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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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Articles RÉCents

17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 14:54

dont acte

et avec mes remerciements

 

"Bonjour,
 Nous vous remercions de votre message qui a été sélectionné pour une parution sur notre blog « Le Monde des lecteurs ».
 Bien cordialement,
 
M. Dominique Buffier
Le Monde
Responsable du Courrier des lecteurs
Blog http://mediateur.blog.lemonde.fr/"

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 11:14

Si vous n'êtes ni un journaliste d'une chapelle ou l'autre , ni un universitaire à la mode, ni un politique qui entretient le buzz, vous êtes en fait interdit d'expression dans les grands médias qui ne s'intéressent guère aux compétences des gestionnaires : les seuls pourtant d'un niveau de formation souvent plus appréciable que les précités à ajouter à des approches intellectuelles, discursives ou partisanes,  les expériences de  responsabilités effectives (et réfléchies)  que n'ont jamais exercées tant de commentateurs reconnus abonnés des plateaux de tv et autres lieux de faire-valoir d'auteurs mandarins et/ou de  la fratrie des copains.

      Être ou avoir été un professionnel,  c'est ce qui  disqualifie : un ancien préfet parlant de l'administration du territoire - même s'il a pris  du recul dans une vie professionnelle variée en étant aussi responsable d'entreprises et, même s'il a de surcroît,  osé pendant trente ans enseigner de manière valant différemment de celle des "enseignants" dont c'est , hors terrain, le seul métier abstrait -   est forcément suspect d'un point de vue déformé, les seuls détenant la vérité étant des observateurs  qui n'ont jamais rien fait.
      
    C'est pourquoi entre les millions de signes des éditions papier et électronique du Monde , il n'y a pas la moindre petite place pour  5000 signes (5000 signes seulement, c'est déjà une difficile obligation pour faire sentir un peu schématiquement les questions complexes en débat ) tentant  de faire entendre  une autre voix que celle des abonnés du buzz qui défendent leur fond de commerce .
      
    Ajoutons que le "journal du Président" n'apprécie sans doute pas qu'on juge autrement l'une des grandes  idées du règne ( le redécoupage régional) que de la manière dont trois journalistes se réunissaient il y a quelques jours pour signer un texte disant "Réforme territoriale : F. Hollande est en train de gagner son pari " (je leur ai aussi écrit, mais ils n'ont évidemment pas répondu et j'avais fait copie au médiateur - également silencieux-  que je saisis à nouveau... rien que pour voir  )

       Cette forme de soft censure par l'exclusion de l'accueil des compétences constitue quand même une aggravation de nos moeurs. Par le passé quand j'envoyais à diverses gazettes des papiers sur des choses les plus variées ( la décolonisation, les réformes administratives, des entreprises en difficulté, la promotion de Chambord, la fin de Boussac, l'outre-mer, l'évolution des institutions, etc), c'était le temps où  des hommes comme Beuve Méry, puis Fauvet, voire  certains de leurs héritiers et de leurs grands confères régionaux ou nationaux  ( comme La Croix ou La Tribune), les uns et les autres étaient la plupart du temps intéressés et preneurs , alors même que j'étais parfois obligé d'écrire sous divers pseudo, dès lors que mes interlocuteurs savaient les compétences et expériences que ceux-ci recouvraient.
 
  Mais voilà  la réponse qu'aujourd'hui  je reçois pour mon texte refusé  ci joint. Refusé au nom de quoi ?

 

"Monsieur,

L'équipe des pages Débats a bien reçu votre point de vue. Nous l'avons lu attentivement et nous vous remercions de l'intérêt que vous portez au journal Le Monde.

Malheureusement, il ne nous sera pas possible de le publier compte tenu de l'afflux de propositions que nous recevons pour un espace limité.

Recevez, Monsieur,  l'assurance de toute notre considération.

L'équipe des Débats


-----Message d'origine-----
De : Le Monde [mailto:noreply@relai.lemonde.fr]
Envoyé : vendredi 12 décembre 2014 23:44
À : OPINIONS@LEMONDE.FR
Objet : Contribution pour la séquence idées"

Titre: Réforme territoriale : pour un autre schéma

La réforme territoriale a été bâtie sur l'idée de ventiler les fonctions  des départements (appelés à disparaître)  entre les Régions et des intercommunalités  redessinées de manière, le cas échéant, obligatoire. Par ailleurs ll est prévu que 14 Métropoles  regroupent, dans leur périmètre, l'essentiel des compétences locales. Le projet de loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » organise ce changement.


La combinaison de 13  Régions XXL avec la suppression des départements (ou,  désormais,  de la "moitié d'entre eux", les réputés ruraux devant subsister avec  des compétences réduites définies par  un statut transitoire ) porte la contradiction majeure de transférer loin du terrain des compétences de proximité qu'assuraient des collectivités départementales ayant  été, en réalisant de la péréquation financière,  de grandes intercommunalités.
 
A qui, si les (ou des) départements disparaissent, pourrait être confiée la  lourde charge  des aides sociales? Les métropoles semblent pouvoir, dans leur périmètre, en devenir responsables, mais la « conférence des villes » a exprimé le rejet de ce « boulet financier"; des intercommunalités  estiment  ne pouvoir en être preneuses ; l'Association  des Régions de France ne l'a pas placée parmi ses souhaits d'attributions; l'Assemblée des Départements de France propose que ceux-ci conservent cette compétence : y compris pour leur partie transformée en métropole, ce qui exprime l'interrogation que l'émergence de ces métropoles  n'entraîne la décapitation de ressources de leurs départements supports devenant peaux de chagrin rurales à remembrer avec leurs voisins.
 
Est-ce que les grandes régions en recevant la gestion d'infrastructures scolaires et routières, de transports, de déchets, etc., ne seront pas pratiquement obligées à des déconcentrations infrarégionales retrouvant des niveaux  locaux plus étroits que des départements? Ce que seraient de nouvelles intercommunalités, utiles pour  aspirer des fonctions communales, mais ne pouvant  recueillir bien des  compétences départementales (l'aide sociale précitée, mais aussi divers services publics dont ceux de sécurité et de secours, ainsi que l'appui au développement culturel et touristique, etc.) sans plus de complexité et moins de péréquation qu'aujourd'hui?


La réforme semble avoir été inspirée (en même temps que par une volonté d'affichage d'économies bien improbables)  par une idéologie décentralisatrice nourrie de l'illusion que de puissantes collectivités régionales pourraient exercer, comme l'Etat, un  pouvoir stratégique, ainsi que par mimétisme envers une imagerie européenne voulant rapprocher des modèles d'unités locales qui ne peuvent se comparer. Dans ce cadre,  le dessin  de telle ou telle région soulève des passions, mais la vraie question est que l'option de redécoupage choisie a été d'instituer des périmètres régionaux trop grands pour permettre une bonne administration et encore souvent trop petits pour être significatifs aux échelles européenne et mondiale.


N'eût-il fallu, tout au contraire, augmenter le nombre des régions ?  Afin que des régions de dimension moyenne  puisse chacune absorber les départements la constituant. On obtiendrait ainsi la fusion des compétences actuelles des départements et des régions dans une circonscription "administrante" fondamentale unique : au sein de laquelle, dans la plupart des cas, un chef lieu s'imposerait naturellement, qui serait historiquement fondée, ressentie comme une communauté d'appartenance, assez proche de tous, raisonnablement péréquante, rationnelle et économique, permettant la suppression de beaucoup de doublons. Les  fusions en une seule collectivité des régions actuelles de moins de trois départements (dont le prototype est l'Alsace) auraient sans doute pu constituer des possibilités consensuelles expérimentales. L'objectif devrait être d'aboutir à un tissu composé de la juxtaposition d'une trentaine de collectivités territoriales de droit commun et d'une grande douzaine de métropoles.


Pour faire aussi place à la demande des forces régionales de contribuer aux capacités concurrentielles françaises, des régions  moyennes (remplaçant donc les départements) ne pourraient-elles  enfin - dans l'esprit d'excellentes  suggestions autrefois présentées par le délégué à l'Aménagement du Territoire  -  s'unir au sein de six à huit interrégions de dimension vraiment européenne et mondiale, exerçant des compétences spécialisées en matière de grandes infrastructures et de soutien aux entreprises assurant des emplois  ?
 
* Gérard Belorgey, préfet honoraire, auteur de sciences politiques et longuement maître de conférences à l'I.E.P. de Paris a publié sur cette question dans le N° 1071-72 de la Revue Politique et Parlementaire, " une réforme territoriale d'inspiration plus idéologique que pratique" ainsi que des contributions  (le 14 et le 23 octobre) sur le site de la Revue d'Économie Régionale et d'Urbanisme.

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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 10:58

 

Je synthétise ci-dessous les observations de mes précédentes publications  sur ce site (le 19 juin et  le 26 octobre 2014) sur ce thème.  

 

Pour économiser et rationaliser, permettre une décentralisation effective, facilitant la suppression de tous les doublons entre collectivités et avec l'État, nourrie par un rapport de suffisante proximité avec les administrés, et assurant un bon niveau de péréquations,  il ne fallait, en aucun cas, instituer de plus grandes régions et supprimer les (ou désormais la moitié des) départements.

Il eut fallu, tout au contraire,  déterminer une circonscription "administrante" fondamentale unique pouvant regrouper les compétences actuelles des départements et des régions et au sein de laquelle, dans la plupart des cas,  un chef lieu s'imposerait naturellement : des périmètres de circonscriptions de collectivités locales unique coïncidant avec les régions actuelles de moins de trois départements (fusions faciles à faire très vite) ou résultant de découpages à concerter  des régions de plus de trois départements trop loin du terrain et des gens pour bien administrer et, néanmoins,  dans bien des cas trop petites pour  constituer des entités pouvant être à la dimension des grands arbitrages  d'équipement et peser, en matière de soutien à l'emploi,  à l'échelon international.  

Sur un maillage réaliste ainsi constitué , pour une bonne administration, d'une trentaine de collectivités territoriales de droit commun + une grande douzaine de métropoles (regroupant elles mêmes compétences communales, départementales et régionales) , il eut fallu - sur le schéma de cartes autrefois préconisées par d'excellentes études d'Aménagement du Territoire et pour les actions stratégiques -   porter ces collectivités à coopérer au sein de six à sept  interrégions de dimension vraiment européenne et mondiale, exerçant des  compétences strictement spécialisées en matière de très grandes infrastructures et de soutien aux filières porteuses d'emploi ainsi qu'aux entreprises aptes à créer des activités sur le territoire français .

 

Le vote sur les treize régions est non seulement sans pertinence par rapport à certaines réalités régionales, mais exprime un choix d'ensemble à rebours de la bonne gestion et de la moindre logique. C'est sur cette mauvaise base de définition de circonscriptions dont beaucoup factices (par leurs périmètres) et inadaptées ( par leur distances au terrain , ce qui ne permet pas, du moins sans gros problèmes,  de supprimer les échelons départementaux ) que va s'engager demain le débat sur le projet de loi sur les compétences : il est donc douteux qu'il puisse conduire - sauf  prise de conscience par les parlementaires qu'on leur propose un mauvais bricolage d'ensemble - à des dispositifs satisfaisants.

 

Lorsque la recherche d'affichages politiques et idéologiques remplace la réflexion d'intérêt général, on ne peut arriver à rien.

 

Ps/ Dès lors qu'il existera toujours des"régions" et que certains "départements" subsisteront, il y a-t-il toujours besoin d'une réforme constitutionnelle ? La lettre semble l'exclure, mais l'esprit ?

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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 10:27

ERU – Big Bang Territorial Logo     RERU

14 octobre 2014 ~

Gerard Belorgey | Une structure territoriale à rendre moins critiquable

Les origines de chaque périmètre de nos collectivités locales, comme la cristallisation des notoriétés et avantages qu’elles ont engendrés, rendent leur refonte problématique. Les nombreuses communes françaises sont ancrées sur le principe de la compétence générale et sur celui, qu’en tant que collectivités fondamentales, elles sont porteuses de la légitimité démocratique; il en a résulté que les organes des établissements publics intercommunaux n’émanent que d’un suffrage indirect (ou « fléché ») et que c’est seulement à compter de 2014 que d’importantes intercommunalités pourront avoir des organes procédant pour moitié d’une élection directe; quant à la chirurgie de réduction du nombre des communes elle a été de longue date abandonnée au profit du développement d’intercommunalités destinées à faire des coquilles vides de bien des niveaux  communaux. 

Un triple enracinement 

Un triple enracinement révolutionnaire, impérial et républicain fonde la solidité des départements. Ils permettent d’administrer de près, et depuis un siècle et demi, constituent d’utiles quoique insuffisantes intercommunalités : par les péréquations de leurs budgets alimentant leurs services (aide sociale, routes, collèges, sécurité et lutte contre incendie, transports notamment scolaires, traitements des déchets, promotion touristique, etc.) et des redistributions de ressources du fait des  subventions aux communes. Mais dès le milieu des années cinquante, ils avaient été regardés comme des enceintes souvent trop étroites pour conduire la lutte contre « le désert français », ne pouvant trouver son souffle que dans des dimensions régionales. 

Et c’est une « légitimité » d’origine consulaire qui va fournir les dimensions des régions (celles, peu changées, des périmètres des Chambres de commerce et d’industrie) parce que ce sont ces milieux socioprofessionnels ,souvent liés aux milieux universitaires « provinciaux », qui conduisirent la revendication d’aménagement du territoire qui a engendré les  rôles des régions d’aujourd’hui. Au regard de ces superpositions, un levier fut recherché par la réforme de 2010 du conseiller territorial lequel, siégeant dans l’instance délibérante du département et dans celle de la région, aurait pu pousser vers la fusion des deux entités. L’alternance a automatiquement conduit à son abolition.

Quant aux vagues de décentralisations, sans créer une nouvelle logique, elles ont additionné une geste politique, des facilités accordées aux initiatives locales (si susceptibles de doublons et d’incohérences, qu’il a fallu toujours recommencer à chercher des « blocs de compétences » pour en arriver à la plus modeste solution de choisir des « chefs de file »), enfin des délestages de l’État, gouvernés par le principe de la compensation financière, mais pouvant comme en matière d’aides sociales (60 à 70% des dépenses courantes départementales) se révéler plus coûteux que prévus.

Le modèle français

Ce schéma français s’est avéré très stable sur la durée parce qu’il exprime un compromis historique (ayant un coût) entre l’État unitaire et les franchises territoriales, celui d’autoriser des latitudes de gestion locale mais, en aucun cas, des facultés périphériques de faire contrepoids à des options politiques, économiques et sociales d’un pouvoir central.

Les administrateurs élus disposent de réelles souplesses tenant à l’absence de clause limitatives des compétences de chaque niveau territorial (n’étant borné dans ses actions que par ses limites de ressources),  au caractère assez relatif de la distinction entre dépenses juridiquement obligatoires et dépenses facultatives,  au jeu toujours possible entre budgets de fonctionnement qui doivent être équilibrés et recours à l’emprunt pour les dépenses d’équipement, au passage d’une tutelle réputée autrefois contraignante à des contrôles de légalité a posteriori devenus bien aléatoires, à la « déconcentralisation » de compétences de programmation de crédits d’État, au besoin pour cet État de trouver des compléments de financement auprès de partenaires locaux et, en conséquence, à la dévolution aux régions de responsabilités en matière de formation professionnelle, de transport ferroviaire, etc.

Néanmoins, ces latitudes pratiques d’action ont pour bornes les principes mêmes du modèle français : alors que dans des Etats fédérés on peut encore, au stade territorial, parler de relations Gouvernants/Gouvernés, dans notre décentralisation on ne peut pratiquement plus parler que de relations administrateurs/administrés. En effet, il ne peut exister de puissances territoriales face à l’État : les collectivités secondaires n’exercent pas un pouvoir de même nature que le pouvoir d’État, ni en matière de capacités normatives, ni en matière de capacités budgétaires et fiscales. L’État joue dans la cour de la stratégie et les pouvoirs territoriaux (sauf peut-être les très grandes métropoles) dans celles de la gestion. C’est bien pourquoi des pouvoirs régionaux issus de familles politiques différentes d’une majorité parlementaire ne pourraient pas constituer des moyens de politiques de  rechange. Toutefois l’opinion peut mettre sur des pieds comparables les images d’un pouvoir central et celles de pouvoirs régionaux, dès lors que le gouvernement, ayant consenti des  transferts majeurs de souverainetés, apparaît lui-même comme de moins en moins détenteur d’un pouvoir stratégique, mais de plus en plus comme un gestionnaire d’options arrêtées au niveau européen.

Des collectivités territoriales en mutation

Il reste qu’aujourd’hui les collectivités territoriales  n’ont qu’un pouvoir réglementaire spécifique étroitement circonscrit et totalement subordonné – même après la révision constitutionnelle de 2003 – au pouvoir d’État. Dans l’exercice des pouvoirs de police générale, les maires sont très encadrés par la juridiction administrative et s’ils peuvent recourir à des personnels de polices municipales en développement, les rôles des procureurs et des préfets ainsi que la couverture depuis l’avant-guerre du territoire par les polices d’État, les tiennent à l’écart des poursuites judiciaires et des actions de maintien de l’ordre. S’agissant du champ des polices spéciales les compétences multiples de l’État restreignent d’autant les capacités des élus : si une commune appartient certes à ses habitants, la limite en est que cette communauté est un chaînon du territoire national au sein duquel doivent se reconnaître des intérêts nationaux, et donc la faculté d’y faire prévaloir, malgré des rejets qui peuvent s’exprimer, d’incontournables servitudes (infrastructures, établissements insalubres, protections de sites, implantations de pylônes et d’éoliennes, réseaux d’ondes,  expériences culturales, etc.). Autrefois unis dans le besoin de trouver des transactions, préfets et élus l’ont, de plus été, depuis vingt ans, dans la soumission à une avalanche de normes, si bien que la piste de chercher à imaginer  » quel pouvoir normatif (pourrait être donné) aux Territoires ? » semble un luxe au regard du besoin prioritaire de savoir comment avoir la capacité d’agir dans les champs de compétences d’ores et déjà existants.

Alors qu’elles réalisent 70% de l’investissement public, les collectivités territoriales ont, en effet,  un poids budgétaire modeste dans la dépense publique globale (21% et quelque 12% du PIB). Au plan fiscal, elles n’ont aucun pouvoir de création/construction des impôts leur bénéficiant, mais seulement la compétence très encadrée de pouvoir moduler les taux et productivités des impôts qui leur sont affectés. Il a toujours été estimé inconcevable de partager un grand impôt entre État et autres collectivités, ni d’envisager de donner aux régions un réel enjeu de pouvoir en leur transmettant un impôt faisant, par exemple comme l’ISF, débat politique; pas plus qu’il n’a été établi au bénéfice des communes et de leurs groupements d’urbanisme, une taxe sur les constructibilités – dont l’institution, écartée lors de la loi foncière de 1967, eut dilaté la capacité d’offre foncière et donc les facultés de constructions de logements, en même temps que rendue plus équitable la distribution des charges de l’urbanisation,

C’est seulement en apparence que les calculs des comptes des collectivités locales responsabilisent les élus. Au regard (en 2012) des quelques 225 mds (dont un peu moins de 20 en emprunts)  de ressources totales des collectivités, ce sont quelque 100 Mds qui transitent par l’État. Après réintégration dans leurs recettes propres de ressources affectées en compensation d’impôts supprimés et de certains transferts, leur degré d’autonomie financière (recettes propres/ressources totales) s’établit, toutes collectivités confondues, autour de 62%; mais leur degré d’autonomie fiscale s’est dégradé du fait de réformes réduisant (comme la suppression de la TP) les capacités locales d’impositions.

Cette organisation française dont les effectifs locaux ont augmenté est réputée offrir un mauvais rapport coût/efficacité, encore  qu’aucune estimation globale quantifiée ne semble jamais avoir pu être sérieusement faite des « surcoûts » des structures en place. La question est, en vérité, de savoir si ce qui est mis en cause est l’organisation (les doublons ? l’absence de réduction d’effectifs après regroupements de missions à un échelon supra communal? le fait que « la région n’ait pas émergée » ?) ou si ce sont les missions mêmes des collectivités qui sont contestées par la critique libérale (comme celle de l’IFRAP) ?

La manière dont faire face à ces  critiques est d’admettre que l’efficacité peut-être, la réputation à coup sûr, de l’appareil public sont mises en doute à raison de ce mille-feuille quiconstitue la faiblesse congénitale de la décentralisation : sans s’appuyer sur un espace administratif unique, la décentralisation s’épuise dans les émiettements institutionnels et dans des montages – et remords – financiers et techniques.

Fortifier la décentralisation autant que chercher des économies aurait dû porter à établir une collectivité territoriale unique entre l’État et l’échelon des communes et de leurs regroupements. Ainsi, pour le niveau pratique d’administration, aurait-on pu refondre la carte des régions afin d’aboutir à trente à quarante « régions administrantes », correspondant à des  bassins reconnus de géographie humaine et devenant les collectivités supra communales de droit commun. Pour satisfaire au besoin d’un niveau stratégique territorial d’aménagement et d’impulsion économique ce sont de bien plus vastes périmètres que ceux des régions actuelles qui semblent être pertinents[1].

De telles transformations ne pouvant procéder d’un consensus qui mûrirait tout seul, il nous semblait qu’une réforme constitutionnelle était la bonne voie pour rechercher solennellement une adhésion transpartisane.

C’est dans un sens différent des préconisations ci-dessus que le choix de l’exécutif a été celui d’une réforme (note du 5 juin,  sur le site du Premier Ministre) « fondée sur 3 axes principaux:

des régions plus puissantes et regroupées, pour promouvoir le développement économique, l’emploi et la cohésion territoriale ;

la montée en puissance des intercommunalités pour que l’armature territoriale repose à terme sur le couple intercommunalités / régions;

la redéfinition du rôle des conseils généraux dans la perspective de leur suppression. »

 

23 octobre 2014 ~

Gerard Belorgey | Une réforme territoriale plus idéologique que pratique

Au départ, l’exécutif pensait pouvoir se dispenser d’une réforme constitutionnelle qui est apparue incontournable. La manifeste impossibilité politique d’y procéder interdit d’en fixer la date, si bien que des délais se trouvent ouverts pour apprécier et faire évoluer cette entreprise. Elle est à la confluence d’un mouvement de réforme administrative ayant de longue date constaté des réalités de géographie humaine s’inscrivant au-dessus des divisions administratives et ayant abouti à la loi MAPAM, et d’un soudain affichage politique voulant frapper les esprits par de « grosses économies ».

Dans la perspective d’un vide départemental, les 14 métropoles existantes ou prévues forment des noyaux durs, mais d’impact spatial limité, du maillage d’intercommunalités annoncé. Ailleurs, la carte et les contenus des intercommunalités sont de difficiles chantiers dans un contexte paradoxal : la suppression des départements réalisant jusqu’alors des administrations de proximité va de pair avec des élargissements de périmètres de régions rendant celles-ci encore plus distantes du terrain alors qu’elles reçoivent des compétences … de proximité ! Est néanmoins intervenu le bémol que les départements « ruraux » pourraient survivre à 2020 de manière simplifiée.

Les deux projets de loi

Après le « projet de loi relatif à la délimitation des régions, etc. « , un second projet de loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » a pour objectifs, d’une part, de transférer aux régions (ou aux métropoles) nombre des compétences des départements, tout en maintenant ceux-ci jusqu’en 2020, essentiellement pour l’aide sociale (encore que partie de celle-ci pourrait être éventuellement confiée de manière autoritaire aux métropoles), d’autre part, de donner à l’administration préfectorale les moyens d’obliger en tant que de besoin à la construction pour 2017 des intercommunalités appelées à euthanasier et relayer les départements. Ce projet va nourrir de grands débats parlementaires, d’autant qu’il aura à préciser la portée de l’exception de ruralité.

Au regard de cette réforme, la question n’est pas de savoir si tel ou tel périmètre régional est pertinent ou s’il peut en exister un meilleur, mais de savoir s’il est pertinent de bâtir une France métropolitaine sur le double maillage de 12/14 régions et d’une multiplicité d’intercommunalités qui restent à construire.

Sur la bonne hypothèse de faire disparaître les départements tels qu’ils existent, il y avait deux options possibles. L’une, non examinée, était d’instituer dans une quarantaine de périmètres géographiques une collectivité unique (soit par la création de petites régions « administrantes », soit par agrandissement de départements) exerçant de manière fusionnée les actuelles tâches départementales et régionales. L’autre, adoptée par impulsion, et consistant en la disparition des départements et en l’invention de nouvelles grandes régions, est, à nos yeux, l’expression d’une mode, aggravée par le mimétisme européen : un choix idéologique basé sur une vision mythique du mot « région » ainsi que sur une conception plus incantatoire que gestionnaire de la décentralisation.

La philosophie militante de celle-ci y trouve son compte, de grandes régions ayant toujours été le souhait des baronnies territoriales et de ceux qui les imaginent pouvoir relayer, voire, ici et là, remplacer l’État. Tandis que dans la décentralisation départementale bien souvent, les valeurs de gestion ont rapproché les compétiteurs politiques, dans la décentralisation appuyée sur les régions ce qui prévaut c’est d’un côté les compétitions de la « politics » et d’un autre l’ambition de mener des « policies » qui pourraient changer les effets des politiques nationales. Alors que les régions ont jusqu’alors moins existé par des services qui eussent été irremplaçables (sauf la réalisation des grands schémas directeurs) que par les images qu’elles représentent, les notoriétés qu’elles confèrent et les illusions qu’elles entretiennent, l’option prise conduit à des périmètres régionaux qui ont, pour la plupart, la double caractéristique de rester trop petits pour être des échelons perceptibles et significatifs à l’échelle européenne et mondiale, mais d’être trop grands pour permettre de bien administrer.

Peut-on vraiment bien ventiler les fonctions départementales entre les deux niveaux des lointaines grandes régions et des multiples intercommunalités à construire et harmoniser dans leurs territoires et selon leurs compétences ? Et si on le peut, le niveau des intercommunalités ne sera-t-il plus démultiplié et complexe qu’avec des départements qui ont été et sont de potentielles grandes intercommunalités ? On doit se demander si la réforme simplificatrice ne risque pas tout bonnement d’aboutir à enrichir le mille-feuille.

Les redistributions envisagées de certaines compétences sont elles-mêmes d’une mise en œuvre problématique. Si le premier dispositif du projet de loi est de bon sens (la confirmation d’un rôle régional pour des schémas directeurs qui pourraient d’ailleurs être établis par des régions encore moins nombreuses), d’autres – en matière de traitement des déchets, de routes, de collèges, de transports, etc. – ne sont gérables que s’il y a des délégations pratiques pour leur mise en œuvre (laquelle eut été plus aisée si de mêmes logiques concentrations de compétences intervenaient sur de grands départements). Peut-on, aussi, au bénéfice d’un monopole d’action économique pour de lointaines régions hétérogènes, exclure une capacité d’action de proximité pour certaines aides aux entreprises ?

Enfin, et surtout, à qui pourrait être confiée la responsabilité de l’aide sociale? En dehors du cas des métropoles où sa gestion pourrait peut-être se trouver assurée par transfert à celles-ci (bien que la « conférence des villes » fin septembre ait plutôt exprimé leur rejet de ce « boulet financier »), la question de savoir à qui va pouvoir revenir cette charge départementale (budgétaire et pratique) extrêmement lourde n’est pas réglée, les intercommunalités (cf.www.acteurspublics.com/2014/10/08/) estimant en majorité – et à juste titre à notre sens – qu’elles ne pourraient guère être preneuses de cette mission. La réponse à cette question ne serait-elle plutôt dans la proposition de l’ADF (cf. infra) que la compétence d’aide et de solidarité sociale doit rester totalement aux départements y compris pour leur partie transformée en métropole ?

Les relations entre métropoles et départements (pour le temps où ceux-ci subsisteraient) posent toutefois questions. En dotant les métropoles d’une concentration de compétences, le projet de loi n°2 établit une répartition apparemment claire des tâches, mais peut engendrer des collectivités départementales en peau de chagrin. Ne doit-on s’attendre à des cas de figure de départements comportant aujourd’hui une métropole et qui, s’ils perdaient les ressources attachées à cette partie actuelle de leur ressort, demanderaient à être regardés comme départements sinistrés et « ruraux » (?), l’autonomisation des métropoles par rapport aux départements pouvant ainsi elle-même augmenter les cas de « ruralité », avec pérennisation des déséquilibres puisque la ruralité donne vocation à perdurer. Enfin drainant des emplois et créant des besoins au-delà de leurs frontières, dans tout un hinterland, les Métropoles pourraient bien être sollicitées pour aider des collectivités de leurs zones périphériques.

Quelles perspectives ?

L’exception des « départements ruraux » (selon quels critères et pour quelles durées ?), pourrait ouvrir une assez large brèche dans la réforme, en contribuant, par analogie, au maintien – ce qui va apparaître partout comme la solution la plus commode – d’une fonction départementale pour l’aide sociale, fut-ce par des regroupements de départements aux niveaux desquels une Agence pluri départementale ad hoc pourrait instruire les demandes et assurer le suivi des importants contentieux existant en ces domaines.

Faisant pendant aux rejets de la prise en charge de l’aide sociale exprimés en « Conférence des villes » ou ressentis dans des intercommunalités, de fortes revendications de compétences ressortent des « dix propositions”, parallèles faites début octobre, les unes par l’Association des Départements de France s’exprimant en termes de gestions, les autres, par l’Association des Régions de France s’exprimant en termes de pouvoirs. L’ADF demande notamment de voir consolider la vocation de solidarité sociale et territoriale du département, d’intégrer les 13.388 syndicats techniques aux intercommunalités et aux départements et d’y situer des services unifiés entre État et collectivités, d’encourager toutes les démarches de mutualisation et de rapprochement » (ce qui veut dire en clair d’aller à des département fusionnés s’occupant de la proximité) tandis que « des Régions « XXL» sont à spécialiser dans les fonctions stratégiques et dans la compétitivité ».

Quant à l’ARF, elle veut obtenir mieux que le « brouillon » du projet de loi : que les nouvelles régions jumellent des compétences élargies de gestion et un pouvoir réglementaire significatif, qu’elles se voient juridiquement outillées et financièrement dotées pour remplir des rôles majeurs en ce qui concerne l’enseignement secondaire, la formation professionnelle, les aides pour créations et recherches d’emplois, la transition énergétique, les transports, et qu’elles aient effectivement une exclusivité d’intervention, notamment vis à vis des PME, aux fins d’un développement économique compétitif.

Un pavé dans la mare de la réforme serait qu’un groupe d’élus bien inspirés et audacieux (comme, par exemple, ceux d’Alsace) parviennent à pousser un texte portant transformation de chacune des régions actuelles ne comportant pas plus de trois départements en une collectivité unifiée **. 7 régions pourraient devenir les 7 premiers grands départements (que la force des modes ferait toutefois dénommer « Régions”) en remplacement (économique) de 17 départements. Une reconfiguration des autres régions devrait porter à une vingtaine de plus le nombre des collectivités unifiées. Le tissu territorial (hors les singularités des outremers) deviendrait de la sorte – ce qui pourrait correspondre, à peu près, à des réalités de géographie humaine susceptibles d’être appréciées par les Français – une juxtaposition d’une grande quarantaine de fortes unités locales : 14 métropoles et de 25 à 30 nouvelles régions (administrantes) remplaçant les départements (ou leur partie non métropolitaine) : par exemple, « la région Alsace » , avec Colmar, pour chef-lieu, puisque Strasbourg, pour sa part, serait Métropole et les deux villes satisfaites ?

Il y aurait d’autres cas de figures de coexistence de villes notoires dans un même périmètre qui seraient bien plus délicats à régler. Pour couronner le maillage de régions proches de leurs habitants par de vastes compartiments géographiques à l’échelle de la mondialisation, il faudrait en divisant par deux le nombre des régions « hollandaises” aboutir à 6 ou 7, « Territoires interrégionaux » devant être exclusivement dédiés à exercer, en concertation avec l’État, les compétences de grand aménagement spatial et de promotion de la capacité concurrentielle française : un schéma qui ne pourrait sans doute pas faire l’économie d’une réforme constitutionnelle : il subsisterait bien deux catégories de collectivités agrandies, largement héritières des précédentes, mais les contenus de chacune comme l’un des deux noms auraient changé… Autant, si cette chance se réalisait, la transcrire alors dans le marbre constitutionnel.

 

** un peu en ce sens cf. amendement des sénateurs revenant à une région de la seule Alsace , pour permettre, dans ce cadre, la fusion  des institutions locales poussée de longue date par les élus de ces collectivités., ainsi que d'autres amendments tendant à facilter des fusions de départements.

 

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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 18:05

 

 

Il s'agit de montrer ici qu'il y a, selon des processus républicains, plusieurs alternatives à M. Valls, mais qu'il y a peu de chances que cela se produise. 

 

La défiance ne conduirait pas automatiquement à la dissolution.

S'il  y a possibilité de ce chantage (qui n'irait pas jusqu'au bout)  c'est en raison d'une lecture présidentialiste des institutions, au contraire de leur nature parlementaire qui appellerait la désignation d'un autre PM. Lequel et pour quoi ?

 

Alors même que la confiance demandée  dès le 16 septembre  (de manière accélérée pour ne pas laisser aux gens le temps de reprendre leurs esprits et d'avoir du bon sens) serait refusée,  on ne voit pas F. Hollande aller ni, évidemment,  à une démission, ni, en aucun cas,  à une dissolution qui serait sa totale défaite et le chaos. Certes tous les opposants  appellent  à un incendie dont ils espèrent chacun tirer les marrons du feu, bien que l'UMP soit loin d'être prête à des confrontations . Alors que toutes ces  véhémences font le jeu du chantage à la dissolution, cet "appel au peuple" léverait un tel vent de marée contre le socialisme ( présenté à la fois comme celui de l'austérité économique et du laxisme des moeurs)  qu'en l'absence d'une droite classique organisée, cette dissolution  pourrait être porteuse d'un triomphe du FN.

 

Or, rien n'impose à Hollande de dissoudre  : il ne peut pas faire cela sauf en se suicidant (pour les beaux yeux de Valls) et  en emportant les socialistes dans l'engloutissement. Un Président de la République  peut -  la Cinquième avait même été prévue en 1958 pour permettre cela -  avec une part non majoritaire du Parlement piloter le pays un temps  sans majorité absolue. Mais surtout, il peut et doit, en cas de défiance, nommer un nouveau Premier ministre.

Dès lors qu'on voit que le Président  de la République n'est pas obligé de dissoudre et que F.  Hollande  n'y aurait aucun intérêt, on mesure combien la menace de dissolution est un chantage ne pouvant aller à sa réalisation. On cherche seulement, pour recueillir la confiance, à exploiter la tétanisation des élus socialistes (subissant une intox que quasi personne ne dément)faisant de ces  des élus de gauche,  terrorisés et emprisonnés par une perspective d'élections sur le champ,   des parlementaires  "ni godillots, ni déloyaux ", mais évidemment "atterrés”, bien  que  la  droite parlementaire ne soit elle-même  pas prête au combat électoral.

 

Alors même que nombreux élus du PS , et plus encore de militants, voudraient bien que Valls ne soit pas "la dernière cartouche", parce qu'ils estiment, depuis les primaires,  que c'est un homme dangereux et, de plus,  devenu brutal , ils répliquent à qui les poussent  à refuser la confiance, "tu n’as pas tort, mais pour un député voter la défiance, c’est sortir de facto du PS et gravement compromettre son investiture pour les prochaines législatives…"  : comme si une investiture PS pour de prochaines législatives ne serait pas aujourd’hui et pour demain plus un boulet qu'une garantie,  et comme si le PS,  de toute façon,  n'était pas évidemment appelé à se remodeler d'une manière ou d'une autre.

 

 Mais  - et c'est par là (on le devine) que s'exerce la véritable pression efficace cachée pour faire accorder la confiance à Valls -  si une crise allait jusqu'à l'éclatement du PS, l'appareil du parti ne manquerait pas sans doute d'étrangler par des problèmes matériels et financiers considérables des sortants minoritaires (ceux qui refuseraient bien la confiance se sentent donc  littéralement tenus par les "bourses") sans pouvoir croire qu'ils s'en tireraient simplement avec l'existence à l'Assemblée et au Sénat de deux groupes parlementaires distincts.  

 

Tel  est sans doute le moyen essentiel d'un chantage par lequel , à la faveur d'autres épouvantails mis sur la place publique, Valls veut passer en force alors qu'il n'a plus de majorité réelle  ni (s'il en jamais eue) dans le Parlement, ni dans le pays,  et que l'allergie qu'il procure et la perspective redoutable qu'il devienne un successeur pour la Présidence ferait que normalement  beaucoup voudraient couper les ailes à sa carrière  tandis que si la confiance lui est votée, son envol est garanti. Nous sommes donc à un tournant crucial.

 

Or sur le plan des institutions - revenons-y -  le sophisme qui inspire le chantage :  <défiance = dissolution> est évidemment faux.  

 

Si ce sophisme est peu démenti, c'est que la lecture des institutions est totalement déviée par la pratique présidentialiste, alors que nous sommes dans un régime parlementaire (comme l'a exigé la loi d'habilitation du Général, du 3 juin 1958,  à  proposer une constitution aux Français) . Si le gouvernement n'a pas de majorité, fut-ce sa majorité d'origine, comme déjà dit, le Président de la République peut (c'est le droit) et il doit (c’est la déontologie, celle qui a été appliquée dans la version "cohabitations" dont ne veulent pas les liquidateurs d’aujourd’hui) en chercher une autre,  sans bouleverser tout le fonctionnement de la République et sans risquer très fort de la faire mettre à mal par les menaces qui pèsent sur elle. Si l'on ne tient pas compte du versant parlementaire de la Vème République exprimant pour une part (malgré l'inexistence de la proportionnelle pour l'AN)  les diversités de la Nation - on fait preuve d'une criminelle paralysie de raisonnement.

 

Loin d'ouvrir une crise de régime, le refus de la confiance  est ce qui doit faire fonctionner les potentialités du régime. Elles vont au delà des facultés  de leçons que le chef de l'État,  comme devant une classe d'enfants terribles, et ne perdant jamais rien de son air  solennel  (alors qu'il est miné par une impopularité l'affectant terriblement, comme on le sait désormais par le livre de son ex compagne  - donne à ses élus. Ces potentialités du régime vont au delà des petits coups de racolage (le maintien prolongé des départements ruraux à la demande des indispensables radicaux)  ou de rétropédalage (de petits retours sur l'abandon du contrôle des loyers)  d'un Premier ministre se maintenant dans le déni de réalité vis à vis des vrais sentiments ( plutôt que  des soutiens contraints) des socialistes à son égard, comme en témoigne un Cambadélis prenant  déjà ses distances avec la nouvelle doxa,  en cherchant à faire murir une redéfinition d'un socialisme français qui n'est pas "le social libéralisme".

 

Ces frémissements sont annonciateurs d'une prise de conscience,  mais aura-t-elle le temps de se faire face au rythme qu'impose Valls ne voulant laisser aux députés que quelques jours insuffisants pour se ressaisir devant le chantage ? Et pour réfléchir aux réponses qu'il pourrait y avoir (en fait et en droit) face aux ressorts financiers et matériels de ce chantage?

 

Or cette prisé de conscience est bien que confirmer ce Premier ministre  ce serait dangereux pour la démocratie, que c'est exactement ce qu'il faut empêcher, que la censure viendrait bien opportunément casser un peu  sa carrière, qu'il faut donner une claque au duo exécutif, qu'il faut acculer François Hollande, même si pour l'avouer il doit encore faire girouette,  à la vérité et que cette vérité doit être choisie entre deux types d'hypothèses.  Non, Jacques Julliard, ne nous faites pas, comme vous vous y exercer dans un éditorial détonnant du dernier "Marianne",  avaler des sornettes :  entre Valls et Le Pen,  il n'y a pas "rien", il y a

- soit l'appel décomplexé à une forme d'union nationale et donc  à un chef de gouvernement non socialiste  acceptant bien le tournant en faveur des entreprises, mais sachant mieux l'accompagner que Valls ne le  fait,

- soit, encore, un essai socialiste pour la fin du quinquennat,  mais un essai piloté par une personnalité capable d'être consensuelle dans les propres rangs de la gauche.   

 

Ne pouvant absolument pas dissoudre, il faut le répéter,  s'il fait son devoir et s'il veut écarter chaos et défaite, François Hollande doit reconnaître que Valls n'est pas la "dernière cartouche" et qu'en l'absence de confiance envers lui, il peut nommer  comme Premier ministre

- soit un homme comme  Bayrou (qui y semble prêt - cf. interview dans "Match" de cette semaine)  s'il veut clairement au nom de sa politique économique  se "centrer" et fédérer à cette fin une majorité recomposée de 200 ps + des centres ; ce serait une opération vérité;

- soit un modèle Aubry ou Fabius s'il veut,  retrouvant sa majorité à gauche en même temps qu'une chance de politique "socialiste" à la fois réaliste et intelligente,  essayer de durer ainsi avec les "siens "(même s'ils se sont vivement opposés par différents passés, en 2005 et 2012).  

 

L' hypothèse Bayrou offre  l'intérêt d'un réel "coup d'État" : parfaitement légitime au regard des institutions qui ont aussi été faites, par de Gaulle, pour permettre des rassemblements; offrant une belle rupture par rapport à la pratique bipartisane de la cinquième République, celle  qui pendant un demi siècle a systématiquement dressé les unes contre les autres des générations comparables et adverses de personnalités politiques s'occupant plus de "tuer " leurs adversaires que de bien gérer le pays. Ce serait enfin une tentative de briser cette bipolarisation qui a engendré tant de mal ( dont l'extrémisme FN)  et F. Hollande s'honorerait à un  tel essai.

 

Pour ma part,  j'apprécierais spécialement ce positionnement central qui a été le mien (et a conduit à mon essai législatif bien incompris de 1981) : c'était avant que l'on puisse mesurer ce à quoi conduisaient les enchaînements européens; c'est seulement ma prise de conscience, en particulier dans les années 80, de par mes fonctions en entreprises et de délégué à l'emploi, puis à la faveur de Maëstricht ainsi que de la consultation de 2005,   que j'en suis venu progressivement à des positions plus radicales (toujours en dehors des bibles de la bipolarisation et de la croyance aux bienfaits de l'alternance, donc loin des convictions institutionnelles et européennes partagées par le PS et l'UMP ) en cherchant à lutter contre l'agression économique et idéologique du paradigme néo libéral européiste.

 

Certes ce n'est pas d'un homme comme Bayrou qu'on pourrait attendre, semble-t-il, beaucoup d'esprit de révolution ( mais peut-être néanmoins d'un peu plus de dignité et de bon sens)  vis à vis de l'Europe, ce qui ne changerait pas grand chose par rapport à la situation présente.  Mais ce qui changerait - on ne peut pas gagner sur tous les tableaux à la fois - ce serait la pratique des institutions, ce serait l'apparition d'une chance d'apaisement du conflit  droite/gauche et de cet esprit de guerre permanente et stérile entre des camps n'offrant pourtant, en vérité,  guère d'alternative parce qu'asservis aux mêmes "fondamentaux".  Par ailleurs un profit d'honnête homme un peu conservateur en matière de société rassurerait, opportunément en pouvant les détourner du FN, les Français hostiles à des bouleversements de valeurs. Ces effets d'apaisement, mais aussi de renouveau politique éclatant seraient, les choses étant ce qu'elles sont, bienvenus pour créer un climat plus favorable à une ambiance de reprise et de redressement et pour redistribuer les cartes de la perspective présidentielle de 2017.

 

Il est évident, bien entendu, que tout ce qui est, à mes yeux, en faveur d'une option Bayrou, peut précisément constituer autant  de raisons de l'écarter pour un président "de gauche" s'il était sectaire (??)  . De toute façon si Hollande tient à la priorité de sa politique économique qui n'est pas celle de la "gauche" traditionnelle, il devra bien la faire avec quelqu'un d'autre que Valls qui est refusé par trop de monde  lui reprochant  "un style de caudillo”. Et  conduire  cette nouvelle politique économique avec un homme du centre qui l'a appuyé au moment des présidentielles, n'est-ce  vis à vis des militants du PS, comme vis à vis de l'opinion toute entière, plus honnête que faire exploser tôt ou tard le parti socialiste par un entêtement en faveur de Valls ?   

 

L'autre hypothèse  qui a également l'avantage majeur de ne pas conserver Valls en première ligne puisque celui-ci, par ses excès au moins de style, ne fait pas une politique consensuelle pour la majorité, puisque son gouvernement ne peut que faire perdre des voix à gauche (par les symboles libéraux) ainsi qu'au centre et à droite (par les symboles libertaires) lors de prochaines consultations - est de désigner un autre PM issu des rangs socialistes pour tenter de ressouder ses élus et militants  et préparer pour  2017 une confrontation  d'alternance qui réussirait à se faire malgré le poids du FN.


En ce sens , la première idée est que M. Aubry qui  redevient active et qui fait des critiques pertinentes et constructives, notamment sur la non sélectivité des aides aux entreprises, pourrait redevenir un profil possible, avec l'avantage d'avoir, avec toute une bonne équipe, réfléchi au sein du PS à une certaine alternative de politique économique et sociale inspirée par la convention de 2010/2011; mais elle a aussi dans certaines gauches et au sein du pays de fortes inimitiés et contestations et son choix pourrait être interprété (quoique à tort) comme  un rejet de toute ouverture au centre.

 

Une conciliation entre le socialisme de tradition et de rénovation (il a été l'un des auteurs de la plateforme rompant avec le marxisme) et de la continuité de politique en faveur des entreprises avec le changement de ton politique, sans préjudice d'une capacité d'ouverture au centre serait le talent de L.Fabius. Mais l'on sait que, de longue date,  bien des Hollandais l'ont beaucoup attaqué pour ses positions en 2005. Il pourrait être une forme de synthèse apaisante, mais peut-être,  malgré tout le sérieux et le dévouement dont il fait preuve,  peu attractive pour les demandeurs de renouveau,  à proposer aux Français.

 

 

En réalité, ce qui va vraiment se passer sera sans doute bien différent de ce que je viens d'essayer d'exposer comme logiques possibles

 

Alors qu'on a mis ci dessus en exergue tous les avantages du refus de confiance, cette défiance serait une vraie surprise.

 

Le forcing par le  timing, l’épouvantail irrationnel d'une dissolution (bien qu'elle soit totalement  invraisemblable), la peur des "dissidents" du PS d'être mis à la rue sans hériter (ce qui serait à débattre)  des moindres moyens de Solferino, voilà tout autant de facteurs qui vont s'unir contre une opération vérité.

 

Au lieu et place de celle-ci, on va voir - c'est commencé -  les courants contestataires du gouvernement au sein du PS ne pas aller au bout de leur contestation, s'en justifier, expliquer qu'il faut chercher seulement à  se trouver des armes pour négocier , pour "faire avancer leurs idées", pour, dans la grogne et les complications,  faire guérilla ici et là, en bref,  pour utiliser le Parlement comme Chambre de petites modifications - l'application a minima du contenu parlementaire de la Vème - et non comme moyen, par la défiance, de changer de gouvernement. Grâce au 49-3 qui prévaudra sur le 49-1,  rien ne sera changé : ni de la politique qui se fera , ni de l'image qui en sera donnée, ni de ses effets dans l'opinion.  

 

 Et le vote de la confiance le 16 septembre, apportera

 

- la continuation d'une politique économique sommaire et contestée;

- la continuation de l'évasion des militants socialistes et la destruction de cet électorat qu'abandonneront des déçus de gauche (à raison des aspects trop brutalement libéraux du gouvernement)  et des gens modérés (à raison des symboles trop libertaires du même gouvernement);  

- la confirmation de l'avenir de candidat présidentiel de M. Valls;

- la perspective d'amenuisement et/ou d'éclatement du PS;

- des chances renforcées pour le Sarkozysme et le FN.

 

Et toujours la confusion sur la nature  du pouvoir.. alors que celui-ci pourrait encore ou bien se ressourcer par un Premier ministre  socialiste aidant toujours fortement les entreprises, mais consensuel, ou bien faire éclater enfin la bipolarisation par une claire alliance au centre, ce qui répond d'évidence, aujourd'hui, à sa vraie nature.   

 

À défaut les seuls résultats de nos péripéties seront  qu'à ses successeurs, le pouvoir pourra repasser les mistigris du chômage et  de l'euro.  

 

 

 

 

 

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26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 16:04

Je renvoie à mon papier récent ( du 2 août) sur ce site "Un seul cap politique pour tous : qui sera et comment être le N° 2 en 2017 ?".


Il donnait un peu à l'avance  la clef d'explication du choix fait hier par Valls et Hollande , à la faveur du positionnement de Montebourg (qui leur a permis d'accélérer leur tactique)  de traduire brutalement  au plan politique leur ligne économique européenne radicale et qui va, dans la "cohérence" de ses serviteurs gouvernementaux,  se développer d'autant plus.

 

C'est leur moyen, en gardant le socle des "socialistes" prisonniers de la peur de la dissolution, de chercher à draîner bien des voix  (voire des alliés) du  centre  et même de  la droite ( dont  d'ailleurs en matière économique - sauf la notable exception  de L.Wauquier - cf. son pugnace ouvrage : "Europe il faut tout changer"- les positions ne se distinguent guère les unes des autres) : la recette pour que l'un des deux soit le numéro 2 , face à la candidate du FN en 2017.

 

Mais encore leur faudra-t-il tenir jusque là sans que les circonstances clarifiées  ne nourrissent une autre candidature crédible, moins de "gauche"  que de rassemblement patriotique et républicain, qui pourrait essayer de faire prévaloir, avec imagination et pugnacité, et en sachant surmonter bien des appartenances idéologiques et partisanes des différentes familles qui devraient y trouver leur convergence, les véritables intérêts des Français : l'inverse positif de ce "gouvernement d'union nationale" (c.a.d. d'abandon de la souveraineté nationale) auquel appellent, comme tant de médias, beaucoup des européïstes.

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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 16:33

On sait de longue date que la contrepartie du régime démocratique est que les politiques suivies ou proposées par des leaders en compétition ne peuvent être inspirées par la recherche du meilleur possible pour leur pays, mais, plus simplement, par celle des probabilités  électorales, c'est à dire par les moyens à employer pour écarter les risques d’échec et pour conduire à leur succès personnel ou au moins, partisan.

 

Or, il semble clair qu'en 2017, le premier tour présidentiel sélectionnera Marine le Pen et un second compétiteur. Celui-ci sera-t-il le leader (Sarkozy ou tout autre)  de la droite libérale autoritaire ? Où sera-t-il Hollande ou une sorte de clone ?

 

Pour avoir quelque chance de l'emporter ce Numéro 2 devrait pouvoir rallier une majorité au second tour. Préparer désormais ce que celle-ci, dans l'une ou l'autre hypothèse, pourrait être,  est évidemment le cap unique qui va commander les grandes manœuvres de la droite et les politiques conduites par l'actuel duo exécutif.

 

Dans la première hypothèse un candidat de droite pourrait trouver sa majorité,  soit s'il pouvait mordre sur l'électorat frontiste, soit s'il pouvait rallier au centre et au centre  gauche. Mais les deux démarches paraissent antinomiques. C’est le choix entre l'une ou l'autre qui va commander celui du candidat qui sera retenu : soit celui qui clive, soit l'un de ceux qui pourrait rassembler, y compris en séduisant des gens de gauche puisque ceux-ci ne voient plus en quoi un politique issu de leur rang peut de différencier d'un homme intelligent grandi dans les rangs de la droite honorable.

 

Dans la seconde hypothèse, celle ou le candidat n° 2 est Hollande ou procède de la même "gauche”, son succès suppose qu'il n'y ait pas trop de défections à gauche et qu'il puisse, néanmoins, au second tour, bien rallier l'électorat de droite (si celui-ci veut bien exclure l'hypothèse d'une présidence frontiste de la République, comme la gauche en 2002, en a exclu jusqu'au fantôme  en votant Chirac).

 

Là aussi les deux objectifs de moyens (ne pas trop perdre à gauche, beaucoup gagner à droite)  sont antinomiques, mais sont à la portée de Hollande qui se plaît d'avance à voir ses opposants de gauche obligés de voter pour lui  et qui va continuer à accentuer une politique européenne  libérale lui assurant un ralliement aisé, s'il parvient à être au second tour,  de la clientèle droitière classique. Mais pour lui, tout l'obstacle est d'être au second tour...alors qu'il a perdu son électorat socialiste traditionnel. C'est pourquoi, il n'est pas totalement impossible qu'un socialiste apparent de remplacement tienne ce rôle, en offrant quand même suffisamment de garanties à droite et, surtout,  à l'Europe. Quoiqu'on puisse en penser, il n'est pas du tout sûr que ce profil "idéal"  puisse être consensuellement trouvé. 

 

Les jeux ne sont pas faits; mais les régles du jeu semblent  bien affichées.  

 

 

 

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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 19:15

Au vu de mes expériences de préfet, puis, en tant que responsable d'entreprises et de reconversions, d'interlocuteur d'autorités territoriales nommées et élues, enfin en tant que directeur d'organismes centraux ou professionnels, compte tenu de ce que j'ai appris en ayant tant de fois fait des tours complets de France[i], la réorganisation territoriale qui me paraissait rationnelle[ii] eut été de fusionner département et région dans un périmètre constituant le même support d'une collectivité d'une part suffisamment large pour obtenir des économies d'échelle, d'autre part suffisamment proche des administrés pour satisfaire à leur besoin  de proximité. 

Voilà  ce qui portait à concevoir comme unique échelon entre État et tâches communales et/ou intercommunales,

- soit des régions remodelées absorbant de deux à trois départements et devenant les collectivités territoriales fondamentales polyvalentes "administrantes" :  parce que, autour de pôles urbains de niveaux différents mais ayant tous une légitimité historique et pratique, il existe bien une quarantaine de bassins régionaux distincts[iii] constituant chacun un ensemble à peu près cohérent de géographie humaine;

 - soit, (c'est une autre piste qui peut réaliser, autour des mêmes bassins un objectif équivalent) sur le même maillage, de grands départements au nombre d'une quarantaine, aux compétences élargies en incorporant l'essentiel des rôles que remplissent actuellement les régions : en matière d'équipements, de soutiens à l'emploi, pour soutenir diverses activités et pour organiser  certains schémas ( transports, déchets, etc.)  de services publics.

Il faut ajouter que dans les deux cas un échelon territorial constitué au plus de six grandes unités à l'échelle desquelles l'État et ces collectivités serait appelés à concerter une  stratégie d'Aménagement du Territoire, serait de surcroît, tout à fait concevable à la condition (absolument nécessaire pour ne pas renouveler des empilements de dépenses de fonctionnement et ne pas ouvrir des risques féodaux ou  centrifuges de type catalan et autre ) que ce niveau ne reçoive que de strictes attributions,  mais impliquant ( comme à l'origine des régions) qu'il ne gère aucun service.


Conception de la réforme

 

 Or sur l'hypothèse de faire disparaître ( en 2020)  les départements tels qu'ils existent,  entre deux options inverses possibles

- l'une : création d'une quarantaine de collectivités intermédiaires, comme  uniques échelons entre État et le tissu des diversités communales et intercommunales sur mesure,

- l'autre : entre le niveau étatique et celui, à développer et fortifier, d'intercommunalités ( restant à harmoniser, généraliser, construire,  imposer),  institution immédiate, par principe et pour l'image, de grandes régions (sans savoir si la ventilation des fonctions départementales entre ces régions et des intercommunalités à réorganiser, sera convenablement possible),

 

c'est la seconde option qui a été prise par les pouvoirs publics.

 

Leur choix est bien ( alors même qu'il a des effets conflictuels) un choix politique s'inscrivant dans la philosophie de la décentralisation et dans l'idéologie européenne, mais paraissant plus compliqué et bien moins rationnel que l'autre hypothèse qui aurait pu être porteuse d'économies d'échelle sans révolution des pratiques administratives (et qui serait vraisemblablement plus consensuelle, en réduisant certes le nombre de fonctions électives, mais en offrant la faculté qu'elles se répartissent mieux selon des logiques plus conformes à l'histoire, à la géographie et aux commodités de chacun).

 

Tel est le constat de synthèse que l'on doit tirer de la proposition  de réforme territoriale de début juin 2014 : celui de l'agrandissement de certaines régions, et celui de la suppression à terme en 2020 des départements dont les fonctions seraient ventilées entre les régions et des intercommunalités (sur lesquelles nous reviendrons).

 

Les principes, les variations de gestation et les tempos de cette réforme territoriale ont été , de fait , commandés par le constat juridique que le pouvoir a tardé à faire[iv] que pour supprimer  conseils départementaux et départements, une reforme constitutionnelle était incontournable.

 

Telle réforme constitutionnelle étant estimée politiquement impossible, ce constat a eu pour conséquence que s'est trouvée, avec bien des aléas , reportée à 2020 l'hypothèse de disparition  des départements ;  en même temps ce délai  est plutôt bienvenu pour imaginer ce qui pourrait remplacer  l'exercice départemental de fonctions (dont au premier chef les aides sociales représentant 70% des dépenses départementales et de gros volumes d'affaires ) qu'il est difficilement concevable de  transférer à de grandes régions, trop loin du terrain pour en hériter. Ainsi l'euthanasie du  département  passe-t-elle par la constitution d'intercommunalités à faire mûrir pendant un délai de six ans ( et qui semblent bien constituer d'une part une arme pour effacer les départements, d'autre part un moyens, à défaut d'une réduction du  nombre des communes,  d'une réduction des rôles de nombre de celles-ci).

 

Or pour que ce quadrillage soit efficace, les périmètres et les compétences de ces intercommunalités (devant avoir des dimensions minimales à faire respecter)  devraient être, fut-ce donc par voie obligatoire, être peu à peu harmonisés  jusqu'à concerner la généralité du territoire. 

 

 

Le "porte parolat" du gouvernement, par une note du 5 juin [v] qui a le mérite de la clarté et de l'aveu d'un  choix  largement aux antipodes de la tradition républicaine française et en faisant par contre, dans une déclinaison majeure de la décentralisation politique - des régions les pièces maîtresses d'une nouvelle architecture, a exposé ces projets qui entament maintenant leur parcours parlementaire. 

 

 

Points essentiels 

 

Au regard de cette réforme nous nous garderons de trop débattre du nouveau découpage choisi, tant il peut y avoir, en la matière, de préférences dont chacune ayant ses titres de justifications peut ouvrir des "débats sans fin" ;  et d'ailleurs à y bien regarder les 14 unités régionales projetées ne sont pas les moins justifiables, sauf quelques faux pas (comme  de mettre "dans le même sac" l'Alsace et  la Lorraine) .

Toutefois, la présence dans certains de nouveaux grands ensembles régionaux envisagés, de villes également notoires ne manquera pas d'ouvrir des problèmes difficiles sur la localisation des autorités régionales et des tensions du fait de concurrences manifestes entre elles.

 

On ne remembre ni ne charcute aisément les géographies d'un vieux pays dont la richesse, et même la puissance, tiennent à ses diversités que l'histoire avait réussi à unifier dans la République. Mais si les débats qui s'ouvrent ( mais d'ailleurs s'ouvriront-ils vraiment sur le fond  ?) aboutissaient seulement à modifier quelques frontières fantaisistes  et quelques compétences, ils manqueraient des objets essentiels. Car la question  n'est pas tant de débattre avec passion  de la pertinence de tel ou tel découpage - approche bien trop facile et favorable aux polémiques - que de se demander, au nom de la raison, si les principes mis en œuvre peuvent être de bons guides de réformes?

 

Au nombre des quatorze envisagées , les Régions restent trop étroites au plan stratégique économique, mais  semblent, à l'inverse, au plan administratif, trop vastes pour pouvoir absorber  certaines  tâches des départements. Ce cadre  spatial  ne  paraît guère mieux adapté que celui d'aujourd'hui  à des tâches de grand aménagement du territoire, pour favoriser des arbitrages géographiques de grande échelle et pour définir et accomplir des missions économiques d'intérêt national et  d'ampleur stratégique : la plupart des espaces de chacune de ces régions resteraient encore, à mes yeux,  trop exigus pour pouvoir être un cadre de grandes actions concertées entre tous les acteurs territoriaux et l'État, ce qu'il faudrait assurer pour nos façades maritimes et pour constituer un centre-est français à l'interface de  la mitteleuropa.

 

 

En faisant de régions renforcées - et souvent agrandies - les pivots de sa réforme (dont l'intégration européenne est aussi  une dimension comparative qui compte trop) le choix du pouvoir applique une idéologie nourrie d'une conception politique et non gestionnaire de la décentralisation.

 

En effet les régions jusqu'alors ont moins existé par des services qui eussent été irremplaçables à ce niveau ( toutes leurs fonctions pouvant quasiment être exercées par des départements agrandis, tandis que l'inverse n'est pas vrai,  comme il est évident qu'on va le constater en cherchant à déterminer qui pourra bien remplacer le département dans tel ou tel rôle équipementier, administratif et social où il est aujourd’hui adéquat) que par le double visage politique qu'elles offrent : elles sont les supports de compétitions de la "politics" et le cadre dans lequel leurs élus croient pouvoir mener des "policies" (d'aménagement territorial, de développement  économique, culturel, voire de relations externes, etc.) et même quand ils y réussissent, ces actions régionales ne changent pas  beaucoup aux effets des politiques nationales. Les régions existent ainsi par les images qu'elles représentent, les notoriétés qu'elles confèrent et les illusions qu'elles entretiennent. À ce dernier titre, on verra bien d'ailleurs que leur renforcement ne pourra guère changer la donne si elles ne reçoivent de vraies capacités fiscales (dont celles d'imaginer leurs propres impôts..., ce qui serait le test d'une réalité de changement ) .

 

C'est bien différemment que s'est vécue  la décentralisation départementale par laquelle, bien souvent, les valeurs de gestion ont rapproché les compétiteurs politiques, si bien que le souhait de faire se comprendre les Français, d'écarter les excès des clivages passerait mieux par l'échelon de gestion de grands départements que par l'échelon politique de grandes régions.

 

En second lieu, au plan pratique,  une fois ces régions  supposées en place , pour pouvoir continuer à assurer des services départementaux existants, ne devront-elles mimer les départements, ne pouvant remplacer cet échelon qu'en le copiant, c'est à dire  en ré-inventant des structures de proximité  pour assurer les gestions routières locales, celles des collèges, et toutes celles relevant des aides sociales ?

 

 *  Comme il n'y a pas de différence de nature entre d'une part des équipements routiers et autres  et, d'autre part, des constructions scolaires,  qu'ils et qu'elles relèvent aujourd'hui des régions ou des départements  (et que c'est toujours affaire de programmation d'une part, de subventionnement d'un maître d'ouvrage ou de pilotage de marchés d'autre part), la fusion sur 14 circonscriptions des fonctions d'investissements des  départements  et des  régions  est sans doute tout à fait possible en principe , mais non sans tensions politiques (pour la programmation des crédits et les subventions ).

 

* Quant à la concentration des mises au point et des gestions d'aides économiques aux entreprises et de soutien à l'emploi, dans les cas de fusions des régions actuelles, elle n'est évidemment pas impossible, mais pourrait être délicate : parce que les mécanismes d'intervention et les décisions se concevraient et se prendraient, dans un certain nombre de cas,  à un niveau moins proche du terrain, et que cette "distanciation" serait de plus  accompagnée d'une interdiction d'intervention des départements ( mais non des communes ? car on voit mal ôter à celle-ci leur clause de compétence générale ).

 

* En matière de transports, la translation est sans doute aussi possible, mais non sans difficulté de distance s'il s'agit de remplacer des organisations départementales de transport ( notamment scolaires).   

 

* En matière de formation professionnelle - pour autant que les rôles des Régions aient été véritablement clarifiés par la loi de 2014 - le passage à presque deux fois moins de circonscriptions régionales aurait l'avantage de réduire le nombre de plans régionaux de formation et d'accroître les synergies entre bassins d'emplois voisins, mais, là encore, la distance par rapport aux publics intéressés par les aides à la formation et/ou éligibles à la formation continue ne favoriserait sans doute pas de bonnes instructions de proximité.

   

Il faut surtout s'interroger sur la manière dont pourrait s'organiser la fonction  de proximité pour l'aide sociale qui est une charge départementale (budgétaire et pratique) extrêmement lourde:

 

        ° si le passage de plus de 9O à 14 circonscriptions permettait une meilleure péréquation des charges et des dépenses, ce serait sans doute un progrès (en même temps qu'il y aurait des fusions entre Règlements Départementaux d'Aide Sociale et une part d'harmonisation des pratiques d'admission et des couvertures tant pour l'AS "légale" et que pour les AS facultatives qui, compte tenu du degré de richesse des départements et des sensibilités de leurs responsables, peuvent, aujourd'hui être bien inégales d'un lieu à un autre).

 

         ° mais quid du fonctionnement pratique ?

 S'il n'y a plus de conseils départementaux, est-ce que les décisions prises aujourd'hui à ce niveau  en matière d'aide sociale se trouveraient "hissées" au niveau régional : très loin de leurs publics, comme  des fonctionnaires et magistrats qui y collaborent,  et avec de très gros plans de charges pour les autorités et les organismes compétents  :

 

 - comment, d'abord, se trouveraient remplacées, au delà du stade communal,  les instructions de dossiers aboutissant aux  décisions du président du Conseil Général ou du préfet? Le changement de niveau décisionnel, ne réduirait pas pour autant la masse des affaires, ce qui appellerait au niveau régional ( ou à tout autre de commodité) des moyens en proportion, avec donc une quasi annulation de l'effet d'économie;

 

- au stade du recours devant les Commissions départementales d'Aide Sociales, si celles-ci devenaient des CRAS, ces commissions régionales auraient en moyenne des plans de charge de presque dix fois celui des CDAS.

 

Il semble clair que - quelque soit l'échelon théorique de prise des décisions -  il faudrait, de toute façon, ou étoffer des services régionaux "ad hoc" , ou démultiplier les services au niveau local : pour l'instruction des dossiers, (enfance, personnes âgées, rsa, handicapés), pour la gestion  des nombreux  contentieux, pour les assistances pratiques des administrés, et... pour le suivi du fonctionnement  des différentes installations d'accueil concernant l'enfance, les personnes âgées (maisons de retraite) et avec le besoin d'une articulation avec l'administration départementale d'État et les circonscriptions judiciaires … 

 

C'est dire qu'à ce stade on voit mal comment on peut, en matière d'aide sociale, se passer d'un  échelon de véritable proximité,  quel que soit son nom ...

 

En fait le schéma d'une douzaine de régions  sans autre niveau de collectivité locale entre l'échelon communal et l'échelon d'État supposerait une complète refonte de l'organisation (financement, administration, contentieux )  de l'aide sociale en France, dont l'État s'est délesté il ya quelques années vers les départements.

Et peut-être la solution serait-elle de rendre cette tâche à l'État tout en maintenant le pluralisme actuel des financements, ce qui n'empêcherait pas de devoir passer au compte de l'État - ce n'est pas l'ambiance budgétaire  - les nombreux fonctionnaires affectés à ces tâches...

 

C'est dire que ces réformes de structures territoriales peuvent se télescoper avec les problèmes tenant à l'augmentation de la dépense d'aide sociale collective et, notamment,  avec le problème de la prise en charge et de la gestion du risque dépendance ( qui s'est distingué d'autant plus en tant que tel que s'effritaient les possibilités de couverture par les régimes de base).

  

L'un des questions fondamentales, aujourd'hui masquée de la réforme,  est donc la question des plus délicates de l'administration de l'aide sociale  (au sens large). Si elle ne revenait ni à l'État, ni à des services régionaux déconcentrés (ce qui serait une forme de maintien partiel du niveau  département mais sans organe élu), pourrait-elle revenir  à des circonscriptions de proximité : des intercommunalités (obligatoires)  pourraient peut-être convenir   pour  instruction des dossiers, tandis qu'au  niveau de chacune des régions se ferait la gestion financière ?

 

  L'interrogation sur l'administration de l'aide sociale illustre le problème de la définition des capacités que pourraient - voire, devraient (!) obligatoirement - avoir les intercommunalités. Lorsqu'il y a coïncidence de fait d'une grosse intercommunalité (comme la métropole lyonnaise) et d'un petit département ( le Rhône) absorption et transfert semblent pouvoir bien aller ( encore faudra-t-il voir) de pair, mais dans le tissu territorial normal, et plus particulièrement rural, comment imaginer que des intercommunalités puissent être obligées de prendre les fonctions sociales des départements?

 

La vérité c'est que le département a été la première intercommunalité et  qu'elle a, en général, bien fonctionné : par règle nationale pour l'aide sociale, souvent pour bien des services comme ceux de sécurité et lutte contre l'incendie, comme les transports notamment scolaires, et pour la part de péréquation financière qu'assurent ses subventions aux communes. Pourquoi donc imaginer d'autres intercommunalités - et plus émiettées, complexes, difficiles à, monter et coûteuses - que le département puisque celui-ci existe et pourrait être agrandi ou réformé ?

 

Ouvrir d'autres perspectives  

 

Ce qu'il faut espérer c'est que la période de transition de six ans  .. qui va s'ouvrir entre la création de 14 régions et la suppression des départements soit - sous réserve que des décisions législatives intempestives ne soient pas prises chemin faisant  - intelligemment utilisée pour faire évoluer le projet de réforme; il pourrait même être dénoué sans besoin de réforme constitutionnelle dès lors que les départements subsisteraient,  seraient agrandis et leur nombre divisé, par exemple,  par deux.

 

Bien des variantes peuvent s'ouvrir si le pouvoir n'était pas têtu (comme il  a été trop souvent)  ….en particulier s'il apparaissait (ce qui est vraisemblable) que ce ne sont pas des intercommunalités qui pourraient aisément - notamment en milieu rural et en matière d'aides sociales - remplacer la collectivité départementale (et que si elles y parvenaient ce ne serait qu'en ne supprimant pas en réalité, mais en rendant plus complexe  le "millefeuille français").


Il faudrait aussi  que progresse l'idée de régions  de  plus grande taille ( recevant de strictes compétences d'attributions centrées sur l'emploi et quelques infrastructures et équipements lourds), mais  sans appareils de services, ces services  devant alors  rester au niveau des gestions départementales celles-ci pouvant administrer de manière inter cantonale sur mesure des intercommunalités utiles en assurant leur représentation par les élus cantonaux correspondants.   

 

Enfin, ce schéma divisant par deux le nombre de nos départements et les quatorze  régions elles-mêmes  serait évidemment le plus économique, voire plus aisément consensuel.

 

Encore faudrait-il qu'un  pouvoir ne s'entête pas sur sa réforme et qu'un autre demain vienne à la balayer[vi]

 

 



[i] Comme directeur adjoint pour les stages de l'ENA dans les sixties, comme chargé des tuc et formations en alternance, puis délégué à l'emploi et pour restructurer textile et sidérurgie dans les années quatre vingt, pour des missions de consultant ensuite et par attachement à nos pays depuis lors...

 

[ii]  cf. sur ce site en date du 19/01/14 "La seule réforme efficace possible du mille feuille français : une collectivité territoriale unique, article reprenant ma publication de la Revue politique et parlementaire in N°  1068/69, juillet/décembre 2013)

[iii] ayant bien plus de réalité que certaines grandes régions, ainsi "Rhône Alpes" comporte au moins trois bassins géographiques : celui du Rhône, le Dauphiné  et les Savoies.

 

[iv] en cherchant des montages du type du maintien des départements par des collège au sein de la région, ou par un conseil "départemental des intercommunalités" - montages qui se sont révélées irrecevables ...

 

[v]  Cette réforme sera fondée sur 3 axes principaux :

 

                       -  Des régions plus puissantes et regroupées, pour promouvoir le développement économique, l’emploi et la cohésion territoriale ;

La montée en puissance des intercommunalités pour que l’armature territoriale repose à terme sur le couple intercommunalités / régions ;

La redéfinition du rôle des conseils généraux dans la perspective de leur suppression.

-  Elle sera accompagnée d’une réforme de l’organisation de l’Etat dans les territoires, afin de renforcer sa présence.

 

1. La région

 

Les régions « se sont imposées comme des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire. Mais elles sont à l’étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années 60. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui elles-mêmes ne sont plus adaptées au développement de l’économie locale » (PR, 03/06/14).

 

Le président de la République a donc proposé « de ramener leur nombre de 22 à 14 :

˗ Elles seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales.

˗ La carte qui a été définie […] prend en compte les volontés de coopération qui ont été déjà engagées par les élus.

˗ Elle sera soumise au débat parlementaire. Mais il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays. »

 

« Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilités ». Elles seront la seule collectivité compétente pour :

˗ Soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi ;

˗ Intervenir en matière de transports (trains régionaux, bus, routes, aéroports, ports) ;

˗ Gérer les lycées et les collèges. ;

˗ Assurer l’aménagement et les grandes infrastructures.

 

« Pour remplir leur rôle, elles disposeront de moyens financiers propres et dynamiques. Elles seront gérées par des assemblées de taille raisonnable. Ce qui veut dire moins d’élus » (PR, 03/06/14).

 

2. L’intercommunalité

 

« L’ensemble du territoire national est aujourd’hui couvert par des intercommunalités. Mais elles sont de taille différente et avec des moyens trop faibles pour porter des projets ».

 

« Ce processus d’intégration doit se poursuivre et s’amplifier. C’est le sens de la réforme proposée. Les intercommunalités changeront d’échelle. Chacune d’entre elles devra regrouper au moins 20 000 habitants à partir du 1er janvier 2017, contre 5 000 aujourd’hui. Des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés ».

 

« L’intercommunalité deviendra donc, dans le respect de l’identité communale, la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale. Il faudra en tenir compte pour lui donner le moment venu toute sa légitimité démocratique. Comme il en a été décidé pour les 13 métropoles et le Grand Paris qui ont été créés par la loi du 27 janvier 2014 » (PR, 03/06/14).

 

Sur la commune : « La commune est l’institution à laquelle chaque Français est le plus attaché. […] Elle doit demeurer "une petite République dans la grande". La spécificité de notre pays c’est de compter 36 700 communes » (PR, 03/06/14).

 

 

3. Le conseil général

 

« Dans ce nouveau contexte, le conseil général devra à terme disparaître. La création de grandes régions,et le renforcement des intercommunalités absorberont une large part de ses attributions.

Cette décision doit être mise en œuvre de façon progressive car le conseil général joue un rôle essentiel dans la solidarité de proximité et la gestion des prestations aux personnes les plus fragiles.

Et il ne peut être question de remettre en cause ces politiques. Pas davantage les personnels dévoués qui continueront à les mettre en œuvre. Du temps est nécessaire et de la souplesse est indispensable.

Une large initiative sera laissée aux élus pour assurer cette transition. Certaines métropoles pourront reprendre les attributions des conseils généraux et toutes les expérimentations seront encouragées et facilitées ».

 

« L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020 […]. D’ici là, les élections pour le conseil départemental seront fixées le même jour que celles pour les futures grandes régions à l’automne 2015. Avec le mode de scrutin qui a été voté par la loi du 17 mai 2013. »

 

« Le département en tant que cadre d’action publique restera une circonscription de référence essentielle pour l'Etat » :

˗ Autour des préfets et de l’administration déconcentrée pour : garantir le respect de la loi et protéger les citoyens en leur permettant d’avoir accès aux services publics où qu’ils se trouvent.

˗ « Mais il devra renoncer à exercer les compétences reconnues aux collectivités» (PR, 03/06/14).

 

4. Prochaines étapes : 2 projets de loi

 

La réforme territoriale sera mise en œuvre par deux projets de loi qui seront présentés en conseil des ministres le 18 juin prochain :

 

˗ Un projet de loi définira la carte des régions et reportera la date des élections régionales et départementales. En effet, afin que cette réforme puisse être définitivement adoptée un an avant les prochaines élections, celles-ci se tiendront en novembre ou décembre 2015 :

 

o  Le scrutin régional sera maintenu, tout en garantissant la représentation de chaque département.

o  Les élections départementales auront lieu concomitamment dans le cadre du mode de scrutin adopté en 2013.

L’examen de ce projet de loi commencera au Sénat en juillet pour une promulgation en novembre 2014.

 

˗ Un autre projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République accroîtra les compétences des régions, clarifiera les compétences des différents niveaux de collectivités, et renforcera les intercommunalités.

 

Cette réforme « va forcément évoluer. […] Il va y avoir débat, et je suis attaché, comme le président de la République, au rôle du Parlement, donc il peut y avoir des évolutions. [...] Le débat s’ouvre » (PM,03/06/14).

 

[vi] comme le fut le conseiller territorial qui avait ses défauts, mais constituait une avancée vers les fusions département/région.

 

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16 mai 2014 5 16 /05 /mai /2014 18:11

1 - Un bon programme européen ?

 

Les huit pages de propositions de Pervenche Bérès et des membres de sa liste socialiste que j'ai trouvées dans ma boîte aux lettres m'ont paru un bon programme européen pour autant qu'il soit réalisable alors qu'il est déjà en divergence manifeste avec celui que mettent en œuvre les pouvoirs. J'ai même cru que c'était un programme d'opposants ;  mais non! si bien que voter pour ces pseudo opposants aboutirait à voter pour ce que fait ou pour ce que  laisse faire le pouvoir et à lui donner une béquille indue.... encore qu'il ne faille jamais jurer de rien : le décret élargissant les capacités de contrôle des prises de .. contrôle; quelques soins significatifs  pris, au regard de leurs impositions et pour leurs retraites, de situations sociales modestes donnent à penser qu'une orientation  réputée de droite peut être à l'écoute de soucis dits de gauche, puisqu'il faut bien s'assurer une majorité. La vie politique garantit de moins en moins la coïncidence de l'image et de l'action,  ce qui entretient ce climat de désenchantement et de relativisation dans lequel baignent les Français.  

 

2 - L'UE ne sera  pas légitimée par le choix parlementaire du président de la Commission

 

Sur l'UE, à force d'être conditionnés par tant de médias, n'en viendrait-on à penser qu'elle va devenir plus légitime dès lors que son président de Commission va être quasi choisi par une majorité issue du suffrage universel ? Mais n'est-ce le piège : faire dépendre  (et se satisfaire) chaque Nation d'un choix qui - quel qu'en soit le résultat - lui échappe, en la faisant consentir à la perte d'une capacité stratégique et manœuvrière qui resterait au service, selon les préférences de sa propre culture,  de ses intérêts spécifiques : ceux  que jamais le concert - même démocratisé - de près de trente  pays ne pourra prendre en compte. Alors que les Français éprouvent de plus en plus (de l'aveu même d'un  P. Lamy, cf. Le Monde 15 mars)  le malaise de se sentir "dépossédés de leur destin", c'est troquer la responsabilité de celui-ci contre une mythique  histoire de grand ensemble à partager de soutenir que notre histoire ne peut  s'écrire qu'en Europe (dont la définition géographique a été  de surcroît bien aléatoire) . Ce n'est pas, en soi, la dimension qui fait la capacité; c'est la cohérence des choix faits, des méthodes adoptées par rapport aux héritages et aux ambitions.   Anglais, Américains, Suisses,  même Russes et tant d'autres,  ne se sentent ni plus malades, ni impuissants, ni menacés  d'être indépendants. Il est  d'ailleurs, sans doute, moins difficile d'accepter des sacrifices au nom des intérêts de sa communauté nationale gérée sous responsabilité  du pouvoir élu dans ses frontières que de se les voir imposer par une autorité supra nationale, même issue de ses propres gouvernants. L'européisme est lui-même devenu contre productif des adaptations et "réformes" à conduire, lesquelles seraient mieux obtenues par un élan national encadré par un souverainisme de progrès.     

 

 

3 - Même si l'absention ne pouvait avoir  d'impact opérationnel, elle est la seule logique de refus du système


Voilà un tel nœud de contradictions que - sans systématiser une posture anti-européenne, car il ne faut pas, compte tenu de certains aspects positifs de la production  européenne, notamment en matière de normes environnementales,   jeter le bébé avec l'eau du bain  -  on peut penser,  puisque les offres de changement de l'Europe ne sont pas plus crédibles pour demain qu'elles n'ont été vérifiées pour hier, qu'il vaut mieux s'abstenir pour signifier le besoin d'un coup d'arrêt aux enchaînements que nous subissons.

 

Certes, un effet pervers de l'abstention est de renforcer  le pourcentage des voix du FN ,  mais l'abstention est aussi l'ennemie reconnue du FN en en grignotant la base et le niveau d'expression (et a donc, à ce titre, toute sa valeur , comme, au revers de son éditorial invitant à ne pas bouder l'élection,  l'indique "le Monde "  dans une analyse  plus fine, mais toutefois imparfaite : "l'abstention peut empêcher le Front national d'être le vainqueur des européennes").

 

En fait ces impacts de l'abstention sur la géographie électorale  sont ambigus : l'effet dépend de qui ça vient; si celui qui s'abstient fait partie de la clientèle potentielle de l'extrême droite,  elle en est affaiblie; si celui qui s'abstient fait partie d'une autre opposition, le score relatif du Fn n'en est-il renforcé ?  Mais  l'intérêt d'une faible participation contestant le principe même d'une souveraineté européenne combinée à la présence au sein du Parlement de Strasbourg  de fortes oppositions ne pourrait-il être de créer une situation ingérable obligeant à des remises en cause du système ?

 

4 - Il ne peut y avoir de changements européens sans changements nationaux

 

On doit toutefois s'avouer qu'on ne voit pas comment une équation politique pourrait porter à telle remise en cause , ce qui atteste des impasses auxquelles a conduit non pas l'Europe en tant que telle, mais les convergences de politique économique des États qui la composent, si bien que sans changements nationaux, il ne peut y avoir de changements européens, les changements nationaux auxquels va contribuer l'élection parlementaire européenne  n'étant pas des meilleurs. 

 

Les montées en puissance des extrémismes populistes se servent du sentiment anti européen comme d'un levier :  en se prononçant contre l’Europe, l'extrême droite va piéger à son profit, comme supports de ses haines et de ses démagogies (telles que l'illustrent déjà, en France,  des postures municipales du Front),  nombre d'électeurs qui ne l'auront pourtant rallié que sur son refus des effets de   la politique européenne et non pas sur l'ensemble de ses autres thèses.

 

Il faut néanmoins espérer que le grand nombre de listes proposées aux électeurs et contestant l'actuelle " Europe de Bruxelles" aura  pour effet de disperser les voix et que, malgré les pronostics dans lesquels l'arbre du lepénisme cache la forêt des autres critiques de l'UE, le FN ne fera pas les scores attendus.

 

Sinon, que pourrait-il d'autre en résulter en politique intérieure, que la perspective chaque jour plus évidente de voir, par l'osmose des électorats, l'extrême droite gagner en influence, sans pouvoir être apte, pour autant, à faire changer de politique économique et sociale. Des évolutions en ce sens peuvent, en réalité, mieux résulter, à droite , de la courageuse lucidité d'un  Guaino, à gauche de ceux qui prêchent la désobéissance européenne, ainsi enfin des écologistes enfin libérés, semble-t-il,  des formules incantatoires  de Cohen Bendit. L'ensemble de ces observations renvoie au constat que des changements satisfaisants  ne peuvent pas tenir à l'élection européenne - même s'il est vrai que  tel ou tel président de la Commission serait plus néfaste qu'un  autre - mais doivent prendre racines par   une redistribution des cartes en France même.

 

Est-ce que cela ne devient pas éventuel : d'un côté,  à raison de la prise de conscience qu'une telle transformation des données politiques que celle que l'on connaît  ne peut pas être sans impact sur les institutions (cf. la "sortie" de JF Kahn in Marianne de la semaine passée,  "Pour en finir avec la Vème République "), et d'un autre,  parce que les partis  (et les personnalités) autres que lepénistes demandant un changement radical dans la relation à l'Union européenne - la reconstruction d'une part de souveraineté nationale sans renoncer à des formes de solidarité européenne -   peuvent peut-être eux-mêmes trouver dans la consultation du 25 mai une occasion d'expression qui ferait poids.  Les soutenir ou s'abstenir est le cas de conscience  de beaucoup que peut seule trancher l'intime conviction de chacun ( en particulier, qu'il y a ou qu'il n'y a pas d'offre stratégique de rechange).

 

En fait,  l'important dans l'immédiat - quoique dans le déséquilibre des rapports de forces actuels, ce soit la quadrature du cercle - serait que les résultats français du 25 mai puissent sanctionner clairement la politique européenne des partis de gouvernement sans apporter de l'eau au moulin diabolique du FN.

 

5 - La menace du traité de libre échange transatlantique

 

Le plus grand enjeu visible de ces élections porte sur le traité économique transatlantique : tout ce qui approuverait ce qui se fait et la manière dont, au niveau européen, cela se fait (par délégation - démission  ? - des États du  pouvoir de négociation à  la Commission porteuse de l'idéologie du libre échange et dont il serait ensuite extrêmement difficile de refuser les résultats) est la plus grande menace de cette consultation si elle venait à valider une majorité portée à investir un président de la Commission s'inscrivant  dans la ligne suivie jusqu'à présent en cette affaire. 

 

Au delà des marchandages sur les droits et sur les normes, sur les secteurs exclus ou concernés, sur les contreparties concrètes possibles des concessions réciproques (tous domaines dans lesquels c'est la Commission qui, en secret, semble bien arbitrer entre les intérêts  qui sont évidemment très différents des 28 pays concernés)  ce qui est en jeu est l'existence ou non des  compétences souveraines, des puissances étatiques : l'hypothèse de pouvoir, devant une juridiction arbitrale, faire contester par des intérêts privés (ou faire reconnaître et réparer comme dommages portés à ceux-ci) des décisions publiques,  franchit,  en droit la limite  suprême qui est, en réalité, déjà souvent  transgressée dans les faits : un pouvoir économique sans légitimité politique, mais considéré à l'égal de l'expression de l'intérêt général porté par une partie publique  pourrait imposer - et, dans le nouveau cas de figure, serait de plus juridiquement sans appel consacré de le faire - ses choix et préférences aux pouvoirs issus de la souveraineté populaire. Le pouvoir des  groupes privés et financiers qui est déjà très prégnant serait consacré en droit public interne et en droit international.

 

Non seulement l'exercice de la  souveraineté est passé du niveau national (qui n'a plus certaines des décisions stratégiques) au niveau européen, mais il est prévu, par ce Traité,  de pouvoir faire disparaître,  selon les demandes des intérêts privés, toute souveraineté publique : la compétence publique ne serait plus que celle de négocier la composition d'un  tribunal arbitral.

 

Ce serait, au profit des puissances financières,  la fin des souverainetés étatiques dans le monde occidental.

 

6 - Contrôle de constitutionnalité et gouvernance supra nationale dessaisissent la démocratie

 

Toute l'évolution de la société post démocratique a été de retirer du pouvoir au peuple théoriquement souverain. La première étape en fut le passage de la souveraineté populaire à la souveraineté nationale qui transfère aux élus  la charge des choix . Deux grandes manœuvres postérieures ont puissamment poursuivi en ce sens : la première  tout à fait classique a consisté, avec l'appui de générations de juristes épris de garanties des libertés -  mais qui vont servir en fait les plus grands risques de conservatisme -  à instituer un contrôle de constitutionnalité qui peut renfermer le pouvoir démocratique dans les bornes des principes stipulés dans le  passé et interprétés au présent, parfois selon l'air du temps,  par un corps irresponsable de "sages suprêmes" dont les appréciations juridiques pourront être indubitablement influencées par leurs convictions personnelles, par l'état de la conscience collective, voire (sauf en cas de mode miraculeux indépendant de choix comme le serait leur tirage au sort parmi des collèges de  techniciens du droit)  par leur mode de désignation (pouvant avoir tenu compte de leurs opinions).

 

La seconde voie de limitation de l'inspiration démocratique  est le transfert de la souveraineté nationale a des compétences technocratiques supranationales dont le modèle accompli est l'Union européenne,  l'idée de base de Jean Monnet ayant été qu'il fallait introduire un pouvoir technique apparemment soft, mais porteur de transformations s'obtenant peu à peu  par le besoin de résoudre les contradictions apparaissant inévitablement entre une mesure technique et une habitude politique de telle sorte que,  par des effets de dominos,  des contraintes économiques fortes permettent d'écarter les aberrations auxquelles peuvent conduire l'obéissance  à des  électorats laxistes, ne sachant prendre en compte que leurs intérêts apparents immédiats,  une gouvernance élitiste pouvant alors échapper à la démocratie.  

 

Or, aujourd'hui en France les deux piliers de la vie collective consensuelle partagés entre majorité et opposition sont bien

- d'une part les institutions issues de 58 - auxquelles appartient un  contrôle de constitutionalité qui s'est en vérité auto habilité de manière  apparemment soft depuis les années 70, mais en devenant de plus en plus envahissant et catégorique;

- d'autre part, une obéissance de plus en plus étendue à une Union Européenne qui s'est introduite dans le système de gouvernance à la faveur d'un large souhait national de pacifier définitivement les relations avec l'Allemagne, mais qui, de proche en proche, en catimini pendant des années, avec impudence ensuite, sous l'influence des néo-libéraux s'en servant comme d'un  levier de total changement des valeurs de la société française, le tout à la faveur de l'abandon du fondamental initial qui était "la préférence communautaire", puis du transfert de la souveraineté monétaire ainsi que d'élargissements changeant dans les institutions européennes  la pondération  des influences nationales.

 

Dans les deux cas, la prise de conscience des citoyens  a pour le moins été décalée et , alors même que ces évolutions rencontraient une part de leurs vœux, ils ont été, sans avoir eu bien conscience de ce qui se passait,  mis devant des faits accomplis qui ont été confirmés alors même qu'ils manifestaient leur défiance comme en 2005 vis à vis de l'Europe et par suite, en ce qui concerne le contrôle de constitutionnalité , du fait de l'espèce de sacralisation  qui entoure celui-ci : parce qu'ils sont conscients que cette institution  a été, un moment,  le seul rempart contre les excès possibles de la  démocratie majoritaire absolue.

 

Or, parallèlement à l'Europe qui est le pilier du temple libéral, le Conseil constitutionnel paraît manifester, dans une ambiance intellectuelle qui affecte quasiment tous les juristes, une sensibilité conforme au climat dominant. On l'avait constaté, en matière sociétale,  dans sa décision sur le voile d'un raisonnement si proche des dominantes d'opinion. On semble pouvoir le constater dans certaines orientations en matière administrative marquant une prise de distance vis à vis du lien traditionnel entre principes du service public et fonction  publique (cf. notamment décision du 12 octobre 2012 , n° 2012-281QPC - syndicat de défense des fonctionnaires). On redoute de le lire, en matière économique et sociale,  dans la décision dite de Florange qui au nom du droit de propriété et de  la liberté d'entreprendre a, notamment en supprimant les sanctions,  vidé de portée la loi qui aurait pu contraindre de facto des entreprises à céder un site qu'elles veulent fermer afin d'éviter une pénalité significative , cette disposition, selon le Conseil,  interdisant l'anticipation des difficultés économiques par l'entreprise et permettant au juge de substituer son appréciation à celle du chef d'entreprise. La préservation du pouvoir stratégique du propriétaire peut, certes,  répondre à des besoins d'espèce, mais dans une logique de compétition par les taux de profit, elle autorise aussi tous les excès du capitalisme actionnarial. Or, la recherche d'une pondération  entre des préoccupations pouvant devenir antagonistes (celle de la préservation de la valeur et des potentialités  du capital, et celle de la préservation de l'emploi) et aussi légitimes l'une que l'autre, le Conseil n'a trouvé dans nos déclaration des droits et autres principes fondamentaux que ceux qui allaient dans le seul premier sens, sans chercher à mobiliser, pour en modérer la portée,  ce que l'on pouvait aussi déduire du principe selon lequel "chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi". Le raisonnement même du Conseil est dans cette  affaire  encore de plus grave portée que la décision elle-même.

 

7 - La sottise de "l'État-roi"

 

Encore qu'après quelques autres  - plutôt paralysantes des efforts de justice du gouvernement et plutôt protectrice des droits des mieux pourvus - elle illustre bien combien les pouvoirs publics  peuvent s'offrir le luxe d'avancées dont ils sont quasi sûrs que le contrôle de constitutionnalité les empêchera de les mener à bien. C'est que si le pouvoir d'État est effectivement bien coincé entre conseil constitutionnel et conseils européens, il souscrit au fond à son propre laminage tout à fait inscrit dans l'idéologie promue par les influents ; ceux-ci diffusent,  à qui mieux mieux,  des sottises qui comme les mensonges,  ont d'autant plus de chances de passer qu'elles sont plus énormes. Ainsi, par exemple, l'Express du 30 avril titre " Cette France ou l'État est roi" , ce qui est un pur contre sens  résultant  d'une exploitation caricaturale des ouvrages libéraux très engagés de N. Lecaussin ( directeur de l'Iref) : on donne à confondre la multi présence de l'appareil public dans la société française ( qui est réelle et peut être abusive, alors même que l'État se transforme ( cf. des points de vue croisés et pondérés dans les Cahiers Français , mars - avril 2014 "la place de l'État aujourd'hui) et la capacité qu'aurait l'État national à décider. Si  l'État  critiquable et à réformer persiste en un étatisme comportant nombre de défauts, l'État stratège national nécessaire  a largement disparu comme instrument de choix. 

 

Il est alors facile et hypocrite, lorsqu'on fait partie de la famille idéologique qui a fait enlever son rôle à l'État, de maintenir que celui-ci est maintenant hypertrophié : il est malheureusement vrai que l'appareil public ne paraît  plus autant justifié dès lors qu'il a perdu de larges pans de son autonomie décisionnelle et que ses propres représentants ayant choisi de transférer des outils majeurs de sa souveraineté, il doit surtout conduire de plus en plus des tâches de mise en musique en matière économique et sociale - qui peuvent toutefois cruellement manquer de moyens comme la protection des handicapés et des personnes âgées et dépendantes, comme pole emploi, comme les polices,  la justice et les prisons, etc. En même temps en matière sociétale, les évolutions que notre pouvoir doit  impulser sont manifestement sous influence des opinions du monde et parfois sous leur contrôle via la Cour européenne des droits de l'homme dont les décisions développant la protection des droits appelleraient un renforcement considérable des moyens d'assurer en même temps l'habéas corpus et les capacités de la sureté.

 

Ce dont souffrent bien des citoyens, ce n'est pas de subir un État roi,   c'est de se sentir orphelins d'un État appauvri qui dans un certain nombre de domaines vitaux ne peut plus rien, ou pas assez,  pour eux. Demain, ce sont les services publics qui seront de plus en plus en cause, non seulement pour des raisons matérielles de conjoncture - par manque de moyens comme résultat de l'insuffisance d'activités et donc de ressources fiscales  -, mais aussi pour des motifs idéologiques plus fondamentaux. Si la question (mais non le contenu) du traité transatlantique est  sous les projecteurs, c'est plus discrètement encore que progresse  une autre voie ouverte par l'idée de libre échange.

 

Une cinquantaine de pays dont les 28 membres de l'union européenne, en marge de l'Organisation Mondiale du Commerce ont ouvert depuis peu de temps une négociation sur les services dont le débouché devrait être un Accord Sur les Services (ACS). L'objectif est d'ouvrir à la concurrence internationale la plupart des grands services publics comme la santé, l'éducation, l'accès à l'eau ou à l'énergie,  les transports,  la distribution postale, avec pour principaux outils de non discrimination le fait que des institutions privées - telle qu'une université -  pourrait demander les mêmes financements  que des institutions publiques et qu'un contrôle juridictionnel indépendant devrait y veiller.

 

Tels sont de grands enjeux en suspens au regard desquels l'élection du Parlement européen fait partie du décor politique servant à légitimer le passage de la démocratie nationale aux gouvernances supra nationales allant de pair avec le cantonnement des services publics au bénéfice de la prise du pouvoir et des marchés  par le capitalisme financier. 

 

8 - Savoir être loin de Bruxelles

 

Il faut d'une part espérer que la faible participation à ce vote et la composition de cette institution mettront en lumière combien la construction  européenne est devenue inapte à traiter des questions fondamentales du temps, d'autre part considérer en conséquence que c'est par d'autres leviers qu'européens  qu'il peut  être répondu à des besoins urgents à satisfaire à un échelon spécifiquement français : celui d'une part de maîtrise sur notre propre tonus économique, alors que nous attendons trop ( comme sous Jospin qui avait eu de la chance  économique sans avoir de succès politique)  des zéphyrs animant la conjoncture internationale en nous étonnant de ne pas en bénéficier ( ne serait-ce parce que trop obéir à ses règles du jeu a été contraire à nos intérêts ?); celui, d'autre part, de reconstruire une organisation territoriale performante des pouvoirs publics de la France qui ne s'inspire pas de références européennes et souvent anti étatiques , mais d'un chemin de rationalisation balisé par ce qui devrait subsister de notre culture du service public.

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 21:53

 

 

 

Au delà de "retournements" sur un cas d'espèce, il vient de se produire un changement majeur, par les raisonnements plutôt convergents (sous réserve de l'appréciation des faits) dans la jurisprudence administrative  sur l'exercice et le contrôle de la liberté d'expression.

 

-  S'agissant des risques (donc de la qualification de probabilités?), le  TA estimait que le spectacle Le Mur prévu jeudi à Nantes "apparaît comme la reprise, dans le cadre d’une tournée, du même spectacle présenté depuis plusieurs mois sur une scène parisienne, n’a pas donné lieu, au cours de cette période, à des troubles à l’ordre public". Par ailleurs, le tribunal note que "le risque de troubles publics causés par cette manifestation pour lesquels il n'est pas établi que le préfet ne disposait pas des moyens nécessaires au maintien de l'ordre public ne pouvait fonder une mesure aussi radicale que l'interdiction de ce spectacle";

S'agissant du contenu du spectacle le TA de Nantes estimait qu'il "ne peut être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine". Et qu'il n'est "pas établi", au vu des pièces du dossier, que le spectacle de Dieudonné ait été construit autour de la thématique des "propos provocants et choquants" à l'égard de "faits historiques comme à l'encontre de personnes de la communauté juive" ou de l'interprétation de faits historiques (principalement la Shoah).

 

Tout l'intérêt de l'ordonnance du TA était dans son "a contrario" qui faisait faire un  bond novateur à la jurisprudence : si tel spectacle avait eu, aux yeux du juge,  pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine  (en l'espèce  à travers une thématique à l'encontre de la communauté juive) et en méconnaissance de faits historiques, il y aurait eu lieu à maintien de l'interdiction.


Ce qui était là changement de jurisprudence, avec la reconnaissance d'un nouveau chef d'interdiction d'un spectacle, autre que le trouble à l'ordre public.  

 

 

 L'ordonnance en référé du CE, pour sa part rappelle (considérant n°5) que "pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle « Le Mur », précédemment interprété au théâtre de la Main d’Or à Paris, le préfet de la Loire-Atlantique a relevé que ce spectacle, tel qu’il est conçu, contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ; que l’arrêté contesté du préfet rappelle que M. Dieudonné M’Bala M’Bala a fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept sont définitives, pour des propos de même nature ; qu’il indique enfin que les réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier font apparaître, dans un climat de vive tension, des risques sérieux de troubles à l’ordre public qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser "

 

Et unit donc dans ce considérant des appréciations de risque et des appréciations de contenu, mais qui sont celles du préfet.


 Qu'en retient-il dans le considérant n°6, celui qui constitue le propre jugement du CE? :

 

  "que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis ( ELEMENT CLASSIQUE DE JURISPRUDENCE) tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas (C'EST TOUJOURS, pour le doute du juge sur les allégations,  UN COMPOSANT D'APPRECIATION DE FAITS ENTRANT DANS UNE JURISPRUDENCE CLASSIQUE, MAIS DÉJÀ, par la citation de propos pénalement répréhensibles pouvant mettre en cause la solidarité nationale, UNE OUVERTURE SUR UNE AUTRE BASE D'INTERDICTIION ) pour écarter le risque sérieux ( et VOILA, LE NOUVEAU CHEF D'APPRÉCIATION) que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative".

 

À ce point de raisonnement , l'évolution de jurisprudence - sensiblement différente de celle proposée par le TA en ce qui concerne l'appréciation des faits, mais allant dans le même sens, voire au delà,  sur le bien fondé d'interdictions tenant au contenu même du spectacle - ce qui vérifie que des décisions de justice administrative ayant des résultats ponctuels pratiques opposés, peuvent s'inscrire dans un même courant - est aussi  considérable : cette évolution  peut conduire à permettre des contrôles de l'exécutif sur les contenus de spectacles dès lors qu'ils seraient estimés par le juge contraires à des principes tels que l'État doit les faire respecter, c'est à dire inscrits dans la Constitution  et les déclarations des droits ? , ce qui donne des références plus solennelles et vérifiables que la notion (toutefois bien reprise au niveau du CE ) de "dignité humaine " (et de correction historique ?) avancées par le TA, mais n'en ouvrant pas moins un champ considérable de facultés de contrôles, vis à vis desquelles il est vraisemblable que le Conseil Constitutionnel ( comme la CEDH) ne pourra pas rester indifférent et trouvera certainement des occasions de se prononcer.

 

Le juge du CE dès lors qu'il considérait - ce qui était, avec l'estimation de la portée du spectacle, l'autre différence fondamentale d'appréciation par rapport  du TA -  établi  un risque de trouble (non maîtrisable) à l'ordre public, aurait  pu s'en tenir à ce motif  classique d'annulation à minima de l'ordonnance de Nantes; mais il a été beaucoup plus loin : soit qu'il ait estimé que c'était trop fragile  (le débat contentieux ne pourra certainement que trouver des voies dépassant des décisions d'urgence en référé), soit qu'il ait mis ces circonstances à profit pour donner un coup d'arrêt à ce que beaucoup considèrent comme des dérives ( tout en ouvrant, en même temps, ce que d'autres, sans doute moins nombreux, mais de toutes opinions, peuvent  considérer comme comportant des  facultés de censure ?), il a armé, de façon très novatrice, le pouvoir exécutif d'une capacité d'appréciation et d'interdiction (sinon "ex ante", du moins "en amont" au vu de précédents puisqu'il y avait des exemples du spectacle "le Mur", ainsi que des condamnations de son interpète,   ayant contribué à son interdiction) fondée sur l'opposabilité des principes fondamentaux de la République.

 

Il s'y ajoute que le visa, par le juge lui-même, de l'existence de propos  "pénalement répréhensibles et de nature à apporter atteinte à la cohésion nationale", comme étant de nature à entacher un spectacle d'illégalité pourrait favoriser des cas d'interdiction bien larges appelant des ciselages jurisprudentiels ultérieurs de précaution de sorte que soient préservées les libertés d'expression, d'autant que d'autres  victimes (des Catholiques ou des Musulmans faisant l'objet de propos les portant systèmatiquement en dérision, ou Noires ne voyant pas toujours honorer qu'elle furent l'objet de  l'esclavage) vont avoir motifs à demander, à l'instar dela communauté juive, un traitement protecteur énergique.

 

Cette jurisprudence ouvre aussi vraisemblablement  un temps de plus en plus délicates confrontations entre des appréciations de fait : celles des pouvoirs de police (des organes exécutifs et politiques) et celles que, par auto habilitation, des juges se confèrent de faire valoir (fut-ce différemment, notamment en urgence)  non seulement le droit, mais, dès lors qu'il est difficile à appliquer,   à travers une estimation  des contenus d'un spectacle et de probabilités d'évènements, les points de vue de leur propre conscience.


À nouveau, ce sont seulement des appréciations de constitutionnalité qui pourront , sans doute, cas par cas, fixer des régles à ce jeu...compte tenu des propres consciences des juges constitutionnels. 

 

 

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