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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 09:07

 

 

Dans « L’Algérie retrouvée », comme dans ses deux précédents livres, « Itinéraire d’un fonctionnaire engagé » et « L’Economie de besoins », Jacques Fournier fait mémoire (il est un âge où on en éprouve le besoin, et où le faire est aussi s’acquitter d’un devoir), mais il interroge aussi l’avenir. Avec l’ouverture d’esprit, l’absence d’acrimonie à l’égard de quiconque, et la foi dans les chances de mûrissement des idées et des stratégies justes, qui sont les traits, enviables  même pour qui peine à suivre son exemple, de son caractère et de sa pensée. On avait déjà pris la mesure dans l’ «Itinéraire d’un fonctionnaire engagé » de la place occupée par l’Algérie dans la vie et dans l’imaginaire de Jacques Fournier. On comprend que les caractéristiques de l’expérience, de plus d’un point de vue paradoxale, qu’ont constitué pour lui une enfance et une adolescence algériennes dans une famille pied noir de Cassaigne, à quarante-cinq kms de Mostaganem, puis en pension à Oran et Alger, à partir de la troisième, dans une institution religieuse, la « Jeune France », ont rétrospectivement, mais tôt, nourri sa réflexion sociale et politique. A partir du moment (1947),  en particulier, où, partant à 18 ans pour la métropole, il s’est avisé qu’il quittait un pays qu’il ne connaissait pas. Faute d’en avoir appris l’histoire. Faute d’avoir fréquenté autrement que de façon tout à fait superficielle ses habitants et leur culture, dès lors qu’il était l’otage d’un système excluant, peu ou prou, tout brouillage de frontières entre Européens et indigènes. En dépit de l’isolement du monde extérieur qui prévalait à la « Jeune France », Jacques Fournier se souvient tout de même de première main d’un certain nombre d’évènements qui ne pouvaient, même dans ces murs, passer inaperçus : l’éviction des élèves juifs de sa classe en 1941, le débarquement américain en 1942, la rivalité Giraud – de Gaulle, le procès Pucheu, les évènements de 1945 dans le Constantinois.  C’est peu.  Mais il va se rattraper, ou, comme il dit, être rattrapé. Dès 1947, tout d’abord, en contractant, très jeune, en 1950,  avec une jeune femme rencontrée à Paris, à Sciences Po, fille d’un Algérien établi en France, ancien combattant de la Grande Guerre, devenu Français, et lui-même marié à une Française, ce qu’il appelle son alliance kabyle. Mohand Tazerout, le père de la jeune femme, aura, avant sa mort, laissé une œuvre considérable de germaniste, d’encyclopédiste, de néo-ijtihadiste (de réformiste musulman préconisant la réouverture des portes de l’effort, intellectuel et spirituel), dont la publication s’étale entre 1931 et 1959. La rencontre avec  Mohand Tazerout,  et pas seulement avec sa fille, aura manifestement été pour Jacques Fournier une rencontre capitale. Comme auront été capitales les désillusions que l’attitude du clergé catholique en Algérie, puis celle du gouvernement Guy Mollet, nourriront chez lui à l’égard de la démocratie chrétienne d’abord, de la SFIO ensuite (comme ce fut le cas de mon frère, le Serge Adour de la demi-douzaine de pleines pages du Monde sur « l’Algérie,  de l’utopie au totalitarisme» de 1956 ou 1957). Ce n’est pas, en revanche,  le bref séjour de Jacques Fournier comme rappelé en 1956 en Algérie qui comblera les lacunes de ses jeunes années algériennes. Il lui faudra, pour commencer, d’abord faire un détour par le Maroc, où il exercera de 1961 à 1964 les fonctions de Conseiller juridique auprès de l’Ambassade de France, séjour au sortir duquel il traversera pour la première fois l’Algérie de part en part. Après quoi il saisira toutes les occasions possibles de se rendre dans ce pays, en touriste, dans le cadre d’opérations de coopération (avec l’ENA algérienne, entre Gaz de France, dont il est conseiller juridique, et la Sonatrach).  Après quoi, pendant treize ans –les treize années de la guerre civile algérienne ou un peu plus-,  il n’observera l’Algérie que de l’autre rive. Et ce n’est qu’après un nouveau détour, cette fois ci par la Palestine, qu’interviendront de nouveaux voyages, dont en 2000 un voyage de retrouvailles, en 2005, celui du  retour aux racines ; et encore, en 2011, un voyage destiné à explorer les possibilités pour l’Algérie, après sa rupture avec une première option socialiste, de ne pas renoncer à faire au moins partiellement fond sur l’action publique (notamment le service public) pour encourager le développement économique ; enfin en 2013, une nouvelle traversée d’est en ouest, où Jacques Fournier a visité en Kabylie le lieu de naissance de son beau-père , et, dans le Constantinois, le berceau de sa famille maternelle.

Au terme de tant de retours aux sources, éclairés par une grande expérience de la vie publique en France et une connaissance de plus en plus affinée des réalités algériennes, du territoire algérien, de tous les milieux sociaux algériens, et pas seulement des milieux politiques et administratifs, Jacques Fournier est naturellement en mesure d’aider ses lecteurs à réfléchir à ce qu’il aurait pu en être du devenir de l’Algérie si la décolonisation s’était déroulée dans des conditions moins violentes (peut-être comme en Afrique du Sud), si les lendemains de l’indépendance avaient été marqués par moins de règlements de comptes, si le peuple algérien était moins vite revenu de tous ses héroïsmes, et moins vite témoin de trop de dérives, dont la dernière et non la moindre est le quatrième mandat de l’actuel président. Mais surtout à réfléchir à ce que pourrait être, dans l’avenir, les atouts de l’Algérie, en vue de construire, malgré les difficultés rencontrées pour caractériser  une identité algérienne, un futur de démocratie et de prospérité économique. Jacques Fournier s’interroge aussi, bien sûr, sur ce que devrait, et pourrait être, si on s’y emploie pour de bon, une véritable coopération entre la France et l’Algérie, sur fond d’apaisement des mauvais souvenirs du passé franco algérien et des querelles entre pays du Maghreb.

Un beau livre, qui doit sans doute beaucoup à l’expérience de Jacques Fournier,  comme militant socialiste, Conseiller d’Etat, Secrétaire général du gouvernement, chef d’entreprise, mais aussi à sa qualité d’Algérien, comme on disait autrefois des Français d’Algérie, quand les Algériens n’étaient que des indigènes, une qualité que Boumediene au moins se plaisait à reconnaitre à ceux des Pieds noirs qui, comme Jacques, ou son ami Georges Morin, ont, longtemps après leur naissance et plus ou moins longtemps après l’indépendance, dont ils ont, tôt ou tard, compris la nécessité, toujours manifesté qu’ils avaient l’Algérie chevillée au corps.    

 

 

[1] Editions Bouchène, 1914

 

Billet écrit par Jean Michel Belorgey

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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 09:39

 En 2000 ou 2001, sollicité par un journaliste, E. Zemmour,  pour lui donner des infos sur Jacques Chirac (dont j'ai été le condisciple à Louis le Grand, à sc.po., à Saumur et à l'Ena  et le directeur de cabinet à l'Emploi, puis aux Finances), je le reçois et j'appuie mes réponses à ses questions en lui remettant  l'ouvrage "Bulles d'Histoire et Autres contes vrais (carnet d'étapes d'un préfet nomade)"   que je venais de publier chez Phenix Edition.

 

Puis j'oublie cet entretien ;  un jour du premier trimestre 2002, je prend un avion vers les DOM ou les TOM (vis à vis desquels j'ai été directeur des affaires économiques du ministère, puis président de RFO, puis conseiller de la Fedom) et au passage je vois et achète l'ouvrage de EZ " Chirac, l'homme qui ne s'aimait pas", l'ouvre dans l'avion .

 

Je suis, alors, surpris de textuellement me lire : par morceaux entiers enchaînés ou répartis sur une bonne dizaine de pages (dans l'édition originale, les pages 10, 18,19, 27, 40, 47,48, 71, 72); je dis bien de "me lire", non pas de lire des passages qui eussent transcris des anecdotes que j'aurais racontées , mais bien de lire des  passages  reprenant (ou paraphrasant très étroitement) mon propre texte,  avec - ce qui est le plus important pour un auteur (même s'il n'est pas publié par un éditeur de grande dif.) -  ce qui lui est propre, sa manière d'amener les choses, son style, ses formules, etc. 

 

Il est toujours possible de comparer les textes de "L'homme qui ne s'aimait pas" et de mes "Bulles d'Histoire". Ce livre  qui n'est plus guère disponible (sauf parfois en occasion)  sur le marché peut être librement consulté en ré-édition E.book.  sur le lien suivant :

http://fr.calameo.com/read/00185928560a584f7e8bf

 

J'ajoute que ce qui était de ma part esplièglerie vis à vis de Jacques Chirac - pour lequel nos divergences n'ont jamais effacé de ma part  une forme d'affection -  était dans le contexte zemmourien systématiquement transformé en vacheries, donc détourné de l'esprit de mes propres écritures.

 

La suite a été, au plan juridique, bien tardivement par rapport à la sortie  du livre qui ne m'avait pas été envoyé , l'assignation de Balland et de Eric Z. Mais, après avoir connu bien des blocages, des arguties,  et des délais, j'ai cédé aux conseils du premier vice-président, Jacques Gondran de Robert, du Tribunal de Grande Instance de Paris, à qui était revenue l'affaire : ne pouvant, pour ma part, engager plus de frais (les honoraires d'avocat que j'ai payés ont été au niveau exact  des indemnités non négligeables - car le tort était bien réel - que j'ai reçues),  ni demander à mon petit éditeur d'avoir des moyens juridiques à hauteur de celles potentielles de la partie adverse, j'ai accepté une conciliation (bien soft)  qui a été homologuée par ordonnance  de  référé du 31 juillet 2002  (n°RG 02/55448) et qui a abouti à cette rédaction de communiqué : 

 

« Monsieur Eric Zemmour, son éditeur et Monsieur Gérard Bélorgey tiennent à indiquer que l'ouvrage publié par les Editions Balland la signature de Monsieur Eric Zemmour et intitulé  «L'homme qui ne s'aimait pas», contient dix citations tirées d'un entretien que Monsieur Gérard Bélorgey a accordé à Monsieur Eric Zemmour, ces citations ayant été reformulées à partir du précédent ouvrage publié par Monsieur Gérard Bélorgey, en 2001, et intitulé «Bulles d'histoire et autres contes vrais». (Phénix Editions 2001)

 

« Les références à l'ouvrage de Monsieur Gérard Bélorgey feront l'objet d'une mention spéciale lors des futures réimpressions de l'ouvrage ».

 

communiqué,  que l'homologation a assorti de quelques commentaires dont

La publication de ce communiqué sera effectuée à l'intiative de M. Gérard Belorgey "

 

"La société Balland remet ce jour à Monsieur Gérard Bélorgey un chèque de XXXX euros ...

Le montant ainsi versé correspond à l'indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive

destinée à réparer le préjudice matériel et moral subi par Monsieur Gérard Bélorgey

du fait de l'omission de son nom et de la référence à l'ouvrage «Bulles d'histoire

et autres contes vrais » lors des premiers tirages de l'ouvrage « L'homme qui ne s'aimait pas ».

Etc..."

 

Une sortie de "l'homme qui ne s'aimait pas " en livre de poche a effectivement fait (discrète) mention de certaines de ses sources en mon livre, mais le communiqué que j'ai transmis alors à la presse, n'a, sauf par Livre Hebdo,  pratiquement et évidemment  pas été repris...par les confrères de EZ.

 

Ce communiqué n'ayant pas de date de préemption, il me semble intéressant, même douze ans après,  que ce petit témoignage d'une ancienne  pratique de "l'intertextuel" par un personnage  devenu lui-même enfin, et célébré comme  tel  par bien des media ,  puisse être versé à son historique.

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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 15:51

 

 

Ce père que Modiano cherche partout et redoute de trouver sous l'Occupation, ce père , Albert qui, d'une certaine manière,  lui vaut la "surprise" (pour lui et pour beaucoup)  du Nobel d'aujourd'hui, ce père de Patrick, j'en ai connu l'ombre, la légende et une  apparition.

Il était, dans les années trente,  de ces  jeunes gens des Boulevards avec beaucoup d'idées, de projets, de blagues  et peu d'argent, côte à côte,  sur des photos pâlies,  le copain préféré de mon père, débarquant ensuite souvent  rue de Charonne où mes parents demeurèrent un moment . Si  copains que Maurice Belorgey,  le choisit, lui Albert Modiano, pour être mon parrain. Si copains que c'est à ma grand-mère paternelle, Blanche, alors concierge rue de l’Échiquier, tandis que mon père était en Stalag, qu'Albert a laissé sous l'Occupation, une valise et une malle à cacher jusqu'à de meilleurs jours pour les Juifs.

Jusqu'au départ des Allemands,  je crois qu'on n'a jamais entendu parler de lui, mais peut-être, avant qu'il ne revienne on ne sait d'où,   plutôt de son frère Ralph,  une grande et forte silhouette un peu pareille à la sienne dont les activités, au moins de marché noir,  ont toujours intrigué les miens tandis qu'il est resté comme un mystère de la malle - et de ses carnets ? -  sur lequel on m'a raconté des choses dont je ne suis plus sûr.

Quel étonnement dès lors qu'un peu moins de vingt ans plus tard, au début des années soixante,  mon parrain trouva   le moyen de me joindre en demandant que je passe le voir chez lui,  Quai Conti, dans un vaste appartement aux hautes fenêtres donnant sur la Seine et que traversa  parfois une  très belle grande femme aux courbes élancées et à la chevelure vénitienne. Il me demandait, puisque j'y étais maître de conférences, de bien vouloir essayer de cornaquer un fils impossible qui voulait s'inscrire ou était inscrit comme un étudiant fantôme à Sciences po. Nous nous sommes retrouvés  ensuite avec  Patrick  pour déjeuner chez Lipp, où Albert avait sa table, ce qui était la pointure  du personnage auquel avaient souri,  je ne sais comment, depuis  l'après-guerre, quelques directions de sociétés. Le déjeuner s'est  très mal passé. Aucune communication ne fut possible avec le fils et le père me reprocha  d'avoir été  un convive mal élevé,  un voisin de notre table m'ayant  imputé d'avoir reçu un coup de coude maladroit. Autant dire que nous ne nous sommes jamais revus ; mais avant ce déjeuner, j'avais eu Quai de Conti, le loisir de raconter à Albert Modiano, qui avait un moment évoqué la guerre,  les téléphones hérités de la clandestinité  passés par un "cavalier bleu" sorti des  anecdotes de résistance de mon père .

C'est la chute du texte ci dessous que j'extrais de "Bulles d'Histoire et autres contes vrais" ( GB. Phénix Édition, 2000).

 

 

- CAVALIER BLEU -1966.

 

 

Bien avant le minitel et le net, on pouvait quand même,  par les mailles d'acrobatiques filets de signaux, communiquer  entre amis ou entre inconnus, sans se découvrir, tout à fait clandestinement et, même, gratis. On dut "le réseau" aux systèmes de sécurité de quelques résistants. Si deux personnes appelaient, à la même heure précise fixée, le même numéro d'un standard téléphonique fermé - par exemple, la nuit,  celui d'une grande société - elles tombaient, entre les sonneries interpellant le vide, sur de petits espaces de silence. En parlant vite, pendant ces blancs, les appelants simultanés pouvaient  se recevoir et s'entendre :  bien sûr, très hachés. C'était gratuit , puisque personne ne décrochait. C'était anonyme : aucune écoute ne pouvait déceler un numéro qui aurait répondu. Il était prudent néanmoins, pour ces contacts fugaces, de souvent changer le standard fermé qu'on utilisait comme réceptacle. L'appelant, pour sa part, afin de ne pas se faire repérer, pouvait aussi toujours opérer depuis des cabines publiques, en récupérant d'ailleurs son jeton ou ses pièces.

 

Le "réseau" a encore été utilisé après la guerre, aussi longtemps que les techniques des telécoms ont permis ce trou dans les mailles. Par toute une série de clandestins : des petits gangs, des précurseurs du minitel rose, de simples coquins voulant se parler sans payer.

 

J'y ai entendu, à la fin des années 1970,  les adieux , des halètements - chaque mot coupé de l'autre par la sonnerie d'appel - que faisait à ses correspondantes, un amateur du temps.

 

«  Nos voix vont - signal - s'éteindre - signal - Adieu mes belles - signal - mes inconnues - signal -  Nous sortons du - signal  -  temps des voiles - signal -  des difficultés - signal - des mystères - signal - Oh, comme- signal  -   elles seront - signal - banales les com.. - signal  - de demain. Nos amours - signal  - ne vaudront plus - signal  - la peine. Où - signal  - est le genoux - signal - de nos grands-mères? - signal - Mais j'irai vous - signal - chercher partout - signal -  sous mon pseudo - signal - "Cavalier bleu"- signal ....signal ....signal ... »

 

 

L'amateur était un connaisseur. "Cavalier bleu" est, je crois,  le nom de code d'un personnage de Modiano. Le père de Modiano était un ami d'adolescence du mien, à tel point qu'il fût - bien qu'il l'ait oublié - mon parrain. Lorsqu'il avait fui pendant la guerre, après avoir confié quelques malles à cacher à mon père, ils communiquaient sur le standard d'une société du Marais sous ce même nom de code pour les deux. Au début des années soixante, très inquiet de son fils adolescent - autant que le romancier est obsédé par le père - Albert Modiano m'avait convié dans le somptueux appartement que sa bonne fortune d'après-guerre lui valait, Quai Conti. C'était pour l'aider à guider son fils,  avant que celui-ci ne devint écrivain. Je lui avais alors dit :

 

           " racontez donc à Patrick cavalier bleu ".

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 16:19

Jean Mazel , au hasard d'un  bouquiniste de marché, redécouvert ...


Son livre ( 1970) c'était hier : entre Atlantide, combats entre peuples du Livre  et diversité berbère, un  Maroc tout proche dans l'espace et dans le temps  dont on respire Ksours et jardins, ressent les adrars et les sorcelleries, exalté et haram,  inséré dans l'histoire : de Platon, à Hasan II pour lequel l'auteur ( qui en a servi la politique de  tourisme culturel) )  est particulièrement aimable, parce que sa fascination pour ce pays  -  sur lequel il a de prodigieuses compétences d'érudit, de randonneur, d'archéologue  et de photographe - lui a inspiré une liaison  coupable qui englobe des hommes bleus aux fonctionnaires du maghzen , des danseurs de l'Ahouach  aux dockers du port,  dans une vast empathie qui malgré ses parts d'illusions nous donne du bonheur .


Je ne sais pas ce qu'est devenu Mazel ( j'ai cherché sans trouver) , mais j'espère qu'il est mort heureux sur une terre qu'il aimait ...

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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 14:20

J'ai fait partie de ceux - n'appartenant pas à l'intelligenzia éduquée par la critique littéraire - ayant beaucoup apprécié Katherine PANCOL.
Inutile de dire pourquoi .
Mais, Indispensable de dire pourquoi je n'ai pas pu finir "Muchachas" :

un style parfait, riche et volatile,  évocateur, inégalé; une intrigue foisonnante mêlant ses personnages passés et sa nouvelle création; on pouvait aller à une "comédie humaine" d'aujourd'hui .

Mais peu à peu, comme un poison - fut-ce au service de la cause de dénoncer les violences faites aux  femmes - une surabondance de  scènes odieuses et de  situations sadiques, par une espèce de complaisance envers les modes auxquelles s'adonne une part ( comme les thrillers) du roman contemporain à la remoqrque des pires instincts des lecteurs ...

 

Dommage que  K.P. se suicide de la sorte

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 17:36

 

  Je viens de découvrir ce livre de Christian Houel. Sa probité, son réalisme, sa saveur m'ont conquis : je le place donc parmi ces références au Maroc ( le dossier sur la guerre du Rif, une part de ma "course de printemps", les évocations de Berque, de Montagne, de Chaabi ) que comportent ce site. 

 

Ce livre fait aussi une forme de lien avec ma famille : Martial  (ingénieur des chemins de fer chérifiens) et Yvette (institutrice)  Noisette qui, en m'acueillant auprès de ma cousine Nicole, dans les années 47/48 m'ont injecté ce goût qu'ils avaient pris de ce pays où - leurs parents ayant fui, en 1870, l'occupation allemande d'une partie de la Lorraine - ils s'étaient retrouvés, descendants de ceux des leurs (dont j'ai perdu les traces) qui  firent escale en Algérie . Ils furent ainsi au Maroc "des exilés chez des vaincus", mais dans le respect et le service quotidien des populations de souche et dans la compréhension de leur société et l'amour de leur sol . Un de ces types de "colons" que fait ressentir C. Houel.

 

Avoir ces quelques liens avec des "pieds noirs" algériens et des "troncs de figuiers" marocains ne m'a pas empêché de concevoir la nécessité des décolonisations et, m'a, tout au contraire, porté à expliquer que celles-ci étaient inéluctables et qu'il fallait donc les accompagner ( comme au Maroc, après l'erreur de la déposition du Sultan en 1953, on le fit - et, avec mes amis nationalistes marocains et Alain Savary au gouvernement, j'ai contribué à ce changement - en 1956 et de , même en Tunisie) plutôt que les combattre ( comme en Algérie jusqu'en 1962)  et  c'est pourquoi,  grâce à ma découverte d'adolescent du Magrheb, j'ai  milité , à contre courant de beaucoup,  en faveur des indépendances  dès les années cinquante.


Il faut admettre les tempos de l'Histoire... et celui de la "conquête" du Maroc en a été un autre que raconte si bien Christian Houel  en faisant vivre (souffrir et mourir aussi ) , tels qu'ils étaient Arabes, Chleuhs et Européens, va nu pieds et dignitaires, victimes et acteurs d'une histoire prenante et biaisée,  que je tiens  à vous inviter  à lire son livre disponible aux éditions Magellan , soutenues par l'Ecole Supérieure de Journalisme de Paris, dont le président , Guillaume Jobin, a écrit l'avant propos ci dessous. 

 

  maroc 1 - 1907:25-copie-1

AVANT-PROPOS

Christian Houel décrit dans un style très clair, simple et avec poésie, les événements qui vont conduire à l'aliénation du Maroc au profit des puissances européennes au début du xxe siècle. 11 est le seul journaliste qui va vivre au quotidien les rivalités entre lei prétendants au trône chérifien et les conflits entre Français et Marocains à une époque où le Maroc reste une des dernière, terres à coloniser.

Ce journaliste est consciencieux et non partisan, ce qui est rare pour l'époque! Ses descriptions nuancées: les Marocains ne soi il ni sauvages ni barbares, les Français sont loin de n'être qu'impé rialistes et exploiteurs, les fonctionnaires et militaires pour borné-, qu'ils soient, sont souvent humains. Devenu patron de presse en créant La Vigie marocaine Christian Houel est confronte à l'autoritarisme de la puissance coloniale et à l'incohérence dt personnalités célèbres, telles que Lyautey, qui l'expulsera à plu sieurs reprises du Maroc, ou Jaurès.

Il rencontre successivement tous les protagonistes des débuts du Protectorat: le consul Regnault à Tanger, les sultans Moulay I l.ilid et Moulay Abdelaziz, le résident Lyautey, le pacha Glaoui, dfl Casablanca à Rabat et de Fès à Marrakech, l'arrogance des Allemands et la prétention des Espagnols, sans oublier l'éternelle division des Français entre eux.

Né à Médéa en Algérie à la fin du xixe siècle, Christian Houel retrouve au Maroc, en plus fortes, les saveurs qui avaient enchanté son enfance. Parlant le dialecte couramment, cette faculté l'éloignera des Français, à l'exception des commerçants et entrepreneurs de Casablanca qui ne connaissent ni frontières ni barrières de langues, mais douanes et taux de change.

 

L'École supérieure de journalisme de Paris, créée en 1899 peu de temps avant la périoide évoquée au début de ce livre, encourage la publication de récits de journalistes, actuels ou passés, pourvu que leurs phrases témoignent d'une déontologie souvent pas assez formalisée et respectée: indépendance d'esprit, vérification des sources, volonté d'informer...

 

Publié en 1954, Mes aventures marocaines fait suite à d'autres ouvrages de Christian Houel, notamment l'Encyclopédie de l'Amour au  Maroc, écrit en 1904, alors que le pays était quasiment interdit aux étrangers. L'auteur disparu, son éditeur aussi, il paraissait indispensable de rééditer cet ouvrage, souvent cité par les historiens  et les amateurs de récits du Maroc «ancien». 

 

Guillaume JOBIN, président de l'École supérieure de journalisme de Pari 

Pour replacer ce livre dans son contexte j'en reproduit ci après  le cadre chronologique historique (que l'on trouve plus développé dans mon dossier - sur ce site -  relatif à la guerre du Rif et au contexte marocain d'une part de cette époque, d'autre part qui s'établit par la suite.)

 

CHRONOLOGIE MAROCAINE DU TEMPS 

1904: Accord entre la Grande-Bretagne et la France pour laisser le Maroc dans la zone d'influence française en échange de la reconnaissance de la primauté britannique en Egypte et au Soudan. Arrivée probable de Christian Houel à Tanger en tant que correspondant du quotidien Le Matin. Moulay Abd el Aziz est alors sultan.

1905 : Guillaume II, empereur d'Allemagne, débarque à Tanger et prononce un discours en faveur de la souveraineté marocaine.

1906: La conférence d'Algésiras, qui réunit treize pays dont les États-Unis, ouvre les ports marocains aux polices françaises et espagnoles et aux entreprises et banques européennes. Tanger devient «ville internationale ».

1907: Début des travaux du port de Casablanca. Arrivée des douaniers et des soldats français et espagnols. Émeutes. L'assassinat du docteur Mauchamp à Marrakech sert de prétexte à la France pour occuper Oujda. 

1908: Moulay Abd al Hafid devient sultan. 

1911: Révolte des tribus à Fès. Le sultan demande l'intervention des troupes françaises. L'Allemagne envoie la canonnière Panther à Agadir, occasionnant une crise diplomatique résolue par le troc entre les deux pays de leurs influences respectives au Maroc et au Cameroun.

1912 : Le sultan Moulay Hafid signe le traité de protectorat de Fès avec la France et l'Espagne, partageant le pays en plusieurs zones d'influence. Rabat devient la capitale du Maroc à la place de Fès où sévit une révolte matée par le général Gouraud. Occupation de Marrakech par les Français. Le général Hubert Lyautey, nommé résident général, obtient l'abdication du sultan Moulay Hafid qui quitte le trône en faveur de Moulay Youssef.

1914: Christian Houel est mobilisé en France et il connaît par la suite de nolmbreuses difficultés avec le Protectorat , dont l'interdiction certains temps de résider au Maroc.

1921 : Début de la guerre du Kil'conduite par Abdelki un el Khatlabi, conflit qui se terminera en 1926 avec la victoire des forces franco espagnoles conduites par Pétain, entraînant le départ de Lyautey du Maroc en 1925.

(cf. sur ce site, mon dossier sur la guerre du Rif)  

 

Il faut encore donner la PRÉFACE de Éric Le Braz qui était à la date de publication , directeur de la rédaction de Actuel, hebdomadaire marocain d'une insopiration libérale qui  a sans doute valu à cette publication de ne pas survivre à l'année 2013.  

 

Mes aventures marocaines portent bien leur nom; ce récit est d'abord le témoignage d'un aventurier qui a trouvé le job idéal pour vivre dangereusement: envoyé spécial. Et comme tout bon journaliste, Christian Houel sait anticiper les coups pour récolter les scoops. Il a bourlingué à travers le royaume à une période charnière, toujours au bon moment au bon endroit. C'est le seul journaliste présent à Casablanca en 1907 quand les soixante matelots de l'enseigne Ballande forcent la porte de la Marine et inaugurent la conquête du Maroc en chargeant à la baïonnette dans les rues de la médina. Houel a du culot à revendre. Il se déguise en commerçant et se rase la barbe en collier pour rendre compte de la guerre sainte à Marrakech. Il décroche les exclusivités de l'année: une interview avec le futur sultan du Maroc et, en prime, une couverture embedded de l'équipée de Moulay Hafid et de ces cinq mille guerriers. Après d'invraisem­blables péripéties où il troque sa mission de journaliste pour celle de médiateur entre le rebelle et les Français -«Moulay Hafid me doit un peu son empire», écrit-il pas peu fier-, il risque plus d'une fois sa vie pour assister à l'entrée triomphale du nouveau sultan à Fès, le 7 juin 1908, «quand les youyous frénétiques, jaillis de trente mille poitrines, aboliront le temps et l'espace». Les deux premières parties de ce récit sont stupéfiantes. Ilouel, le grand reporter d'il y a un siècle, nous convie à une véritable épopée. C'est un vrai livre de journaliste, où l'histoire est plus importante que l'objectif. L'envoyé spécial du Matin n'est pas exempt des préjugés de l'époque, et sa description ethnologique du Maroc balance entre les Arabes «hospitaliers, raffinés et courtois», les Berbères «montagnards farouches el avares» et les Draouis, « plus près du Nègre que du Blanc», qui gardent dans leur sang «l'âcreté et l'inhumanité de leur désert». C'est un début,

Houel vient de débarquer et se retrouve enfermé dans un consu­lat en état de siège après un massacre d'ouvriers européens. Il tire avec les autres, s'émeut à peine des bavures et griffonne des reportages relus et annotés par les diplomates et les militaires. Trente pages plus tard, c'est un autre homme qui écrit: «Je me sens devenu un peu arabe; je rêve de le devenir tout à fait». Lawrence d'Arabie avant la lettre, Houel prend presque fait et Cause pour Hafid alors que celui-ci a des intérêts divergents de ceux des Français. Mais l'aventurier est un journaliste empathique qui a plus de curiosité que de principes. «Je me moque bien de la politique ! Je suis le Huron qui ne sait plus très bien ni qui il est, ni OÙ il va, mais qui est curieux d'aller voir d'autres gens de la Huronie.»

Au cours des chapitres suivants, il change encore son stylo d'épaule pour devenir le défenseur populiste des colons. Le créateur de La Vigie marocaine est d'abord une tête brûlée, à l'image de tous ces pionniers un peu frappés qu'il décrit avec gourmandise. Expulsé plusieurs fois par Lyautey, il a rarement courbé l'échiné face au pouvoir, préférant un bon article à une gratification. Et pourtant, c'est bien le général d'Amade qui tourne la manivelle pour imprimer le premier numéro du premier journal de Casablanca. Mais Houel sera beaucoup moins conciliant avec ses successeurs, n'acceptant pas d'être du côté du manche... 

Cette insoumission lui vaudra bien des déboires, causera sa ruine, la mort de sa femme et la perte de ses illusions; les dernières pages du livre sont, à cet égard, assez pathétiques. Mais, entre deux expulsions, il trace du Maroc un portrait en action, écrit avec panache, à peine teinté d'aigreur. Mes aventures marocaines est un long reportage qui se lit comme un roman. L'époque était romanesque et les journalistes pouvaient encore |ouer les héros...

( PS de GB, ces journalistes qui sur les théâtres d'opérations et de guerres civiles sont toujours des héros d'aujourd'hui)

Enfin, voici  "EN GUISE D'HOMMAGE"

ce qu'écrit en dernière page du livre le journaliste Karim BOUKHARI qui a été directeur de la publication du magazine marocain "Tel Quel " (n'ayant pas non plus survécu à son anticonformisme chérifien)  :

La description du Maroc que fait Christian Houel en 1907 m'étonne à plus d'un titre. J'ai l'impression que nous partageons tous, pour des raisons diverses, le sentiment que le Maroc est éternel !

Depuis ces cent cinq ans, rien n'a changé au fond, le sultan est toujours puissant, même si brièvement ils furent deux sultanstout puissants.

Les bourgeois et les commerçants, de Fès ou de Marrakech, sont déjà à vendre, dociles serviteurs suivant la loi du plus fort: sultan, Français, pachas.

Les Français nous ont laissé leurs routes, parfois leur langue, et toujours leur bureaucratie et leurs divisions intestines sur un terreau fertile, comme d'autres conquérants à d'autres époques nous ont laissés en legs colonnes ou lieux de cultes. Que laissera derrière elle la dernière colonisation rampante, celle des barbus, des tenues pakistanaises et les CD de Bismillah?

J'admire, chez feu mon confrère Houel, sa capacité à se fondu dans le paysage, à se faire accepter par tous, mais aussi, pat son intransigeance, à susciter autant d'inimitiés. Le régime colonial de l'époque lui en voudra très rapidement et n'aura de cesse de le mettre à l'écart.

Rêvons que dans cent cinq ans, en 2117, un éditeur chinois publie mes éditoriaux !

 

BONNE LECTURE

 

 

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27 décembre 2013 5 27 /12 /décembre /2013 17:09

 

 

 C'est un homme pertinent et émouvant que Abdellatif : essayiste, romancier, poète, remarqué tout particulièrement pour son autobiographie qu'est le Le fond de la Jarre, que j’ai lu, autrefois,  précisément à Fès. Bien qu’il ait dix  ans de moins que moi, j’aurais presque pu le connaître (comme j'ai connu   Mohammed Harbi qui a rappelé nos souvenirs dans son ouvrage « Une vie debout »),  à l’époque, en cette moitié des années cinquante,  où j'étais un habitué du 115 boulevard Saint-Michel, le foyer restaurant universitaire  des étudiants d’Afrique du Nord, enceinte de tous mes contacts d'alors avec leurs générations d'indépendantistes.

 

Je me sens néanmoins si proche de celles-ci avec lesquelles j’ai tant partagé, que, ne connaissant ce Marocain que par ses livres,  j'ai  été naturellement il y a quelques mois ( et il y a donc longtemps déjà que je voulais en parler ) à son petit essai pour "UN AUTRE MAROC" , celui des tensions qui durent depuis près de cinquante ans et des attentes d’aujourd’hui : un si lointain écho au royaume chérifien de Robert Montagne évoqué aussi il y a quelque temps sur ce site...

 

LAÂBI a chèrement acquis le droit de parler de son pays, lui qui a subi près de dix  ans de détention à Kenitra, le bagne politique de Hassan II, et qui a gardé néanmoins cette douceur d’expression et ces qualités humaines qui le rendent incomparable, sans lui faire perde cette conscience et cette praxis qui se fortifient l'une l'autre  dans le principe Gramsci: « opposer au pessimisme de la raison l’optimisme de la volonté ».

 

Il nous relate d'abord en termes d’ailleurs plus modérés « le grand malentendu » - celui qui a donné lieu à l’ouvrage de Ali Amar  (chez Calmann-Lévy en 2009) ce réquisitoire, en particulier économique et social, contre le roi du Maroc et qui comporte une  prodigieuse chronique des compromissions de tous les people, politiques de tous bords et bobos de tous les voyages  : « l’axe Neuilly/Marrakech » - puis, après l’illusion de la réforme institutionnelle de 2011 aboutissant au pouvoir des islamistes modérés utilisés par le trône, l'essor d'un rêve démocratique marocain : celui de mettre complètement en révision la mécanique du Maghzen, d’aboutir à une véritable monarchie constitutionnelle, de faire passer le souffle des libertés  et notamment celles des femmes .

 

Laâbi ne se comprend d'ailleurs pas sans tous ses partages avec sa propre femme, de naissance chrétienne, ayant ensuite épousé toute la culture d'un compagnon  de route auquel elle donne trois enfants, tout en l'assistant dans tous ses combats qu'elle transcrit avec passion  dans ses propres écrits : Jocelyne dont il parle avec une infinie délicatesse, avec laquelle il voudrait pouvoir être, la mort venue, enterré dans un même cimetière mixte marocain qui n’existe pas encore..

 

Cet homme qui conteste des structures encore féodales et machistes d’une part de la société marocaine, reconnait en même temps la légitimité de l’existence d’une référence islamique puisqu’elle existe au cœur même du peuple marocain et en tire qu'il faut construire une société qui serait certes "laïque", mais au meilleur sens du terme : loin de refuser les expressions des croyances de telle ou telle communauté, cette laïcité là - à l'inverse d'une  hostilité voulant effacer de la vie publique l'existence de diverses appartenances religieuses - consisterait à faire place, dans le respect et pour la dignité de tous,  au libre exercice de toutes les confessions :  et d'ailleurs, aussi bien au rejet de toute foi, qu'à la compréhension des spiritualités et des exigences entendant balancer l’ordre matériel du monde.

 

C'est que les différentes manières dont matérialisme et hédonisme contemporains - allant de pair avec une évolution de la société à laquelle il appelle pourtant - altèrent son pays affectent profondément Laâbi. Sa parole n'est pas simplement une parole politique, mais , de manière très simple, une parole amoureuse  d'un monde à protéger : contre la violence de la circulation automobile, contre cet incivisme qui couvre d’ordures et parfois de champs de déchets plastiques les surfaces des espaces publics des villes et du bled. Il y a ainsi dans ce grand écrivain, des moments d'inspiration merveilleusement désuète, comme le passage d'un esprit quasi lamartinien ( qui lui a peut être valu ses prix internationaux de poésie francophone) et , allant de pair, une volonté de morale à partager avec ses concitoyens. Il les invite ainsi, par exemple, à ne pas chevaucher les pires des racismes coloniaux envers les Noirs et les Juifs  parfois toujours stigmatisés par les formules éternelles de sales nègres, « ’antiz lakhor » et de fils du péché, « lihoudi ould larham ».

 

Comme, même sous forme de petite dimension, tout grand ouvrage humaniste, celui-ci n’a pas seulement sa portée particulière, mais aussi sa portée universelle : au delà du  Maroc dévoré par les grands chantiers comme surtout par les ressacs de la mondialisation et de l'argent, il nous donne une illustration de tous ces pays du monde ravagés par le néolibéralisme dominant. Il comporte aussi au détour d’une page, des notations frappantes  telles que  « le vrai centre se situe dans la marge ». Venu d'une gauche radicale, A. Laâbi, à l'apogée de ses expériences et de sa maturation, a  découvert la vertu de la recherche d’une conciliation entre la valeur des traditions  et l'exigence de dépassement. Ça s'appelle " la tolérance”. Une indication morale et politique dont nous devrions savoir faire notre propre grand profit dans la recherche d'une stratégie française plutôt que dans notre compétition intra nationale entre ces "fonds de commerce concurrents" qui, selon la vieille formule de J. Chaban Delmas,"déchirent la France", comme dans la réalisation apaisée d'une société post coloniale polyethnique et multiculturelle.

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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 18:04

Marie de Gandt réalise - avec son livre « Sous la plume » racontant l’histoire d’une universitaire cahotant de cabinet ministériel (par le copain L. Wauquiez qui la débauche)  en cabinet ministériel (dont avec Morin, le mirage du « centre » et avec  Bertrand, la tentation écartée de s’encarter) jusqu’à la collaboration un peu mystique avec Nicolas Sarkozy  - une introspection exceptionnelle d’une intellectuelle fascinée par la compréhension du pouvoir, puis, peut-être, par le pouvoir lui-même. De la même façon que ses prédécesseurs normaliens de l’après-guerre, happés par le communisme,  s’étaient - comme on disait à l’époque dans l’équipe atlantiste de la Revue « Preuves » - « déculottés au son du canon de Stalingrad » , de 2007 à 2012 , comme bien d’autres jeunes femmes du temps, l’auteure s’est, peu à peu,  donnée à être  possédée par l’attractivité politique du Président de la République : avec lucidité et dérision, avec enthousiasme envers l’impulsion et hargne envers bien des choix de ce  « PR » dont elle dit qu’il « porte la faute morale de gouverner en divisant ».

 

C’est que la narratrice vient elle-même d’une charnière sociale, de grands parents conservateurs sociaux et de parents appartenant à la gauche des banlieues, en cherchant au fond, souvent avec humour,  la résolution de la division gauche/droite qu’elle ne voudrait pas porter. En tant qu’elle est l’orfèvre qui polit (de loin ou dans l’urgence) la parole politique, dans ce rôle de « plume » (au début « d’ouverture », ensuite, plus les dérives de fond du pouvoir la contrariant, et plus Nicolas Sarkozy la fascinant, en démontrant une espèce de dévotion à son égard),  elle contribue à élaborer, à faire passer, voire à créer,  des messages dont elle n’approuve pas, dans certains cas,  tous les contenus, mais dans lesquels elle veut alors néanmoins glisser, « son grain de sel », sa part d’espérance.

 

Cette enseignante de littérature comparée n’a cessé d’exercer son métier pendant ses missions de « plume », gagnées parfois de haute lutte et grande habileté  sur des concurrentes, vécues entre les ors, les sous-sols et les soupentes de la République, parmi ses domestiques (ce peuple qui va survivre à tout président) ; elle a, en même temps, vécu ses charges de mère, puis les affres d’être enceinte, tout en entendant porter ses ambitions  dans la cruauté des univers politiques, des rivalités de sexes, et plus encore des rivalités entre femmes (le livre est plein de références,  en clair ou par de très lisibles clefs,  délicates ou truculentes à bien des personnalités du temps et on peut apprécier quelques éloquents croquis comme celui de Guéant).  Après cette traversée « « coleridgienne » de l’autre côté du miroir,  cette femme de lettres retrouve en définitive sa vérité dans le constat  qu’ « il n’y a de réalité qu’à l’aune de ce qu’on construit par le langage ». Elle a du certainement beaucoup châtier le sien - tant son livre révèle une culture classique, même parfois maniérée – pour écrire les discours des ministres, pour trouver les vulgarisations nécessaires,  pour tenter de présenter les inspirations - parfois provocatrices et improbables - du maître élyséen, selon des exercices où elle se veut, en fait, meilleure, plus subtile, moins Jaurès  que Guaino.

 

Il est vrai que celui représentait les traces du temps ou tout collaborateur proche d’un  homme politique pouvait être sa plume, du moins de circonstances : sans qu’il y ait besoin, en plus des conseillers pol. et com. , de spécialiste de l’écriture, d’un(e) esclave volontaire des essais de transmission (et de perfectionnement) de la pensée d’un patron. La plume était autrefois le sous-produit du compagnonnage personnel ou du conseil technique. C’est ainsi qu’autrefois, je fus, à côté d’autres de mon espèce (et Marie de Gandt garde à l’évidence une espèce de regard comparatif permanent sur ces collègues issus de l’ENA qui ont cette capacité de synthèse des différents versants de l’homme public) parmi ceux qui savaient décliner des dossiers techniques en paroles de communication politique. Je fus ainsi, en particulier,  la plume de Jacques Chirac débutant et toujours très confiant dans ce qu’on lui préparait , puis, plus tard, celle de Pierre Messmer,  rigoureux  PM qui reprenait toujours nos projets de discours pour, de sa main,  les raboter de manière sévère.  Sauf ceux, une fois,  que je lui avais rédigés , après une longue préparation technique et politique, il y a bien longtemps, pour ce voyage en Corse qui aurait pu désamorcer  bien des choses et des bombes si son inspiration avait ensuite été suivie sans trop de délais des mesures pertinentes, mais qui déboucha, à notre retour, sur le décès de Georges  Pompidou, ce qui ouvrit d’autres urgences à l’histoire politique d’alors.

 

Aujourd’hui, dans l’opposition ou aux affaires, « ils » ont tous leur plume, - parasites, ou béquilles, ternes ou brillantes, spécialistes des équilibrismes avant les infidélités, et devenant parfois elles-mêmes des aigrettes se croyant au pouvoir… tant le jeu de notre vie politique, loin des Français, fait souvent confondre le fond et la forme. 

 

D’ailleurs, dès 1974, ne vit-on venir auprès de P. Messmer – dont le sautillant vieux directeur de Cabinet, le préfet  P. Doueil essayait avec difficulté de mettre du rayonnement dans l’austère juste parole du patron – et afin que celui-ci communique mieux,  un spécialiste ?  Ne riez pas : c’était le communiquant Jean-Jacques de Peretti dont le résultat  fut d’obtenir quelques semaines après son entrée en coulisses, une  couverture du Point ou de l’Express titrée en grand « Messmer doit partir ».

 

Marie de Gandt a été plus heureuse, sans éviter les mises au pilori par Marianne,   et je crois bien comprendre qu’on lui doit ( comme elle le donne au demeurant sans humilité à penser) les meilleures interventions stratégiques ou humanistes de N. Sarkozy ; malheureusement, elle n’a pas réussi jusqu’au bout son coaching transformateur , si bien qu’on ne perçoit pas  comment elle a pu rester prise, éprise,  jusqu’à accepter les dérives ultra de la dernière phase de campagne, tandis qu’on voit bien comment elle a pu être, avec élégance,  de ceux et de celles qui ont su accompagner le Président battu dans le ton et la dignité de la défaite.

 

Toutes ces facettes du personnage produisent un texte touffu qui donne une espèce de jubilation à goûter son talent de conteuse de Cour mélangeant des rémanences de ses Humanités grecques ou latines et des incursions de novlangue, ce qui vaut bien des auteurs du Grand Siècle. Elle y unit une rigueur  et une probité d’auto inspection  cherchant à valoir psychanalyse que, pendant cette riche période de sa vie, elle a aussi tentée (elle ne nous en donne pas le résultat…), pour comprendre ses contradictions …. ou pour se libérer de la drogue du pouvoir ... En la lisant vous ne pouvez que vivre, hors des sectarismes, un long moment d’intelligence tenant en haleine comme une espèce de thriller qui tantôt passionne, tantôt excède, mais qui, toujours, force le respect humain et l’estime littéraire pour cette nouvelliste autobiographique  inaugurant vraiment, dans des chemins battus, mais qu’elle renouvelle étonnamment, un nouveau genre de sincérité comme d’écriture.

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 16:01

 

C'est un régal que lire  "Polémiques" de Benoît Duteurtre dont le ton est infiniment moins polémique que plein d'un humour incisif envers les modes et plein d'humanisme à l'encontre des sectarismes :

- satire sociale  sur la dictature des bicyclettes des écolos et des poussettes de l'enfant-roi, sur le pain et le foot ball, sur la "justice du sexe" que demandent des ardeurs  féministes,  sur les détestations de la France, sur les langues en Europe, sur l'impuissance de nos contemporains à savoir, comme les anciens ,"gérer l'hiver",   etc...

 -  avis   d'honnête homme nourri de sensibilités et de bon sens  sur ce qui serait plus intelligent que ce qui se fait : comme le "mariage gay" dont l'auteur invite en expert à  se garder , comme l'excès d'attachement ou de  chasse envers des signes religieux, comme "la privatisation de l'État",  comme l'allergie au nucléaire qu'a suscité Fukushima dont la déferlante tient au raz de marée plus qu'à l'atome, confusion de la politique du "bien" contre "le mal" et des intérêts de la France, pourquoi devoir "adoucir la mort" ...

- et puis invitation à partager ses goûts littéraires - dont j 'apprécie mieux les exclusions (comme Christine Angot)  que les engouements ( comme pour Houellebecq) -  ses révélations de Claude Monet, et sa "musique du bonheur"...

 

OUI, un bonheur d'intelligence, d'impertinence et d'aisance d'écriture

 

 

Quant à Attali, sous le titre " Urgences Françaises",  il nous offre le remake d'un produit d'un ambitieux conformisme socio(?)-libéral européen  si habituel ( encore qu'il atteigne des sommets , comme l'illustrent - un exemple entre d'autres -  les points relevés ci dessous ) qu'il n'est pas nécessaire d'en rendre compte pour l'imaginer , sous l'épée de Damoclès destinée à tomber sur ces Français qui ne s'y soumettraient pas en croyant qu'il y a d'autres pistes plus originales pour leur salut.

 

Deux pages en vis à vis en donnent  bien l'esprit des choix

- p.181 : "réduire le taux de l'impôt sur la fortune à un niveau compatible avec l'inflation et avec le rendement réel des obligations d'État pour qu'il ne soit plus, comme aujourd'hui, une façon d'amputer les patrimoines" ;

- mais juste en face , p. 180, on lisait  : " ...favoriser les plus jeunes, maîtriser le dépenses des retraites des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales, en désindexant les pensions d'un point par an du taux de l'inflation, ce qui limiterait les dépenses de 4 milliards d'euros d'ici à 2017".

On se frotte les yeux devant cette confrontation :

OUI, il s'agit bien d'épargner l'effet de l'inflation aux très fortunés en sauvegardant toute la valeur de leur patrimoine  et de faire supporter partie de l'inflation à la vaste modeste cohorte des  retraités publics, en écrêtant leurs revenus et pouvoir d'achat.

Il faut croire  que ce livre n'a pas vraiment été relu, malgré tous les remerciements par lesquels il se  clôt !  

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 11:09

 

 

 

L'analyse ci-dessous que je tenais à présenter devait être publiée ces temps-ci en divers lieux de rencontres de réflexions politiques et éditoriales.
 Il faut croire qu'avec ces temps de campagne les sommaires ont été trop chargés. Je ne l'ai pas vue. Je tiens donc - avec le regret d'un  retard qu'explique mon attente d'autres sorties -  pour le moins  à la produire  sur ce site parce que j'ai beaucoup apprécié ce guide de pensée et de documentation.

 

 

Manuel de socialismes par gros temps,

Paris, Téraèdre, 2011,  204 p.,  18 €.

 

 

 

Avec « La Mondialisation de la culture » (La Découverte, 2007)  J.P. Warnier  avait fait percevoir les portées du double mouvement de disparition des cultures de tradition et de distribution mondiale des produits des industries culturelles, puis avec Régner au Cameroun. Le Roi-pot (CERI-Karthala, 2009) avait livré l’analyse anthropologique d’une situation contemporaine d’assujetissement par les pouvoirs et les corps. C’est l’assujetissement global du monde qu’il veut expliquer à un large public  dans l’ouvrage qu’il vient de publier : « Manuel de socialismes par gros temps », chez Téraèdre (2011).

 

Ce livre  porte bien trop modestement le nom de « Manuel », car c’est un essai dont la trajectoire démonstrative s’enracine dans la ténacité de vouloir faire comprendre. Le livre n’a rien à voir avec les matériels que telle ou telle formation politique peut mettre à disposition de ses militants ou de ses candidats ; les « socialismes » qui l’inspirent sont ceux de tous les explorateurs de l’Histoire et de tous ces engagés ( oui, il en existe encore) d’une famille plurielle et souvent déchirée  qui n’ont pas  cessé d’espérer que cette histoire puisse rebondir au delà des résignations. Et le « gros temps » - qui sent le vocabulaire d’un marin ( je soupçonne J.P. Warnier d’être un co-équipier du Hervé Hamon de « Besoin de mer ») - n’est pas celui des grains électoraux annoncés pour 2012, mais de la déferlante du néo-libéralisme qui balaie depuis plus de trente ans la scène mondiale . Comment celui-ci est-il issu du mouvement des idées et de l’histoire du XXème siècle ?

 

C’est par sa présentation originale que l’ouvrage propose des accès à un corps d’explications. La lecture en est facilitée par l’absence de toute référence et note de bas de page. Les sept chapitres dont il se compose (XXe siècle ; Néo-libéralisme ; Capitalisme ; Échec ; Politique ; Adversaires ; Socialismes) sont divisés en courts paragraphes identifiés par mots clés. On peut le lire en continu, ce qui fait ressortir la cohérence de l’argumentation générale, ou bien entrée par entrée.

 

L’analyse du néo-libéralisme 

L’auteur qui a passé aux États Unis une partie de sa vie d’enseignant a vu se construire systématiquement l’entreprise hégémonique libérale de reconquête du monde, et perçu comment elle a trouvé  son moment favorable dès la fin des années soixante ; c’est à partir de cette date que les milieux d’affaires particulièrement américains – on mené une guerre idéologique logiquement conduite jusqu’au terrain sémantique ( c’est la nov langue ) de manière très professionnelle et délibérée, en prenant de court et à revers les gauches européennes et américaine qui n’avaient rien vu venir.  alors même que la sociale démocratie allait afficher le choix de « l’économie sociale de marché » .

 

On est d’ailleurs porté à articuler l’analyse de J.P. Warnier avec la description   que fait Naomi Klein de « la montée d’un capitalisme du désastre » ( « La stratégie du choc » ; Leméac/Actes Sud,  2008) : celle que les boys de Milton Friedman ont été mettre en oeuvre de Pinochet à Deng Xiaoping . Mais, peut-être peut-on débattre des poids respectifs des différents facteurs que l’auteur met en ligne comme causes de l’écrasement social : le capitalisme financier ? la « gouvernance » monétaire ? l’uniformisation culturelle ? et pourquoi pas la globalisation commerciale ?

 

Des propositions de réponses ou des options de réflexion sont incluses, de manière très pratique, dans le CD ou le téléchargement d’accompagnement  (bon de commande du CD inclus dans le livre pour expédition gratuite ou document téléchargeable sur la page web de l’éditeur : www.teraedre.fr). C’est une idée originale et très ingénieuse d’avoir un support parallèle de « commentaires, sources et références » ; il est bien plus aisément consultable  que ne le sont  des notes de fin d’ouvrage ; et sa capacité considérable - alors que le Manuel  vise la simplicité - permet de n’éluder aucun élément de complexité, qu’il soit de nature historique, philosophique, économique ou anthropologique . Enfin, dernier mérite : si l’auteur entend certes guider ses lecteurs, les très nombreuses références bibliographiques, annexes et fiches d’analyse, rendues ainsi disponibles constituent pour chacun  des moyens quasi encyclopédiques de se former un libre jugement.

 

 

 

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