L'inspiration du papier que viennent de signer conjointement divers courants du PS représentant une très forte minorité du parti - "il n'y a pas qu'une seule politique possible" est certes satisfaisante par sa critique de la politique mise en œuvre, mais est une autre voie d'illusion dès lors qu'elle ne pose pas, comme un préalable, de manière logique la question européenne : puisqu'on n'a pas fait bouger l'Europe, ou bien on s'y résoud enfin énergiquement et sans délai, ou bien - faute de le faire ou à défaut de réussir - il faut gérer la sortie de ce qui est devenu le handicap français, le piège de toute faculté de réflexion et de recherche de solution à la situation que nous subisssons et dont les effets négatifs se sont accumulés depuis vingt ans que nous nous soumettons à des règles souvent contraires à nos intérêts.
À l'inverse du titre de cette contestation fondée mais angélique de la ligne présidentielle, j'estime en effet qu'il n'y a pas (sauf à pratiquer une "désobéissance européenne" qui n'est vraiment pas à l'ordre du jour, parce que d'ailleurs elle ne pourrait conduire qu'à la sortie) d'autre politique possible que celle aujourd'hui dessinée par F. Hollande : une autre politique est précisément impossible parce que les fondamentaux stratégiques n'étant pas modifiés, les mesures qui sont en cohérence avec ceux-ci ne peuvent guère être différentes de ce que fait le gouvernement actuel, comparable à ce que tentait le gouvernement d'hier et conforme à ce que pourrait proposer une relève libérale qui serait issue d'une consultation électorale donnant le succès à la droite et au centre (dont tous les medias - voir les derniers numéros du Point, de l'Express , de l'Expansion où chevaux de retour, économistes de service et top modèles rivalisent de talents et de persiflages - continuent à nous intoxiquer par leur propagande sur le trop d'État, seul point sur lequel convergent les postures de Cameron, les prudences de Merkel et les silences de Hollande).
Ce caractère inéluctable, dans le cadre de la compétition internationale par les prix, d'une politique de compression des coûts du travail et des services publics, ainsi que de réduction des couvertures sociales, a toujours été indiquée de notre part - dès avant et quelque soit le résultat de l'élection présidentielle - comme la conséquence d'une absence de changement des principes gouvernant l'Union Européenne à laquelle appartient la France sans possibilité d'une gestion autonome s'écartant de ceux-ci et, quel que soit, l'étiquette politique du gouvernement aux affaires.
Pour bien illustrer quesuivre une autre ligne politique impliquerait d'abord de lever des préalables européens, il suffit de pointer quelques éléments majeurs de raisonnement :
- On ne saurait dire qu'on peut faire moins d'austérité qu'en en indiquant la contrepartie : celle-ci est dans un financement monétaire (au moins transitoire , mais pouvant conduire, pour remettre les pendules à l'heure, à une dépréciation de la devise ) des déficits publics accumulés et par conséquent dans la remise en cause de la tutelle de la BCE et de l'euro et le besoin, si la question n'est pas traitée par le système européen, de restaurer une banque centrale nationale dans ses pouvoirs traditionnels d'avances sans intérets à l'État. `
- On ne saurait non plus appeler à conjuguer politique de l'offre avec aussi un levier de la demande sans indiquer comment on peut éviter qu'un surplus de demande, en particuler de biens de consommation, se porte sur des produits de dumping obtenus non seulement hors Europe, mais au sein de celle-ci par les pays européens sans salaire mimimum et pratiquant activement des concurrences low cost .
- Comment, par ailleurs, peut-on imaginer de soutenir essentiellement les secteurs productifs exposés à la concurrence internationale, au lieu de disperser des aides massives correspondant aux allégements de charges et de faire bénéficier toutes les activités du CICE , quand le principe européen de non discrimination interdit de réserver ces concours à l'agriculture, la recherche , l'industrie, l'énergie et les transports au prix de créer partout ailleurs des effets d'aubaine ? Ou l'Europe admet la sélectivité des aides publiques, ou il faut préférer la sélectivité à l'Europe. (cf. dans le même sens <http://forumdemocratique.fr/2014/03/01/la-phrase-de-la-semaine-par-montebourg-aides-publiques-denonce-les-talibans-du-droit-a-bruxelles/>
- Comment enfin peut-on imaginer plus de financements publics des investissements sans avoir recours d'un côté à une part de ressources monétaires proscrites par l'Union , et d'autre part à une politique fiscale créative (on y reviendra dans le papier suivant ) autre que la doxa européenne actuelle dont les deux pivots sont tout simplement la préférence pour l'investissement privé et la pression pour le plus faible taux possible d'impôt sur les sociétés parce que le critère d'attractivité à satisfaire est celui de la profitabilité du capital où qu'il soit investi ( et non celui de la réduction de tous les facteurs des prix de revient dans les secteurs vitaux et stratégiques)?
C'est dire qu'autant que l'appel des minoritaires de la gauche socialiste pour une autre politique ne peut être qu'un voeu pieu sans qu'ait été d'abord changé d'Europe, l'appel (porté par Alternatives Économiques* N° 333 , de mars 2014) de quelques personnalités allemandes ( dans l'axe, à notre sens, des convictions exprimées par un Jürgen Habermas, il s'agit du groupe dit de Glienicke) et françaises ( dont notamment D. Cohen, L.Tubiana , T.Piketty et l'inévitable Ronsenvallon) pour faire changer ( en vérité, relancer ) l'Europe, est une autre forme de leurre et de tergiversations. C'est ce que nous verrons dans le papier suivant.
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* Ce magazine semblait récemment évoluer de manière moins conformiste et plus réaliste, mais sa présentation des solutions possibles au mal du chômage ("desserer l'étau de l'austérité", mais sans poser ni problème monétaire, ni celui du libre échange ! - "réduire le temps de travail", ce qui n'a jamais été , à nos yeux qu'un alibi malthusien à l'insuffisance de débouchés marchands pour nos produits - "accélérer la conversion écologique", ce qui est un potentiel réel de contenu qualitatif mais ne change pas les problèmes macro économiques et implique surtout et la séléctivité, et l'augmentation des appuis publics que l'UE rend très difficles) nous paraît éloignée de toute réflexion stratégique novatrice .