Gérald Andrieu et Eric Conan sont-ils devenus des "beaufs"?
C'est à dire des gens ne supportant pas ceux qui ne leur ressemblent pas...
C'est bien la tonalité de leur nouveau papier que "Marianne" (qui déraille de plus en plus et qui ne parvient même pas, cette fois, à rendre intelligible l'interview pourtant prometteur de Jean Claude Michéa) vient de publier contre la gauche différentialiste, en tirant prétexte (pour continuer à chercher à déstabiliser Ayrault au profit de Valls ?) de certaines préconisations évidemment abusives des rapports annexés au rapport Tuot.
C'est tout juste si on n'y comprend pas que ceux-ci recommanderaient de permettre la polygamie (celle-ci qui n'est le privilège de personne n'a d'ailleurs pas besoin de loi) et l'excision, puisqu'on lit dans la foulée que des intellectuels de la gauche différentialiste auraient soutenu ces pratiques culturelles et, comme il n'en a pas été donné d'exemple, je me suis senti visé comme tout homme de cette gauche différentialiste, accusé ainsi de faire le martyr des femmes, parce que, moi, je ne colporte pas les délires d'Onfray soutenant que la gauche anti républicaine est favorable à toutes les religions sauf la chrétienne.
D'autant que je suis très porté à voir renaître en France - ce qui rendrait nos foules moins tristement uniformes - l'expression vestimentaire de la foi catholique : je suis aussi heureux lorsque je rencontre (c'est bien rare) une religieuse en tenue que je suis compréhensif lorsque je rencontre (c'est presqu'aussi rare) une femme voilée : toutes les deux sont des témoignages audacieux contre la commercialisation du sexe et du string telle que l'ont assuré le double libéralisme de l'économie et des moeurs, de petites lueurs contre la transformation de la femme en objet de commerce hedoniste et facile ( alors que séduire une religieuse ou faire lever un voile exige sans doute toujours des qualités exceptionnelles et offre certainement des plaisirs sublimes).
Cet article puant d'amalgames - comme inspiré par tous ceux qui sont en concurrences croisées pour draguer le beauf qui dort en chacun de nous ou la femme qu'on veut effrayer par l'Islam - veut jeter dans le même sac tous ceux qui ne combattent pas côte à côte avec l'UMP, le Front National, des socialistes de droite et des identitaires de tout poil - sous la bannière de la laïcité conquérante sectaire, dévorante et donc la pire inclusive - oui, veut jeter dans le même sac tous ceux qui veulent bien accepter ( voire , se réjouissent, comme moi, d'accepter) sur le sol français des gens ne ressemblant aux Français "de souche", enfin... de toujours.
Mais ces Français là n'existent que dans les caricatures ( ou dans des "réserves" régionales) , puisque la France a été faite de tant de sédimentations et de communautarismes plus ou moins dissous dans les valeurs nationales qu'il est idiot de parler en soi d' "intégration" . Dire "intégrer", cela signifie ne pas reconnaître l'autre, mais lui demander de devenir l'interchangeable de ceux qui pré-existent. Déjà difficile hier, c'est devenu impossible aujourd'hui puisque les"immigrés" conservent désormais, dans notre monde de communications, de fortes passerelles avec leurs pays et cultures d'origine ( et d'ailleurs qui le reproche aux Asiatiques, épargnés de toutes critiques malgré leur China Towns, etc... sans doute parce que ce sont des fourmis économiques qui ressemblent à l'homo économicus des rêves libéraux..) .
L'Empire (colonial français) respectait mieux que nos prétendus républicains d'aujourd'hui, les multiplicités, les originalités des peuples qui le composaient et s'il s'exerçait parfois dans la violence , il en a souvent honoré - au moins par raison tactique comme dans "la politique berbère" - les traditions tout en les poussant à évoluer avec des concours symboliques en métropole (la Mosquée de Paris, l'Hopital Avicenne, etc. et même, malgré quelques abominations - comme à propos des Kanaques - lors de cette grande reconnaissance mutuelle que fut l'exposition coloniale) et sur place (des créations architecturales et culturelles métissées ont marqué tous les territoires) vers une modernité partagée qui a débouché sur les décolonisations elles-mêmes et sur ce temps venu où ce n'est plus nous qui allons chez eux ( là où nous avons imposé notre façon de vivre) , mais eux chez nous (là où ils ont bien le droit, eux, de garder au moins des caractères propres sans être soumis - dès lors que l'ordre et la loi ( qu'il faudrait parfois assouplir pour favoriser coexistences et "inclusions" ) sont respectées - à des obligations de conformisme ou à la stigmatisation.
Et c'est vrai que parfois, à la faveur d'ailleurs de la naissance des quartiers ghettos, ils prennent un peu leur revanche : c'est le moindre des ressacs de l'Histoire, en attendant peut-être les grandes inévitables migrations du Sud vers les Nord ; mais personne ne demande aux "Français de toujours" - que les beaufs, que Conan et Onfray se rassurent - de se faire animistes, hindouistes ou musulmans ( alors qu'il n'y a pas si longtemps nous prêchions, nous, la conversion au christianisme dans toutes les colonies).
De plus, encore, la force d'un Empire - qu'il existe en extension géographique ou en concentré dans quelques points forts de l'ancienne métropole - c'est d'apporter la richesse, un moment la démographie, souvent les connectiions internationales de ses diversités; et d'ailleurs les sociétés multi ethniques - comme les sociétés anglo-saxonnes au prix, certes, de leurs problèmes parfois de coexistence - nous donnent l'illustration de ce peut le multiculturalisme. Celui qui s'assumerait enfin chez nous, marié aux valeurs traditionnelles de la France, serait encore plus fécond. Et parions que les mariages mixtes - que le climat de racisme prospérant, grâce aux démagogies, depuis quelque sept ans a eu naturellement tendance à réduire - pourraient reprendre de plus belle.
Lorsque je m'affirme communautariste dans l'unité de la République ( et , par contre, hostile à toute régionalisation du pouvoir, alors que, là encore, partie de la presse veut faire un amalgame anti Ayrault qui n'a aucun sens que la volonté de déstabilisation du premier ministre ) pour le respect des uns, l'éducation et la paix de tous, je suis fidèle à la meilleure part de l'Empire, alors que j'ai été, par clairvoyance, au nombre des décolonisateurs que combattaient les républicains colonialistes des années cinquante. Ce sont leurs descendants colonialistes spirituels directs - des beaufs comme des intellectuels sans expérience - qui veulent aujourd'hui faire la loi de la conformité.