant, la continuation. Cet héritage se télescope avec les effets de la mondialisation, tandis que, dans les relations de la République avec les pays qui en sont issus, le temps a fait progressivement son oeuvre, le chef de l’État ayant aussi affiché une nouvelle posture : en s’engageant pour les causes du Sud, en reconnaissant des parts occultées de l’Histoire, pour une réelle intégration de tous les « immigrés » et pour parfaire l’égalité au bénéfice des outre-mers français (5).

C’est que le premier cercle est celui des départements et collectivités d’outre-mer, se prolongeant par la présence dans l’hexagone de près de 700.000 citoyens qui y sont nés ou dont l’un des parents au moins y est né. À la domination coloniale et à une départementalisation qui fut inégalitaire a heureusement succédé une construction juridique respectueuse de chacun, mise en ordre par la réforme constitutionnelle de 2003. Dans les COM - essentiellement les pays du Pacifique - et pour la Nouvelle-Calédonie, objet d’un titre spécial de la Constitution, large compétence est attribuée pour tout le droit économique, fiscal et social à des autorités autonomes et des avenirs d’imagination constructive restent ouverts. Dans les DOM, le déverrouillage institutionnel résultant des réforme de 2003 a permis que des initiatives locales proposent des réformes statutaires pouvant entrer en vigueur dès lors que le corps électoral les approuverait. En dehors d’un changement de catégorie des îles du nord de la Guadeloupe, la modeste seule proposition d’une assemblée unique a été rejetée par des opinions dominantes craignant manifestement, même sans motif raisonnable, que toute retouche à l’existant déclenche un processus favorisant un cheminement vers une indépendance majoritairement redoutée en ce qu’elle priverait ces communautés de la couverture économique et de la solidarité sociale de la République. En effet, même si un certain nombre de retards n’ont pu être comblés, même si le libre-échange bouleverse des équilibres économiques précédents, la mise en place d’outils très importants de la part de la Nation, assistée par l’U.E (en contrepartie des concurrences commerciales imposées à nos produits tropicaux) ont donné de fortes garanties sociales et d’appréciables moyens économiques à nos concitoyens d’outre-mer. Ceux d’entre eux qui, par le passé, ont immigré vers l’hexagone ont certainement par ailleurs, eu plus de chances que les secondes générations confrontées à l’évolution du marché de l’emploi, comme à des discriminations tendant à frapper indistinctement les populations noires en augmentation issues de toutes origines.

Les rémanences de l’Empire s’expriment, en effet, en second lieu dans le nombre élevé des citoyens français issus eux-mêmes ou par leurs parents et/ou grands-parents des anciens pays qui le composaient et ayant acquis, par un mécanisme ou un autre, notre nationalité. Sur les bases du recensement de 1999, une étude de 2005 (6) décompte quelque 700.000 personnes issues de l’immigration d’Afrique sub-saharienne et 3 millions d’originaires du Maghreb par filiation depuis deux générations ( au total 23% de l’ensemble de la population d’ « origine étrangère ». Ce document porte notamment en conclusion que « si les Français d’origine africaine et turque présentent des spécificités, religieuses par exemple, ceux-ci sont loin d’apparaître comme en marge ou en rupture avec la société française et ses principales valeurs.... Sur bien des plans, à défaut de tous, l’intégration à la politique française semble au minimum comparable à celles des Français en général. En résumé, ce sont bien des Français et ce ne sont pas des Français contre les autres » . Réciproquement, selon un sondage de fin novembre 2005, deux français sur trois (chiffre un peu plus faible que celui de l’année précédant les violences urbaines) regardaient les Français musulmans tout à fait comme des Français ordinaires. Ces appréciations convergentes sont d’autant plus à positiver que sur la récente période, la médiane des acquisitions de nationalité française était autour de 150.000 personnes par an (7) dont plus des deux tiers originaires du continent africain et une sur deux originaire du Maghreb.

La troisième projection du passé est l’importance d’une population immigrée (8) , non ou, non encore, naturalisée, provenant largement des mêmes origines « impériales » (maghrébines, africaines et marginalement asiatiques) que celles des Français « issus de l’immigration ». Dès lors que, plus que l’appel des employeurs à une main d’oeuvre externe, c’est désormais la demande même des migrants pour des regroupements familiaux qui est devenue le ressort de ces implantations, ceux-ci cherchent souvent à développer et sécuriser leur présence, ce qui pose l’éventail des questions et hypothèses d’une politique de l’immigration.

2 -.... aux concepts et outils de l’intégration

L’ensemble de ces thèmes ne relève pas de la présente communication, mais, parmi eux, celui de la gestion des immigrations est gouverné par le concept clef marquant la politique française : celui de l’intégration. Les principes fondamentaux de la République, notre vision de l’homme universel, comme notre conviction dominante ethnocentriste de la qualité de notre modèle, ont conduit à traiter les arrivants par la recherche des moyens de les faire accéder à des chances d’égalité, et pour la cohésion sociale - dépendant beaucoup des risques d’allergie des Français aux différences - par le corollaire : un pilotage, dans le respect des cultures de chacun, devant les porter à être assez ressemblants pour être bien « intégrables », par le plus d’identité possible. C’est la part d’ambiguïté d’une telle appréciation qui fait débat puisqu’elle comporte, avec des frontières incertaines, aussi bien des règles évidentes applicables à tous les résidents et devant protéger les immigrés eux-mêmes (par exemple en assurant les droits des femmes), que des modes de comportements déduits de nos logiques de citoyenneté (comme, par exemple, celle de la laïcité pouvant entrer en conflit avec leurs données culturelles).

Selon une définition inspirée en 1993, par le « Haut Comité à l’Intégration » d’alors, ce concept d’intégration dans la mesure où il admet la persistance de spécificités culturelles des populations immigrées ou issues de l'immigration, se distingue de l'assimilation, qui vise à la disparition de toute spécificité culturelle et de l'insertion qui conduit à la pérennisation de ces spécificités. Pour sa part, le « communautarisme » est plutôt une pratique anglo-saxonne constituant à gérer les différences sur le constat du multiculturalisme et par la recherche de la meilleure entente entre les différents groupes. Son risque, tout en ne cherchant pas au plan civique et social à favoriser des ségrégations, est d’entretenir des hiérarchies de fait entre ethnies que des racistes ne regretteraient pas et des cloisonnements culturels que des identitaires d’ailleurs apprécieraient (9). La stratégie d’intégration n’exclut pas un certain recours à «l’affirmative action », notion mal traduite par le terme de « discrimination positive ». Celle-ci vise à corriger les handicaps ou la défaveur dont souffrent des personnes discriminées (ce peut être à des titres très divers et dans le champ qui ici nous intéresse, c’est essentiellement au titre des origines). Elle peut s’exercer selon deux principales modalités : celle d’actions spécifiques tenant compte du fait qu’il faut traiter différemment des personnes en situations différentes ; celle de réservation de « quotas » aux catégories considérées. La première voie a été de fait assez largement utilisée encore dans les années 90 jusqu’au moment où a prévalu l’idée, en divergence d’ailleurs avec des orientations européennes ,(10) de surtout valoriser le doit commun. La seconde voie, pratiquée dans d’autres domaines (par exemple au bénéfice des handicapés dans les entreprises ou des femmes dans la vie politique), ne l’a été qu’exceptionnellement comme outil de rééquilibrage ethno-culturel: par quelques décisions qui ont voulu avoir un caractère symbolique, mais qui ont pu, parfois, être regardées comme arbitraires ou maladroites. Une voie d’exploration a été préconisée par l’Institut Montaigne : des «chartes de la diversité » dans les entreprises pour y refléter à tous niveaux le multi ethnisme de la société française.

La stratégie dominante de l’homogénéisation juridique avec ses diverses déclinaisons possibles en matière de degrés d’homogénéisation culturelle a suscité de nombreuses variantes de positions d’organismes tels que SOS Racisme, le MRAP, la Ligue des Droits de l’Homme ou la LICRA et a été surveillée par des organisations de soutien aux immigrés comme le GISTI . L’évolution marquante au cours des dernières années - signifiant bien un refus d’un communautarisme ethno religieux - a été celle des outils qui opèrent désormais à l’égard de tous publics risquant discrimination.

C’était traditionnellement une association, le Service Social d’Aide aux Émigrants, qui suivait, avec un réseau de travailleurs sociaux, les questions de leur accueil et insertion. Par une prise en main plus jacobine, entre 1999 et 2001, des Commissions Départementales d’Accès à la Citoyenneté ont été mises en place pour soutenir les personnes susceptibles de discrimination et pour sensibiliser les opérateurs locaux notamment à la faveur de contrats de villes incluant des quartiers en difficultés (aujourd’hui pour plus de 1300 quartiers pour 6 millions d’habitants). Le Groupe d’Étude et de Lutte contre les Discriminations associant Etat, organisations syndicales et associations a exercé alors la double mission d’observatoire national des phénomènes discriminatoires et de gestion d’un réseau d’alerte. En 2001, en devenant le FASILD, le vieux FAS, conçu pour mettre en oeuvre une action sociale pour les étrangers immigrés, voit ses publics redéfinis : ils ne sont plus limités à ceux-ci, mais élargis aux personnes immigrées ou issues de l’immigration ainsi qu’à la société d’accueil. Il est l’opérateur pour 45 des 55 mesures pour l'intégration arrêtées tous azimuts en 2003 et pour la mise en oeuvre, en 2004, du plan de cohésion sociale, puis pour l’accueil des primo arrivants, notamment en matière d’apprentissage du français. En 2006, c’est « l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances » qui prend le relais, tandis que « l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations », instituée après la liquidation du SSAÉ en tant que service public, opère pour mettre en oeuvre des Programmes Régionaux d’insertion des personnes immigrées (avec un contrat d’accueil et d’intégration obligatoire à l’arrivée depuis 2007). Dès 1989 le dispositif a été couronné par le Haut Comité, devenu Haut Conseil de l’Intégration dont les moyens d’analyse s’appuient sur les travaux de l’Observatoire Statistique sur l’Immigration et l’Intégration.

La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité créée fin 2004 ne répond pas à un ciblage sur les discriminations raciales, mais est compétente à l’égard de toutes formes de discriminations (pour âge, handicaps, sexe, orientation sexuelle, opinion, appartenance syndicale ou autre, apparence physique, etc.). Selon son rapport de février 2006 - qui écarte naturellement que « la lutte contre les discriminations bien réelles liées à l’origine conduise à adopter des classifications ethno raciales... qui n’ont pas de réalité scientifique et ne correspondant pas à notre culture » ( ce qui est bien la philosophie française de l’intégration) - sur les 1822 réclamations enregistrées à sa date (dont 626 traitées) 39,6 tiennent, selon les requérants, à des discriminations en fonction de l’origine et les questions les plus fréquentes concernent l’emploi et le logement.

3- Des résultats contrastés : satisfactions, échecs et tensions

En passant, par cet exemple, des concepts et des outils de l’intégration à ses résultats, il faut constater qu’ils sont contrastés. La présidente du HCI a souvent souligné des satisfactions dont notamment que l’intégration de nos compatriotes musulmans est bien meilleure que dans des pays communautaristes ; ainsi, 42 % (pourcentage beaucoup plus élevé qu’ailleurs) s’estiment mieux définis par leur nationalité que par leur religion. Elle est aussi très convaincue par une ligne écartant la discrimination positive : « Parce que, contrairement aux États-Unis, jamais la France n'a inscrit la ségrégation dans la loi. À l'exception de la parenthèse pétainiste, le droit politique républicain n'a admis à aucune époque que l'appartenance ethnique fût inscrite dans la loi comme critère discriminant. La Constitution française garantit à tout citoyen l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine, de race, de religion ou de croyance. Le défi qui nous attend est donc, non de changer de modèle, mais d'aller au bout de notre modèle. Pour que la diversité devienne la règle, pratiquer des quotas, demander aux gens de se classer dans un groupe - ethnique ou religieux - est à la fois inutile et attentatoire à notre tradition. Quant à la sanctification des différences religieuses, elle conduirait la France à renier sa tradition propre ».

Mais, parallèlement, différents constats annonçaient que manifestement notre stratégie parviendrait difficilement à des intégrations pacifiées. En février 2004, alors que l’Assemblée Nationale va voter, quasiment dans l’union laïque, après le rapport Stasi, la loi sur les signes religieux, Ph. Douste-Blazy fait une très clairvoyante déclaration percevant (sans la nommer ainsi) ce que l’on peut regarder comme la contradiction qui existe à ne pouvoir assurer en même temps les autres formes d’égalité que l’égalité par l’abstention d’ostentatoire dans le port des signes religieux : « Chacun devra désormais abandonner, aux portes de l'école publique, les signes de son appartenance particulière. C'est un message fort, mais qui ne serait qu'un faux-fuyant symbolique si nous refusions d'aborder les causes réelles de ce repli identitaire..... Les minorités visibles, notamment noires ou maghrébines, connaissent un taux de chômage beaucoup plus important que la moyenne nationale. A diplôme équivalent, les Français fils d'Algériens sont quatre fois plus victimes du chômage que leurs concitoyens nés de parents français. Ils se heurtent, de surcroît, au « plafond de verre » qui les empêche d'accéder aux postes à responsabilité (11). Notre République, peut-être fatiguée d'avoir à combattre ces discriminations, les a ignorées, voire cachées, et nous assistons à la naissance de véritables ghettos. Nous devons reconnaître l'échec de nos politiques publiques, et inverser notre action. C'est même toute notre perception de l'égalité des chances qui est à revoir... »

Le rapport 2003 de la Cour des Comptes se concluait lui-même par des observations extrêmement pessimistes. Pour « une bonne partie des populations issues de l’immigration la plus récente», « des situations souvent indignes » sont « à l’origine directe ou indirecte de tensions sociales ou raciales graves, lourdes de menaces pour l’avenir.... » compte tenu de « trois difficultés majeures dont le traitement a jusqu’ici débouché sur un triple échec...:
- la concentration d’une part importante des immigrants dans des zones dont les difficultés connaissent un développement quasi exponentiel ;
- la situation économique, sociale et personnelle d’un grand nombre d’immigrants et de leurs enfants dont certains ont à faire face en outre à des pratiques discriminatoires ;
- le nombre et les conditions de vie des étrangers en situation irrégulière.


Depuis lors des efforts d’ajustement mis en oeuvre en tenant compte des recommandations du HCI ne seront pas à l’échelle des problèmes clefs non résolus, ce qui débouchera sur les émeutes urbaines de 2005 que pressentait le rapport de la Cour. Pour apprécier mésinterprétations et diagnostics que ces embrasements ont suscités, il faut évoquer la portée des racismes dans ce qui s’est passé de très signifiant lors de ces récentes années aux charnières de la société civile et de la société politique.

4 - Les racismes

La mesure du racisme en France fait l’objet de travaux si répétés que nous ne pouvons en donner les références mais seulement en dégager - ce qui les trahit un peu - les dominantes et les tendances. Plus on avance dans le temps, plus les membres questionnés des minorités visibles (de un quart en 2003 à près de 60% aujourd’hui ; mais ce ne sont pas les mêmes échantillons, ni questions) expriment un taux élevé de conduites négatives à leur égard auxquelles sont spécialement sensibles les plus jeunes, les plus diplômés, les plus intégrés et les deuxièmes générations ( encore que les comportements les plus graves auraient frappé les premières générations). En outre, 73 % de Français métropolitains originaires d'outre-mer estiment que la France est "accueillante", mais 59 % la jugent "raciste". Si l'ensemble des violences et menaces à caractère raciste et antisémite décroît par rapport à 2004 on constate, par contre, dans la deuxième partie de novembre 2005, une banalisation du racisme et de son aveu : 33 % (+8 % /2004) des sondés se déclarent « racistes » (24% « un peu » et 9% « plutôt ») ; 63 % estiment que "certains comportements peuvent justifier des réactions racistes", tandis que nombre de personnes citent les "Français" comme aussi victimes du racisme. Malgré le contexte de violences urbaines de l’enquête d’alors, 14 % seulement des personnes interrogées considéraient que le nombre d'immigrés posait un problème de sécurité. Mais une majorité en nombre plus élevé qu’auparavant estimaient le nombre d'étrangers et d'immigrés trop important. A l’évidence, pour des motifs d’angoisse sur l’emploi , mais aussi, à raison d’une jalousie objectivement infondée mais réelle que véhicule l’extrémisme : bien des petits contribuables français ont le fantasme de ne pas être au sein de catégories éligibles à des avantages comparables à ceux que peuvent avoir des immigrés (alors que tous doivent répondre aux mêmes critères, souvent bien plus difficiles à satisfaire pour ces derniers). Les techniques du « testing » - au demeurant corroborées par les dossiers de la HALDE - montrent par ailleurs que les discriminations à l’embauche vont en s’aggravant (par rapport à la moyenne nationale, beaucoup moins de réponses pour les patronymes maghrébins, encore que les « 48/50 ans » sont encore plus pénalisés), comme pour l’accès au logement.

Les mesures du racisme semblent mélanger des choses un peu différentes. Ainsi l’islamo phobie - qui est dirigée à l’encontre d’une religion et non d’une ethnie, sauf à identifier arabo-berbères et musulmans - n’est pas de même nature que le racisme colonial d’autrefois à l’ encontre des nord-africains. Différent du racisme agressif « populaire » (les violences pour causes de faciès, ces « cris de singes » sur les stades), du racisme « institutionnel » ( la loi sur les bienfaits de la colonisation, mais elle a été retirée), du racisme « médiatique » ( peu de noirs sur les écrans, mais c’est moins vrai), du racisme « intellectualo-mondain » qui serait celui de certains philosophes, le « racisme ordinaire » (12), n’est pas non plus l’idéologie raciale ou la pulsion nourrie de phénomènes sexuels qui ont porté aux exterminations, aux dominations, aux apartheids ou aux expéditions punitives. Il trouve ses causes dans la peur des torts que l’autre peut porter notamment pour l’emploi (et celui-ci peut aussi bien être un concurrent de même ethnie, comme le plombier polonais). D’apparentes discriminations peuvent aussi s’expliquer par la crainte d’avoir à gérer des questions pratiques difficiles (13). Alors même que le racisme est un poison indivisible dont les manifestations mineures peuvent préparer les pires, le fait que ces comportements semblent parfois plus contingents que fondamentaux conduit à espérer qu’ils ne sont pas les composantes d’un racisme structurel. Aussi, sans suivre certains intellectuels très situés - qui pourraient porter à faire penser que l’antiracisme vigilant devenu une « religion du monde », en faisant voir du racisme partout, serait contre-productif en le favorisant dans tous les sens - il faut se demander si des résultats présentés ne pourraient majorer l’estimation du racisme. De plus, des estimations résultent de sondages conduits auprès des membres mêmes des minorités. La subjectivité de ceux-ci, aussi compréhensible et respectable soit-elle, ne peut-elle, dans certains cas, les porter à prendre leurs sentiments pour des faits (alors que ce que ressentent les intéressés n’a pas toujours été voulu par des tiers comme offense ou discriminations). Parmi ces tiers, il en est qui estiment aussi qu’une appartenance raciale est parfois mise en avant pour expliquer des difficultés qui n’ont rien à voir avec cette appartenance ou peut être invoquée, par certains qui se considèrent comme des créanciers de l’Histoire, pour obtenir mieux que le droit commun. On voit comment en cherchant une lecture moins pessimiste des statistiques, on risque aussi de faire le jeu du racisme dont les frontières sont difficiles à saisir. Il peut en effet être inconscient, non voulu, mais perçu par la conscience de l’autre, tant il est vrai - et c’est « le poids de l’Histoire sur les cerveaux vivants » - qu’il existe comme fait d’opinion dans les dimensions mêmes où il est ressenti comme tel. S’il en est ainsi, il suffit, symétriquement, que des Blancs aussi éprouvent le sentiment d’une hostilité raciale à leur endroit pour que celle-ci existe et entretienne, par cercle vicieux, leur propre racisme. Tandis qu’entre communautés de couleurs et en leur sein, il peut aussi exister des stigmatisations raciales, d’ailleurs souvent inspirées par la hiérarchisation résultant du regard européen.

A l’inverse de la globalisation sous le terme unique de « racisme » de conduites d’inspirations très diverses et inégalement coupables, ce qui donne peut-être une idée exagérée de l’expansion de l’esprit raciste, à nos yeux, une lacune, par contre, minore l’estimation du racisme ressenti. Un facteur, non pris en compte, est souvent durement subi par les minorités visibles ou simplement culturelles. Il est qu’appuyés sur notre conception universaliste égalitaire, nous contestons bien souvent aux autres la faculté d’exprimer leur différence. Il en résulte que tout autre, pour être vraiment adopté en quelque sorte, doit accepter d’être traité comme s’il n’était pas un autre, mais le plus ressemblant possible au modèle français de référence (comme il est d’ailleurs demandé de l’établir pour obtenir naturalisation, voire pour des papiers de séjour). Ainsi, par exemple, l’intégration assimilatrice laïque a-elle voulu que voile et foulard soient proscrits dans les établissements d’enseignement, ce que d’aucuns trouvent raciste puisqu’il existe des formes de conciliation (14) que nous savons mal mettre en oeuvre. Aller « jusqu’au bout de notre modèle », comme le conseille B.Kriegel, consistant à regarder « comme inacceptable tout ce qui porte atteinte, dans une culture, aux droits fondamentaux de la personne » peut conduire à différentes voies. Celle, indispensable, conformément aux recommandations du HCI, de faire prévaloir la loi du domicile en France pour protéger des dizaines de milliers de femmes contre l’excision, la polygamie, l’inégalité entre époux, les mariages forcés. Celle qui serait sectaire, comme d’interdire dans tous les lieux publics tout ce qui paraît suspect d’originalités révélatrices de déni de droit, telles des tenues traditionnelles féminines. Celle qui se fait jour dans le « projet de charte de la laïcité dans les services publics ». En voulant répondre à certaines difficultés relationnelles pouvant résulter des exigences des uns ou des autres au sein des activités administratives, éducatives, sportives, hospitalières, etc, ce document (dont il est prévu pour l’heure, un simple affichage) est-il la réponse mesurée qui permette de concilier des principes qui peuvent se heurter - la liberté de conscience et le libre exercice public des cultes d’un coté; la laïcité de l’autre - dans une équitable application de l’égalité entre usagers des services publics ? Qu’il est difficile de trouver le bon dosage entre la protection et la tolérance.

L’essence d’un risque de racisme « à la française » - que dément, par contre, le taux bien plus élevé en France des unions mixtes que dans d’autres pays multi-ethniques, notamment aux Etats-Unis - ne serait-il, en s’écartant dans les faits du concept se voulant équilibré d’intégration, de combiner le discriminatoire et l’assimilatoire ? C’est cette tension contradictoire qui contribue à des crises et provoque les revendications identitaires. Comme l’observait Colette Guillaumin il y a 25 ans (cf. note 3) « non, la race n’existe pas. Si, la race existe . non certes elle n’est pas ce qu’on dit qu’elle est, mais elle est néanmoins la plus tangible, réelle, brutale des réalités » . « Parler de question raciale n’est pas supposer l’existence des races et donc entériner à notre insu l’idéologie raciste », mais tenir compte de phénomènes individuels et collectifs omni présents. Le fait d’adopter le regard « color blindness » qui récuse par principe de prendre en compte les faits raciaux méconnaît la prégnance - aussi réelle que regrettable - dans le monde des « lignes de couleur (15). La hiérarchisation raciale qui a si fort marqué, (et toujours encore un peu trop), par exemple, les Antilles, en fonction des degrés de pigmentation des « sangs mêlés » est un exemple de cette aliénation. C’est dire aussi qu’il faut se méfier des louanges que des gens bien intentionnés font de « cet avenir du monde » que serait le « métissage ». Si celui-ci est regardé comme une manière d’éclaircir les peaux, il est une forme de racisme. Il ne faut pas qu’il soit compris comme l’union par laquelle diluer les identités de base, mais comme le medium pour « métisser » la société, ce qui est tout autre chose. On a progressé en ce sens, mais dans un champ qui reste conflictuel.

5 –Du champ conflictuel aux lois mémorielles


Aux accusations répétées contre les immigrés (au sens le plus large du terme) ont répondu au cours des récentes années des accusations très articulées contre l’État français de la part tant de citoyens issus de l’Empire que de groupes variés d’immigrés. Les premières sont particulièrement portées par des familles extrémistes xénophobes qui voient dans la présence immigrée et la raison du chômage des « Français » et celle de charges indues des régimes de garanties sociales, mais ce sont des opinions également répandues dans bien des milieux. Il s’y ajoute en pointe l’imputation de l’insécurité à l’immigration. Même en l’absence de statistiques ethniques, la presse n’a pas eu de mal à trouver des sources stigmatisant les milieux immigrés (16) et selon lesquelles 60 à 70 % de la délinquance émanait de l’immigration. Que les catégories sociales marginales les plus en difficulté aient toujours spécialement nourri les commissariats et les prisons, ni ne les absout, ni ne réduit l’hostilité qu’inspirent aux autochtones français ces « allogènes ». C’est en tant qu’ « indigènes » que ceux-ci vont retourner des chefs d’accusation à l’encontre de la France.

« L’appel des Indigènes de la République » lancé en avril 2005, mais mûri de longue date (pour commémorer la répression de Sétif en 1945), et dont depuis l’esprit prospère par vagues (comme en attestent tous les sites net sur ces thèmes), fait en note (17) l’objet de larges extraits parce qu’on doit le considérer comme un éloquent document collectif sur la cicatrice laissée par les dominations passées et sur les malentendus de l’intégration. Si ce qu’il exprime semble pour partie irrecevable, surtout sur les parties que nous ne citons pas, le fond de celles que nous citons peut difficilement être récusé. Cet appel est bien moins inquiétant que des signes qui ont marqué gravement les rapports intercommunautaires dans notre pays. Que la Marseillaise ait été sifflée lors du match France-Algérie de foot en 2001 montre qu’amitiés et rancoeurs peuvent coexister, tandis que les effervescences chauvines des grands affrontements sportifs favorisent le défoulement de tous les plus mauvais instincts, flattés par toute une littérature policière à grande diffusion qui fait sa matière de luttes morbides entre clans ethniques Plutôt que d’évoquer comme un élément de la recomposition du paysage associatif de l’outre-mer (cf. infra), la « tribu Ka », c’est au nombre des dérives que nous préférons en faire état, en espérant que ses effectifs réputés dérisoires n’ont pas progressé, puisque, comme le rappelle la note 18 , cette association a cherché à déterrer la hache de guerre de règlements de comptes inter raciaux. Par ailleurs, à la dimension abjecte de la profanation, par certains, de cimetières israélites ou musulmans, sont venus s’ajouter, par d’autres, des cas de violences ouvertes sur des personnes. Sans inventer un racisme anti blanc ou anti establishment, il ne faut pas sous-estimer ce que signifie les agressions d’inspiration plus que crapuleuse dont des gamins ont été l’objet lors de manifestations de jeunes, ou ce que révèle les prises à partie d’agents publics (pompiers, enseignants, agents des transports en commun) au service de tous leurs concitoyens. Outre les victimes directes des émeutes, deux personnes ont été délibérément assassinées pendant cette période et certains douloureux faits divers appellent des questions.

L’ambiance des relations entre certaines minorités de minorités est émaillée par les ressacs des antagonismes entre les causes palestinienne et israélienne. Islamophobie et judéophobie se font la courte échelle. Le sectarisme des intégristes s’exprime dans les affaires comme celle des caricatures ou dans les menaces envers tel ou tel commentateur de la religion de Mahomet. Les descendants des colonisés font, eux, preuve d’une vigilance compréhensible lorsqu’ils contestent une définition univoque du mot « colonisation » dans le Petit Robert. Mais lorsqu’ils font procès à Olivier Pétré-Grenouilleau, de ses travaux sur « les traites négrières »(19) , ne serait-ce parce que les peuples de l’Empire effacent leurs divisions d’héritiers d’esclaves et d’héritiers d’esclavagistes dans la mise au pilori d’un diable unique et commun. L’opprobre ne s’applique qu’aux traites négrières dans les Océans atlantique et indien. C’est ce seul esclavage là qui a été reconnu par la loi Taubira de 2001 comme « crime contre l'humanité » (20). Telle qualification est la même que celle de l’Holocauste, mais l’esclavage n’est pas comme lui « génocide ». S’il a consisté à capturer, vendre et à exploiter ses victimes au prix de pertes et d’inhumanités considérables, son but n’était pas de les exterminer. C’est sans doute parce que la dénonciation spécifique de la Shoah lui vaut une place unique dans la conscience nationale et dans les différentes manifestations qui en résultent, que le fantaisiste Dieudonné pour lequel il y aurait deux poids deux mesures dans le traitement des victimes (21) de l’Histoire a exprimé une exaspération qui a été parfois ressentie à tort comme une provocation antisémite. « Je suis habitué au racisme anti-Noir depuis mon enfance et ce racisme doit être combattu au même titre que l'antisémitisme. Il n'y a pas de hiérarchie dans la souffrance » dit-il en 2004.

C’est à ces demandes de reconnaissance imprescriptible des exterminations et des oppressions jalonnant l’Histoire, comme des contributions à sa construction, et de prévention contre l’oubli que, de longue date, les pouvoirs publics ont répondu. Dans la filiation d’une loi Pleven de 1972 réprimant les manifestations de tous les racismes et xénophobies, la loi Gayssot de 1990 a été l’instrument contre le « négationnisme » des crimes nazis, puis une loi de janvier 2001 a reconnu le génocide arménien et sa négation vient d’être pénalisée par un texte de 2006. Sur l’impulsion surtout des rapatriés, mais avec aussi un large assentiment de l’opinion, la loi du 22 février 2005 a stipulé la « reconnaissance du caractère positif de la présence française », notamment en Afrique du Nord, et - comme la loi Taubira l’a prescrit pour l’esclavage - son enseignement. Ces divers textes ont le facteur commun de l’ingérence du législateur dans la lecture de l’Histoire, mais sont de portées différentes. Les lois Gayssot, Taubira sont pour une part normatives, non seulement en ce qu’elles interdisent ou prescrivent, mais en ce qu’elles donnent à un ensemble de faits historiques une qualification inscrite dans plusieurs instruments internationaux. Quant à la loi sur les bienfaits de la colonisation, ce qu’elle prescrivait était beaucoup plus flou et ne relevait pas du domaine législatif, si bien que la disposition incriminée a pu être, sur saisine du Président de la République, délégalisée par le Conseil Constitutionnel, après qu’elle eut fait l’objet des feux croisés des juristes, des historiens et des ex-colonisés.

6 - La recomposition des milieux associatifs d’ultra marins

C’est contre cette «loi de la honte» que s’inscrivirent en effet les associations qui recomposent la représentation des ultramarins en métropole avec l’apparition d’organisations transversales ayant d’ailleurs entre elles d’importantes divergences de points de vue. Par un récent passé, les organisations se faisant entendre en métropole étaient essentiellement des associations regroupant, selon leurs affinités géographiques d’origine, des domiens et constituaient plutôt des amicales à but culturel et social, tandis qu’il y a toujours eu, proches de l’establishment, des formations réunissant de nombreux membres des cadres, professions libérales et politiques de l’outre-mer dans une mission de représentation globale de ses intérêts matériels et moraux.

Mais deux acteurs (en attendant ceux qui se constituent à la faveur de la campagne présidentielle) de style très nouveaux, ont fait leur apparition. En février 2003, le «CollectifDom », habilement présidé au départ par P. Karam et récemment par l’écrivain C. Ribbe, réputé pour sa pugnacité, s’est constitué en revendiquant dix mille adhésions et s’est jusqu’à présent focalisé sur des questions concrètes très sensibles, comme les prix du transport aérien et la situation du logement, en tenant une position philosophique absolue anticommunautariste qu’exprime bien sa dernière adresse de décembre 2006 au Président de la République : «Il ne doit pas être question de noirs et de blancs, mais seulement de Français ».

Pour autant il n’en existe pas moins ce que des magazines autrefois ont appelé une espèce de « marché black » dans l’Hexagone : quelque 3 millions de personnes partageant un certain nombre de mêmes problèmes, pouvant avoir de mêmes goûts, fréquenter de mêmes commerces, utiliser de mêmes produits, apprécier les mêmes modes et instituts de beauté, même si c’est un monde très fragmenté (22) et que cible, selon des segments de clientèles - il n’y a pas « une musique noire », mais tout l’éventail des mondes dans celles qui sont aimées - un clavier de medias différents mais complémentaires (de RFI et RFO à MTV, en passant par la radio Média tropical et par des magazines qui ont du mal à trouver leur rentabilité, précisément parce que ce monde riche est peut-être consonant mais n’est pas homogène). Cette réalité mosaïque - « nous, le peuple arc en ciel » dit le poète Edouard P. Maunich - a été fracturée par de réelles oppositions et parfois mépris réciproques - entre Africains, Caraïbéens, Réunionnais - mais elle constitue une force latente qu’une nouvelle organisation, au vu du choc moral des violences urbaines de 2005, a voulu révéler et mobiliser.

Né, fin novembre 2005, de l’appel d’une soixantaine d’associations le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) présidé par P. Lozès, veut donc regrouper les Noirs de France, d'origine antillaise et africaine, avec l’ambition - qui semble bien accueillie (23) - d’être un « interlocuteur institutionnel» pour leur cause, de « les compter pour qu’ils comptent » de dresser le bilan des discriminations «ethno raciales» (deux choses ce qu’il a commencé à faire : cf. note 4) et de parvenir à obtenir « une véritable égalité» entre les différentes communautés. En soulignant que « les populations noires ne sont pas discriminées parce qu'elles sont immigrées », que «ce sont des Français comme les autres que l'on ne peut ignorer », le CRAN retrouve de fait une plateforme commune avec CollectifDom, de même qu’au nom des droits de l’Homme, les deux organismes - qui se sont beaucoup malmenés l’un l’autre - assurent de pair vigilance et contentieux à l’encontre des « sorties » (comme celles d’un G. Frèche ou d’un P. Sevran) faisant injures à tous les ex-colonisés.

7- Les lectures françaises des violences urbaines (24)

Ce sont largement ceux-ci qui sont concentrés dans les cités difficiles où il y aurait (selon ce que semble indiquer des morceaux d’enquêtes) une prédominance d’arabo-berbères et de subsahariens et beaucoup moins de domiens, toujours quelques immigrés européens côtoyant les familles les plus déshérités de notre éventail social, encore que fréquemment des environnements semi résidentiels ou pavillonnaires sont peuplées de membres souvent retraités des petites classes moyennes.

Plus de vingt ans après la marche des Beurs pour l’égalité en 1983, la crise ayant embrasé des banlieues a été une gifle pour la politique française d’intégration. Des situations comparables d’immigration concernent d’autres pays européens ; de mêmes procès sur les passés coloniaux ont lieu à l’égard de toutes les anciennes grandes puissances; de violentes interpellations ont toujours secoué les Etats-Unis. Mais la France considérait sa méthode comme une bonne leçon pour les autres - qui ne se sont pas privés de ricaner - et les demandes parlementaires de commission d’enquête ou les inquiétudes de tous ceux qui redoutent de nouvelles explosions dont le risque est rémanent montrent bien que le partage d’une compréhension de leurs causes n’existe pas vraiment.

C’est que les diverses lectures françaises de ces violences ont été peu compatibles entre elles. En schématisant, il y a deux approches dont l’une est d’imputer ces crises au fait de l’immigration (ce qui met en cause la politique de l’immigration et nourrit l’argumentaire pour la durcir), dont l’autre est d’en trouver les motifs dans les conditions d’existence faites aux immigrés (ce qui met en cause les moyens de l’intégration et de la politique sociale et nourrit l’argumentaire pour les renforcer). La première approche met en exergue un prolétariat venu de manière mal contrôlée de l’extérieur qui ne peut parvenir à s’intégrer et dont les émeutiers vouent haine à la France. Selon A. Finkelkraut (25) , "la violence actuelle n'est pas une réaction à l'injustice de la République » - qui assure aux immigrés de bien meilleures conditions de vie que dans leurs pays d’origine - « mais un gigantesque pogrom antirépublicain" mobilisant des jeunes dont « la plupart sont noirs ou arabes avec une identité musulmane ».

La part d’explication par la religion « peu présente » (l’Islam n’a ni inspiré, ni contrôlé les mouvements) ne sera pas confirmée (26) . Quant à l’autre part d’explication, selon laquelle, au fond, des minorités s’excluraient elles-mêmes par leur propre ancrage racial, c’est ce que la seconde approche veut aussi nier lorsqu’elle trouve dans les conditions d’existence faite aux « immigrés » la raison fondamentale des troubles. Ces conditions par leurs aspects discriminatoires et les pénalisations matérielles qui vont de pair expliqueraient quasiment tout. Il est certes bien vrai que la crise des banlieues est l’explosion d’un supplice de Tantale de jeunes estimant que, « privés de travail par les discriminations, ils ont le droit de se procurer, par des moyens illégaux, les biens » si tentants que la société de consommation, en même temps, leur fait miroiter et leur refuse. Il est toujours vrai que l’émeute est le ressac des sentiments d’abandon, de relégation scolaire, de cantonnement résidentiel, d’humiliation par des contrôles musclés et terrorisant jusqu’à la fuite mortelle dans un transformateur. Mais la contrainte du «groupe des pairs » sur les jeunes embrigadés, avec leurs « cultures souvent méditerranéennes de l’honneur, du défi, de la fierté », dans des « compétitions de l’apparence » aboutit aux clans adverses nourris par vols et trafics. Enfin, au delà du « jeu contre les forces de l’ordre », il y a eu agressions et crimes. Modèles et actes de combat ont offert jusqu’aux pires manière d’exister, surtout s’il y a reprise par les médias, parce qu’il n’y en a guère d’autre, dès lors que ces jeunes n’ont pas de débouchés accessibles. Non seulement parce qu’ils sont discriminés, mais parce qu’ils entretiennent les motifs d’exclusion à leur encontre : par leur look, leur langage, leurs provocations (comme certains « rapp »). Faire évoluer leur système de valeurs, réformer partie de ces comportements, rendre les intéressés aptes à passer un entretien d’embauche est largement - dans l’incapacité fréquente de fait, plutôt que dans la démission, de familles éprouvées et dont les cultures décalées n’offrent plus guère d’outils pour affronter le monde contemporain - dans les cas appelant sanctions pénales, de la compétence de missions de rééducation, dans le cas général, du rôle des administrations sociales. Mais encore faut-il qu’il n’y ait pas déficit d’offres d’emplois, le travail étant l’irremplaçable voie de l’insertion par l’activité, par la dignité, par des ressources non délictuelles, par un début de sécurisation. Aucune politique d’accompagnement par des services publics et sociaux, aussi nécessaire soit son renforcement quantitatif et qualitatif, ne remplacera un marché porteur du travail. Si des offres d’emplois, adaptées et suffisantes, pouvaient exister, l’appel à la responsabilité des jeunes eux-mêmes aurait tout son sens.

En résumé, s’il est vrai qu’il y a une superposition diabolique de la question raciale et de la question sociale, diagnostics et remèdes qui procèdent de ces seuls regards comportent les uns le risque d’ostracisme xénophobe (sans d’ailleurs véritable mise en oeuvre possible puisque les immigrations sont des phénomènes sans retour dans une Europe assiégée par les pauvres du monde), affichent les autres un angélisme impuissant (puisque l’égalité des traitements sociaux ne peut avoir aucun effet magique pour créer de l’emploi s’il n’y en pas assez). La question clef n’est ni raciale, ni sociale ; elle est économique. Ce n’est pas le racisme qui explique à lui seul l’exclusion de nombreux membres des minorités visibles des chances d’emploi et d’insertion ; c’est le marché qui lamine les marginaux auxquels appartiennent parmi d’autres, mais au premier chef, avant d’être mieux outillées, les minorités ethniques immigrées. Il est d’autant plus difficile aux vieilles sociétés de gérer l’entrée des hommes sur leur territoire (voilà pourquoi elles essaient de se fermer) que le libre échange international y fait pénétrer les produits des « low costs countries » chassant notamment les types d’emploi peu qualifiés qui ont longtemps été ceux des immigrés, ceux-ci se tournant de plus en plus vers les services non délocalisables. C’est dire qu’en cessant de confondre les effets et les causes, la seule réponse de fond aux crises de cohésion nationale nées de pauvreté et de précarité se trouve dans une stratégie économique mondiale et nationale garantissant mieux certaines activités contre les dumpings, assurant notre compétitivité dans celles qui sont encore viables et ouvrant des chantiers d’innovation et de services pour en créer de nouvelles. « Quand le bâtiment va, tout va »...mieux, y compris la gestion de l’immigration.

8- Le Débat sur la culpabilité - Accusés et créanciers de l’Histoire

C’est notamment à la faveur des textes mémoriels, de gestes du Pape, des déclarations du chef de l’Etat sur « la tache indélébile de l’esclavage », sur des répressions comme à Madagascar et sur le fait que la « caste intellectuelle » se serait métamorphosée en « caste pénitentielle » que s’est ouverte l’offensive contre « la repentance ». La martyrologie des colonisés, le narcissisme de certaines minorités, une déformation des faits historiques en une mémoire pouvant être imaginaire, mais devenue sacralisée, aboutiraient à une victimisation généralisée faisant l’Occident coupable ....puisqu’il est attaqué ( le 11 septembre ayant relancé ce masochisme, après qu’on ait pu espéré qu’on allait pouvoir se libérer du long remords colonial). Ainsi dit P.Bruckner (27) , ferait-on « l’impasse sur les problèmes sociaux et politiques ». Voilà ce qui distingue ce diagnostic de celui d’A. Finkelkraut qui paraissait « racialiser » l’explication du mouvement. Les intéressés se retrouvent néanmoins sur de mêmes lignes. En remplaçant l’histoire par l’idéologie, en stigmatisant le phénomène colonial sans mesurer ses aspects complexes (28) et le rôle positif qu’il a rempli dans toutes les enchaînements de civilisations, en culpabilisant l’homme blanc, seul dans le monde à se repentir, on crée sur lui des créances dont la reconnaissance conduit à bien des complaisances et à faire des « assistés », on justifie l’agressivité de cultures de combat qui n’ont pas ses illusions de l’homme universel ( que ces philosophes n’ont jamais rencontré), on favorise les manipulations extrémistes islamistes nous diabolisant, on criminalise notre société qui se fissure sous de tels coups. Le thème de la criminalisation a été très décliné par des magazines pour aboutir en fait à la question : « doit-on avoir honte d’être Français ? ». On voit l’effet de bélier politique d’indigner ainsi nos compatriotes !

Or il est banal de rappeler aucune nation ne peut regarder ses passés sans qu’ils ne soient de lumières et de ténèbres, de sacrifices et d’horreurs. Nos colonisations bien différentes n’y échappent pas. Leur ambivalence (29) n’est plus à démontrer, ni leur mélange des pires et - c’est arrivé - du meilleur, des enfers peuplés de bonnes intentions et des rédemptions émergeant des atrocités. Spoliations et promotions ont été imbriquées. Ont été de pair aussi négation des communautés soumises et fait d’engendrer des entités nouvelles dotées de conscience et de modernité qui n’auraient pas existé sans la domination qui les a suscitées. Longtemps l’utopie des hommes « de gauche » de penser qu’ils pouvaient mieux guider vers le progrès que les nationalismes naissants a favorisé le refus du changement. En fait le jugement de l’Histoire portera sans doute surtout sur la manière dont on a su, ou non, dénouer les présences françaises au moindre inutile prix de souffrances et de sang et favoriser ou non leurs moins mauvaises successions.

Aussi loin de la pénitence que de l’autosatisfaction, ne pourrait-on pas sereinement considérer que l’absence de culpabilité ne vaut pas exonération de responsabilité. Et cette distinction n’est pas naïve. La notion de culpabilité collective n’a tout son sens que si l’on imagine que les hommes eussent été libres d’avoir écrit une Histoire réellement différente. De la même manière que notre progrès s’est construit sur l’atroce misère industrielle du XIeme siècle, de la même manière, les grands traits des stades historiques que sont les colonisations bilatérales, puis la globalisation multilatérale représentent des phases incontournables du développement mondial. Sans rallier les abus d’une analyse matérialiste historique qui serait totalement déterministe, ne doit-on admettre que, sinon des étapes contingentes de tel ou tel peuple (le nazisme aurait certainement pu être écarté), du moins les grandes séquences de l’évolution de notre monde (le capitalisme industriel, l’expansion coloniale) ont été des chaînons sans alternative, commandées par des circonstances de moyens, de temps et de lieux. Dès lors il ne peut y avoir culpabilité des sociétés dont elles ont constitué la trame. Les seules culpabilités que l’on puisse identifier sont celles des acteurs de cette Histoire lorsque loin de rechercher la manière la moins mauvaise de l’assumer, dans l’intérêt de tous, ils ont poursuivi la satisfaction des plus mauvaises passions de quelques uns. Il n’y a pas d’analyse éthique possible de l’Histoire, mais il reste le droit au jugement sur les hommes clefs qui l’ont gérée en vertu des pouvoirs qu’ils se sont acquis pour le faire.

(suite ultérieurement)
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18 mai 2007 5 18 /05 /mai /2007 19:35
 1-Centré sur les relations avec les originaires de l’Empire, et malgré l’apport des Juifs d’Afrique du Nord, cet article ne traite pas – ce qui serait en soi une tâche immense -  du positionnement de la communauté israélite.
2-La Constitution proscrivant toute distinction de races, d’origines, de religions et, donc, des comptages ethno-raciaux, l’administration française - sous le contrôle de la CNIL, et sous une certaine impulsion de l’U.E. dont l’Observatoire Européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC) souhaitant qu’on avance en ce sens - s’est néanmoins engagée dans des raffinements statistiques qui permettent des enquêtes incluant de réelles prises en compte des origines. Cf. « Statistiques Ethniques » , octobre 2006, Conseil d’Analyse Stratégique.  
 3-consulter, parce qu’il constitue une analyse postérieure à la crise des banlieues,  « De la question sociale à la question raciale ? » sous la direction de D. et E. Fassin  ( La découverte, 2006).
 4-C’est la formule préférée par le CRAN (cf. infra) l’organisme qui a commandé l’étude –plus encore contestée dans son principe que dans ses estimations - de janvier 2007 de TNS/SOFRES.
Selon celle-ci, les pondérations démographiques seraient les suivantes. L ‘ensemble des personnes de plus de 18 ans appartenant à des minorités visibles résidant en France (DOM, mais non COM inclus),  et pour 81 % constitué de citoyens français, pèserait 9, 5% de la population totale des mêmes tranches d’âge. Selon leurs propres déclarations, 3, 2% seraient noires (+ presque O, 7 % de métis - soit la moitié d’entr’eux - s’y assimilant, ce qui donnerait 1.865.000 adultes) ; 3,2% seraient arabo-berbères ; 0,5% asiatiques et 0,2% indo-pakistanaises.
 5-Pour avoir été son condisciple des années 50, je sais combien J. Chirac eut voulu que l’Algérie puisse rester la France. Je pense qu’il a reporté le rêve de cette intégration - impossible à raison des données politiques et culturelles et, au premier chef , du coût qu’il eut fallu consentir pour y assurer l’égalité économique et sociale - sur les départements d’outre-mer dont l’échelle des besoins à satisfaire reste à notre mesure. La maturité de ses autres positions est  enracinée dans son refus de tous les racismes.
6-Rapport au politique des Français issus de l’immigration- juin 2005 – cevipof-sciences- po. . Ce travail intègre quelque 322.OOO ( à sa date) originaires de Turquie,  dans une approche concernant en fait l’Umma islamique.
7-Sur la longue période (1995 /2005), 1.300.000 personnes sont devenues françaises.
8- en se référant au rapport 2003 de la Cour des Comptes « L’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration », il semble, à travers toutes les difficultés de chiffrages ayant surtout précédé la création de l’OSII, que l’on puisse retenir la présence, à cette date, en tant qu’immigrés, au sens strict, de 1,2 maghrébins et 400.000 subsahariens. Les flux moyennés sur la période, d’entrées régulières semblent s’établir pour ces origines autour de 60.000 par an (avec une dominante de motifs familiaux) ce qui ne place néanmoins pas la France au premier rang des pays d’accueil. Aujourd’hui, le Maghreb représentant généralement plus de 60% du flux africain, celui varie lui-même entre 60 et 80 % des immigrés  dont les entrées, selon le dernier rapport de l’OSII,  s’établissent comme suit : en 2005 il y a eu environ 16.000 entrées de travailleurs saisonniers et près de 9.000 de travailleurs permanents, ce qui est en hausse comme le nombre de demandeurs d’asile (près de 14.000 L’immigration familiale (moins de 96.000 personnes) enregistre une baisse comme  les entrées d’étudiants,  dont le stock est toutefois de 265.000, les africains en représentent un sur deux.
 9- De tels effets expliquent que des « minorités » fondamentalement citoyennes de longue date - en Martinique ne tête–t-on le lait de la République dès le premier biberon  - comme les domiens vivant en métropole ne sont guère portés au communautarisme : 53 % des personnes interrogées répondent que le repli communautaire est un danger; 34 % y voient un moyen de se protéger.
10- cf. la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, Thlimennos c/Grèce du 6 avril 2000, selon laquelle il y a discrimination quand on traite identiquement des gens qui sont dans des situations différentes.
11-Dès juillet 2001, le CREDOC tirait le signal d’alarme dans une étude sur « l’accès des français d’origine étrangère et des natifs des dom-tom aux fonctions d’encadrement dans les entreprises et les administrations ».
 12-typologie inspirée par A. Lucrèce, in revue Antilla.
 13-comme des différences au sein d’une entreprise (il y en a où il est devenu peu concevable d’embaucher des blancs), ou des facultés de mobilisation de garanties pour une location de logement lorsque les cautions sont incertaines ou lointaines.
 14-Au Canada, il a été jugé (cf. Le Monde 11 janvier 2007) comme réalisant une discrimination indirecte  la mesure ôtant le droit de fréquenter l’école publique à qui porte un signe original d’appartenance cultuelle, dès lors qu’il y a un moyen d’« accommodement raisonnable » permettant de concilier  liberté de religion et principe d’égalité pour tous.
15- Cf note 3. réflexions et travaux du chercheur Pap Ndiaye.
16-cf. par exemple, le Point, en juin 2004.
17-« Discriminés,.... les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation....(dans des )  « zones de non-droit » que la République est appelée à « reconquérir »…Pour exonérer la République, on accuse nos parents de démission alors que nous savons les sacrifices, les efforts déployés, les souffrances endurées...Discriminatoire, sexiste, raciste, la loi anti-foulard est une loi d’exception aux relents coloniaux.Tout aussi colonial, le parcage des harkis et enfants de harkis... Le droit du sol est remis en cause. Sans droit ni protection, menacées en permanence d’arrestation et d’expulsion, des dizaines de milliers de personnes sont privées de papiers. ..La France a été un Etat colonial.....et reste un Etat colonial ...Le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s’y réduire, la politique coloniale....et s’imbrique à d’autres logiques d’oppression, de discrimination et d’exploitation sociales. Ainsi, aujourd’hui, dans le contexte du néo-libéralisme, on tente de faire jouer aux travailleurs immigrés le rôle de dérégulateurs du marché du travail pour étendre à l’ensemble du salariat encore plus de précarité et de flexibilité…
Investissant l’espace de la communication, (des) idéologues recyclent la thématique du « choc des civilisations » dans le langage local du conflit entre « République » et « communautarisme »....Les jeunes « issus de l’immigration » sont ainsi accusés d’être le vecteur d’un nouvel anti-sémitisme. Sous le vocable jamais défini d’« intégrisme », les populations d’origine africaine, maghrébine ou musulmane sont désormais identifiées comme la Cinquième colonne d’une nouvelle barbarie qui menacerait l’Occident et ses « valeurs ». Frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme, cette offensive réactionnaire s’empare des cerveaux et reconfigure la scène politique... Déjà, elle est parvenue à imposer sa rhétorique au sein même des forces progressistes, comme une gangrène. Attribuer le monopole de l’imaginaire colonial et raciste à la seule extrême-droite est une imposture politique et historique. L’idéologie coloniale perdure, transversale aux grands courants d’idées qui composent le champ politique français.
18- La tribu Ka, association fondée en 2004 a été dissoute en 2006 pour incitation à la haine et son site a été proscrit. Elle affirme un ostracisme noir à l’encontre aussi bien des « leucodermes » (les blancs) que des traîtres que sont les couples mixtes, que des « Hyksos » (les Juifs que ses adhérents avaient été secouer rue des Rosiers ) et que des Arabes et musulmans (le Khémitisme, trouvant pour devenir guide de l’humanité ses racines dans la Haute Egypte  considère que l'Islam «fait partie de la matrice sémito-centriste» opprimant les Noirs).
19- Dans  cet Essai d'histoire globale (Gallimard, 2004), l'historien décortique les trois filières de traite : «interne», entre royaumes africains ; arabo-musulmane et européenne.
20-ce qui va de pair avec un cortège bien utile d’institutions et de manifestations (Comité pour la mémoire de l'esclavage, créé en janvier 2004 sous la tutelle du ministère de l'Outre-Mer, , anniversaire – après un débat sur les dates possibles -  de l’Abolition  célébré d’ailleurs depuis longtemps, notamment à Paris ou une délégation à l’outre-mer suit très attentivement dans la capitale les questions auxquelles ses ressortissants  sont sensibles ).
21- Cf. l’ouvrage de Jean-Michel Chaumont «  La concurrence des victimes » (la découverte, 1997).
22-cf. étude du professeur  Fred Constant de l’APDIV pour l’EHSS (février 2005) : « Les Noirs en France, anatomie d’un groupe invisible ».
23-Selon un sondage fait pour le Monde en avril 2006, interrogés sur l'utilité du CRAN, 83 % des  domiens  vivant en métropole  considèrent que sa création est une "bonne chose". Et 64 % se déclarent favorables à ce qu'on instaure des quotas pour faciliter l'accès des minorités visibles à certaines professions et mandats politiques.
24-voir notamment le Monde Diplomatique, Novembre 2006, une bibliographie «  la révolte des banlieues à travers les livres » et une double enquête de terrain pour le CAS , N°4-2006 « Comprendre les violences urbaines »,
25-Cf.  notamment parmi ses divers commentaires, l’interview donné fin novembre au magazine israélien HA’ARETZ.
 26-Cf ; CAS précité ainsi que l’enquête de l’International Crisis Group, de même qu’une part des rapports de Police auxquels nous n’avons pas eu accès mais dont nous avons eu écho. 
 27-cf . interview dans Marianne, 30 septembre/10ocobre 2006, à propos  de  la « La tyrannie de la Pénitence », Grasset, 2006,
 28-« Pour en finir avec la repentance  coloniale », Flammarion, 2006 Daniel Lefeubvre.
 29- Cf. la trilogie de Max Gallo sur « l’Empire : l’envoûtement, la possession, le désamour » - Fayard, 2006.
 30- pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage collectif piloté par M. Harbi et B. Stora,, Laffont, 2004.
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