Au moment où les choses bougent un peu pour une réforme de notre organisation territoriale, mais où la tentation démagogique est forte de ne fâcher personne - comme l'illustrent les propos ambigus de F. Hollande " "Les départements gardent leur utilité pour assurer la cohésion sociale, la solidarité territoriale et je ne suis donc pas favorable à leur suppression pure et simple",
il faut faire preuve d'une rigueur de raisonnement.
Il est exact qu'un échelon de cohésion sociale est nécessaire; mais ce n'est pas celui des départements tels qu'ils sont : ce n'est effectivement pas leur suppression "pure et simple" qu'il faut souhaiter , mais leur transformation : une circonscription plus vaste pourrait asurer leurs fonctions, en même temps que les fonctions d'équipement et d'interventions remplies par les Régioins. Or, beaucouo de celles-ci sont trop grandes pour pouvoir être un échelon de proximité administrative. Loin d'en diminuer le nombre par des essais de fusions qui ne peuvent que tourner court, du fait des rivalités entre les grands pouvoirs locaux et leurs chef-lieux, il conviendrait donc, par une réforme (qui ne peut être que constitutionnelle) de substituer aux Régions actuelles une quarantaine de circonscriptions de base multi compétentes (permettant des économies d'organisation et d'échelle) sauf en matière de stratégie économique , matière pour laquelle il suffirait qu'une demi douzaine de larges enceintes de réflexions, nourries des compétences locales, soient les partenaires en dialogue avec le pouvoir central.
Tels sont les thèmes, après une présentation de la situatiion actuelle, que développe l'article reproduit ci après
publié dans le N° 1068/69, juillet/décembre 2013de la RPP
Décentralisation : pour une collectivité territoriale unique
Il existe, sur les structures et les enjeux des collectivités et administrations territoriales françaises, tant de données[i] et tant de travaux [ii], que c'est sans doute faire preuve de témérité que de penser pouvoir y ajouter quelques considérations. Celles qui suivent, souvent forcément schématiques, ont pour objet - en s'appuyant sur ces dossiers très nourris, mais qui ne sortent guère des cadres reçus - de tenter un constat aboutissant aux questions de savoir s'il n'y a pas lieu à des évolutions radicales.
Certes des transformations sont en cours :
- En matière de régimes électoraux locaux, la loi du 17 mai 2013 a fait d'une part le choix de revenir à la distinction des fonctions de conseiller départemental et de conseiller régional et, d'autre part, ceux d'intégrer deux novations dans les scrutins cantonaux : celle de la parité, par le binôme obligatoire des candidatures, et celle de l'automaticité de la désignation des élus -les premiers d'entre eux - destinés à siéger dans les intercommunalités.
- Plus porteur en matière d'organisation structurelle, est le projet de loi "de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles", (qui comporte également la prise en compte de "pôles ruraux d'équilibre et de solidarité territoriale"). Dans les deux cas, en effet, le bon choix a été fait de faire place, en honorant autant la géographie humaine que la géographie administrative, par dessus les carroyages historiques communal et départemental, aux réalités d'aujourd’hui : la prééminence de ces bassins de vie - et périmètres de problèmes partagés - que sont, d'une part, de grandes agglomérations, d'autre part, des "pays" appelant, dans un cas et l'autre, à ce que puissent exister de très fortes facultés de dépassement du cadre communal, voire des empiètements sur les champs d'action du départements et de la région d'appartenance de ces communautés. En outre, sous l'égide de "conférences territoriales de l'action publique”, la prise en compte des préférences locales pour des formes autodéterminées de montages des diverses possibilités de collaborations entre personnes morales différentes devraient aboutir à des créations "à la carte" qui pourraient répondre souplement aux besoins
Il reste que cette très utile réforme n'apporte pas de simplification aux superpositions de collectivités qui nuisent à la décentralisation, pèsent sur l'économie et discréditent l'image de l'appareil public. Cette complexité territoriale française tient, en effet, à un empilement historique sur lequel se sont déversées des vagues de décentralisation qui n'ont pas assez allégé l'appareil d'État. La combinaison de ces héritages autorise certaines latitudes de gestion locale, sans que des contrepoids significatifs existent au regard du pouvoir central. Aussi bien pour rationnaliser que pour mieux décentraliser, il faut donc poser la question de la refonte de la carte territoriale, comme s'interroger sur la pertinence de certaines missions publiques.
1 - Les périmètres dans lesquels s’exercent les pouvoirs territoriaux français ont des historiques bien différents conférant à chacun une légitimité spécifique d’origine.
- Les si nombreuses communes françaises tiennent au fait que les paroisses, même profondément modifiées par les réductions ou les expansions démographiques restent les berceaux des relations de proximité. Leurs différents types de regroupements ont, compte tenu des inconvénients et coûts des émiettements, puissamment corrigé les sensibilités de voisinage par la prise en compte de contraintes techniques ( celles des réseaux de distribution d’eau, d’énergie, de transports, etc.), de l’intérêt de la mise en commun de services et, dans les cas les mieux poussés d’intégration, de péréquation de ressources. Mais les communes restent si fortement ressenties comme l'échelon incontournable de la démocratie locale que dans les différentes réformes visant à mieux asseoir la légitimité des organes directeurs des regroupements intercommunaux, aucune hypothèse n'est allé jusqu'à instituer une légitimité concurrente de la légitimité élective communale : les formules retenues ont successivement été de faire choisir les responsables intercommunaux, à l'occasion du vote communal, par la technique du "fléchage", puis, maintenant de disposer que ceux-ci sont les premiers de la liste des élus. Et l'idée, présente dans ce qui est projeté pour les métropoles, que la moitié des conseillers métropolitains soient élus au suffrage universel rencontre une forte résistance, notamment de l'Association des Maires de France.
- Un triple enracinement révolutionnaire, impérial et républicain fonde la solidité des départements : dans des circonscriptions taillées pour permettre en leur sein des relations serrées entre pouvoir d’État, populations et notables locaux, la Convention a « départi » ses commissaires de la République pour assurer le respect de ses volontés. Après leurs fonctions capitales d‘assurer des moyens militaires (la première tâche des préfets de Napoléon est de veiller à la conscription des hommes et à la réquisition des chevaux) et de tenir, sous les Empires et les Restaurations, les opinions, ces départements reçurent de la loi Tréveneuc du 15 février 1872, le rôle symbolique, en cas d’empêchement de l’Assemblée Nationale, de se réunir pour exercer la souveraineté nationale. L’institution départementale tire ensuite son succès de facteurs intimement liés : des dimensions pertinentes car permettant d’administrer de près; le scrutin uninominal cantonal se prêtant bien à une représentation des terroirs comme des diversités politiques; un dialogue souvent complice entre élus issus de ce scrutin et le préfet. Le transfert à un élu du pouvoir exécutif départemental - ce qui était dans l'ordre des choses, mais fut parfois conduit de manière revancharde - est finalement réussi parce que les départements continuent à démontrer leur savoir faire dans l’exercice de leurs compétences de base (routière, scolaire, sociale), comme par leur rôle de subventionner des communes. Mais dès le milieu des années cinquante, ils avaient été regardés comme des enceintes souvent trop étroites pour conduire la lutte contre « le désert français » ne pouvant trouver son souffle que dans des dimensions régionales.
- Et c’est une légitimité d’origine consulaire qui va fournir les dimensions des régions (celles des périmètres des Chambres de commerce et d’industrie) parce que ce sont ces milieux économiques, qui conduisirent, souvent liés aux milieux universitaires « provinciaux », la revendication d’aménagement du territoire. Aussi les socio professionnels auront-ils grande influence sur les travaux des Conférences Administratives Régionales, dans les CODER et dans la réforme présentée lors du referendum de 1969 selon laquelle l’organe délibératif régional envisagé mêlait – ce qui fut très contesté par la classe politique traditionnelle et l’un des facteurs de l’échec - élus et représentants du monde économique et social, en cohérence avec l’aspiration à organiser « la participation ». Après l’échec de cette ambition, la prudence pompidolienne crée en 1972, les Établissements Publics Régionaux, toujours dans le double rôle de périmètre d’État et d’émanation territoriale, avec, dans le cadre des procédures de planification et d’exécution budgétaires, la fonction d’être consultés sur la répartition des crédits régionalisés de l’État, ce qui va permettre en fait , vingt ans durant, aux élus régionaux - dont les avis sont quasi toujours suivis - de capter peu à peu le pouvoir de répartition territoriale des dépenses d’équipement de l’État, tandis que parallèlement bien des préfets gèrent en tenant de plus en plus compte du point de vue des assemblées locales. En 1981/82, le droit, en quelque sorte, suit pour partie le fait de la prise de pouvoir par les élus qui vont émaner à compter de 2003 du scrutin proportionnel régional à deux tours avec prime majoritaire. La légitimité démocratique a remplacé l’inspiration consulaire et les Régions développent leurs missions (notamment pour contribuer aux équipements structurants, pour des soutiens à l'emploi et pour la formation professionnelle) en lançant nombre d’initiatives cristallisant la superposition de compétences dont il est d’autant plus difficile d’éviter les enchevêtrements qu’elle emporte ces cocktails de financement critiqués mais appréciés parce qu’ils permettent à chaque partenaire de donner son point de vue et qu’ils aident bien opportunément à boucler des tours de table. Mais il va en résulter une stratification quasi intouchable des collectivités, nourrie par le poids des situations acquises, des avantages, des réseaux, des services mutuels, etc., ce qui rend extrêmement difficile une remise à plat rationnelle de la carte territoriale.
- C’est sans doute pourquoi la recherche en 2009, par le comité Balladur, de la réforme de cette carte n'a pu conduire à reprendre la proposition de réformes de l’État [iii] faite en 1947 par Michel Debré : 47 grands départements. Celle-ci fut - sans doute techniquement la meilleure jamais formulée ; d’autant qu’il eut été concevable, sans renaissance de vieux régionalismes historiques pouvant menacer l’unité nationale, d’instituer, en superposition légère à ce maillage commun aux collectivités et aux administrations d'État , sur les périmètres des zones de défense, de vastes espaces d’orientation économique qui auraient constitué des cadres de réflexion géopolitique plus adaptés à l’échelle européenne que nos régions actuelles. Les travaux du comité ne débouchèrent que sur l’idée de favoriser les réductions volontaires du nombre tant des régions que des départements.
- Un levier pouvait jouer dans une bonne direction avec la création, par la réforme électorale réalisée par la loi du 16 décembre 2010 du conseiller territorial devant siéger dans l’instance délibérante du département et dans celle de la région. Certes, le mode d'élection choisi après des débats difficiles avait été celui bien trop clivant, à nos yeux, du scrutin majoritaire à deux tours au niveau du canton, mais les avantages importants étaient de réduire de près de moitié le nombre des élus locaux, de créer une interpénétration tenant à la double fonction des conseillers territoriaux qui auraient, peut être, pu être plus aisément portés à envisager des fusions que des élus spécifiques à chaque collectivité. Or, l'abolition - comme résultat, hélas, quasi automatique de l'alternance ! - de cet intéressant essai consolide la stratification existante.
2 - Les vagues de décentralisations qui se sont déversées sur l’empilement des territoires, n'ont pas créé une nouvelle logique.
- Celles-ci ont eu plusieurs inspirations. D'abord traversant toutes les familles politiques y trouvant chacune des moyens féodaux de se doter d’influences renforcées et d’une image de pouvoir assez fictive - fictive, en ce qu’elle ne s’appuyait ni sur des capacités stratégiques de la nature de celles de l’État, ni sur des capacités financières restant très contenues - et promouvant de la sorte à bon compte une espèce de paradigme de la « démocratie de proximité » au flou séduisant, la « décentralisation » a servi, un temps, dans des élans allégrement partagés, d’ersatz idéologique à une large part transpartisane de la classe politique française. La réforme constitutionnelle de 2003 a fait droit à cette idéologie par l’affirmation d’une « organisation décentralisée de la République », garantissant les collectivités locales de leurs compétences et des ressources correspondantes[iv], leur ouvrant même le droit à l’expérimentation[v], celui d’organiser des référendums décisionnels (mais forcément limités à des choix de gestion, en ce qu’ils ne peuvent porter sur l’édiction de normes propres à telle ou telle circonscription). Parallèlement, l'État central, à la recherche d'allégements, a trouvé dans la décentralisation un courant porteur et des structures d'accueil pour transférer à des organes périphériques l'exercice de certaines de ses propres compétences.
- C'est ainsi que les actes successifs de décentralisation ont additionné des choses de natures en réalité bien différentes :
* Une geste politique : le transfert des exécutifs préfectoraux (et des logistiques et personnels y étant attachés) à des élus pouvant – à l’inverse de la tradition républicaine qui interdisait à un parlementaire ou au maire d’une grande ville de présider la commission départementale jouant auprès du préfet le rôle d’un double exécutif collégial - cumuler cette fonction avec des mandats nationaux et municipaux significatifs.
* Le passage d’une tutelle réputée contraignante à des contrôles de légalité a posteriori devenus, semble-t-il, aujourd'hui, de plus en plus légers[vi].
* Des facilités accordées aux gestions locales, parfois embrouillées par l’ouverture aux collectivités de tous rangs de facultés d’action susceptibles de doublons et d’incohérences, si bien qu'il a fallu toujours recommencer à chercher des "blocs de compétences" pour en arriver à la plus modeste, mais incontournable solution de choisir des "chefs de file".
* Quelques habilitations juridiques conférées à des collectivités et autorités de second rang, pouvant être sensibles, par la proximité de leurs électorats, aux tentations de les satisfaire - fut-ce en divergeant du respect des règles nationales et de l'intérêt général - et trouvant, pour le moins, dans les nouveaux dispositifs, des tribunes pour exprimer des particularismes, voire des égoïsmes locaux. Pour autant - après que des risques centrifuges, soulignés par un rapport du Conseil d'État en 1992 - aient été éteints par diverses précautions dont un renforcement de la déconcentration - le mouvement décentralisateur n'a pas affecté l'unité de l'État, ni, donc, l'égalité des citoyens. Les régions ont trouvé une place utile et raisonnable, parfois enflée par l'affichage d'ambitions de notoriétés personnelles et de vouloir trop traiter au lieu et place des autorités d'État. C'est plutôt, parfois, au niveau des communes, que des transferts de pouvoirs ont pu faire problème, en particulier en matière de droits des sols [vii] .
* Des délestages de l'État échelonnés depuis 1983, mais gouvernés par le principe constitutionnalisé en 2003 de la compensation financière donnant lieu aux débats du Comité des Finances Locales, appuyé sur les travaux de commission consultative sur l'évaluation des charges.
C'est qu'en effet les transferts - s'ils s'inscrivent bien en matière de moyens d'éducation dans la tradition de la construction de bâtiments scolaires, en matière de voierie dans une vocation routière des départements, et que s'agissant des missions conférées aux régions, celles-ci répondent à une logique manifeste de distribution rationnelle des tâches - ont eu, par contre, dans le domaine de l'aide sociale, un contenu qui apparaît essentiellement comme une décharge de l'État : le département n'est vraiment responsable ni des dépenses, ni des ressources, mais mis dans l'obligation de faire face à de nombreuses difficultés de mise en œuvre. Les dispositions appliquées et les niveaux de prestations possibles sont arrêtés au niveau national. C'est largement le code de l'aide sociale et des familles qui est transcrit dans les règlements départementaux d'aide sociale pour assurer la gestion des trois grands blocs de compétences transférés : le financement et la gestion de l’allocation de revenu minimum d’insertion devenu RSA ; la mise en œuvre des politiques relatives à la protection sanitaire de la famille et de l’enfance et à l’aide sociale à l’enfance; l’aide aux personnes handicapées adultes et aux personnes âgées.
Ces charges ont été conférées aux départements "en dehors de tout processus de décentralisation"[viii] "en bouleversant leur rôle, au-delà même des charges financières : toutes supposent une analyse individuelle de la situation des bénéficiaires..., toutes contraignent les élus départementaux à être très présents dans les différentes instances d’attribution." Ainsi "croît progressivement le sentiment, pour nombre d’élus décideurs, que comme leurs agents, ils deviennent des « guichets » agissant pour le compte d’autrui, en l’occurrence l’Etat. "Toutes (ces gestions) se révèlent enfin plus coûteuses que prévues" : elles représentent près de 90% de la dépense sociale départementale, elles constituent une dépense brute d'aide sociale représentant environ 60% des dépenses courantes départementales de gestion. Si des transferts de fiscalités ou des contributions ad hoc ont apporté pour celles des dépenses sociales qui relevaient de la solidarité nationale les compensations théoriquement nécessaires, les "ciseaux" [ix] résultant de l'augmentation des besoins et de la diminution relative de recettes fiscales laissent aux départements une charge nette significative. Celle-ci a pour conséquence une gestion souvent de plus en plus rigoureuse des aides, ce qui peut conduire à des appréciations d'éligibilité plus ou moins sévères d'un département à l'autre et de la sorte à la mise en cause de l'égalité des usagers (c’est d'ailleurs pour faire face à de tels risques d'inégalités de traitement des risques qu'il y a eu en 2004 une recentralisation des actions en matière de prévention sanitaire).
En définitive, à tous ses niveaux territoriaux, complexifiés de surcroît, par les nécessaires intercommunalités, la décentralisation s'épuise dans les émiettements institutionnels et dans des montages - et remords - financiers et techniques.
3 - Les comptes assez lisibles des décentralisations responsabilisent les élus, mais l'organisation française est souvent estimée comme offrant un mauvais rapport coût /efficacité.
- La prise en compte budgétaire de l'ensemble de ces décentralisations inégalement assistées s'insère dans un vaste mécano budgétaire que retrace chaque année "le jaune" annexé au projet de loi de finances sur les transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales et qui constitue la base permettant d'apprécier les flux en jeux.
* Les ressources ( quelque 100 Mds) qui transitent par de l'État sont constituées d'une petite part (autour de 14%) faite de la compensation de degrèvements d'impôts ainsi que de subventions sectorielles , surtout des différentes dotations globales liées à la décentralisation (de l'ordre de 60 %) et, enfin, des transferts de fiscalités (estimés à environ 27 milliards) qui ont accompagnées d'une part les transferts de compétences (tant de l'acte I que de l'acte II de la décentralisatin, d'autre part la suppression en 2010 de la taxe professionnelle par un "panier" comportant aussi en moindre importance une dotation compensatrice.
* Ce flux est à comparer aux quelques 225 mds ( dont un peu moins de 20 en emprunts) de ressources totales des collectivités. En moyenne 2012/2013, après réintégration dans les ressources locales de la fiscalité transférée, le degré d'autonomie financière (recettes propres/ressources totales, hors emprunt) s'établissait, toutes collectivités locales confondues, autour de 62%, ce qui satisfait largement à l'obligation constitutionnelle : le dernier rapport disponible (2010) sur l'autonomie financière des collectivités territoriales affiche les ratios de 64,7% pour les Communes et EPCI, de 68,1% pour les départements et de 55,6% pour les Régions, bons niveaux favorisés par le fait qu'en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel, l’année 2010 a constitué une année de transition au cours de laquelle les collectivités ont perçu, à la place de la taxe professionnelle, une « compensation relais» et que cette compensation a été considérée comme une de leurs ressources propres.
* L'appréciation de l'évolution de l'autonomie financière des collectivités territoriales est rendue difficle par le délai de sortie du rapport ad hoc, mais, dans le cadre d'échanges très techniques entre le Parlement et le Gouvernement [x] ont été produites différentes estimations provisoires des ratios 2011 d'où il résulte que si l'autonomie financière n'est pas sensiblement affectée par la suppression de la TP, les réformes des financements des collectivités, réduisant des facultés de modulations des taux, ont néanmoins fortement diminué leur degré d'autonomie fiscale, sauf pour "le bloc communal" : après 2010, celui-ci pourrait moduler 41 % de ses recettes contre 48 % antérieurement, les départements 16 % seulement contre 35 % auparavant, les régions ayant quant à elles un pouvoir de taux sur 14 % de leurs recettes contre 30 % avant réforme. Ces distorsions devraient se corriger dans l'avenir qui doit aussi, apporter une montée en puissance du rôle des péréquations verticale et horizontale [xi] dont l'intérêt est de soutenir la capacité d'engagement budgétaire des moins riches des collectivités.
- Globalement, une réelle responsabilisation financière (qui ne permet plus de dire que élus locaux aurait la popularité de la dépense et l'État l'impopularité de l'impôt, alors qu'ils souffrent manifestement les uns et les autres de l'allergie fiscale de nos contemporains, n'en demandant pas moins des services publics et sociaux satisfaisants) place les collectivités territoriales françaises parmi les plus responsables d'Europe [xii] , derrière l'Europe du Nord, mais devant celle du Sud et même devant les Pays bas et l'Allemagne [xiii], ce qui peut pour partie s'expliquer par le fait que le poids relatif de la dépense locale française est moindre que chez la plupart de nos voisins.
- Mais la flexibilité des finances locales se heurte à bien des entraves: sur le plan technique, au vieux problème de la modernisation des bases fiscales toujours à recommencer; à l'obstacle stratégique que représente la priorité de compétitivité traduite par les engagements de la France pour ramener aux normes européennes ses déficits et endettement publics globaux; à la difficulté politique résultant du fait que l'impôt n'est bien accepté que s'il est ressenti comme nécessaire et "juste" , alors qu'à l'inverse l'allergie fiscale est attisée par des campagnes politiques.
- Ce n'est pas seulement dans un cadre idéologique tendant à faire avant tout rechercher l'attractivité de la France et, donc, à mettre systématiquement en cause le niveau des prélèvements obligatoires, ainsi que les dépenses et structures publiques, que les superpositions des collectivités locales et leurs relations l'État (qui ne se serait pas allégé à proportion de ce qu'il a délégué) sont critiquées, c'est aussi parce que de nombreux travaux ont pointé qu'au regard des services rendus, il n'était sans doute pas obtenu le meilleur rapport coût /efficacité.
Si l'on se rapporte à ces travaux, on constate toutefois qu'aucune estimation globale quantifiée (et comparative avec des pays étrangers) ne semble jamais avoir pu être faite du coût des structures existantes, en d'autres termes et en conséquence, qu'aucun réel essai de "rationalisation des choix budgétaires" en quelque sorte n'a jamais pu être mené à bien en la matière. Aussi ne peut-on guère estimer sérieusement quelle est la part entre la tendance de fond aux dépenses d'administration territoriale, toutes causes et tous supports confondus, et la part de responsabilités de nos structures superposées. Il reste que toutes les approches donnent à penser [xiv] - au vu des augmentations conséquentes de dépenses, d'effectifs, etc. - que le système existant est génétiquement porteur d’excès. C'est au fond la question que s'est posée, Béatrice Marre [xv] : tout en mesurant les lourdeurs du système elle s'interroge sur le point de savoir s'il n'y a pas un développement parallèle inéluctable des inspirations unitaires et des pulsions décentralisatrices aboutissant à des inconvénients comme à des avantages, et en se demandant si ce compromis n'est pas un prix incontournable de la démocratie.
C'est pourquoi, à mon sens, on ne peut chercher à se faire opinion sur la question de la carte territoriale et des collectivités locales de la France, sans avoir tracé, a grands traits, à quel "compromis" jusqu'alors a abouti notre Histoire. Ce compromis est d'autoriser des latitudes de gestion locale mais, en en aucun cas, des facultés de pondération périphérique d'un pouvoir central stratégique.
4 - Les compétences assez flexibles de gestion locale trouvent des bornes dans les principes fondamentaux de l'État unitaire, ainsi que dans la distribution des pouvoirs de police et dans le poids des normes.
- L’article 72 de la Constitution dispose que les collectivités de la République « ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Les débats (2010 et 2013) sur le maintien pour tous ou la réservation aux seules communes de la clause générale de compétence a levé bien des passions et a surtout démontré la vanité d'essais de définitions législatives. De toutes façons, la supériorité du pouvoir normatif d’État s’exerce sous le contrôle exercé avec beaucoup de finesse par le Conseil Constitutionnel. Ce qu’il faut absolument garder à l’esprit, c’est que la relation des citoyens avec les collectivités publiques secondaires n’est pas, dans notre état unitaire décentralisé, de même nature que leurs relations avec l’État. Les citoyens sont essentiellement usagers des autres collectivités publiques comme ils sont usagers des services d’État, mais vis à vis de celui-ci ils sontsujets de droit, notamment commercial, pénal, fiscal, social, tandis que les collectivités secondaires n’ont pas de pouvoir normatif général. Dans le fédéralisme, où une part importante du droit émane des Etats fédérés on peut encore pour une part parler de relations Gouvernants/Gouvernés au stade territorial; dans notre décentralisation on ne peut pratiquement plus parler que de relations administrateurs/administrés.
- Il reste que les administrateurs élus disposent de réelles souplesses tenant essentiellement
* au caractère assez relatif de la distinction entre dépenses obligatoires (le niveau effectif de la dépense dépend souvent de l’autorité décentralisée) et dépenses facultatives (parmi des dépenses juridiquement facultatives, il en est qui souvent sont néanmoins exigées par l’électorat local) ;
* aux arbitrages budgétaires qui - dans les limites de l’obligation d’équilibre de leurs comptes de fonctionnement et de respect des lois et réglementations - sont sans conteste de leurs propres responsabilités pour décider des actions, des moyens des services, des interventions, etc. ;
* au jeu toujours possible entre dépenses de fonctionnement qui, doivent être équilibrées par des ressources disponibles et dépenses d'équipement qui peuvent faire appel à l'emprunt : si on ne peut pas emprunter pour le fonctionnement, on peut néanmoins réduire à très peu le solde de ce budget devant être viré en crédit du budget d'équipement, au titre duquel se fera alors un niveau d'emprunt qui aura toutefois aidé à une dilatation des dépenses de fonctionnement.
* à certains exercices de compétences en matière d’aides sociales laissant - comme on l'a rappelé - un certain pouvoir d’appréciation aux opérateurs locaux.
Mais, les latitudes pratiques d'action rencontrent plusieurs grandes bornes:
* Dans l'exercice des pouvoirs de police, les maires peuvent avoir une place difficile à tenir. Leurs pouvoirs propres en matière de police municipale générale et spéciales ne peuvent être utilisés que dans le respect des dispositions des lois nationales et des directives européennes qui couvrent bien des matières et, bien souvent, les maires ne peuvent que transmettre les demandes et problèmes que posent les habitants, sauf qu’ils sont bien compétents, sous le contrôle du juge, pour statuer sur quelques questions sensibles ( comme la mendicité sur la voie publique, les circulations nocturnes des mineurs, les situations faites aux gens du voyage, le rôle de travailleurs sociaux communaux). Pour assurer la sureté, la tranquillité et l’ordre public, ils peuvent recourir à des personnels de police municipale, mais avec la couverture progressive du territoire par la police d'État[xvi], malgré que, parallèlement, depuis 1999 [xvii], des textes favorisent le développement de polices municipales [xviii] - cherchant leur place entre sécurisation quotidienne, répression d'une part de délinquance, et concours exceptionnels à certaines opérations de sécurité publique - les magistrats municipaux sont à l'écart de ce qui est maintien de l’ordre à force ouverte, et malgré des appels comme en fit la gestion du précédent Président de la République, à les impliquer plus dans la sécurisation, ils ne peuvent qu'en trouver difficilement les voies et moyens, ce qui ne peut qu'accroître leur malaise.
*Dans le champ des polices spéciales - à la différence de ce qui s'est produit pour les permis de construire délivrés (selon qu’existe ou non un plan local d’urbanisme), au nom de la commune ou au nom de l’Etat, domaine dans lequel les élus ont parfois pu - comme on l'a regretté - prendre trop de liberté, les maires ne sont pas très bien lotis pour pouvoir exercer leur pouvoir de police propre lorsque celui-ci en vient à télescoper des compétences de polices spéciales que l'État s'est conféré envers certains lieux (gares, aéroports), envers certaines activités (avec au demeurant beaucoup d'interférences, pour chasse, pêche, cinéma...), sur certaines personnes (en matière d'étrangers, de malades mentaux), dans certains domaines sensibles (santé, alimentation, commerce, environnement, télécommunications)[xix] ou le sentiment local paraît devoir toujours céder devant le choix national.
* Ce débat sur les pouvoirs dans le périmètre communal est, en fait partie de celui de savoir jusqu'où une commune appartient à ses habitants: dans quelle mesure ce que ces habitants veulent ou souhaitent doit céder devant le fait que cette communauté est une parcelle du territoire national : un chaînon nécessaire à ses solidarités, un lieu où s'exerce et doivent se reconnaître des intérêts nationaux, que ce soit ceux de faire passer un moyen de communication, d'y installer des servitudes, de faire reconnaître un patrimoine monumental et de le protéger, d’y respecter un paysage et une production traditionnelle, de ne pas porter atteinte par des constructions intempestives à une qualité esthétique héritée de l’histoire, etc. C’est la recherche de ce bon dosage qui devrait être l’âme de l’équilibre politique territorial français et dont la conduite a longtemps été confiée aux préfets de la République.
* Or, au lieu de gérer dans de telles facultés de transactions, préfets et élus ont surtout été unis dans la soumission à une avalanche de normes (dont la prolifération provient de l’État français, de l’Union Européenne, de l’AFNOR, des Institutions professionnelles et internationales, de documents contractuels, des compagnies d’assurance, etc.) opposables (ou vécues comme telles alors même qu’elles peuvent être facultatives). Compte tenu de l’immense champ des matières où elles s’appliquent ( pour le respect de l'environnement, pour la gestion de l'eau, des déchets, de l'assainissement ; pour la sécurité des constructions et des personnes ; en matière de réglementation contre les risques d'incendie, d’inondation, de toute catastrophe, de contrôle des aliments délivrés par des services locaux, en matière hospitalière et de maisons de retraite, pour les commodités d'accès pour les handicapés, etc.…) ces normes constituent, aux yeux en particulier des plus petites collectivités, des servitudes et des coûts qu’elles supportent mal . En même temps, le respect de bien de ces normes (notamment dans le domaine des installations et des prestations sociales) est la condition de l’uniformité du droit, de la protection effective ou du confort minimum des personnes et de l’équité nationale. Une transaction arrêtée en 2011 renvoie aux travaux d’une "commission consultative d'évaluation des normes" (qui est une émanation directe du Comité des Finances Locales) et passe par un moratoire obtenu par les associations de collectivités locales pour l’application de normes nouvelles. Tout en admettant que le plein respect des normes peut être l’ennemi de faire concrètement au mieux selon les moyens dont on dispose, cette mise entre parenthèse de règles faites pour un bon service public offre la faculté d’échapper à des obligations qui peuvent constituer des garanties et des précautions pour les administrés les plus vulnérables – comme les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les familles immigrées - que critiquent sévèrement ceux qui constatent que la décentralisation ainsi appliquée peut livrer au bon vouloir d’élus locaux le respect des droits et sécurités des personnes.
5 - Surtout,il ne peut exister de puissances territoriales face à l’État
- Les pouvoirs périphériques français ne peuvent être titulaires de pouvoirs stratégiques: les collectivités secondaires n’exercent pas un pouvoir de même nature que le pouvoir d’État ni en matière de capacités normatives, ni en matière de capacités budgétaires et fiscales.
* Au plan juridique, « Le principe de libre administration ne confère pas aux collectivités territoriales un pouvoir normatif initial : l’activité normative des autorités des collectivités locales "ne saurait, en principe, se déployer sans intervention d’une loi préalable »[xx] et le pouvoir d’adaptation même conféré dans le cas d’un statut particulier comme celui de la Corse [xxi] ou le droit à l’expérimentation reconnu par la révision constitutionnelle de 2003 (qui s’exerce d’ailleurs sous les conditions prévues par la loi organique du 1er août 2004) doivent être explicitement conférés aux collectivités qui voudraient y recourir par la loi ou le règlement. Ces pouvoirs ne peuvent en outre en aucun cas s’exercer dans le domaine des libertés publiques ou d’un droit constitutionnellement garanti et aboutir à constituer un ordre juridique distinct de l’ordre national [xxii].
Les collectivités territoriales n’ont qu’un pouvoir réglementaire spécifique étroitement circonscrit et totalement subordonné - selon la place des normes locales dans la hiérarchie de ces normes - au pouvoir d’État ; les sources locales ne peuvent pas être en compétition avec le pouvoir normatif national. Il n’y a pas de pluralité législative comme dans les États fédéraux (États-Unis, Allemagne, Belgique), où dans les États régionaux (Italie) ou autonomistes (Espagne, Portugal) [xxiii]. Le pouvoir réglementaire local français consacré par la révision constitutionnelle de 2003 est simplement un instrument indispensable à l'exercice de la libre administration (une forme du pouvoir général d'organisation des services de chaque collectivité) sans démembrer d'aucune manière le pouvoir réglementaire que l'article 21 de la Constitution confère au Premier ministre.
* Au plan budgétaire, si 70% de l'investissement public procède des collectivités territoriales, le poids de celles-ci dans la dépense publique globale reste modeste : les dépenses publiques infranationales pèsent seulement en France quelque 12% du PIB et 21% de l'ensemble des dépenses publiques contre (statistiques Eurostat) 34% en moyenne dans l'union européenne, et, par exemple, 54,5% en Espagne, 45,7% en Allemagne, 27,2 % au Royaume uni. Il est vrai que là où leur poids est élevé, il s'explique souvent par des structures quasi fédérales et, au moins par le fait que les échelons infra nationaux ont largement en charge des missions d'éducation, y compris la rémunération des enseignants, et, dans certains cas, de santé.
* Au plan fiscal, nos collectivités locales n’ont aucune capacité pour déterminer et choisir leurs instruments fiscaux [xxiv] ; elles n’ont aucun pouvoir de définition (création, construction) des impôts leur bénéficiant (d’autant que presque tous les impôts facultatifs ont disparus), mais seulement la compétence (souvent très encadrée) de pouvoir moduler les taux et productivités des impôts qui leur sont affectés par le pouvoir central.
- Aussi, est-ce bien à tort que la domination des régions par l’opposition d'hier avait pu un moment apparaître à certains comme apte à rééquilibrer les rapports de forces au sein du pays, comme si des formes de compensation (au-delà des aisances et commodités que donnent des titres, des bureaux, des voitures, des notes de frais et des collaborateurs) pouvaient résulter de la détention du pouvoir central par une certaine coalition politique et de l’exercice de pouvoirs régionaux par une autre famille politique. Il est illusoire de penser que des pouvoirs régionaux puissent aujourd’hui balancer des pouvoirs d’État : essentiellement parce que les uns et les autres ne jouent pas dans la même cour : l’État joue dans la cour de la stratégie et les pouvoirs régionaux dans celles de la gestion.
Si l’erreur de jugement de mettre sur un même pied ce qui peut se faire par les Régions et ce qui peut se faire par l’État est parfois commise, c’est que le pouvoir d’État se trouve, par les contraintes européennes et de mondialisation, dans bien des domaines ramené à un pouvoir de gestion accommodant des obligations plus qu’à un pouvoir stratégique capable d’options. S’il y a un rapprochement entre les types d’action ouverts aux Régions et des types d’action auxquels, pour une part, se consacre l’État c’est d’abord par le plus bas commun dénominateur : la fonction de gérer ce dont on est chargé avec ce que l’on a. C’est ensuite parce que bien des Régions, dans des soucis d’efficacité comme d’image, cherchent à se hisser dans des postures d’exploratrices de facultés nouvelles : un champ très apprécié étant celui, fructueux en voyages, des relations transfrontalières avec des régions de pays limitrophes. Les Régions peuvent en effet construire avec leurs homologues étrangères des échanges d’information, des circuits touristiques, des promotions de produits, des échanges culturels et universitaires, voire des cofinancements de projets d’intérêt commun, et même des bourses pour le développement et l’emploi, mais - à l’exception de régimes particuliers des collectivités d’outre-mer [xxv] - nos régions n’ont aucun pouvoir propre de passer des actes internationaux et s’il arrive qu'ils les négocient ou les signent, c’est par délégation expresse du pouvoir national, parce qu’aucune de nos collectivités n’est un sujet de droit international [xxvi].
- Pourrait-on concevoir de mieux doter des pouvoirs périphériques ?
La piste qui est en général proposée à cette fin est celle de conférer des compétences juridiques à la fois plus larges et plus autonomes aux collectivités, par exemple dans le droit de l’urbanisme, dans celui des protections environnementales, en matière de normes, ou encore dans le droit de l’aide sociale, voire dans celui de l’éducation ; mais l’on vient de souligner combien , en ces matières des approches encore plus libérées de cadres nationaux ou pouvant être différentes d’une collectivité à l’autre comportent de risques de télescoper les principes d’unité et d'égalité devant s’appliquer au sein de la République française et de conduire à ce que les administrés puissent se trouver placés sous des régimes de droits et d’obligations tributaires de préférences locales . Aussi chercher à imaginer « quel pouvoir normatif aux territoires » [xxvii] pourrait être construit semble une démarche intellectuelle mettant en avant le luxe plutôt que les besoins prioritaires de capacité financière d’agir dans les champs de compétences d’ores et déjà existants.
S’il est sans doute peu concevable à cette fin de partager un grand impôt entre État et autres collectivités (car la gestion en deviendrait malcommode et inégalitaire), pourquoi ne pas accorder aux collectivités territoriales des facultés d’imagination et de construction d’une part de leurs propres impôts ? (par exemple, sur tel ou tel acte de gestion foncière ou de construction ?- ce qui serait cohérent avec le transfert aux conseils municipaux et aux maires des compétences en matière d’urbanisme - ; ou sur telle ou telle source d’énergie ? ce qui s’autorégulerait par les comparaisons entre collectivités) et donc d’accéder à des responsabilités politiques et économiques correspondantes. Pourquoi ne pas imaginer de transférer à un niveau territorial adéquat le choix d’utiliser ou non, et comment, et jusqu’où, un impôt important mais contesté et à gestion sensible comme l’ISF qui pourrait être affecté aux Régions, avec responsabilité des taux de celui-ci, de telle sorte que cet échelon régional devienne réellement le champ de certains choix économiques et sociaux, de responsabilités et d’enjeux de pouvoirs ? En bref plus d’autonomie, plus de fonction de contrepoids pour les pouvoirs locaux impliquerait qu’elles puissent avoir un réel pouvoir fiscal supplémentaire.
À défaut que de telles hypothèses soient aujourd'hui crédibles, faudrait-il pour le moins donner aux décentralisations un cadre qui les conforte.
6 - Fortifier la décentralisation devrait porter à établir une collectivité territoriale unique entre l'État et l’échelon des communes et de leurs regroupements.
- Ce serait la manière dont faire face aux critiques précitées selon lesquelles "la carte territoriale des compétences n’a pas été hiérarchisé, la collectivité régionale n’a pas émergé, etc. " et selon lesquelles les enchevêtrements de compétences sont nombreux entre les collectivités locales et avec l'administration d'État.
- Ce serait aussi la façon dont instituer enfin un socle institutionnel solide afin que, sans basculer dans le fédéralisme, il existe un échelon pour bien gérer, avec des économies de frais de structure et des économies d'échelles, les délégations de compétences du pouvoir central et, dans le dialogue avec une administration d'État qui a aussi besoin de se rationnaliser, de mieux équilibrer les termes de celui-ci. "Le millefeuille" constitue la faiblesse congénitale de la décentralisation : sans s'appuyer sur un espace significatif de géographie humaine qui aurait la triple qualité d'être ressenti comme une large communauté de sensibilités et d'intérêts, de pouvoir faire le poids vis à vis du pouvoir central et d'être en conséquence une institution multi compétente pour tous les enjeux territoriaux, la décentralisation, comme on l'a précédemment souligné, "s'est épuisée" à s'émietter dans trop de structures d'accueil, d'interfaces électives et de problèmes techniques.
- Mais quel peut être le périmètre pertinent d'une telle collectivité ?
* le département ne peut pas absorber les fonctions acquises aux régions;
* les régions pourraient en principe absorber les fonctions des départements sous réserve pour certaines tâches d'avoir une dimension adéquate.
On ne voit vraiment pas ce qui s'opposerait a ce que - avec le transfert conjoint des concours d'état correspondants - et pour réaliser des économies significatives (et visibles par tous) par la suppression des assemblées et logistiques départementales, ainsi que par des fusions de gestions, les régions, prennent en charge les actuelles voieries départementales, construisent des collèges, comme elles réalisent des lycées, subventionnent le cas échéant, sans filtre départemental, les communes et leurs établissements, réunissent en leur main les actions de niveau supra communal pour la sauvegarde de l'emploi et la stimulation, par diverses actions économiques ou culturelles aujourd'hui très partagées, de facultés d'activités. Il serait également bon que des charges d'aide sociale, trouvent au sein des budgets régionaux une place pondérée sans comparaison avec la manière dont ces charges dévorent les départements. Toutefois, pour exercer ce dernier type de fonctions départementales actuelles, les régions - qui se sont construites dans les périmètres bien souvent aléatoires hérités du dessin des vieilles Chambres Régionales de Commerce et d'Industrie - semblent, pour certaines d'entre elles trop vastes pour bien opérer dans de telles missions de proximité. Par ailleurs une très grande région incluant une métropole majeure n'est pas, en ce qui concerne la politique de la Ville, le meilleur lieu d'arbitrage impartial entre cette métropole et d'autres fortes potentialités urbaines de son ressort.
En bref le périmètre pertinent d'administration est, à nos yeux, celui des régions moyennes, tandis que le périmètre pertinent de réflexion et de conception d'aménagement du territoire n'est même plus aujourd'hui celui des régions existantes (dont certaines sont évidemment trop étroites), mais, à une plus vaste échelle, celui de six (sans doute, au plus) grands secteurs géo économiques (sachant relier selon les tropismes dominants, les façades extérieures de la France à ses zones et points d'appui centraux).
- La révision de la carte française serait en conséquence
- pour le niveau stratégique d'aménagement de créer, mais sans aucune personnalité morale, des conférences économiques interrégionales de bien plus vastes périmètres que les régions actuelles et pouvant apporter leur contribution à une réflexion de stratégie économique nationale;
- pour le niveau pratique d'administration, de refondre la carte des régions (par quelques divisions des plus grandes, des fusions des plus petites et quelques rectifications de frontières) afin d'aboutir à trente à quarante "régions administrantes" devenant les collectivités supra communales de droit commun. C'est sur leur socle que fusionneraient toutes les compétences décentralisées ou à décentraliser ; une répartition habile des sièges des services entre les ex chefs-lieux départementaux devrait pouvoir ménager les divers intérêts et besoins de commodités en présence.
Les départements seraient appelés à transférer à ces régions leurs compétences, leurs budgets et patrimoines ainsi que leurs personnels. Bien que n'apparaissant plus dans la Constitution, ils devraient subsister sous leurs noms, comme simples circonscriptions administratives internes des régions(attaches nominales et affectives, références à la mémoire républicaine, enceintes possibles de services de proximité pouvant être indispensables aux commodités des habitants).
Une telle transformation ne se fera jamais par un consensus qui murirait tout seul et par un volontarisme suffisamment partagé par des élus concernés trop naturellement et légitimement souvent attachés à leurs fonctions, à leurs devoirs traditionnels et à leurs respectables habitudes; y arriverait-on ici ou là que - comme l'exemple de l'essai, qui a (hélas) tourné court en Alsace le prouve - pourraient se rencontrer des résistances affectives ou politiques très conservatrices.
- La question conceptuelle de la bonne organisation territoriale n'est que la moindre, encore qu'à cette occasion il faudrait sans doute aussi, en cessant de se cacher dans des compromis, se poser la question de savoir, si les "métropoles " et les "pôles de pays ruraux " n'ont pas, vocation à devenir collectivités locales à la place des communes y étant regroupées. Dès lors qu'il y aurait une grosse étape institutionnelle à franchir, autant n'avoir pas à y recommencer dans des temps successifs, dès lors que c'est le problème politique qui est le problème essentiel ; et qu'il n'est soluble que par des voies juridiques exceptionnelles.
Il est regrettable à nos yeux que l'affaire de la fin du cumul des mandats (débat ayant confrontés des arguments non décisifs dans un sens ou dans l'autre) ait en quelque sorte occulté le vrai débat avec les grands élus locaux qui aurait du être celui de parvenir à en finir avec le cumul des collectivités locales. En effet les capacités de la France ne sont pas liées au point de savoir si un sénateur peut être ou non maire d'une commune, tandis que l'efficacité sans doute, et, du moins la réputation à coup sûr, de l'appareil public sont liées à la suppression du mille feuille. Mais, pour surmonter les résistances politiques d'une réforme territoriale, il faut espérer que la fin du cumul des mandats pourrai être utile, si elle aidait à l'adoption d'une réforme qui ne peut être conduite que par la voie de la révision constitutionnelle par le Congrès et en faisant aussi une part importante à une application par loi organique surtout, parce que l'organisation territoriale de la France - incluant la question fondamentale de la manière dont est respecté le principe de libre administration locale - mérite bien ces solennités, mais aussi afin de rechercher le plus possible de consentements parlementaires.
Alors même qu'en prenant la Constitution à la lettre, on pourrait en débattre, il faut, en effet, mesurer que l'objectif juridiquement satisfaisant serait de remplacer les dispositions actuelles du titre XII en faisant disparaître la mention du département pour aboutir à un texte
- disant " les collectivités locales sont les communes et les régions";
- et devant certainement indiquer aussi les modalités fondatrices d'une telle réforme, de telle sorte qu'il y aurait à préciser en substance :
" Les régions sont constituées dans des périmètres le cas échéant redéfinis par des lois organiques." [xxviii]
" Une loi organique détermine également le délai et les conditions dans lesquelles les compétences, comptes et patrimoines, ainsi que les personnels des départements sont transférés aux régions."
" Ce transfert aura lieu au plus tard à la date du ...en ce qui concerne les régions n'incluant pas plus de trois départements. Lorsque des régions précédentes sont constituées de plus de trois départements, ce transfert est subordonné à la refonte par les lois organiques sus visées des périmètres de celles-ci."
Les modalités, procédures consultatives, conditions et délais selon lesquelles ces refontes auraient à être proposées et arrêtées ne semblent pas devoir relever pour leur part de la loi organique, mais, en parallélisme avec les textes ayant organise depuis 1982, les collectivités régionales, de dispositions à prendre par voie législative et/ou réglementaire.
- Enfin, encore qu'on ne soit sans doute pas là dans la matière constitutionnelle, il serait opportun que soit, en substance, ajouté pour la cohérence de l'ensemble :
"Une loi détermine les périmètres et les attributions de conférences économiques interrégionales réunissant, aux fins d'aménagement du territoire et de contributions à la stratégie économique nationale, les régions intéressées par des données et perspectives comm
- Une démarche parallèle de reconfiguration de l'administration d'État sur le canevas des mêmes périmètres que ceux de nouvelles collectivités régionales "administrantes”, comme premier échelon de bien des services administratifs serait logique et peut sans doute être préfigurée.
D'ores et déjà, les boîtes à outils ne manquent pas: notamment le rapport au Premier ministre, sur "La stratégie d’organisation à 5 ans de l’administration territoriale de l’État" [xxix]. Mais ce travail considérable conduit, du fait de sa volonté de grandes précisions, à rendre très difficiles et aléatoires les décisions à préparer en raison de toutes les hypothèses possibles présentées qui sont subordonnées à des choix entre scénarios. Mais, au nombre de ceux-ci, pas plus que dans d'autres exercices de même ambition - du fait que la fusion région/département n'ait jamais été l'une des hypothèses prise comme base de travail - il semble qu'il n'ait jamais été recherché un organigramme dont le fil conducteur serait une harmonisation des services de l'État sur la base d'une moyenne circonscription régionale, avec le minimum de déclinaisons sur les actuels échelons départementaux, mais le plus possible de relais pratiques de proximité, et si nécessaire d'antennes foraines épisodiques.
Dans la "somme" et véritable guide - comportant tant d'éléments à mobiliser - que constitue le rapport de juillet 2013 de la Cour des Comptes sur "l'administration territoriale de l'État”, le constat notoire est qu'il y a une véritable question de viabilité de certaines unités administratives laminées entre l'impact sur les effectifs de la RGPP et la rationalisation que veut la RéATE. Certes si des préconisations - telles notamment que des mutualisations d'informations, de moyens et de contrôles, des regroupements massifs fut-ce à l'échelon supra régional, une épuration des doublons, une remise à plat des enchevêtrements en particulier sur la politique de la Ville, une redistribution de tâches entre et avec les si nombreuses Agences - pouvaient être mises en œuvre en s'appuyant sur une gestion exigeante des ressources humaines, on gagnerait en marges de manœuvres. Est-ce possible sans le choc d'une réforme de structure telle que proposée ci dessus projetant un autre éclairage que celui de la tradition? Et, surtout, ce rapport ne donne-t-il pas à penser - sans l'exprimer en clair - que la puissance publique (dans ses différentes incarnations) ne peut être, compte tenu de toutes les contraintes économiques, assez bien outillée aujourd'hui, pour faire face aux missions qu'elle a acquises de manière cumulative à travers notre histoire et à raison des ambitions de tous les opérateurs ?
C'est ce qui conduit à poser une question de conclusion.
6 - Ne faut-il désengager les collectivités publiques de secteurs ou de situations qui peuvent bénéficier de soins alternatifs?
S'il y a des secteurs où fleurissent spécialement les actions croisées, ce sont ceux du tourisme, du sport, de la culture, de l'offre de divertissements de toute espèce, qui sont des champs d'élection de quasi tous les acteurs publics. Il a, par le passé, fallu soutenir énergiquement dans les années 1975 à 2000, ces gisements d'activités et de richesses, si bien d'ailleurs qu'ils ont souvent acquis aujourd'hui certaines capacités de voler de leurs propres ailes. Ne pourrait-on, dans un certain nombre de cas, voir, de plus, relayer l'intervention publique par des facultés alternatives privées d’appropriation, de gestion et de financement.
Dans le domaine de certaines des actions de l’État et des collectivités locales, le moment est venu de se demander s’il est légitime que ce soit les différents acteurs publics qui continuent à y être autant présents et à autant dépenser, puisqu'il faut arbitrer au sein des dépenses de la Nation entre celles, d'une part, qu'imposent la solidarité sociale et le besoin impérieux d'une contribution publique à certains investissements marchands et celles, d'autre part, qui, parfois aux frontières des luxes, plaisirs et divertissements, viennent soutenir des situations qui par beaucoup de transformations de la société , ont acquis quelques moyens d'autofinancement. D'autant que la puissance publique demande désormais déjà dans bien des cas à ces centres d'activité de s'autofinancer parce qu'elle entend ne plus les subventionner. Tel est, par exemple, le cas du Domaine de Chambord, signe entre tous d'un patrimoine et d'une action publique. Mais quel sens, autrement que symbolique, en reste-t-il si la réunion du château et du parc doit trouver ses ressources en tant qu'établissement public commercial ? Un propriétaire et acteur privé pourrait alors aussi très bien faire comme en témoignent, à leur échelle, Chenonceau ou Cheverny.
Sous réserve qu'un cahier des charges garantisse l'accessibilité culturelle aux publics les moins fortunés, il faut même penser qu'à travers des Fondations ( ou autre mécanisme), les grands groupes privés qui gagnent de l'argent ont une vocation à faire dans ces métiers et qu'il n'y aurait rien de choquant à leur vendre des patrimoines dont la disparition dans les girons publics réduirait vraiment les périmètres de l'État et ceux de bien des collectivités locales et leurs dépenses correspondantes. Au lieu d'avoir des prises en charge directes qui les gonflent d'autant, les acteurs publics, par la réglementation ou des quasi contrats qui sont des moyen d'action beaucoup plus économiques, ainsi que par des contributions marginales (par exemple en payant des droits d'entrées au profit de certains publics) pourraient maintenir une politique sociale culturelle sans en porter toute la logistique. Certes ces "centres de profits et de pertes" que sont aussi des monuments historiques, des musées, des stades, des spectacles, des enceintes de jeux, des sites touristiques aménagés, etc. qui ne seraient pas rentables sur la durée ne trouveraient pas preneurs et devraient pour partie être laissés dans les sphères publiques, pour autant que dans leur éventuelle prise en charge, voire leur gestion à pertes, des puissances privées n'y trouvent, au delà du mécénat, des formes de "bonnes œuvres" pouvant contribuer à leur image et notoriété institutionnelle.
La réflexion pour une vague de privatisations de ce type devrait évidemment définir des garde-fous efficaces pour que de tels transferts n'aboutissent pas, comme dans le cas des autoroutes, à des risques de dérives en défaveur des usagers. En réalité, c'est toute une nouvelle ligne de partage entre missions publiques et missions privées qui mérite d'être redessinée, le public ayant vocation, dans la compétition mondiale, a accomplir certaines missions de banque d'affaires en particulier pour le secteur industriel, et le privé devant avoir vocation à prendre en charge non seulement les promotions des sports et des tourismes, mais aussi une part de l'offre et de la vie culturelle du pays, sans que , sous le coup de telle ou telle vague d'austérité, on tombe dans un système des dépouilles ( notamment par les Chinois...) des plus intéressants des biens publics comme en Grèce. Selon les cas - et leurs inspirations - les privatisations peuvent être les plus dangereuses et parfois les plus pertinentes des opérations d'arbitrage.On ne peut pas laisser à charge du secteur public autant d'héritages culturels et patrimoniaux qu'il en existe sur notre sol; le privé doit en prendre une part proportionnelle à ses capacités, tandis que les puissances publiques doivent d'abord, devant la gravité de la situation française, pouvoir honorer les priorités de l'industriel et du social.
[i] cf. notamment
- "le bleu" annexé au projet de loi de finances, sur la dépense publique
- "le jaune" annexé au projet de loi de finances sur les tranferts financiers
- le rapport annuel (décalé de deux ans) sur le degré d'autonomie financière des collectivités territoriales
- une synthèse annuelle (DGCL) des chiffres clefs des collectivités locales
Les études liées à des questions spécifiques seront indiquées en même temps que celles-ci seront évoquées.
[ii] Il faut spécialement indiquer
- au titre de la Cour des Comptes:
* "la conduite par l'État de la décentralisation" ( octobre 2009)
* "les finances publiques locales" (octobre 2013);
- de la part d'instances réunissant élus et experts
* les publications de l'Observatoire des finances locales, et particulièrement, son très remarquable rapport annuel
* le rapport 2010 (la doc. française) du groupe de travail sur la maitrise des dépenses locales par G. Carrez et M. Thenault
- des étapes marquantes de réflexions parlementaires:
*J. Puech ( 2007, Sénat) "Une démocratie locale émancipée. Des élus disponibles, légitimes et respectés"
*A. Lambert (2008, Sénat) sur les "relations entre État et collectivités locales"
*D. Quentin et J-J Urvoas (2008, Assemblée Nationale) sur "la clarification des compétences des collectivités territoriales"
*Y. Krattinger et Mme J. Gourault (2009, Sénat) " Rapport d'étape sur la réorganisation territoriale"
[iii]Voir cet historique dans l’ouvrage très nourri de Jean-Louis Masson ; Fernand Lanore / Sorlot (1984) « Provinces, départements, régions: l'organisation administrative de la France ».
[iv]En application de l'article 72-2 de la Constitution, "Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources".
En application de la loi organique du 29 juillet 2004, le niveau de ces recettes ne peut ainsi être inférieur à leur niveau constaté au titre de l'année 2003. Le taux plancher fixé pour les ressources propres qui correspond à celui de 2003 se traduit par un ratio de 60 % environ des ressources totales pour les communes et les départements et de 40 % pour les régions.
Afin de vérifier l'état de ce ratio, le Gouvernement transmet au Parlement, le 1er juin de chaque année, un rapport faisant "apparaître, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources ainsi que ses modalités de calcul et son évolution.
[v] qui n’a, de fait, été mis en œuvre qu’à l’initiative de l’État au titre de l’article 37 de modulation du pouvoir réglementaire, et non à celui de l’article 72 de modulation du pouvoir législatif.
[vi]Le préfet est certes théoriquement doté d’un fort pouvoir d’appréciation puisqu’il peut déférer les actes « qu’il estime contraires à la légalité » (art. L.2131-6, L.3132-1 et L.4142-1). Or, face à l’engorgement des tribunaux comme à la volonté des représentants de l’État de préférer la régulation plutôt que la sanction, le contrôle s’est orienté vers le conseil plutôt que le contentieux. Cette pratique favorise certes le dialogue entre les services de l’État et les élus locaux : « les négociations autour de la norme » permettent au préfet de retrouver une place essentielle aux côtés des pouvoirs grandissants des élus locaux et restaure ainsi l’articulation entre décentralisation et déconcentration, mais engendre aussi des dysfonctionnements. Les préfets en effet n’ont pas le même pouvoir qu’auparavant face à certains élus influents désormais dotés de services propres et de solides réseaux et conseils juridiques.
- cf. la documentation française "bilan et perspectives du contrôle de légalité”. Pour notre part, nous avons tendance à épouser l'analyse de Bénédicte Fischer : « La réforme du contrôle de légalité et l’acte II de la décentralisation » AJDA oct. 2007.
[vii]Chaque commune dotée d’un plan local d’urbanisme, a en effet vu ou subi que l’autorité de son maire pouvait désormais pleinement s’exercer en matière de délivrance de permis de construire. Dès lors que le pouvoir est largement passé des services (sur lesquels ceux-ci donnent toujours des avis plus ou moins suivis) vers les maires, sans qu’il existe guère aujourd’hui de pouvoir d’intervention des préfets, la délivrance ainsi décentralisée des permis de construire paraît pouvoir favoriser plus encore le mitage, la plasticité - selon les opportunités souhaitées ou se faisant jour - des documents de référence, des imprudences notamment au regard de règles relatives à la sécurité publique et des légèretés au regard du respect des règles de voisinage, des multiplications de constructions dans des zones à risques et en conséquence la vulnérabilité de l’urbanisme à des catastrophes naturelles pouvant conduire au demeurant à la mise en cause de la responsabilité des maires en cas de sinistre ou de grief fait à un tiers. Pour autant le droit de l’urbanisme – avec des aspects très complexes – n’a pas disparu. Mais le contrôle préfectoral de légalité reste en ces matières comme en d’autres, souvent plus potentiel qu’exercé. Alors même, par ailleurs, que le juge administratif est saisi pour annulation d’un permis et tranche en ce sens, on connaît des cas dans lesquels de nouvelles délivrances peuvent succéder à des annulations. Il ne reste alors que la voie de la mise en cause personnel du magistrat municipal, la question étant déplacée du juge administratif vers le juge judiciaire.
[viii]cf. le remarquable rapport de R. JAMET au Premier Ministresur "les finances départementales".
[ix] cf. rapport 2010 présenté à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par les sénateurs Y. Krattinger et R. du Luard
[x]- cf. rapport d'information Sénat n° 611 de C. Guené de juin 2012 sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale;
- et, à, la suite, un rapport du Gouvernement au Parlementsur "les conséquences de la réforme de la fiscalité directe locale induite par la suppression de la taxe professionnelle".
[xi] cf. rapport d'information Sénat 2010, sur la péréquation, par J.Mézard et R. Pointereau.
- la péréquation verticale trouve ses instruments dans les modes de calcul très sophistiqués des composantes et des diverses DGF aboutissant sans doute à concerner environ 4% de la dépense locale.
- quant à la péréquation horizontale - plus difficile puisqu'elle doit faire appel à un financement par redistribution - elle n’était jusqu’alors mise en œuvre qu’à l’échelle des départements disposant de fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et dans la région Ile-de-France.
Désormais, le Fonds National de Péréquation des Ressources Intercommunales et Communales mis en place en 2012 constituant le premier mécanisme national de péréquation horizontale pour le secteur communal et epic devrait connaître une montée en charge progressive pour atteindre, à partir de 2016, 2 % des ressources fiscales communales et intercommunales, soit plus d’1 Md€.
S'agissant du niveau supra communal, la suppression de la TP a conduit à créer le Fonds National de Péréquation de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises des Départements, tandis que le nouveau Fonds National de Péréquation des Droits de Mutation à Titre Onéreux perçus par les départements mis en place en 2011, permet de redistribuer annuellement de l'ordre de 450 M€ entre eux.
[xii] cf. bien qu'elle date un peu, des comparaisons chiffrées in « Regards sur l’actualité » N° 359 de mars 2010 « vers une réforme de la fiscalité locale »
[xiii] même si l'on retient les Lander comme "collectivité territoriales" car ceux-ci ont une autonomie fiscale cantonnée en ce sens qu'ils n'ont pas la possibilité de fixer les taux des impôts qui sont partagés entre eux-mêmes et l'État fédéral partagés.
[xiv] comme J. Creyssel le récapitulait très bien in la RPP N° 1053 de oct/déc 2009.
[xv] dans le même numéro 1053 de la RPP, lire de Béatrice Marre : "mille feuille administratif et mille feuille territorial".
[xvi] Dès l'entre-deux-guerres, des commissaires cantonaux de la police d’Etat coiffent zones rurales et petites agglomérations et de grandes villes obtiennent alors l’étatisation de leur police, ce qui, par l'acte non abrogé dit loi du 23 avril 1941, devint la règle pour les communes de plus de 10.000 habitants.
[xvii] Une loin de 1999 rénove le statut de la police municipale et accroît son rôle ; le rapport Bonnemaison de 1980 préconise la mise en œuvre de politiques locales de sécurité, ce que transcrivent pour une part des lois de 2001, relative à la sécurité quotidienne et de 2003 pour la sécurité intérieure.
[xviii] Les bases juridiques des polices municipales renouvelées furent une loi de 1972 qualifiant les policiers municipaux d'agent de la force publique et une loi de 1978 leur conférant la qualité d'agent de police judiciaire adjoint.
[xix] il a été jugé, par exemple (CE 24 sept. 2012, Commune de Valence, CE, 30 sept. 2011, SFR et autres) qu'un maire au nom du principe de précaution ne pouvait régmenter la culture des OGM ou qu’au regard de l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur une commune, les décisions de plusieurs maires - qui s’y étaient opposés au nom de la protection de la population contre l’exposition aux ondes électromagnétiques, en invoquant la charte constitutionnalisée de l’environnement – ne peuvent se substituer à celles du ministre chargé des communications numériques et de l’Agence nationale des fréquences.
[xxii] CC. Dec 185 du 18 janvier 1985 Loi Chevènement, 329 du 13 janvier 1994, Révision de la loi Falloux, 373 du 9 avril 1006 Statut de la Polynésie.
[xxiii] La seule exception française (dans le cadre du concept d’ « un seul peuple » intégrant des « populations d'outre-mer ») tient au statut de la Nouvelle-Calédonie avec l'existence de « lois du pays » soumises au Conseil constitutionnel tandis que les lois de pays de la Polynésie restent des actes administratifs soumis au contrôle de la juridiction administrative.
[xxiv]Une importante occasion manquée a été le non établissement en 1967 lors de la loi foncière d’une « taxe sur les constructibilités » qui aurait offert (aux communes en particulier ou à leurs regroupements autour d’opérations d’aménagement et construction ) une capacité de maîtriser l’urbanisation, de financer partie des équipements publics nécessaires induits, d’en répartir équitablement les charges entre nouveaux et anciens habitants et de se créer des ressources liées de manière cohérente à leurs choix d’urbanisme ; mais ce volontarisme allait à l’encontre de la soif de vente des terrains et d’obtention des constructibilités au coup par coup, en bref de la spéculation immobilière et de la loterie de répartition des coûts de la densification de l’habitat.
[xxv] (qui d’une part peuvent distinguer des matières de compétences locales et des matières de compétences d’État et qui peuvent comporter des cas de figure où la République délègue à des exécutifs territoriaux des charges de négociation pour compte de la France ou de représentation conjointe de celle-ci et de la collectivité dans des institutions interétatiques)
[xxvi] Cf. les observations incluses sous l’article « décentralisation » dans « les grands arrêts du Conseil Constitutionnel ».
[xxvii] Titre du N°86 de « pouvoirs locaux » qui offre un sommaire de contributions souvent plus subtiles que convaincantes.
[xxviii] il semblerait prévoyant d'ajouter : "Celles-ci peuvent également reconnaître le caractère de collectivités territoriales à des métropoles et à des pôles de pays ruraux".