- Au delà d'indispensables soutiens (mais, mieux construits qu'aujourd'hui) aux entreprises, un débat économique sérieux est, au niveau des pouvoirs publics, impossible en l'absence de capacité de la France à s'affranchir de la doxa européenne qu'elle a, au demeurant, jusqu'à peu de temps, quasiment sans cesse, contribué à fixer.
OBSERVATIONS SUR ENTREPRISES ET FINANCES PUBLIQUES
Oui, s'il ne faut pas le faire de la manière dont le demande Gattaz et dont le font Hollande et Valls, il faut soutenir très fortement la compétitivité des entreprises (grevée notamment par certaines cotisations sociales qui auraient du de longue date être relayées par l'impôt [i]) et le répéter autant que nécessaire , pour bien faire comprendre que s'inscrire contre les choix affichés par le duo exécutif ce n'est pas s'inscrire contre les entreprises (alors que c'est ce que l'intox va vouloir donner à penser).
C'est la stupide logique de l'alternance qui, au lendemain de la présidentielle, a fait supprimer (dans le même esprit purement politicien que celui ayant inspiré " mon ennemie c'est la finance" et des gadgets boomerangs comme le taux de 75% d'imposition) la TVA sociale [ii] alors que c'était une bonne chose, notamment comme, protectrice contre l'excès des importations. Elle a du être remplacée par un CICE très mal construit qui n'a pas cette vertu et qui, surtout d'une part soutient autant les facultés de distribution des dividendes[iii] que les réductions de prix de revient, les facultés d'investissements et les chances d'emploi et qui, d'autre part, gaspille de l'argent public (puisque toutes les entreprises même si elles sont peu en compétition (du moins sur le sol national) avec la concurrence étrangère en bénéficient : une large part du secteur tertiaire qui n'en pas besoin (banques, assurances, grande (et petite) distribution, ainsi que de nombreuses activités de services et de proximité, en bref ( hors évidemment emplois publics) tout ce qui correspond à des emplois "sédentaires" [iv] ne pouvant être délocalisés ) tandis que les secteurs, notamment industriels , très exposés à la concurrence internationale, ne reçoivent pas le soutien massif direct dont ils ont besoin. Devant ces gâchis il a fallu aller à un pacte dit de responsabilité dont on ne sait estimer les contreparties d'emplois et qui exige des sacrifices budgétaires et sociaux graves qu'on ne mesure pas encore tant qu'on ne connaît pas bien les postes d'économies budgétaires et sociales et leurs impacts.
Il en sera ainsi, sans retrouver la croissance, en creusant les inégalités et en connaissant des risques d'aggravation d'une austérité qui reste aujourd'hui, il est vrai, peu dramatique sauf pour les plus défavorisés, si l'on ne combine action sur l'offre et sur la demande et si, pour bien faire cela, on ne peut en tirer des conséquences budgétaire et monétaire hétérodoxes qui s'imposeraient.
Faut-il rappeler qu'on ne peut croire exclusivement ni à une politique de la demande, ni à une politique de l'offre, mais qu’on a besoin des deux[v]. La première est destinée à échouer si le pouvoir d'achat se porte à des approvisionnements se faisant trop auprès de firmes étrangères. D'où la nécessité d'une capacité concurrentielle nationale impliquant que - pour conserver et développer les marchés externes et pour pouvoir satisfaire de manière nationale une bonne part de la demande interne - soient diminués les coûts de revient des entreprises vulnérables localisées sur notre territoire. Mais ce ne peut être en rognant le pouvoir d'achat, les carnets de commande des entreprises n'étant alors plus assez convenablement nourris. Aussi, conduire et donc doser, les deux actions, par l'offre et par la demande, est d'autant plus difficile lorsqu'il faudrait - comme il est demandé compte tenu des exigences de réduction des dettes et des déficits - les financer l'une et l'autre (ainsi que la diminution de l'endettement) par des économies sur des services publics essentiels et sur des garanties sociales traditionnelles.
Il faut aussi avoir à l'esprit que la dépense publique est relativement stable depuis de longues années, tandis que, surtout nourri et par les allocations ou concours aux ménages, le budget social de la Nation est lui en forte expansion. L'une et l'autre de ces dépenses sont évidemment parties actives d'une politique de la demande et, d'une autre manière que les entreprises, également créatrices de valeur et d'emplois. Au demeurant, si les prélèvements obligatoires français sont de quelques points supérieurs à ceux de pays qui paraissent, par ailleurs, nous ressembler (donnée brute qui est toujours mise indument en exergue sans explications pertinentes) c'est essentiellement parce que le socle de la dépense sociale des ménages est financée de la sorte [vi] : cette couverture collective datant de la création de la sécurité sociale fait que chacun n'a pas besoin - à l'inverse de ce qui se passe dans certains pays dont les systèmes de sécurité sociale ou de mutualisation obligatoire sont moins avancés - de prendre cette dépense basique d'assurance à sa propre charge. On en retiendra que la comparaison des prélèvements publics doit être nuancée par le fait que la dépense de couverture sociale si elle n'est pas faite pour une part automatique par voie de dépense collective, doit bien l'être par voie de dépense privée (ce qui ampute d'autant les budgets disponibles familiaux et ce qui accroît les inégalités, puisque la capacité contributive des ménages est très différente de l'un à l'autre).
Pour autant les modalités de prélèvement arrêtées ou validées par les pouvoirs publics pour financer la dépense sociale peuvent peser différemment, soit, fiscalement, à travers un budget national, en fait sur la généralité des bénéficiaires, soit par des cotisations assises d'une manière ou d'une autre sur le travail dans l'entreprise (ou sur la valeur ajoutée - variante peu explorée - par celle-ci), ce qui a été le système français dominant de financement. Et il est vrai que dans ce cas (le nôtre), ces distorsions de charges entre les entreprises étrangères et nationales[vii] - du moins entre celles qui sont en concurrence sur de mêmes créneaux - appartenant à un espace économique sans frontières doivent être proscrites.... ou compensées. Et cela signifie qu'il y a un besoin considérable d'allégements ou de compensations ciblés au bénéfice des seules entreprises exposées à des risques de délocalisations ou de captages de marchés. Ce sont ces secteurs qui correspondent aux "emplois nomades" (cf. note IV) représentant environ un quart de l'emploi total français et qui, étant dans le champ des compétitions mondiales et dans celui (lorsqu'elles sont un chaînon français rentable) des chaînes de valeur des produits "made in the world" sont à la fois les plus grands facteurs de richesses et les plus vulnérables). Voilà un besoin que ne résout pas le CICE. Les entreprises exposées ne trouvent pas, par le jeu de répercussions sur les coûts de leurs approvisionnements et services - que la théorie libérale, en cas d'une aide non sélective, prétend automatiques ! [viii] - à une échelle significative les effets d'allégements de charges de leur compte d'exploitation dont elles auraient besoin. Or, ce sont bien les règles de l'UE qui interdisant, au nom de la "concurrence non faussée", des mesures sélectives empêchent de réaliser une politique française plus ciblée ( ce que se gardent de dire, d'expliquer nos pouvoirs publics européistes).
ET AU DELÀ
Simultanément à un puissant soutien des entreprises exposées, la situation appelle des différenciations de taux d'IS de toutes les entreprises selon que les bénéfices sont distribués ou sont réinvestis soit dans l'entreprise, soit dans des fonds relais qui devraient être destinés à financer de bonnes opérations capitalistes s'exécutant sur le territoire national, ce qui devrait se combiner
- avec une part de capitalisme d'État (c’est à dire des participations au capital et au financement long des secteurs stratégiques ou porteurs d'avenir (et quel que soit le niveau de participations publiques sans aucune nationalisation de la gestion)
- et avec le recours au traitement de tous les facteurs de coûts d'exploitation (dont les charges sociales à diminuer, mais aussi avec des actions pour diminuer les charges représentées par les dividendes, les hautes rémunérations et avantages connexes excessifs assurés aux équipes dirigeantes.
L'objectif à suivre serait de maximiser non pas les taux de marge et le total return (profits d'exploitation +plus value de cession) mais la capacité concurrentielle des entreprises exposées à la concurrence internationale.
Au delà, en toute hypothèse, le constat que l'on doit faire, d'autant plus lucidement qu'on est en période stagnation, est le suivant : il y a une limite aux pressions fiscales. Il y a des limites à des économies budgétaires centrales ou territoriales [ix]. On ne peut souscrire (alors que toutes choses égales, nous y allons inévitablement) à l'objectif de tout le lobby libéral qui est, non seulement d'abord d'accumuler des retouches restrictives à l'existant (en matière d'assurance maladie, de retraites, d'aides sociales), mais aussi de venir à bout du modèle français de garanties sociales (ce qui est le seul gros gisement possible d'économies). Les appuis à la demande et à l'allégement des coûts des entreprises exposées sont aussi impératifs l'un que l'autre et ont un coût notoire, de même qu'une politique d'interventions en capital si nécessaire.
Dès lors, la seule voie possible n'est-elle d'accepter une part d'insuffisance de financement budgétaire et, au lieu de réduire l'endettement de manière accélérée, d'admettre le rôle de celui-ci? Pour se garder des "sanctions des marchés", mieux serait encore, comme autrefois (et comme le peuvent toujours bien d'autres pays) se financer par des avances d'une Banque centrale...pour monétariser une part de la dette comme une part de la dépense excédentaire et couvrir ainsi d'autres besoins, en particulier par des emprunts à taux zéro... auprès de ce fantôme; mais, en la bien regrettable absence de cette souveraineté monétaire et d'une Banque de France, pourrait-on escompter que les mécanismes européens d'assouplissement qui ont pris corps aillent jusqu'a des rachats de manière significative de titres d'emprunts publics par la BCE ? Et qu'on aille également à une faculté de dévaluer l'euro? Difficile dès lors que le niveau de ce dernier ne dépend pas d'une "décision" (ou de petites manipulations conventionnelles), mais des rapports de faits économiques, et comme chef de "surévaluation" au premier titre de la balance excédentaire de la RFA (d'ailleurs lorsque l'Allemagne ralentit, l'euro baisse à la marge) tandis que les mêmes intérêts allemands semblent exclure l'hypothèse de la révolution que serait de gros achats de titres publics (ce qui serait une prime à ceux qui n'ont pas été assez rigoureux). Pourrait-on espérer qu'en résorbant encore mieux par étapes le déficit non plus des finances publiques mais, celui, originel, de démocratie de la construction européenne, on puisse arriver à de bonnes décisions majoritaires démocratiques pouvant être acceptées par les uns et les autres. C'est comme l'explique B. Lindon une pure illusion [x]
Sinon, ne faut-il regarder l'hypothèse alternative d'un financement par création nationale monétaire (pratiques anglo saxonnes bien rôdées créatrices de la croissance américaine et de la résistance britannique à "la crise") avec ses enchaînements possibles d'inflation et de dévaluation, ce qui est un tabou tel que ses faisabilités ne sont même plus examinées.... alors que dans un pays plutôt allergique à l'impôt (dont l'inflation est une forme de substitut avec des effets aléatoires dans la répartition des sacrifices ) mais demandant beaucoup au secteur public, ce fut la manière dont, par le passé, on résolut cette contradiction( demander moins d'impôt et plus à l'État), on finança de nombreuses actions et équipements en en répartissant un peu aveuglement la charge créant des effets favorables ou pénalisants sur les différentes catégories de Français (ce qui implique, dès lors qu'on connaîtrait ce type d'inflation, que les minima sociaux y soient indexés). Certes, on fit cela sous les critiques des classiques, mais sans trop de douleurs, grâce alors à la croissance, et avec efficacité, jusqu’a tous les interdits nationaux, dès 1974, puis européens ayant mis en place un corps de principes et un système bancaire supra national nous ôtant toute souveraineté monétaire et donc économique et donc politique [xi].
Flexibilités budgétaires et politique monétaire d'aisance en matière de crédit y compris en faveur des États pouvant évidemment conduire à inflation et à une dépréciation de la devise pourraient peut-être convenir à France (c'est une autre stratégie ni de gauche, ni de droite, mais pouvant être d'intérêt national), mais évidemment pas à l'UE, d'autant que la situation actuelle sert les intérêts allemands et que la RFA n'a aucun intérêt à en sortir. Le ferait-elle (un peu) qu'une politique des finances publiques et de la monnaie qui serait plus souple (reconnaissance de circonstances exceptionnelles , rachat de dettes étatiques) et plus solidaire entre nations européennes (via de tels rachats par une BCE qui devrait créer de la monnaie en desservant de la sorte les pays ayant intérêt à un euro fort au profit d'un rétablissement sans purge punitive des pays en difficulté et, bien sûr, aussi via des euro bonds) devrait évidemment être achetée par un consentement à un régime encore plus rigoureux de contrôles et sanctions, ainsi que d'ingérences (de type de celles accomplies par "la troïka" en Grèce ) dans les politiques nationales [xii]
LES POUVOIRS PUBLICS FRANÇAIS INSUFFISAMMENT PUGNACES
Il est, de surcroît, d'autant plus difficile de faire évoluer l'Europe que la France a été, de longue date, depuis Maëstricht, partie à sa construction telle qu'elle existe et que lorsque ce sont produits des changements politiques pouvant opportunément être le moyen légitime d'introduire une réelle pression dans le sens d'autres orientations, il ne s'est en vérité rien passé. F. Hollande qui était en situation de s'y essayer après son élection (en partie gagnée sur le thème d'un besoin d'évolution de l'UE) a tout simplement fait ratifier le TSCG contre la fausse fenêtre d'un programme d'investissement parti en fumée, sans doute parce qu'il est manifestement convaincu du bien fondé du système européen tel qu'il existe et, de plus, parce qu'il n'a pas le caractère à utiliser la seule méthode possible pour obtenir des changements : faire des ultimatums, mettre le poing sur la table et menacer de la politique de "la chaise vide" ce qui déchaînerait certes les marchés à notre encontre avant qu'ils ne soient obligés de reconnaître ce que tout le monde sous-estime et tait : malgré l'élargissement européen (mais qui va de plus minimiser notre influence dans les négociations techniques internes), malgré toutes les faiblesses qu'on nous impute (mais que le système européen contribue à entretenir, d'abord parce qu'un diagnostic imposé par les autres est inacceptable, et surtout parce que le modèle qu'on voudrait nous imposer ne correspond pas à l'esprit original de notre pays qui veut et doit trouver ses voies propres de redressement) , sans la France, ni l'UE, ni l'euro, n'auraient de sens.
De bonnes menaces de sortie devraient porter nos partenaires à accepter de négocier des changements majeurs (sur l'ouverture commerciale, sur les politiques solidaires budgétaire et monétaire, sans contreparties d'abandons supplémentaires de souveraineté) ; mais encore faut-il qu'ils trouvent en face d'eux quelqu'un qui serait crédible s'il disait en clair : si vous n'acceptez pas, nous reprenons nos libertés. L'hypothèse que la RFA refuse alors cette évolution européenne est vraisemblable et il lui appartiendrait d'apprécier, elle aussi, si sa sortie lui permettant de continuer sur une devise forte - un mark retrouvé - ne serait pas, pour elle, une bonne chose. Ce serait évidemment une forme de solution magique pour bien d'autres pays , car une monnaie commune sans l'Allemagne ( et peut être sans deux ou trois autres nations pouvant se constituer en zone de supereuro-mark) pourrait être gérée beaucoup plus souplement...au prix - puisque sans l'Allemagne non plus l'Europe n'a pas de sens - de la disparition du rêve européen franco allemand dont les mécaniques, inspirées par Monnet,, d'obligations successives de transferts de souverainetés par enchaînements techniques ont caché aux peuples (qui ont été tenus à l'écart) les enjeux globaux qui en résultaient.
Pourrait on se contenter d'essayer de désobéir à l'Europe - ce qui peut aller très loin [xiii] - ou la seule possibilité est-elle alors, après avoir tout tenté pour la transformer , de sortir de l'euro zone,[xiv] en retrouvant une monnaie nationale pouvant, le cas èchent, être dévaluée. Les différences s'étant aggravées en divergences de situations entre pays rendent en effet bien illogique qu'ils soient gouvernés par une monnaieunique. Une solution miraculeuse serait d'ailleurs, comme on l'a déjà dit, et aux yeux de rares auteurs, que la RFA, dans sa volonté d'une monnaie forte, soit portée elle-même à retrouver le mark (mais les avantages considérables que lui donne sa position d'économie dominante en Europe rendent cette perspective peu vraisemblable).
SI elle est encadrée des précautions et rigueurs indispensables, une rectification des rapports monétaires pour les rendre reflétant les rapports de force économiques, par une dévaluation française serait, elle, dans l'ordre des choses et - pour reprendre une provocation de P. Krugman - "pas le problème , mais la solution ": une opération vérité pouvant permettre de purger la situation française des handicaps qu'elle a accumulés, en en payant le prix : une dévaluation signifie que les revenus en devise nationale des habitants du pays qui a dévaluée leur permettent d'acheter moins de choses (au prorata de toute la part des consommations et des composants importés) que ceux de pays à monnaie forte et comporte donc un certain effet généralisé (sauf à mieux s'approvisionner chez soi, ce à quoi, ça devrait inciter) de baisse du niveau de vie... ce qui remplit d'ailleurs ainsi, mais comme sous une part d'anesthésie, la fonction si recherchée d' "accroître la compétitivité" et même de faire baisser le coût relatif du travail .
La balance très débattue entre les avantages et les inconvénients que comporte une dévaluation [xv] fait que la sortie de l'euro doit moins être appréciée comme une faculté automatique de dévaluation, que comme celle de retrouver la possibilité d'une détermination, dans le cadre démocratique français, d'une politique économique nationale s'il le faut originale par rapport aux pratiques des voisins.
Il faut toutefois mesurer que tout un process de changement hors européisme et un éventuel basculement hors euro comporterait, particulièrement en phase transitoire, d'importantes difficultés de surmonter l'idéologie dominante, les réactions des marchés et les opérations défensives (dont de sabotages) que ne manqueraient pas de conduire ceux qui sont asservis à d'autres intérêts. Aussi pour conduire de telles évolutions faudrait-il une technostructure administrative et bancaire pouvant les piloter avec compétence et ... conviction, ce qui pose la question essentielle de savoir si un bon nombre de responsables financiers publics et parapublics actuels sauraient évoluer dans leurs références idéologiques et pratiques coutumières et, de toute façon, et que des "auditeurs" et gardiens convaincus du besoin de changement y soit formés de manière très pointue à le conduire et à y veiller.
PROJECTION
En projection, ne faut-il espérer aux lieu et place d'une U.E qui s'intègre de plus en plus par des abandons de souverainetés dans une trajectoire fédéraliste ayant le défaut d'être toujours virtuelle parce que le fédéralisme est impossible à 28 et tout autant au sein d'un noyau dur (l'euro en cherchant à imposer une même loi monétaire à des pays aux économies et cultures différentes a réussi à ce que leurs intérêts immédiats soient trop opposés pour qu'ils puissent construire entre eux une union politique) espérer qu'aux lieu et place d'une UE qui reste impuissante face aux défis et menaces du monde et nous interdit même au nom de nos équilibres budgétaires de dépenser ce qu'il faudrait pour y faire face, sans pour autant y contribuer, espérer toujours qu'aux lieu et place de cette Europe de l'échec, de l'évanouissement des rêves et du triomphe des normes , que puisse apparaître une autre Europe à réinventer [xvi] ?: celle qui devrait devenir plus puissante qu'aujourd'hui par la concertation de ses Nations sur des tâches essentielles pour faire face à l'univers mouvant contemporain, celle qui pourrait, aux prix de difficultés qu'il faudra surmonter, et moyennant des crises qui feront la clarté, conserver une monnaie commune [xvii] vis à vis de l'extérieur, tout en pouvant prévoir qu'à des échéances organisées les pays de cette nouvelle euro zone pourront ajuster chacun leur devise vis à vis des autres, la valeur de la monnaie commune enregistrant alors la résultante de ce nouveau "panier"; une Europe, qui délivrée de tâches subalternes et de contrôles inutiles, mais conservant une armature forte pour mettre en œuvre des traités transformés et exigeants, pourrait gérer de grandes politiques industrielles (pour la transition énergétique bien sûr, mais aussi pour l'harmonisation des industries de l'armement comme socle de ses capacités militaiures d'intervention).
Est-il permis de penser à un tel nouveau modèle ou celui-ci est-il improbable parce que, au mieux, on sera parvenu à transformer suffisamment le modèle actuel, au pire, parce qu'il aura explosé sans pouvoir être immédiatement remplacé ? De toutes les manières, beaucoup d'observateurs compétents pensant que la situation actuelle est intenable, il semble certain qu'aussi longtemps qu'un bras de fer de la vérité n'aura pas eu lieu - et il faut donc qu'il vienne - on ne pourra apprécier ce que peut donner l'avenir.
Tels sont donc les débats pourtant incontournables et des réflexions de divers niveaux qui - s'ils existent entre économistes et chroniqueurs de diverses convictions - sont bien quasi proscrits avec l'imagination de tels enjeux au sein des pouvoirs publics, et même au sein d'une bonne part de la "classe politique", les uns et les autres (et même beaucoup d'hétérodoxes) n'osant raisonner hors de la prégnance absolue du modèle européen existant qui leur fait porter des œillères idéologiques.
[i] Ce, qu'en tant alors que Délégué à l'Emploi, je conseillais en vain dès les années 86/87...au moins pour assurer un temps de survie aux industries de main d'œuvre.
[ii] défendue à maintes reprises sur ce site.
[iii] C’est bien le premier constat du professionnel qu'est Macron et avec pertinence, il dit qu'il va s'employer à corriger le tir, dans un interview où se mêlent heureusement l'appel au "bon sens" et une déclinaison sympathique de son "socialisme. A suivre ...
[iv] cf. P.N. Giraud ( École des Mines) in "La mondialisation , émergences et fragmentations" (Ed. SCC; Humaines 2012) et sur
- http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2009/03/economie-politique-de-la-mondialisation.html
ainsi que, spécialement sur "sédentaires protégés" et "nomades"
[v] Le Monde vient de souligner en interprétant des positions de Mario Draghi que "La France, en réalité, n'a pas le luxe de choisir entre l'offre ou la demande, elle doit cibler des mesures qui stimulent les deux à la fois".
[vi] encore que les mutuelles et l'assurance privée doivent venir pallier de plus en plus les restrictions de couverture de la sécurité sociale maladie et vieillesse.
[vii] j'utilise le terme "national" comme se rapportant au lieu d'activités et donc d'offres d'emploi assurées par l'entreprise et non par référence à sa marque, à son nom ou à son adresse ou siège social. Ainsi des filiales et des établissements d'une firme japonaise par exemple sont, dans ce sens, des entreprises "nationales" (éligibles au même soutien que des entreprises "françaises") tandis que la vente par une firme de nationalité française de produits confectionnés hors de notre territoire, ne constitue pas une activité nationale créatrice d'emplois, même si elle peut y contribuer indirectement par ses gains utiles au groupe français propriétaire de cette unité "délocalisée" ou initialement localisée à l'étranger . Le bon critère - qui est d'ailleurs le critère fiscal - est celui de la territorialité.
[viii] il faudrait que tous leurs fournisseurs leur répercutent intégralement l un juste prorata de l'aide qu'ils ont eux-mêmes reçue, et c'est aussi improbable qu'incontrôlable.
[ix] par exemple, au niveau de l'État, le manque de services sécuritaires, judiciaires et pénitentiaires est flagrant; par ailleurs si la France entend avoir une politique extérieure, de défense et d'interventions, convenable - ce qui est, au sein de l'euro zone, sa coûteuse originalité, nullement prise en compte comme facteur de dépassement des 3% ! - les moyens assurés aux forces armées sont devenus très insuffisants par rapport à leurs missions; aux niveaux locaux, si la multiplication de certains équipements a été abusive, si les regroupement inter collectivités et les institutions supra départementales ont créé beaucoup plus de charges de personnels qu'ils n'en ont réduit, le besoin de moyens pour les accompagnements scolaires, pour le traitement des déchets, etc. restent considérables.
[x] ceux qui croient cela " imaginent -ils l’Allemagne se plier à la loi de la majorité européenne si d’aventure le Parlement souverain venait à décider la reprise en main de la BCE, la possibilité du financement monétaire des Etats ou bien le déplafonnement des déficits budgétaires ? Pour la généralité de l’argument, on ajoutera que la réponse — évidemment négative — serait la même, en l’occurrence on l’espère !, si cette même loi de la majorité européenne venait imposer à la France la privatisation intégrale de la Sécurité sociale. Au fait, que n’aurait-on entendu si la France avait imposé à l’Europe sa forme à elle de Sécu, comme (c'est moi qui souligne) l’Allemagne a imposé son ordre monétaire, et si, comme cette dernière, elle en avait fait un point d’ultimatum ?" in un article du Monde diplomatique, d' août 2013.
[xi] C'est dans Le Monde diplomatique, précité que Fréderic Lordon met en exergue "le scandale intrinsèque de la soustraction des politiques publiques au critère central de la démocratie : l’exigence de remise en jeu et de réversibilité permanentes"..."Car il n’y a plus rien à remettre en jeu, ni même à discuter, lorsqu’on a fait le choix de tout écrire une fois pour toutes dans des traités inamovibles. Politique monétaire, maniement de l’instrument budgétaire, niveau d’endettement public, formes du financement des déficits : tous ces leviers fondamentaux ont été figés dans le marbre. Comment pourrait-on discuter du niveau d’inflation désiré quand celui-ci a été remis à une banque centrale indépendante et coupée de tout ? Comment pourrait-on délibérer d’une politique budgétaire quand son solde structurel est prédéterminé (« règle d’or ») et son solde courant plafonné ? Comment décider d’une répudiation de dette lorsque les Etats ne peuvent plus se financer que sur les marchés de capitaux ?"
[xii] Dans le même papier, encore, F. Lordon indique " L’Allemagne, qui jouit des taux d’intérêt les plus bas lorsqu’elle emprunte sur les marchés, voit très bien ce qu’il lui en coûterait de faire signature commune avec les pouilleux du Sud. En accepterait-elle le prix, au nom de l’idéal-européen-à-faire-progresser, qu’elle ne manquerait pas de demander, en contrepartie de son engagement à la mutualisation financière, un surplus draconien de surveillance et d’ingérence dans les politiques économiques nationales — exactement de la même manière qu’elle a contraint ces politiques, à travers les traités et les pactes, au moment d’entrer dans la mutualisation monétaire".
[xiii] cf. Aurélien Bernier "Désobéissons à l'Union Européenne!" - 2014, actualisation en libre accès de l'édition 2011 chez Fayard/Mille et une nuits sur http://fr.calameo.com/books/003058998215334297f3d
[xiv] cf. "Casser l’euro pour sauver l’Europe", par Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger, Béatrice Mathieu et Laura Raim, Editions Les liens qui libèrent.
[xv] SI la dévaluation allège certains endettements, elle peut en alourdir d'autres; en bonifiant les prix des biens et services exportés et en renchérissant ceux qui sont importés, c'est une forme de stimulation de l'activité territoriale nationale ( avec les handicaps du coût de l'énergie et des matières premières importées, ainsi que de l'augmentation des taux d'intérêt ); globalement elle tend à provoquer une diminution généralisée des niveaux de vie ( et du coût du travail...) en particulier de ceux qui s'approvisionnent en biens importés, de ceux qui ont des revenus nationaux fixes ( elle implique donc l'indexation des minima sociaux ) tandis les revenus en capital sont tellement diversifiés que son effet est très nuancé pour les détenteurs de valeurs mobilières.
[xvi] C'est, en effet, une configuration et un contenu bien différents que propose Laurent Wauquiez dans "Europe, il faut tout changer" (éd. Odile Jacob). Après une brillante critique de l'UE (le monstre impotent, la conception strictement juridique et anti productive de la "concurrence", la passoire de Schengen, la nécessité jamais reconnue d'un besoin de protectionnisme européen) ses préconisations sont de réduire l'UE à une reconstruction autour de six membres (sans la GB ni le Luxembourg), assez pour former un noyau dur de pays partageant les mêmes valeurs chrétiennes et de respect des nations. La France, l'Allemagne, la Belgique, le Pays-Bas, l'Italie et l'Espagne seraient les élus de ce club dans lequel la fiscalité serait harmonisée, dans lequel un budget commun financerait de grands projets, et qui devrait développer une politique industrielle sous la protection de mesures d'empêchement du dumping social et environnemental Autant de choses très satisfaisantes, mais ayant le prix, autour du maintien de l'euro, d'un nécessaire deal franco-allemand , par lequel la France, réaliserait un grand ménage de sa dépense publique et les réformes de structures ( comprenez de la couverture sociales) qui lui sont indispensables.
Il n'y a pas de changement de contenu: c'est un concentré sur un plus petit périmètre gouvernable de la stratégie européenne actuelle (sauf par le point du protectionnisme qui pourrait être néanmoins un levier intéressant de transformation et un facteur de supportabilité du modèle).
[xvii] cf. " La malfaçon, monnaie européenne et souveraineté démocratique" par Frédéric Lordon, Editions Les liens qui libèrent,