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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 23:24

 

 

Ce n'est pas parce qu'une de mes anciennes collaboratrices est, à nouveau,  devenue ministre  - et qu'elle est donc soumise au bashing qu'appelle la fonction  - et ce n'est pas, non plus, parce que la stratégie de ce nouveau gouvernement ne me convainc guère que je dois abandonner mon principe de soutenir ceux et celles [i]qui m'ont apporté toutes leurs qualités en tant que membres des équipes que j'ai animées ici et là par le passé et qu'il faudrait  laisser les faux juges des compétences exercer leur dénigrement...

 

La première fonction à laquelle George Pau Langevin a été nommée dans un gouvernement fut, hier,  celle de ministre déléguée à la réussite éducative, à propos duquel je n'avais rien à dire puisque j'étais incompétent et ma seule occasion d'une observation (critique) à son égard fut qu'elle emboîta bien vite,  avec un commentaire très "politiquement correct" sur la charte des services publics, le pas sur l'idée que tout le monde en France devait être dans la religion laïque de ressembler (du moins en public) à son  voisin, ce qui est pardonnable de la part d'une Antillaise ( rappelons-nous que ce fut un surveillant général Martiniquais, je crois, qui fut le premier, chatouilleux, à lever la question du foulard à l'école....) si viscéralement attachée à l'égalité républicaine (qui avant d'être un refrain identitaire de la France modèle 2014, fut le levier de la décolonisation modèle Césaire).

 

Et c'est précisément parce que GPL est Antillaise, et c'est précisément parce qu'elle vient d'être nommée ministre des outre mer et c'est  précisément parce que je me sens un peu compétent envers ces univers et concerné par ceux-ci , et c'est précisément parce qu'elle et moi,  de longue date (comme avec une autre que, tous amis réunis, nous avons salué lorsqu'elle partait pour les ténèbres, alors que nous entourons George de nos vœux alors qu'elle arrive dans la lumière), nous avons partagé de mêmes causes et de mêmes missions .

De mêmes causes lorsqu'elle fut  présidente du MRAP et que j'en fus le militant. De mêmes missions lorsque j'étais directeur à Medetom et président de l'ANT et que je demandais à cette avocate alors critique des missions de mobilité de l'institution de venir voir et, le cas échéant, corriger de l'intérieur son action, ce qui la conduisit à en devenir directeur adjoint en constituant avec le directeur E. Lauret, un Réunionnais d'une sensibilité différente , un  couple administratif  formés de deux personnalités remarquablement complémentaires et efficaces et ce qui valut plus tard, en 1997, à GPL de prendre le pilotage de l'Agence , avant de devenir de 2001 à 2007, conseillère du maire de Paris pour la vie associative et déléguée générale à l'Outre-Mer. Dans ce cadre elle fut notamment à l’origine du changement (hautement symbolique) de nom de la rue Richepanse  (général qui contribua à rétablir l’esclavage en Guadeloupe en 1802) en rue du Chevalier-de-Saint-George,  (du nom d'un métis guadeloupéen, violoniste, chef d'orchestre, épéiste et célèbre compositeur, de la seconde moitié du XVIIIe siècle).

Élue, en 2007,  députée de la 21eme circonsciption de  Paris avec plus de 62% des voix  vice-présidente du groupe socialiste, radical et citoyen, elle est chargée des questions d'immigration et de codéveloppement entre 2007 et 2009. À ce titre, elle est responsable pour l'opposition du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile et combat la mesure relative aux tests ADN dans le cadre du regroupement familial et saisit, avec ses collègues du groupe socialiste, le Conseil constitutionnel au sujet des statistiques ethniques. Celui-ci prononce la censure au motif que « si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race », et elle est l'auteur en décembre 2008, d'une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée et met ainsi sa réflexion et son action d'avocate au service de la lutte pour l'égalisation des chances.  En juin 2009, elle est chargée par le groupe SRC de suivre les questions de justice. Elle s'est alors particulièrement impliquée sur trois sujets : l'accès au droit (elle est l'auteur d'un rapport parlementaire sur la question établissant combien est difficile pour les plus défavorisés l'accès à une justice équitable) ; la justice des mineurs ; et la participation des citoyens au fonctionnement de la justice (elle est l'auteur, avec Dominique Raimbourg, de la  note de la Fondation Jean Jaurès : "Jurés populaires en correctionnelle : une fausse bonne idée". Son livre, Représenter le peuple français, retrace son parcours, rappelle d'ailleurs nos épisodes partagés et détaille sa vision du rôle et de la place du député.
Au delà, elle est bien armée pour des fonctions ministérielles qu'on lui conteste parce qu'elle serait incompétente,  alors que la diversité de sa formation et de ses expériences l'ont bien préparée dans le domaine juridique, d'une manière  qui,  enracinée dans la connaissance de l'outre-mer et du cinquième "DOM" ( celui des domiens vivant en métropole), s'intéresse plus largement encore aux situations juridiques difficiles des victimes de discrimination ou même tout simplement,  de ceux qui n'ont ni aisance, ni moyens pour trouver les moyens de se faire rendre justice, GPL ouvrant les mêmes sillons si difficiles à tracer que ceux qu'illustrent les ouvrages de Pierre Joxe ( "Pas de quartier" sur la justice des mineurs et "Soif de justice" sur les juridictions sociales) ou de Jean-Michel Belorgey ( sur l'aide sociale, et sur "Le Droit d'Asile"). Que dans un gouvernement de real politik la voix de la militante et de l'avocate que fut GPL continue à oser s'exprimer et puisse être entendue !
Quelles sornettes enfin ne lit-on pas, ici ou là,  sur son incompétence en matière économique !

L'ANT devenue LADOM est le réceptacle, par le lien des mobilités entre  métropole et outre mers,  de tous les problèmes sociaux de ceux-ci, problèmes qui résultent tous des difficultés de l'emploi dont l'ancienne directrice générale a connu bien des aspects en traitant de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes, en ayant affaire à des dimensions sociales graves toutes commandées par les clefs économiques (des allègements de charges à la défiscalisation) utilisées, avec quelques nuances, mais avec une grande continuité par des gestions politiques différentes, mais dont, en fait, les efforts ont convergés. GPL sait tout cela et ne serait être « novice » en économie, et qui plus est en Outre-mer.

 

Mais il est vrai que l'absence d'une personnalité de l'Océan Indien est amèrement ressentie par les Réunionnais qui ont vu se succéder rue Oudinot de nombreuses originaires des départements français d'Amérique et qui ont une gamme de personnalités non seulement politiquement très célébres, mais  marquant aussi l'agriculture, la recherche, l'industrie et  l'Université de l'Ile Bourbon.    GPL le sait aussi, et je veux croire que comme elle a une très bonne et fine sensibilité politique et qu'elle est au nombre des plus universelles des domiennes tant par son approche juridique des droits de l'homme (oui, osons encore le terme) que par sa connaissance de populations des différents bassins de l'outre-mer (ce qui est, si l'on veut bien se mettre en accord avec ses principes, plus important qu'une lointaine naissance), elle aura les qualités que je lui ai connues et, donc,  celles de se faire adopter.

 

  Qui sont d'ailleurs ces juges de la compétence, ces rédacteurs ou ces inspirateurs de billets et commentaires dont on ne sait même pas quels diplômes ils détiennent, pas plus qu'on ne sait d'où viennent, sauf de carrière politique ou médiatique,  ceux qui ont manipulé leurs compatriotes et leurs gouvernants  pour obtenir ces postes creux depuis lesquels ils règnent comme des agités permanents faute d’avoir une idée cohérente, ceux qui naviguent d’une conviction à l’autre selon le sens du vent, ceux qui n’ont pas exercé de  réelles responsabilités  mais dont les amis assurent la publicité dans les encyclopédies se répercutant complaisamment les unes les autres. 

 

Qui ose enfin  poser ce type de question (celle de sa compétence) à propos d'un autre ministre (qu’une femme peu connue arrivant dans le cercle des premiers) ? Qui a osé posé cette question de la compétence sur le précédent Président de la République, avocat lui aussi, dont on n’a pas eu connaissance des compétences économiques en tant que socle de ses diverses nominations politiques.

La compétence d'une personnalité politique ce n'est pas celle dont attesterait son cv. C'est celle dont atteste sa réussite ou son échec. C'est d'ailleurs l'un des prix, l'un des paris, l'un des "à passer par profits et pertes"  de la démocratie. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[i] et j'ai toujours soutenu ceux-là mêmes qui avaient eu des problèmes lorsqu'ils ont été dans l'adversité , chacun sachant les noms que je pourrais citer.

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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 08:06

 

 

 

Par un mal foudroyant (Dieu merci, pour elle ),  Simone Branglidor a été arrachée en trois jours de sa retraite de la Côte où elle essayait, un peu trop solitaire,  de retrouver un reflet du soleil de son enfance martiniquaise, elle qui était née dans une grande forte famille dont son père, Casimir ( ancien maire Ps de la Trinité)  qui fut presque centenaire; elle croyait donc en la force de sa vie , sans avoir jamais renoncé à ses blondes fortes dont l'odeur nous entourait de son halo familier.

 

simone b 3465Elle a été ma collaboratrice, plus,  mon initiatrice dans bien des chemins des outre-mers. Au ministère où je l'ai trouvée en 1988 et depuis lequel elle m'a ouvert les portes des communautés en métropole  de nos concitoyens issus des Départements Français d’Amérique, où elle est devenue une des chevilles ouvrières de l'ANT  (" l'Agence nationale pour les Travailleurs d'outre-Mer”,  les migrants venus des DOM, transformée aujourd'hui en LADOM que préside désormais, après G. Pau Langevin, un autre compagnon de route de toujours, Jean Claude Cadenet). L'ANT dont avec Simone et avec lui nous avons réorganisé l'implantation à Paris et été étudié ensemble les sites répartis alors dans tout l'hexagone pour former et aider les migrants venus des îles dont de nombreux réunionnais auprès desquels la caribéenne S.B. trouvait parfaitement grâce.

 

Elle avait fait symboliquement apparaître, dans une BD - dont elle fut la créatrice, la rédactrice , la force de diffusion -  deux "négropolitains" d'alors, des années 80, arrivés l'un après l'autre et devenus des clients assidus de l'Agence  ; elle avait inventé ces personnages de Précoce et Justatemps qui ont eu un grand succès et j'espère retrouver les plaques de ces BD pour vous les présenter en hommage à son humour et à son  talent. Un talent d'excellente  journaliste que dans de précédentes années, avant d'avoir aussi bien aidé dans leurs découvertes des ministres comme Lemoine et Emmanuelli,   elle exerça avec ferveur en partageant la vie de la première version de la radio télévision pour l'outre-mer en cette période où celle-ci est hébergée par la Sofarom, l'Ocora, puis intégrée à l'ORTF.

 

simone 1 jepgElle retrouvera cet univers  transformé quand je lui demande de me suivre lorsque je suis élu en 1994,  par le CSA,  PDG de RFO et qu'elle est à nouveau l'un des plus proches rouages de mes méthodes, il est vrai particulières, de gestion. En son petit bureau ouvert à tous, elle recueille les confessions, voire les colères,  des uns et des autres, console un peu chacun par un bon sens éclatant et un punch solide et fait passer mes messages aux uns et aux autres, désamorce les cabales et fait rire les plus grincheux

Simone était vraie, disponible, truculente, sceptique mais passionnée, n'avait très peur que de l'avion, mais le reprenait volontiers pour des missions d'apaisement de telle ou telle station en ébullition sous les tropiques.

 

Elle a aussi honoré ces tropiques françaises par de nombreux articles  (et selon quelques gags par coquilles interposées faisant aussi "galopante" la démocratie que la démographie de la fin des seventies) et par deux très beaux livres (réalisés avec le concours de Christian Crabot et du photographe Philippe Adréa) : pleins de trouvailles , de recettes et de  vocabulaires créoles.  C'est aux Etats Unis qu'ils ont aussi connu un vrai succès, en faisant un peu comprendre aux cousins américains que s'ils étaient devenus biculturels, il y a belle lurette que les îles françaises avaient voulu l'égalité et que l'autre "décolonisation" y avait été en marche, mais pas encore parfaitement réussie, car comme disait Simone , en transcrivant un  proverbe de chez elle " ce que tu as dans l'estomac , c'est à toi; mais ce que tu as dans la bouche, ce n'est pas encore à toi" .

 

Simone Branglidor 2Nous pensons tous à elle, à la chaleur et à la drôlerie de ses accueils dans cet appartement qui était si hospitalier non loin des Ternes et dont un jour, pour tenir dans le petit budget de sa retraite, elle a décidé le brutal abandon avec un parfait courage en donnant tout de ses meubles, objets  et de ses livres et en jetant ses souvenirs pour affirmer qu'elle serait libre de vivre en résidence les années de son dernier âge ,  et voilà qu'elles sont passées , alors que nous ne l'avons pas assez revue.

 

PS - J'oubliais : elle m'a fait découvrir Rapahaël Elizé, le maire martiniquais vétérinaire, de Sablé sur Sarthe, entre 1929 et 1940, bien avant Fillon, mort en déportation  parce qu'il était un homme de couleur ... et qui a maintenant, grâce à sa famille, son  musée dans ce bourg de la France profonde et son film avec la production de Olivier Roncin, un autre compagnon de l'outre-mer et de rfo, "le métis de la RÉPUBLIQUE"...

 

Contribution complémentaire du 25/1 : Ce que m'écrit J.C. Cadenet :

"Simone était aussi peut être la première journaliste femme martiniquaise, sa carte portait un numéro à 3 chiffres. Elle nous avait appris aussi malgré son excellente maîtrise de la langue française à aimer le créole et à le parler.
Me voyant souvent passer les bras chargés de parapheurs ou de dossiers j’aimais quand elle me disait : « ou chagé com en piè surette la saison » (tu as chargé comme un arbre qui plie sous le poids des fruits).
Merci à Simone pour tout ce qu’elle a apporté à ma formation"

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 17:26

 

 Le texte ci-dessous est ma contribution au colloque tenu, à l’initiative du préfet  Pierre Lise, au Sénat le 29 avril 2011 sur « Outre Mer et devise Républicaine ».

Je le publie en particulier en soutien et complément de la chronique ici engagée  sur l'état des lieux en matière d'organisation territoriale de la République.

 

Ce texte est au nombre  des actes de ce colloque  récemment publiés dans la collection « logiques juridiques » à l’Harmattan, et comportant notamment les communications suivantes

En OUVERTURE

- allocution de bienvenue , Serge Larcher, sénateur de la Martinique

- présentation du colloque , Pierre Lise, préfet honoraire, président du cercle pour l’excellence des originaires d’outre-mer)

- « l’outre-mer dans la république », Bernard Stirn, président de la section du contentieu au Conseil d’État

sur le thème « LIBERTÉ

- « de la libération à la liberté », Hubert Gerbeau, ancien directeur du CERSOI de la Réunion

- « les libertés fondamentales au cœur du pacte républicain », Pierre Olivier  Caille,  maître de conférence à l’école de droit de la Sorbonne

sur le thème « ÉGALITÉ »,

- « différenciations sociales et discrimnations en droit français », Antoine Delblond, professeur de droit public Université de Nantes

-«  les discriminations positives », Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur de droit public Université Montesquieu-BordeauxIV

- «  égalité ou différenciation statutaire », Olivier Gohin, professeur de droit public à l’Université Paris II-Panthéon-Assas

sur le thème FRATERNITÉ

-« Quels chemins, pour la solidarité ? » , Gérard Belorgey préfet honoraire, ancien directeur au ministère de l’outre-mer

- « L’exigence de solidarité nationale », Véronique Bertille, maîtrede conférences en droitb public, Université Montesquieu-BordeauxIV

 

et la SYNTHÈSE par  Alain Delcamp, secrétaire général du Sénat, vice-président de l’association française des constitutionnalistes    

 

 

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Cher Pierre, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général et notre hôte, chers Amis,

 

Compte tenu des délais très stricts qui me sont impartis je vais être conduit à faire d’abord  toute sa part à la voie émotionnelle plus peut-être qu’à la voie juridique fine . Ce n’est pas sans avantage: l’émotion est brève, et le juriste est longð.

 

La voie émotionnelle c’est de constater que construire la solidarité passe  par le ressenti de la fraternité. Et que le ressenti de la fraternité n’est pas à tous venu d’un coup. En 1956 nous n’étions que quelques uns à aller au premier grand colloque des écrivains noirs. Il y en a fallu du temps pour que les horizons espérés depuis le fameux appel de Césaire pour la départementalisation dans et pour l’égalité , pour que les fraternités aussi que nous exprimions   dans ces rencontres des années cinquante, les uns et les autres,   trouvent leurs voies concrètes d’application. Oui, il en a fallu du temps. J’ai été directeur des affaires économiques, sociales et culturelles de l’Outre mer  à la fin des années quatre vingt, président de RFO en 93/97 ; j’ai eu dans l’une et l’autre de ces fonctions à lutter contre l’ostracisme qu’inspiraient toujours un certain nombre de gens ; par exemple, le simple nom de Césaire – avec le parfum de souffre de ses positions -  suscitait encore l’hostilité et les cabales à l’encontre de ses proches de trop de personnes;  et je me permets, tout en me réjouissant,  de sourire un peu  aussi lorsque j‘entends ces louanges unanimes qui célèbrent et « le grand homme de la négritude »  et une fraternité qui a été aussi difficile à conquérir qu’elle est indispensable comme socle de toute action. Il faut donc fondamentalement rappeler que ces fraternités et solidarités ont exigé bien des progrès de conscience politique ; c’est cette prise de conscience politique qui est – après le ressenti affectif - la deuxième base des solidarités dont les outre mers sont – pardon de le dire – les bénéficiaires.

 

La décolonisation des « anciennes colonies » et celle des pays du Pacifique, ces décolonisations « à la française » - selon deux voies originales sur lesquelles je reviendrai -  que l’on a eu tant de mal à faire comprendre à la communauté internationale et à l’Europe , ont, à mes yeux, été effectivement relativement réussies : parce qu’on a entendu les leçons qu’il fallait tirer de cette décolonisation manquée , puis si  tragique qui a des années durant été le défi si mal relevé de l’Algérie. S’il y a deux hommes qui, à mon sens,  sont les seuls à avoir fait autant en direction de l’outre mer, deux hommes politiques différents qui sont mes condisciples, qui s’appellent l’un Jacques Chirac et l’autre Michel Rocard c’est, selon moi, parce qu’ils ont subi,  chacun à sa manière, l’épreuve algérienne. L’un,  Jacques, c’est vrai,  a certainement eu une certaine nostalgie impériale ; mais le rêve qu’il a eu du maintien de la souveraineté française ne l’a pas empêché de comprendre en ces circonstances que pour assurer cette continuité , il eut fallu  que les intégrations des populations algériennes aient été au plan politique, économique et social engagées de longue date et soient intervenues à temps .   L’autre, Michel,  qui n’était pas un « anticolonialiste » mais qui était - depuis les « comités France Maghreb » que nous avons vécu ensemble -  un raisonnable « décolonisateur »   a, pour sa part,  toujours et partout voulu trouver, à temps aussi,  les chemins pratiques et pragmatiques qu’il fallait imaginer . Ainsi deux familles politiques – quelles que soient les apparences de conflits, et les concurrences, quelles que soient les divergences techniques qui peuvent apparaître dans telle ou telle loi de programmation ou de finances – ont-elles pu converger, su se relayer pour des objectifs économiques et sociaux largement partagés. Le défi démographique des outre-mers, les coûts globaux pour rapprocher ceux-ci des niveaux de la Nation se trouvant au demeurant bien plus modestes que dans le cas algérien et la perspective de continuer la route ensemble pouvant s’appuyer sur des mixités culturelles dont les sociétés trop séparées du Maghreb n’avaient pas mûri les chances, ont permis de voir que la République avait les moyens de chercher à satisfaire à sa devise.

 

Toutefois les principes de « liberté, égalité, fraternité » ont débouché sur deux chemins juridiques parallèles, et à travers ceux-ci à deux expressions de la solidarité sensiblement différentes .

Les chemins institutionnels - après des temps d’hésitations, de contestations,  de toutes parts -  ont  clairement abouti avec la réforme de 2003, et avec certaines consultations locales qui lui ont succédé, à deux modèles. Celui de l’article  73 qui répond fondamentalement à la demande d’égalité des habitants des départements d’outre mer, dans l’axe d’une histoire,  avec sa part de domination et de  cruautés, suivie de sa part de progrès dans la volonté du partage des cultures – qui fut une histoire commune : en effet presque toutes les populations (en dehors des Arawaks et des Amérindiens)  provenant de l’extérieur,  ces « pays » n’ont pas eu d’antécédents collectifs  avant d’avoir - douloureusement puis plus convenablement - partagé  avec la France des siècles de destin. La géométrie variable de l’article 74  et du titre constitutionnel spécial pour la Nouvelle Calédonie  répondent, eux,  essentiellement aux attentes ou aux revendications de respect des différences ( qui ont pu d’ailleurs être portées de manières discordantes dans le temps par une partie ou une autre de leurs populations ) ; ce sont les demandes, pouvant être difficiles à concilier, de communautés complexes ayant eu à la fois une longue existence historique propre avant l’arrivée européenne, et, depuis celle-ci,  un tel renouvellement de leurs rapports sociétaux, qu’il leur faut des  « sur mesure »  très ouverts. Ainsi ces deux réalités d’une part des DOM et, d’autre part,  des collectivités qu’on appelait autrefois les TOM - sous réserve de cas particuliers, un peu hybrides, comme celui de Saint Pierre et Miquelon et encore , pour un temps, celui de Mayotte – ont-elles donné naissance à des régimes statutaires bien distincts, d’où ont découlé  des systèmes différents de normes juridiques (d’un côté, sauf adaptations exceptionnelles, l’homogénéité des normes juridiques avec celles de la Nation ; de l’autre, la faculté pour des autorités locales de « pays » de dire – chacun dans leur zone de compétences définies par des statuts au demeurant évolutifs  - un droit local singulier, différent du droit national. Voilà ce qui va bien au delà de la décentralisation, et c’est en ce sens que j’observais auprès du  professeur Gohin que l’on peut  admettre que notre État, à côté de sa dominante unitaire,  est marginalement pour le moins quand même « un État composite ».

Si je suis un habitant de la Polynésie ou a fortiori de la Nouvelle Calédonie  ou si je suis un habitant d’une région monodépartementale d’outre-mer , je ne suis pas dans la même relation juridique avec la communauté nationale . Certes dans tous les cas j’ai la citoyenneté française, mais, tout en étant garanti par la même souveraineté et par les mêmes juges ( sauf lorsque c’est non pas le conseil d’État, mais le Conseil constitutionnel qui  est compétent pour le contrôle de certaines normes calédoniennes) avec de très importantes variantes de ma condition. Si je suis un habitant des Antilles, de la Guyane ou de la Réunion,  je suis un citoyen social et un citoyen fiscal de la République ; si je suis dans un ex TOM je suis un contribuable du Territoire et un assujetti à ses régimes propres de couvertures de risques et de  prévoyance. Dans le premier cas,  je paie les mêmes types d’impôt à l’État français que les habitants de tous autres départements (bien que ces impôts – comme par exemple des taux réduits de TVA ou des abattements pour l’impôt sur le revenu  qui n’ont rien à voir avec des « niches fiscales » puisqu’ils ont impact sur tous les contribuables et acteurs économiques locaux – puissent, pour compenser des handicaps géographiques et économiques , faire l’objet de modulations favorables sur décision du législateur national) ; je paie aussi des cotisations sociales à des régimes nationaux  et depuis que l’égalité  a été vraiment mise en œuvre après l’exploitation en ce sens par M. Rocard et L. Le Pensec des travaux du rapport Ripert sur le dépassement de la « parité » et parachevée par J. Chirac appliquant des engagements de sa campagne présidentielle  pour les minima salariaux et sociaux, je suis éligible aux mêmes prestations que tous les métropolitains. Les résultats des flux de recettes et dépenses sociales rentrent automatiquement, à travers mes caisses de rattachement, dans la péréquation nationale du régime maladie, ou vieillesse, ou chômage, etc. . Et si je reçois dans certains cas des prestations spéciales, c’est au titre non pas d’une législation régionale, mais d’une politique nationale d’aménagement et de formation dans les  régions d’outre-mer. C’est pour la même raison d’ailleurs que les techniques d’allégements des charges sociales des employeurs peuvent y être différentes de celles de la métropole où ces allégements portent sur les salaires les plus modestes tandis  que, pour aider outre mer les entreprises exposées aux handicaps de ces économies insulaires, les allégements ont longtemps, et encore un peu, pris en compte une échelle plus ouverte de rémunérations . Si je suis dans le Pacifique , j’ai un régime de couverture des risques sociaux propre à chaque Territoire, organisé par lui et des institutions locales, plutôt moins favorable, surtout pour le chômage, que le régime national (avec donc des problèmes de coordination parfois à régler avec les organismes nationaux). Dans un ex TOM, je ne paie pas d’impôts à l’État national , mais à mon Territoire dont les impôts directs sont généralement moindres, mais qui peut avoir d’importantes ressources de fiscalité indirecte, notamment douanières parce que les autres collectivités que les DOM ne sont pas intégrées mais seulement associées à l’Union Européenne, ce qui leur conserve la liberté commerciale et tarifaire, avec en contrepartie le fait que l’UE les a dotés dix fois moins par habitant que les DOM de ses apports en fonds structurels.

 

Les régimes sociaux et fiscaux sont l’illustration de la rupture d’homogénéité juridique la plus marquante, mais de nombreuses  singularités existent et peuvent se développer  dès lors qu’un domaine de compétences est statutairement délégué à une autorité territoriale élue, ceci pouvant concerner des domaines très concrets pour la vie des habitants ( environnement, éducation, commerce, urbanisme, droit foncier, distribution d’énergie,  etc.).   Alors – rappelons-le – qu’il est possible sous le régime du 73 (hors à la Réunion qui ne l’a pas voulu)   d’avoir dans certains cas des modulations d’application de normes nationales , cette éventuelle exception n’a rien à voir avec la dévolution de blocs de compétence que réalisent des statuts d’autonomie.

 

Avec des droits, des devoirs, des obligations, des couvertures sociales, certains services publics, des systèmes fiscaux et des régimes du commerce extérieur qui ne sont pas les mêmes entre les collectivités du 73 et celles du 74 et avec des inégalités entre les collectivités du 74 - puisque les habitants de chacune d’entre elles sont sous une part de normes changeant de l’une à l’autre selon les choix de chacune des majorités ou coalitions politiques territoriales - on  a donc bien deux situations dont les conséquences pratiques sont très sensibles à chacun.

 

Il est donc logique que ces deux situations aient conduit à ce que la solidarité nationale joue différemment dans les deux cas : pour des résultats d’ailleurs à peu près comparables. Le transfert -  je n’aime pas l’application de ce terme aux seuls pays d’outre mer, car il nourrit l’idée fausse d’une assistance envers eux, alors qu’on peut aussi bien parler de transfert (que l’on pourrait également quantifier si on utilisait des instruments de mesure des péréquations au sein de la métropole)  pour la Creuse, la presqu’île de Crozon, en vérité  pour tout département qui est en dessous du PIB national médian - mais disons donc  le « transfert », (puisque ce fut le terme couramment utilisé)  des moyens de la nation est à peu près, par habitant,  le même à l’égard des citoyens des collectivités et à l’égard des citoyens des départements. En empruntant des voies  différentes : à l’égard des DOM, il emprunte tout simplement la voie principale des automatismes parce que son expression budgétaire est schématiquement le solde  pour chaque département, des impôts nationaux et des cotisations sociales payés par leurs habitants et des dépenses publiques et prestations sociales qui y sont réalisées et distribuées, et parce qu’il y a péréquation nationale pour bien des tarifs quels que soient les coûts du service ( par exemple pour EDF). 

 

À l’égard des autres collectivités territoriales dont ne provient pour l’Etat,  en face des dépenses qu’il y accomplit,  aucune recette fiscale (dès lors que tous les prélèvements fiscaux vont au Territoire),  les mises en œuvre de la solidarité au sein de la République ne passent pas par des mécanismes automatiques ( et de ce fait elles sont moins garanties),  mais par des subventions diverses, par  des  allocations globales qui transitent par leurs budgets propres ou par des prises en charge de dépenses ( en personnels , en investissements,) de certains services public fondamentaux, parfois en quelques aides sociales et, surtout, par les contributions du budget de la nation à des programmes de relais ( comme celui qui a suivi la fin des essais nucléaires en Polynésie)  ou de soutien : ainsi pour les contrats de plan dotés de concours importants pour conduire les différences provinces de Calédonie à des chances économiques mieux équilibrées  que par le passé. 

 

Il y a pour les « pays » du 73 comme pour ceux  du 74 un tronc commun des moyens de la solidarité.  Dans ces deux cas il faut soutenir des progrès vers moins d’inégalité sociale  par des actions pour l’égalité de chances économiques entre la métropole et les outre-mers pénalisés par la distance, l’insularité, les micro marchés etc.,  et marqués de taux de chômage et d’exclusion  pouvant aller au triple du taux national .  Ce tronc commun de soutien est là aussi constitué par une dose d’automatismes : les  conséquences des déséquilibres des commerces extérieurs des outre mers (seule la Nouvelle Calédonie est bien placée par le nickel pour y parvenir, et, malgré le tourisme et la perle noire, la Polynésie a bien du mal) sont portées par ce  qu’apporte comme sécurité le parapluie monétaire du franc  relayé par l’euro. Partout, par contre, les politiques de crédit aux entreprises restent aléatoires : les conditions des prêteurs  sont parfois durcies par des précautions au regard des risques spéciaux de l’outre-mer, tandis qu’ont pratiquement disparu des dispositifs de bonification sur fonds publics qui étaient autrefois applicables à certains types d’investissement. 

Au delà , on a schématiquement mis en place trois types d’outils: d’abord des outils pour les investissements publics, les formations et  des actions de sauvegarde (notamment de l’agriculture très concurrencée par les pays à bas salaires) en collaboration, dans les DOM,  avec l’Union Européenne dont il ne faut toutefois par exagérer le rôle ; non seulement parce ces fonds structurels pour les régions ultra périphériques ont progressivement diminué, mais parce qu’il faut bien voir qu’ils sont une bien légitime contrepartie aux pertes ayant résulté de l’ouverture de l’Europe à des produits tropicaux de toutes origines, ce qui, par exemple, a entraîné la non compétitivité des bananes antillaises dont la production diminuée ne survit  que par des garanties de revenu pour les producteurs. Le deuxième outil pour obtenir des prises de risques par les investisseurs privés a été constitué des mécanismes successifs de défiscalisation  (dont les effets de réduction d’impôts de grands contribuables et les coûts ont suscité bien des critiques,  alors même qu’ils ont joué un rôle indispensable de levier et dont , une fois acquise les moralisations nécessaires, je peux vous assurer - à la fois en tant qu’ancien fonctionnaire ayant traité des affaires économiques de l’outre mer, et  dix ans plus tard,  en tant qu’ancien délégué des entreprises des DOM - que le résultat a été positif ; il ne serait  pour partie remplaçable qu’au prix de beaucoup d’imagination comme celle d’une institution spéciale de financement et de portage, ce qui a d’ailleurs aussi été créé en Calédonie, un peu à l’image de l’IDI, sous le nom d’ICAP (Institut Calédonien de Participation)  et a favorisé un développement endogène significatif. Enfin une troisième série d’actions consiste à diminuer, selon des formules un peu plus avantageuses qu’en métropole, le coût du travail :  dans les secteurs exposés à la concurrence mondiale, ce qui est impérieux ;  ainsi qu’au bénéfice de toutes les petites entreprises, ce qui peut être débattu  comme ayant au mieux, si c’est répercuté, un effet prix, mais guère d’effet emploi. Les modes opératoires tiennent inévitablement compte des caractères spécifiques respectifs des collectivités et départements : ainsi, à la défiscalisation nationale, les collectivités ont-elles pu ajouter des défiscalisations territoriales ; ainsi, les allégements de charges sociales nationales ne peuvent-elles exister que dans les collectivités départementales où existent ces cotisations ; dans les autres collectivités, s’il y a des exonérations c’est l’affaire des autorités qui conçoivent et gèrent les régimes correspondants.

Il y a enfin un outil de promotion et d’égalité que l’on a pas voulu ou su utiliser : c’est la créolisation de postes de responsabilité publics de l’État. Je n’ai guère réussi à la direction du ministère à faire aller dans ce sens , mais j’ai pu un peu  le faire comme président  de l’ANT , et ensuite de RFO. Je connaît bien le type d’arguments inverses sur l’égalité républicaine et l’interdiction de critères ethniques, malgré le rôle que devrait avoir la discrimination positive comme facteur d’égalité en tant que rachat des erreurs et du poids des  passés : certes,  telle part de préférence eut été plutôt à contre courant, hélas,  de l’esprit français. Mais  je pense avec Madame qui est intervenue tout à l’heure , que cela traduit une lecture en  langue de bois, des contraintes juridiques de gestion de la fonction publique, alors qu’il eut fallu favoriser la prise en mains par les personnes originaires de leur région tropicale d’affaires administratives nationales se déroulant sur leur sol et influant sur leur développement L’Europe a bien accepté, dans le cadre d’accords PTOM /U.E, des discriminations pour certains cas d’acquisitions foncières et d’accès à l’emploi dans le Pacifique. Quant au droit calédonien il distingue bien dans certains domaines « anciens habitants » et nouveaux arrivés . Il n’y aurait, à mes yeux, rien d’anticonstitutionnel, s’il n’y a pas une juridisation formelle , que soit favorisé, à compétences égales, un agent d’origine locale par rapport à un agent métropolitain pour occuper chez lui des postes de responsabilité. D’ailleurs lorsque la France traite d’affaires internationales ou participe à des organisations régionales mondiales et que cela  concerne des collectivités du Pacifique et, de même des DOM dans les océans Indien et Atlantique, on a trouvé les moyens que des élus de ces pays jouent alors un rôle primordial , comme il serait opportun que des ultra marins peuplent plus qu’aujourd’hui la représentation  permanente diplomatique, commerciale et consulaire française dans l’environnement international. Ce souhait de créolisation s’il est peu satisfait, à côté de l’intérêt que les DOM pourraient avoir d’exercer une certaine liberté tarifaire et commerciale comme l’ont les ex-TOM, pourrait être un des facteurs incitant quelques esprits à considérer avec intérêt des évolutions de statut, malgré tous les avantages sociaux et les garanties d’automatismes qu’apportent le statut de DOM.

 

Je conclurai en m’inquiétant de deux données qui relèvent de la culture régnante  et qui pourraient, à mon sens, faire obstacle à ce que les outremers  poursuivent dans les meilleures voies possibles.

Le premier obstacle c’est celui de la culture politique de ce qu’est devenue la Cinquième République : celle de l’affrontement - nourri par la confrontation aux scrutins majoritaires à deux tours, de deux camps dominants - ce que notait bien au fond la commission Balladur, en introduction de son rapport sur des propositions de réforme constitutionnelle pour 2008 parmi les arguments  pour écarter l’hypothèse d’un régime présidentiel à l’américaine exigeant de savoir faire appel aux compromis. Néanmoins, les progrès de l’outre mer - comme je l’ai mis d’emblée en exergue -  ont été obtenus - malgré les combats inévitables entre les hommes , mais avec une conscience partagée, notamment par tous les élus d’outre mer, des besoins de fond -  par une recherches inavouée, mais heureusement réelle - peut-être aussi grâce au rôle réaliste joué par l’administration - des convergences et des continuités : gauche et droite ont su se succéder, bien sûr chacune avec son propre habillage de présentation, dans le même bon sens global, et il faut souhaiter que l’année qui vient - si favorable  à des excès de l’esprit de compétition – ne les empêche pas de garder toutes les deux, conscience des réponses communes indispensables pour faire face aux grands enjeux des sociétés ultramarines.

 

Le second obstacle culturel que rencontre l’outre-mer, surtout les DOM placés sous les contraintes européennes,  est le crédit trop systématique – une forme d’absolutisme idéologique - que notre univers accorde à la globalisation économique mondiale et notamment au libre échange commercial. A mon sens, depuis la fin des années 80, celui-ci a moins résolu de questions qu’il n’a posé de graves problèmes – dont celui résolu, seulement à titre provisoire par un montage habile,  mais toujours débattu,  de l’octroi de mer  - alors que l’on doit évidemment, pour prévenir l’aggravation de la détérioration des emplois dans les anciennes productions agricoles et dans les activités de transformation industrielle, protéger celles qui restent porteuses. Il est certain, en effet, que les économies ultra marines sont spécialement sensibles, à côté d’aspects positifs,  aux effets pervers de l’ouverture commerciale bénéficiant surtout aux low cost countries et aux importations de produits fabriqués avec de grandes économies d’échelles : le résultat est que le seul secteur où l’on peut gagner à coup sûr de l’argent est celui de la distribution dont les phénomènes pèsent plus sur les prix que des taxes raisonnables d’entrée qui sont le coût par lequel payer la préservation de certains emplois et favoriser le développement d’une économie locale endogène. Plus la globalisation a des effets négatifs sur les niveaux d’emploi des DOM, plus la solidarité s’impose et plus elle coûte cher  à la Nation pour compenser les charges qui résultent de ces pénalisations. Un équilibre complexe entre niveaux d’emplois et coûts de revient des produits proposés aux consommateurs reste à bien rechercher outre mer, ce qui peut d’ailleurs en faire un des laboratoires de la République pour trouver, sans ouvrir des dangers massifs de hausse de prix,  des hypothèses de réponses à des compétitions meurtrières permises par les excès du libre échange.

 

Voilà donc les deux défis, l’un politique, l’autre économique et social,  dont il faut avoir conscience pour prendre bien garde à ce que l’outre-mer ne sorte pas des champs positifs de notre devise républicaine.

 

Je vous remercie de votre attention.

 



ð Ce texte écrit ex post se permet toutefois de préciser certains points de ma communication orale.

 

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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 16:01

Chacun est pertinent à sa manière :

- il y a déjà quelque temps sortaient les souvenirs du Ministre Yves Jego qui eut à gérer la crise de la Guadeloupe et qui, en fait, ne s'en est pas mal sorti

- voici que Roger Anglo, sympathique infatigable animateur de l'Unom sort le sien , "Martinique,  Guyane,  Gaudeloupe : les raisons de la colère... les conditions du changement".

Ces textes ont en commun d'appeler à plus de responsabilité locale et au développment endogène pour libérer les DOM de l'économie de comptoir. Leurs auteurs qui appartiennent à la majorité présidentielle sont certainement des gens de qualité. Mais cette appartenance à une idélogie libérale  les musèlent sans doute :  ils ne peuvent aller jusqu'à proposer que les DOM bénéficient d'une protection  par des droits d'entrée permettant une économie locale réelle mise  à l'abri des assauts  du négoce mondial qui y stérilise l'emploi  Les clefs sont simples. il faut avoir la liberté de les trouver. 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 09:51

Le dernier N° d'"Alternatives économiques", sous la plume de  H. Frémeaux, consacre un article à  la Guadeloupe "un an après". Passés les lieux communs sur les facteurs historiques et les données structurelles qui caractériseraient la situation ( pour une analyse sensiblement différente cf. sur ce site notre article du 31/03/09 "déstabilisation aux Antilles"), le  rédacteur en chef formule quelques suggestions.


Certaines sont bienvenues,  comme d'ajuster qualitativement l'offre touristique, comme de développer le  potentiel agricole de l'Ile qui importe bien des produits alimentaires qu'elle pourrait elle même s'assurer.
D'autres  pistes présentées avec prédilection   se sont révélées, hélas, des impasses depuis des années : ainsi "une montée en gamme de l'offre locale  notamment à destination des économies voisines de la Caraïbe" est manifestement illusoire, puisque d'une part tous ces milieux insulaires ont un panel de productions assez similaires et que d'autre part la compétitivité ( du fait des rémunérations, des fiscalités, des systèmes de crédit et des avantages respectifs consentis par l'Union européenne aux DOM et aux PTOM) des pays voisins est bien plus forte que la nôtre,  tout en leur permettant , sans réciproque pour les régions ultrapériphériques de l'Union, de la faculté d'établir à notre encontre des"negative lists"  et autres  barrières contingentaires et tarifaires.

 

A ce déséquilibre en notre défaveur  sous les tropiques, une seule exception : la sauvegarde depuis 1989 de l'octroi de mer, taxe historique sui generis applicable à certains produits identiques qu'ils soient obtenus localement ou qu'ils soient importés mais dont les productions locales peuvent être,  pour tout ou partie,  exonérées par les Régions, tandis  que la taxe maintenue sur les mêmes produits importés  protège à due concurrence ( il y a trois niveaux de différentiels)   les mêmes productions locales;  le tout  sous une étroite surveillance de l'U.E.  ( depuis la reconduction du système  en 2007 et déjà une significative réduction de sa portée , les listes de produits sont arrêtées sur proposition de la Commission en Conseil des ministres)  .  Le dispositif  dans le collimateur des ultra libéraux  est menacé de disparition en 2014. Mais voilà qui semble devoir réjouir notre chroniqueur . 

 

port guadeloipe

 

 

Il  a en effet  trouvé le fil à couper le beurre du développement local. Comme le met en exergue l'illustration ci-contre de l'article, le frein au développement de la Guadeloupe  serait l'octroi de mer " taxe à l'importation jouant un rôle désincitatif en termes de développement" : parce que les collectivités locales étant ( pour partie) nourries de son produit fiscal auraient "intérêt à l'importation plutôt qu'à construire un projet de développement" .


S'il est vrai que l'économie des DOM est trop largement toujours une "économie de comptoir" c'est à dire d'import et de négoce et que ce sont  les seuls secteurs où l'on peut avoir une vraie faculté de gagner de l'argent,  il est non moins établi  (cf rapport Thil de l'IGF à la fin des années 80) que la disparition de l'octroi de mer eut mis en cause dans les DOM plus  de 20.000 emplois : les coûts comparatifs des produits obtenus sur des marchés de grande échelle et diffusés sur place, notamment par les chaînes de grande distribution,  seraient venus chasser les activités locales - en particulier, pour ce qu'il en reste  agricoles, agro-alimentaires  et de petite transformation qui y sont encore possibles à la condition d'une modeste protection.

 

Lorsque le même chroniqueur explique simultanément en substance qu'il faut  aller à une meilleure auto satisfaction alimentaire et à un développement endogène,  on croit rêver : la disparition de l'octroi de mer ne pourrait qu'aggraver une situation de l'emploi qu'a déjà fortement altérée l'abandon que l'UE a consenti aux firmes multinationales et aux principes de l'OMC  d' une Organisation Commune du Marché de la  banane qui a pu  un temps sauvegarder des plantations. Du moins les plus grandes ( pouvant péréquer les coûts de la production antillaise représentant un grand multiple de celui des pays voisins ou sévit l'exploitation médiévale de la main d'oeuvre , avec les bienfaits en revenus de licences d'importation de bananes dollar ou africaines ), tandis  que toute l'économie bananière familiale de la Guadeloupe a quasiment disparu.

 

Soyons réaliste : il n'y a pas d'économie tropicale française à coûts sociaux européens  pouvant porter de l'emploi  ( ailleurs que dans les services, le négoce  et le BTP  ) sans une régulation administrative attentive et sans une protection commerciale ajustée. Le reste est idéologie.

 

Et si "Alternatives Économiques"  fait une telle ,erreur de jugement c'est que cette excellente revue de référence (par ses dossiers de fonds, ses  recours aux banques de données, ses compte-rendus d'ouvrages et ses  rappels historiques)  est en même temps porteuse en douceur d'une idéologie assez fanatique : la conviction que la mondialisation libre échangiste est l'ordre convenable du monde, si bien que sa rédaction se retrouve en ligne avec l'Autorité de la concurrence dont le rapport sur les problèmes de la Guadeloupe mettait déjà en cause, en quelque sorte, par principe, l'octroi de mer, dans la formation des prix en Guadeloupe comme si on pouvait à la fois avoir  de l'emploi  et des prix ne  tenant pas compte des protections dont il faut payer cet emploi. ( Mais on sait bien qu'en fait le libéralisme préfère une économie de bas prix et de mauvais emploi).

 

Bien sur, la branche socialiste de cette famille libérale estime que cette mondialisation doit et peut être régulée par le social et par  la discipline des marchés. Or, tout en appartenant à cette lignée,  Hubert Vedrine dit en substance dans "Continuer l'Histoire" (2007) que la mondialisation  c'est par définition la dérégulation, donc que réguler la mondialisation est un oxymore. Figure possible dans l'exercice littéraire et quadrature du cercle dans la réalité économique.

Et voilà donc notre revue en permanence  écartelée entre quatre principes : le refus des protections commerciales (  le diable ), la critique des effets du Marché, ( un autre diable)  l'appel politique aux interventionismes moralisateurs d'Etat et la croyance angeliste que les actions pour la consommation et l'équité ont d'elles-mêmes des effets régulateurs.  Pour rendre  crédible la conciliation de ces catéchismes , la bonne tonalité technique générale et le talent des rédacteurs font croire que le journalisme d'opinion est une école de gestion.

 

S'il advient que les tenants de cette pensée socialo libérale reviennent  à la responsabilité des  Affaires de la France, une nouvelle fois, comme sous de précédentes comparables gestions , on vivrait "le sommet des contradictions" entre les meilleures  intentions sociales et la soumission suicidaire  au libre échange mondial. C'est ce que j'avais expliqué en 1998 dans "Trois Illusions qui nous gouvernent" (France-Empire) , discours qui ne pouvait être reçu au moment même ou triomphait dans tout l'Occident la grande euphorie, après la chute du communisme, de voir progresser de pair marché mondial et démocratie planétaire...  ( la aussi revoir la très éloquente analyse que contient  "Continuer l'Histoire" , en devant espérer qu'on devrait savoir enfin un jour en tirer les leçons...)        

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11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 16:43
Un certain nombre de nos concitoyens des DOM se demandent s'il est possible d'être RUP sans être DOM ( cas demandé pour  St Martin) dans le cadre de l'article  74 de la Constitution. Oui, à mon sens,  car ce que demande l'UE ce n'est pas un statut dans la République, mais le respect des contraintes européennes : unité douanière, libre circulation, concurrence,  etc... et en contrepartie, elle apporte ses concours par les fonds structurels.

Or, pour ma part, je pense que c'est l'inverse ( dont j'avais déjà émis l'hypothèse quand je présidais le groupe du Plan) qui pourrait être bon : rester DOM dans la République ( avec tous les avantages qui y sont attachés) en étant COM/PTOM  (et non RUP) dans l'UE : pour se libérer des contraintes douanières ( donc, notamment,  plus de problème de prolongation de l'octroi de  mer,  si des droits d'entrée peuvent être institués par chaque collectivité comme dans le Pacifique) et commerciales au premier chef, d'autant que les aides ont perdu - beaucoup d'investissements étant  faits - une partie de leur intérêt et d'ailleurs déclinent .
Si, en effet on veut un développement endogène, il faut protéger contre les imports ce qui est impossible en tant que RUP, mais normal en tant que PTOM.

La question juridique est alors de savoir
-si le mieux est le 73 ( mais il faut prévoir que les collectivités pourraient demander de déconnecter le statut de département de l'appartenance à 'l'Europe, par retouche aux traces restant dans Lisbonne du Traité de Rome)
-ou s'il faut aller au 74 qui permet tous les "sur mesures", mais offre le danger, si le pas vers ce statut est franchi par votation populaire locale, de permettre ensuite des évolutions organiques par simple loi organique de la Nation ( ce qui peut ouvrir des tentations de "largage"'  ...)

Bien entendu on est dans la confusion totale , car lorsque bien des élus pensent 74,  ils pensent COM+RUP, ce qui est l'addition des risques ( de largage et de contraintes européennes), alors qu'on pourrait penser 74 comme DOM+PTOM =l'addition des sécurités françaises  et des libérations vis à vis de l'Europe

Mais nous sommes sous la double intoxication
 - "autonomo-indépendantiste"  qui ne mesure pas toutes souplesses possibles dans le 73
-  béate européenne qui continue à penser aux dotations budgètaires européennes et non à l'impérieuse nécessité de plus de flexibilité par rapport à l'Europe pour promouvoir développement endogène et donc emploi local


Indiquons  le trèsintéressant rapport Sénat ( juin 09)de Doligé/ Larcher  (400 pages ) qui réitère  pour l'essentiel ce que nous disons depuis vingt ans ;
mais ne trouve pas la clef du développement local ( sauf des poncifs) parce qu'il ne pose pas les questions ci dessus...
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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 08:20
Comme suite à nos communications sur ce thème on trouvera ci-dessous le lien sur le site
 http://kaloukaera.over-blog.org/
qui consacre un article très bien fait sur la question.

article-29308811-6.html article-29308811-6.html

Très bien fait en ce sens qu'il illustre sur ce cas les arbitrages qui existent toujours entre pouvoir d'achat et emploi.
Evidemment certaines formules permettraient de faire payer les carburants moins cher aux consommateurs, mais elles supprimeraient de l"emploi, ces emplois qui sont les premiers fondements du pouvoir d'achat .

A notre sens, le souci de  les maintenir, de les développer conseille de toute façons de préférer par principe des solutions de réalisation locale des biens et des services plutôt que d'importation de produits finis...Si ce n'est pas la maximsation économique libérale au bénéfice d'un homme économique universel inconnu, c'et le seul moyen de quelque garantie de travail et ressources pour les hommes qu'on connaît.
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4 avril 2009 6 04 /04 /avril /2009 18:55
pour info cette dépêche AFP


   L'essence pourrait être vendue nettement moins cher dans les DOM
  
   PARIS, 3 avr 2009 (AFP) - Un mois après la fin du long mouvement de grève contre la "vie chère" aux Antilles, un rapport officiel dénonce le système de fixation des prix pétroliers outre-mer et estime que l'essence et le gazole pourraient y être vendus nettement moins cher.
   A la veille des Etats généraux de l'Outre-mer décidés par Nicolas Sarkozy, la mission administrative Bolliet commandée par le gouvernement affirme que le prix du supercarburant pourrait baisser de 32 à 33 centimes en Guyane, de 25 centimes en Guadeloupe et de 22 à 23 centimes en Martinique.
   La mission juge "indispensable d'améliorer la transparence du système et de clarifier les règles d'administration des prix" des carburants dans les DOM, qui ont un effet "anticoncurrentiel, déresponsabilisant et inflationniste".
   Elle avance plusieurs pistes, dont la fixation du prix des carburants, non plus par le préfet, mais par les collectivités ou une autorité indépendante, et la suppression de l'activité de raffinage de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), filiale à 50% de Total, qui approvisionne Antilles et Guyane en carburants.
   Le rapport relève que le "prix de sortie Sara est plus élevé, en moyenne sur la période 2005-2008, de 19 centimes (supercarburant) et de 11 centimes (gazole) par rapport à une raffinerie standard européenne".
   Parmi les causes de ce surcoût figure la capacité de raffinage de la Sara, qui est de 800.000 tonnes seulement, "soit cinq fois moins que la plus petite des raffineries métropolitaines".
   Mais de nombreuses autres raisons expliquent cette cherté, même si depuis la crise de novembre, qui avait complètement paralysé la Guyane avec des barrages routiers pour obtenir une baisse de 50 centimes, les prix sont à présent moins chers qu'en métropole.
   A l'époque, le litre de super était fixé à 1,77 euro par le préfet, soit 62 centimes de plus qu'en moyenne en métropole.
   Au 1er mars, le prix de l'essence était de 1,27 euro en Guyane, 1,08 en Guadeloupe et en Martinique et 1,24 à la Réunion.
   La mission Bolliet note en particulier que la Sara réalise l'essentiel de sa marge sur le supercarburant et le gazole, et vend peu cher le carburéacteur et le fioul lourd.
   En Martinique, elle vend le fioul à un prix "systématiquement inférieur" au prix maximum fixé par le préfet, notamment à EDF, qui "est en position favorable".
   Selon les inspecteurs de l'administration, se passer de la raffinerie de la Sara (190 emplois directs) permettrait déjà pour le consommateur "un gain de l'ordre de 15 à 17 centimes pour le supercarburant et de 7 à 9 centimes pour le gazole".
    Pour les trois départements français d'Amérique (Guyane, Guadeloupe et Martinique), il serait possible d'utiliser un approvisionnement direct en produits raffinés depuis l'Europe du Nord, en utilisant un mécanisme analogue à celui en vigueur à La Réunion (cotation Rotterdam + fret + prime de trading).
   Le rapport relève aussi le "niveau trop élevé" du "coût de passage dans les dépôts", la marge de gros "surévaluée" et le "niveau des charges salariales": 1.000 pompistes en Guadeloupe et Martinique pour 155 et 96 stations service "très peu automatisées", 1.330 à la Réunion pour 148 stations.
   Et certains gérants de stations-service peuvent avoir une rémunération brute dépassant 120.000 euros, soit six fois plus qu'en métropole
 
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31 mars 2009 2 31 /03 /mars /2009 10:08
ARTiCLE (1)  GB  PUBLIÉ DANS "ACTUALITÉ DE L'HISTOIRE " DE MARS 2009


En 1993, le rapport sur l’outre-mer du dernier « Plan » français, « le défi des singularités » - pour soutenir ses préconisations en faveur des DOM - avait imaginé un « scénario catastrophe », inéluctable  si,  d’une part, les inégalités continuaient à prospérer et si, d’autre part, l’effort développement n’y était pas plus soutenu . Or, malgré des réponses apportées en ce sens (cf. les deux encadrés ci-contre) par une convergence des diagnostics et des traitements des gestions de gauche comme de droite (même si elles ont voulu en faire des présentations différenciées), on semble bien proche d’un scénario catastrophe. Pourquoi ?

Limites des politiques mises en oeuvre
L’explication fondamentale est que les Antilles restent caractérisées, malgré parfois quelques progrès, par des taux de désemploi et de précarité  triple et parfois plus de la moyenne nationale.  La valeur ajoutée (qui « se consomme » pour l’essentiel en importations)  provient, beaucoup plus que des productions, des services administratifs et marchands. Le tourisme dont les installations souffrent souvent de désuétude n’a pas trouvé dans une défiscalisation insuffisamment souple à son égard les moyens de sa rénovation immobilière ; concurrencé par les voisins à très bas coûts, il est peu rentable et déjà en chute grave en Guadeloupe. Aucun gouvernement n’est parvenu à traiter deux questions levant beaucoup de passions : celle  de l’impôt sur le revenu, diminué d’abattements bien discutables ; celle des « sur-rémunérations » des agents publics  (métropolitains ou locaux, d’autant que les seconds voient dans leur accès à cet avantage  une conquête post coloniale imprescriptible). La prime  (40%),  dite de "vie chère"  répond plus que largement à un différentiel d'indices de prix à la consommation (entre métropole et outre-mer) qui en représente moins de la moitié ; elle est réputée avoir des conséquences perverses :  dont celui que les prix locaux sont  poussés à la hausse, aussi bien par cet effet de demande que par le système d’importation/distribution.

Aux sources des  affrontements
Est-ce celui-ci aujourd’hui qui doit être mis en cause pour répondre aux demandes du collectif contre la vie chère ? Ce mouvement n’est pas né d’une aggravation spectaculaire de la pauvreté qu’aurait apporté la crise mondiale mais du détonateur - comme auparavant en Guyane - des prix du carburant. Les campagnes conduites à l’échelon national pour le pouvoir d’achat ont trouvé aux Antilles un terrain d’explosion favorable parce que la situation de ces îles ajoute à un héritage post colonial pouvant inspirer  de redoutables retours de flammes de leur histoire (3), une quasi impossibilité pour ces économies de trouver un équilibre dans la globalisation libérale  et  pour ces sociétés d’avoir des perspectives lisibles.

L’héritage post colonial n’est pas dans la rémanence d’un clivage ethnique  d’autrefois, dépassé à raison de la place tenue dans la société politique, civile, libérale, culturelle et marchande par les élites de couleurs.  S’il est vrai qu’un petit nombre de familles européennes de vieille implantation détient des places notables dans l’actionnariat de groupes importants,  le patronat lui-même - et ses associations ( des MPI aux Unions patronales) - est largement multiracial.

Néanmoins, les représentations d’une espèce de projection d’un passé qui commanderait le présent peuvent  entretenir  chez les défavorisés, cherchant une cause visible à leur malheur,  une inclinaison à se voir regarder comme traités en descendants d’esclaves (ce qui leur permet aussi de se présenter en « créanciers de l’Histoire »). Leur blessure est ravivée par ce qui est ressenti, à tort ou à raison, comme des signes rémanents trop fréquents de prévention raciale à leur égard. Il peut s’y ajouter la conviction infondée d’être oublié par une métropole qui les exploiterait,  alors que celle-ci consacre par solidarité et péréquation nationales (comme d’ailleurs en faveur d’autres régions les moins riches) des transferts sociaux et budgétaires considérables en faveur des départements d’outre-mer (2). Et ceci, aujourd’hui, sans retours irremplaçables : le temps du « pacte colonial »  n‘est plus. C’est non sans mal, au regard des principes de libre concurrence et circulation,  que la France essaie de rester un débouché pour les productions tropicales des Antilles; en sens inverse, leurs importations sont d’origines de plus en plus diversifiées. Le schéma du rapport Jarnac ( Conseil économique et social, 1987) selon lequel l’outre-mer transformait de la dépense publique en recettes commerciales françaises  est périmé. Toutefois, la CMA CGM  pour le maritime, Air France pour l’aérien, ont réussi à rester les liens majeurs de transports entre la Caraïbe et la France. Ces  sociétés  sont - par des dénonciateurs au demeurant en désaccord entre eux – souvent prises  comme boucs émissaires des coûts antillais.  Il ne faudrait pas que la recherche de diminutions de prix méconnaisse notre intérêt stratégique mondial à la solidité de ces opérateurs en ouvrant de grandes brèches aux prédateurs low cost des flux de transports assurés par nos flottes. 



Quelles clefs économiques?
Au regard de la demande de pouvoir d’achat, des augmentations salariales significatives générales ne bénéficieraient qu’à ceux qui travaillent et augmenteraient - en dehors de quelques secteurs prospères qui peuvent bien améliorer  les  rémunérations - les risques de désemploi par des effets de fermetures d’entreprises (surtout dans le tourisme et dans les pme de production/transformation ). La piste des concours de l’État ne comporte pas  des actions par des baisses ciblées de TVA  mais via des minima sociaux les puvoirs publics seront sans doute appelés à se substituer aux entreprises trop fragiles pour supporter de fortes hausses.
Les contradictions de la situation antillaise sont éclatantes : des besoins de revenus supplémentaires ne trouvant pas les activités pouvant les générer. L’amélioration du pouvoir d’achat ne pouvant en définitive vraiment résulter que d’un meilleur emploi, le noeud du problème est donc de savoir comment faire apparaître des marchés rentables. Or l’économie de libre échange mondial a déstabilisé la société antillaise par des pertes d’exportations traditionnelles et par des flux d’importations balayant les productions locales existantes ou possibles. Ce n’est pas vraiment  que la création d’activités locales serait bloquée  par les importateurs. C’est que toute création doit identifier un créneau pouvant trouver son débouché et sa rentabilité. C’est très difficile dans ces micro marchés à salaires européens,  en milieu tropical de pays à bas coût de main-d’oeuvre. Le BTP est saturé et la compétition y est rude ; les transports locaux sont  tributaires d’une demande incertaine ; le tourisme est dans un creux, sinon un naufrage; le seul secteur sûrement profitable outre-mer est, hélas,  celui de la distribution (4)
.

Il faut donc avec « les Gracques »(5) admettre que les « économies ultra marines ne sont pas des économies de marché ». Et en tirer des conclusions au delà de la leur. Il faut non seulement établir une administration des prix, mais il faut aussi protéger ces sociétés insulaires pour leur donner chance d’aller à ce fameux « développement endogène » qui doit commencer par une meilleure satisfaction de leur marché intérieur par leurs propres capacités. Si l’on pouvait y ajouter un ralliement des consommateurs à la poésie et à l’écologie, n’irait-on à la réalisation du rêve des chantres de la créolité (6) : celui d’une société antillaise qui saurait mieux être fidèle à elle-même en dépendant moins des importations, en préférant au pib un certain bonheur identitaire. L’indépendance frugale ne serait-elle la seule possible pour ne plus avoir besoin  des transferts de la métropole, sans connaître les risques de misère de certains voisins ?

Institutions et identités
Ce sont ces risques là que n’ont pas voulu prendre ceux qui ont voté, il y a cinq ans,  contre l’évolution des institutions. Après que L. Jospin eut confié à une mission de parlementaires (Lise/Tamaya) le soin d'une réflexion institutionnelle qui s'enlisa, c’est en faisant une surprise  (et un peu peur)  aux conservateurs  que J. Chirac, lança une réforme constitutionnelle qui ouvrit en 2003 des possibilités d'évolution, sous réserve d'accord des populations concernées, vers diverses hypothèses de changements. La plus modeste d'entre elle ( la réunion, proposée par les élus,  de la  Région et  du Département) fut refusée par un électorat redoutant que tout abandon du vieux régime départemental ne porte à une dérive pouvant conduire à une autonomie économique et sociale redoutée (7)

La contradiction sociétale des communautés antillaises est dans une revendication identitaire ne pouvant aller à des conclusions politiques. Parce que les liens avec la République (que matérialise aussi la présence dans l’hexagone  de presque autant  d’originaires et de descendants d’originaires que ceux habitant les îles) sont à la fois pour partie douloureux, mais trop forts pour mener à la rupture. Ainsi l’avenir institutionnel  - sur lequel il va bien falloir réouvrir une réflexion pluraliste - n’est aujourd’hui pas lisible, tandis que notre vie collective offre encore trop d’exemples de « manque de respect » engendrant des amertumes légitimes (comme d’ailleurs aussi des excès). C’est ce qui appelle de la discrimination positive ( sans qu’on l’impose si elle est refusée ) corrigeant des rémanences de la discrimination négative. Même s’il faut alors « tordre » quelques principes d’égalité républicaine. Ainsi la haute fonction publique, territoriale en particulier, paraît avoir fait moins de place à la « créolisation » que les gouvernances d’entreprises ; ainsi, parfois, les « minorités visibles » semblent mieux promues lorsqu’elles sont d’autres origines que de nos outre-mers ; ainsi faut-il en finir avec l’hypocrisie de ne pas clairement reconnaître - si ce n’est pas pour aboutir à des fichiers, mais pour lutter contre les inégalités - des statistiques sur les origines. Les crises des Antilles  doivent pousser notre société multiculturelle à reconnaître aussi bien les valeurs des identités que celle du métissage.


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1-  Cet article ne produit pas de  bibliographie. Une source d’informations actualisées est www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/outre- mer/index.shtml
2 - chaque année, l’IEDOM publie le seul rapport économique complet existant sur chacun de ces départements et incluant les comptes de leurs relations externes ; cf. www.iedom.fr/interet_general/publications_periodiques.asp
3 - Alors que la Martinique était tenue alors par une aristocratie blanche anglo-française, la Guadeloupe fit sa révolution abolitionniste de 1793 et résista, avec Delgrès jusqu’au sacrifice de Matouba,  contre la reconquête esclavagiste de Napoléon.  Sa population mêlant des arrivées africaines, indiennes et asiatiques exprima souvent sa pugnacité. Des mouvements sociaux durs et des actions politiques radicales ( conduites par l’ARC, l’UPLG , le GONG) confrontées à une administration conservatrice  s’échelonnèrent des  années 1960 aux années 80. 1967 en particulier fut marqué par un court cycle meurtier de répressions, terrorisme, émeutes, faisant de nombreuses victimes ; une amnistie est intervenue  en 1989. 
4- et c’est bien pourquoi, les investissements n’y sont  pas défiscalisables.
5 venant de diffuser une réflexion en ce sens
6 - cf. la contribution de Glissant, Chamoiseau, et autres personnalités  in le Monde du 16/2/9) 
7 et le seul effet du texte d’ouverture,  fut que chacune des Îles de St Barthélémy et de St Martin ( cas très particuliers, s’il en est) a pris effectivement une forme d'autonomie.


 


INFORMATIONS FONDAMENTALES

Egalité sociale réalisée et leviers de développement
Les avancées du gouvernement Rocard de 1988, puis la réalisation de l’engagement de J. Chirac lors de sa campagne présidentielle ont conduit à l’égalité  sociale totale  entre les citoyens de l’hexagone et ceux des DOM, sans préjudice de quelques dispositifs spécifiques. Des régimes fiscaux favorables,  notamment en matière de TVA, sont faits pour compenser les handicaps de la distance. Une large mise à niveau des équipements publics a été cofinancée par les ressources locales, des concours budgétaires massifs et d’importants fonds européens. Deux principaux outils pour l’emploi et le  développement sont en place : des exonérations de cotisations sociales plus importantes qu’en métropole au bénéfice des secteurs « exposés » et des entreprises de moins de 11 personnes ; un appel aux ressources des contribuables nationaux les plus aisés - pour financer des investissements productifs et divers types de logement - fondé sur des mécanismes de défiscalisation datant de la loi Pons de 1985, qui a été progressivement très « moralisée ». Des lois de programme successives (Queyranne, Girardin) ont cherché à donner aux acteurs économiques la sécurité dans la durée. Voulant renouveler, l’actuel Président de la République a inspiré une remise en chantier renforçant certains moyens par des « zones franches globales », réorientant l’investissement logement vers le social, mais diminuant le volume des exonérations de cotisations patronales.




La relation à l‘Europe
La gauche, en 1988, a été confrontée à une méfiance antillaise envers l’Europe qu’exprimaient le thème du "loup européen", la consigne "pavoté" et la peur d’une immigration en provenance du vieux continent. Le  ministère de Louis Le Pensec - en lien avec ses homologues d'Espagne et Portugal ayant aussi leurs "régions ultrapériphériques – a alors construit toutes  les bases d'une place exceptionnelle de ces régions dans l'Union, selon ce que permettaient les Traités, les jurisprudences de la Cour de Justice et les rapports de force internationaux. Le résultat a été de modérer les portées des principes de libres circulation et concurrence et de permettre les adaptations justifiées par les décalages de PIB et niveaux sociaux. Les DOM vivent toujours sous ces principes ayant notamment engendré les programmes structurels européens,  des plans de soutien à l'agriculture et à la pêche, une OMC pour la banane (mais qui, sous de plus en plus d’ouverture, est devenue bien fragile), des dispositifs spéciaux pour la filière canne, avec un régime permettant aux rhums d'outre-mer de garder des marchés externes, l’activité sucrière restant déficitaire en Martinique et regroupée sur une usine à peine à l’échelle critique en Guadeloupe). En outre, il fut obtenu, dès 1989, que « l’octroi de mer » protégeant contre les importations concurrençant certaines productions locales soit maintenu, moyennant aménagements et stricts contrôles européens, ce qui a été prorogé en 2004.








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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 13:52
POUR RÉPONDRE À DES AMIS ME DEMANDANT CE QUE J'AI SUR LES OUTRE-MERS ET LA PREMIÈRE GUERRE MINDIALE

ET DANS L'AXE DE CE QUE J'AI PRODUIT SUR CE SITE SUR LA PARTIPATION DES DOM:TOM À LA SECONDE GUERRE MONDIALE

 JE PRIE DONC LES UNS ET LES AUTRES DE TROUVER CI-DESSOUS UN TEXTE DONT LA PATERNITÉ APPARTIENT À CEUX QUE CITE SON TITRE ET QUE JE REMERCIE DE LEUR COMPRÉHENSION POUR CETTE DIFFUSION.



OUTRE-MER ET PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
Travaux de recherche historique de M. Hazael-Massieux et Philippe Rabbe
mis en forme par JC Cadenet.





En 1914, les habitants des quatre vieilles colonies, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et de Saint-Pierre-et-Miquelon sont des citoyens français.

Le principe du service militaire avait été adopté par une loi de 1889 mais les difficultés d’application firent que les premiers enrôlements ne s’effectuèrent qu’à partir de 1913. En effet, la revendication du service militaire émerge avec la Troisième République dans les quatre « vieilles colonies ». Nourrie de la rhétorique des droits et des devoirs du citoyen, elle s’inscrit dans une demande d’égalité. Les obstacles juridiques sont toutefois nombreux et les freins réels de la part des autorités militaires. Il faut attendre 1912-1913 pour que l’extension du service militaire soit décidée. Les premiers conscrits en provenance des Antilles arrivent en métropole à l’automne. Ils sont rapidement confrontés à des problèmes sanitaires largement dus aux conditions de voyage.

On estime à 23  000 la participation des Antilles et de la Guyane en effectifs combattants, et près de 10 % de ces soldats  tombèrent au champ d’honneur.

6603 Guadeloupéens furent dirigés vers la métropole et 1 027 d’entre eux trouvèrent la mort. Parmi les citations, à titre d’exemple emblématique, on peut mentionner celle de  BONALDIR, de l’Armée d’Orient : « Sortant d’une tranchée, (il) cloue un Turc par terre, et, par son attitude résolue, contraint cinq ennemis à se rendre ».

Quant à la Martinique, 700 de ses enfants méritèrent une citation pour leur bravoure ; là encore, il peut être mis en exergue celle de Joseph CAROLUS : « Au corps expéditionnaire (des Dardanelles) depuis le 12 mai 1915, a pris part à toutes les affaires, a toujours fait preuve de la plus grande énergie, le 22 mai, est resté 30 heures entre le la ligne française et la ligne turque, au milieu de ses chefs et camarades morts, et a ramené son caporal grièvement blessé ».

 280 Guyanais furent tués et 150 ressortissants de ce territoire reçurent une citation individuelle ; parmi ces dernières, il convient de citer celles (deux) qui échurent à Victor REY, ancien gouverneur de la Guyane, qui servit comme simple soldat, au 24 ème d’artillerie. Fait unique dans les annales de la Grande Guerre, Rey reçut en 1917 la cravate de commandeur de la Légion d’honneur.

 Enfin, 3000 combattants de la Réunion trouvèrent la mort dans les combats sur 10 000 mobilisés. En outre, 5000 travailleurs issus de ce département vinrent travailler dans les usines françaises. Les citations individuelles s’élèvent au nombre de 350. J’en retiendrai deux : celles du caporal Georges GARCON, lequel, le 12 avril 1917, s’en va, « sous un feu violent de mitrailleuses chercher un officier mortellement blessé entre nos lignes et les lignes ennemies », ou de Louis GASTIEN, qui fait prisonnier, réussit « malgré la surveillance dont il était l’objet à rentrer de nuit dans nos lignes » et qui se bat magnifiquement au combat le lendemain.

Les îles Saint-Pierre-et-Miquelon eurent 64 morts et 56 citations individuelles, sur une population sédentaire d’environ 3 000 à 4000 âmes. Le premier Saint- Pierrais à tomber au champ d’honneur s’appelle Paul DEYGRAND ; ce fils d’armateur est tué le 27 février 1915 à Beauséjour, en Champagne.

Si les vieilles colonies participèrent à l’effort de guerre commun, il en fut de même des territoires du Pacifique.
En 1914, la France était en possession de l’archipel de la Nouvelle-Calédonie et des Etablissements français de l’Océanie (EFO, correspondants à l’actuel territoire de la Polynésie française) ; Wallis-et-Futuna relevant d’un statut de protectorat.

La guerre ne touche les espaces de l’Océanie que de manière très secondaire et ponctuelle et les actions se limitent à la lutte contre les navires allemands qui attaquaient le commerce maritime des Alliés. Ainsi, en 1914, d’août à octobre,  les pays du Pacifique, alliés de l’Entente, prennent-ils possession des territoires allemands : Samoa, Nouvelle-Guinée et Micronésie. Le navire amiral français, le Montcalm participe à cette guerre maritime. Le 22 septembre 1914, les croiseurs germaniques Scharnhost et Gneisenau, sous les ordres de l’amiral VON SPEE, bombardent Papeete. L’attaque échoue du fait de l’initiative du lieutenant de vaisseau DESTREMEAU qui saborde son navire, « La Zélée », obstruant ainsi l’accès de la passe aux navires ennemis.

Il convient de noter la participation de 4 000 soldats français du Pacifique aux troupes des Dominions formant le corps expéditionnaire de l’ANZAC (Australian and New-Zealand Army Corps).

En ce qui concerne la mobilisation purement française, il est fait état de 2 244 Calédoniens ayant participé à l’effort de guerre, dont 1 027 citoyens calédoniens blancs et 1 105 Kanaks, ces derniers engagés volontaires.

On a donc d’un côté des mobilisés, concernant des soldats d’origine française, dont le premier contingent de 713 combattants quitte l’archipel le 23 avril 1915 à bord du  Sontay, et de l’autre des tirailleurs, engagés volontaires, recrutés parmi les indigènes sujets, non soumis à la loi sur le service militaire de 1905 mais invités à se joindre aux combats de la guerre par le décret du  12 décembre 1915. C’est le pasteur Maurice LEENHARDT qui joua les intermédiaires auprès du peuple kanak, promettant, en retour de la participation à l’effort de guerre, des terres et des outils.

L’afflux des engagés volontaires permit de constituer le Bataillon des Tirailleurs du Pacifique à Nouméa le 4 juin 1916, le jour de son embarquement à bord du  « Gange ». Ce bataillon est encadré par des sous-officiers calédoniens parlant les langues indigènes et il est initialement créé en tant que bataillon d’étape. En Métropole, on commence par l’utiliser pour le chargement et le déchargement des navires  en partance pour le front d’Orient, à Marseille. Il  se transforme en bataillon de marche en avril 1917 en prenant l’appellation de Bataillon Mixte du Pacifique, par l’adjonction d’une compagnie d’artillerie. Son intégration en tant qu’unité combattante s’effectue à partir de juin 1917. Il se comporte très honorablement dans le secteur toujours mouvementé de la «  Main-de-Massiges » et participe d’août à octobre 1918 à la deuxième bataille de la Marne.  Auparavant, il contribue à la défense de la tête de pont de Compiègne et à l’attaque du 18 juillet 1918 qui se traduit par le premier recul des forces allemandes. Le BMP s’illustre le 25 octobre 1918 lors de la prise du village de Vesles  et Caumont et de la ferme du Petit Caumont, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de la Xème armée, remise le 10 décembre 1918 par le général  MANGIN. Cette citation indique le nom de l’officier, chef du bataillon : le commandant  GONDY.

 A la fin de 1916, ce sont près de 900 Tahitiens qui partiront pour la France, par vagues successives, en passant par Nouméa. Les pertes peuvent se répertorier ainsi : sur l’effectif  total des mobilisés et des engagés, on enregistre  583 tués, se décomposant ainsi : 193 européens et 390 indigènes. En proportion, cela représente 18,5% des soldats Calédoniens d’origine européenne et 33,5% des 1137 hommes recrutés tirailleurs du BMP  et 34,5% des effectifs des 1105 Kanak engagés volontaires.

L’année 1917 fut aussi une année de troubles pour la Nouvelle-Calédonie comme elle le fut pour la métropole à cause des mutineries. En effet,  une révolte Kanak se produisit de février 1917 à janvier 1918 dans le nord de la Grande-Terre, résurgence de celle de 1878. Les causes en furent les pressions exercées par les autorités pour forcer le recrutement des engagés volontaires ainsi que la permanence du problème foncier. Réprimée par le gouverneur REPIQUET, elle prit fin lors de l’aman – la  reddition - du sorcier PAETOU, après la mort de celui qui l’avait initiée, le chef NOEL.



Il  faut aussi brosser le portrait de plusieurs individualités qui honorèrent les territoires de l’Outre-Mer français actuel, par leur engagement dans la Grande Guerre.

 En premier lieu, il convient de souligner le nombre important d’aviateurs que comptèrent durant la guerre de 1914-1918 les territoires des Antilles et de la Guyane, par rapport à leur exiguïté. On peut invoquer pour donner une explication à ce fait des paramètres tels que le goût de l’aventure, de celui du risque et des grands espaces tout en ne négligeant pas un sentiment d’étouffement lié à l’insularité, voire le déterminisme d’un certain tropisme aérien.

Voici quelques noms emblématiques. Ainsi du Martiniquais Pierre REJON. Ce dernier, né à  Trinité en 1895, poursuivait des études d’ingénieur à l’école des Arts et Métiers lorsque le conflit éclata. Engagé volontaire, il combattit avec le 33 ème régiment d’infanterie avant d’être affecté dans l’aéronautique militaire ; il y servit à l’escadrille des Coqs, SPA 62. Tous les avions sur lesquels il volait s’appelaient « Zaza », surnom de sa petite sœur, Isadie. Pierre REJON obtint quatre victoires ; il trouva la mort le 15 août 1920, dans un accident d’avion, en Guyane.
Ainsi du Réunionnais Roland GARROS. Il naît en 1888 à Saint-Denis de la Réunion  et s’illustre avant guerre en devenant champion de  France de cyclisme en 1906 ; en outre, il réalise le 23 septembre 1913, la première traversée en aéronef de la Méditerranée. Durant la guerre, dès novembre 1914, il fut le premier spécialiste à définir dans un rapport l’avion de chasse tel qu’il  fut utilisé dans les décennies suivantes et il participa à la mise au point du tout premier chasseur de l’histoire. En 1915, une panne le contraint à atterrir en territoire ennemi où il est fait prisonnier avant d’avoir pu détruire son avion, son système fut aussitôt copié par l’allemand  Anthony FOKKER, ce qui permit à l’aviation du Kaiser d’acquérir une suprématie absolue dans les airs jusqu’à la fin de l’année 1915. Roland Garros connaît trois ans de rude captivité et réussit à s’évader en reprenant sa place dans l’escadrille des Cigognes. Il meurt  dans un combat inégal en se portant à la rencontre de plusieurs groupes d’avions ennemis le 5 octobre 1918 à Saint-Morel, près de Vouziers, dans les Ardennes, où il est enterré. Il avait quatre victoires à son actif.

 Ainsi du Tahitien Henri CADOUSTEAU, mécanicien d’origine qui réalisa son rêve de devenir pilote en étant incorporé au début des hostilités à l’Ecole d’aviation militaire d’Istres. Ayant fait l’objet d’une citation, CADOUSTEAU survécut à la guerre en revenant à Tahiti où il s’installa.

D’autres militaires de l’Outre-Mer s’illustrèrent par l’éclat de leur action. On doit citer en premier lieu le capitaine de vaisseau Camille MORTENOL né en 1859, à Pointe-à-Pitre. Ayant manifesté de brillantes dispositions pour l’étude des mathématiques,  il réussit le concours de Polytechnique et, choisit à la sortie de l’école, la carrière d’officier de marine. En 1915, MORTENOL, âgé de 56 ans, est choisi par GALLIENI, gouverneur militaire de Paris, à la direction du service d’aviation maritime du camp retranché de Paris, en remplacement du capitaine de vaisseau PRERE, décédé. GALLIENI avait pu se convaincre du dévouement de son subordonné à Madagascar, où ils servirent ensemble. MORTENOL a donc la tâche, dès sa nomination, de défendre la capitale contre les attaques de l’aviation ennemie. Il s’acquitta de  sa mission de manière exemplaire, en s’appuyant sur des services de renseignement remarquablement structurés et efficaces ainsi que sur l’installation de postes de projecteurs géants, en particulier celui du Mont- Valérien. Après la guerre, il fut nommé commandeur de la Légion d’honneur et son souvenir est vivace aux Antilles, après sa mort survenu en 1930. Sa statue a été érigée dans la ville où il est né.

 Un Antillais fut général pendant la Première guerre mondiale. Il s’agit de Charles LANZERAC, lequel est Guadeloupéen d’origine, né à Basse-Terre le 30 juillet 1852.  A l’âge de 18 ans, il s’engage en 1870 dans l’armée de la Loire où il se conduit brillamment ; ensuite, il gravit les divers échelons de la carrière militaire, pour aboutir en 1905 au poste de professeur d’histoire et de tactique générale à l’Ecole de Guerre. Il y élabore une théorie cartésienne de l’art militaire, s’appuyant sur l’esprit de manœuvre et le calcul réfléchi et rationnel. LANREZAC appuie sa méthode sur le raisonnement, l’analyse des difficultés et la connaissance de l’adversaire ; il intègre volontiers la possibilité de manœuvres de retraite lorsque les situations et les circonstances l’exigent.  Cette analyse se heurte aux conceptions du Grand Etat Major, dominé à partir de 1911 par la figure de JOFFRE.

LANZERAC est nommé membre du Conseil supérieur de la guerre en 1914 et, en mai de la même année, il prend le commandement de la Vème armée. Attaqué de toutes parts sur la ligne de Charleroi, il décide finalement de battre en retraite et cette initiative sauve son armée, évite un massacre des troupes et permet la mise en échec de la manœuvre allemande. A  ce moment, LANZERAC, assiégé par les troupes ennemies, décide de stopper l’attaque allemande sur Saint-Quentin ; le gros de son armée prend l’avantage sur l’adversaire à  Guise  et le refoule jusqu’au sud de l’Oise. Cette victoire remonta certes le moral des troupes françaises mais surtout  elle contraint l’ensemble de l’armée allemande à un décalage général vers l’est, donc à l’origine de l’infléchissement par rapport au plan Schlieffen qui permit à JOFFRE de contre-attaquer victorieusement lors de  la première bataille de la Marne. Malgré cela, le général est remercié par Joffre le 3 septembre 1914 et remplacé par FRANCHET D’ESPEREY. Cette disgrâce fut-elle la conséquence de sa mésentente avec le maréchal FRENCH, qui commanda le corps expéditionnaire britannique sur le front occidental d’août 1914 à fin 1915, ou bien celle de sa clairvoyance par rapport à la conception dominante d’alors de l’offensive à tout prix ? Auquel cas, il n’aurait pas été pardonné à ce stratège d’avoir eu raison et d’avoir été lucide.

Néanmoins, LANZERAC fut réhabilité : le 3 juillet 1917, il est nommé grand officier de la Légion d’honneur et, après la guerre, la littérature relative au conflit lui rend hommage tandis que des militaires en viennent à approuver la manœuvre de Charleroi ; en définitive, le revirement en sa faveur de l’opinion publique fut total. Le général LANZERAC s’éteignit dans les honneurs le 18 juin 1925, ayant l’année précédente, reçu la grand-croix de la Légion d’honneur, ce qui marquait sa réhabilitation officielle.

Il ne faut pas oublier, non plus, que le fils d’un médecin de la Réunion et d’une créole descendante d’un officier de marine occupa le poste de ministre de la Marine d’octobre 1915 à 1917. Lucien LACAZE, né à Pierrefonds, dans l’Oise, en 1860, et qui passa on enfance à la Réunion, eut en effet une carrière d’officier de marine qu’il mena jusqu’au grade d’amiral. Par la suite, il fut élu à l’Académie française en 1936 et  mourut à 95 ans en 1955.

 Enfin, parmi les simples soldats de cette guerre, Camille DAUCOURT, né en Guadeloupe, lequel, âgé de 21 ans, à la déclaration de guerre, participera aux Dardanelles et à la bataille de Verdun. S’il épouse une créole dont il aura deux filles et trois fils, il ne retournera jamais sur son île natale, les biens familiaux n’ayant pas résisté à l’absence des bras nécessaires pour les faire valoir. Camille mourut, plus que centenaire, en 1994.

Ainsi s’établit la participation de l’outre-mer français actuel au premier conflit mondial, à la fois engagement de masse des populations et action d’éclat de quelques figures emblématiques.

La différence d’avec la Seconde guerre mondiale réside dans le fait que durant la Grande Guerre, l’Empire collabore à l’effort de la métropole en tant que force d’appoint, laquelle est loin d’être négligeable alors que dans le conflit qui éclate en 1939, c’est lui qui porte l’effort principal sur la théâtre mondial en donnant un bras armé à la France libre du général De GAULLE jusqu’à la Libération, ceci  en conséquence de  la défaite française de 1940 qui contraignit la métropole à l’armistice et une frange de la population à continuer le combat dans la clandestinité de la Résistance intérieure.

Lors d'une conférence à l'École coloniale de Paris, le 30 mars 1919,
Gabriel CANDACE (député de Guadeloupe) déclarait : " La Guadeloupe, la Martinique et la Réunion ont envoyé à la métropole leur production de
sucre qui représente près de 12 0000 tonnes par an, et leur production de rhum pour le ravitaillement des armées. La Guadeloupe a envoyé ses cafés et ses cacaos ; la Martinique ses cacaos ; la Réunion ses tapiocas et ses sacs de cacaos. L'effort économique de nos vieilles colonies pour la métropole s'est complété par un effort financier admirable. Ce n'est pas seulement avec le sang de leurs enfants et le produit de leur sol que les vieilles colonies ont apporté leur effort à la Défense nationale ; leurs souscriptions aux emprunts de la Défense nationale de 1915, 1916, 1917 et 1918 se montent à 110 millions de francs, pour la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane. Quarante-quatre millions ont été versés dans la caisse du Trésor, et 66 millions ont été recueillis par les banques. "


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