Cet article a été publié par la Revue Politique et Parlementaire N° 1066, de Janvier mars avril 2013
Cette question est du type de celles ayant inspiré, des décennies durant, les dissertations demandées aux étudiants de droit public. Les corrigés conformistes proposaient des réponses portant à une sage balance « avantages/inconvénients » : comme si ce n'était pas la relativité temporelle, les subjectivités intéressées et la crédibilité d'éventuelles institutions de rechange qui gouvernaient les différentes appréciations possibles, voire antagonistes, de nos institutions.
La relativité, c'est qu'il n'y a pas d'institutions valables en toutes circonstances et pour tous les temps. « Pour quel peuple et à quelle époque ?» demandait Solon aux Grecs qui l'interrogeaient pour connaître la bonne Constitution. Ainsi, il y a eu un moment historique incontestable où la Constitution initiale de 1958 a été l'un des leviers du redressement français de l'époque. Ces institutions furent néanmoins longuement contestées non seulement par de nombreuses prises de positions de la doctrine du droit public, mais par les pamphlets du temps; ni les unes, ni les autres n’empêchèrent leurs propres rédacteurs - arrivés à la tête du pouvoir ou au nombre de ses proches serviteurs - de se glisser tout à fait opportunément dans cet appareil qui est devenu la tenue de service et, à peu d’aménagements près, l’armement de tous dans la compétition bipolaire. C’est bien ce dont attesta le constat d’ouverture (page 11) de la commission Balladur sur la base duquel celle-ci écarte l'hypothèse d'un passage à un régime présidentiel, les membres du comité estimant « qu’il faudrait alors ….développer une culture de compromis qui n’est pas toujours conforme aux traditions politiques de notre pays » et relevant qu’ «aucune des principales forces politiques n’est favorable à un tel régime… ».
Le modèle présidentiel - dans une France redoutant alors un Mac Mahon , et toujours sans doute aujourd’hui prévenue à l’encontre de la formule - ce n’était certes pas celui qu’avait institué le choix du Général, amendé par la technicité de Michel Debré et tenu de respecter les termes de la loi d’habilitation de juin 1958 (exigeant que le régime assure la responsabilité du gouvernement devant le délibératif) ; néanmoins ce choix de 1958 emportait des éléments de structure et de fonctionnement institutionnels faisant place à une part réelle de séparation des pouvoirs, ce qui est la principale protection des gouvernés contre le pouvoir d’un seul. Or, on s’est de plus en plus écarté de ce qui donnait un caractère très singulier (et déconcertant beaucoup) aux institutions d’origine, pour installer de fait un régime beaucoup plus déséquilibré : celui qui règne dès lors qu’il y a double majorité conduisant à un risque réel de « démocratie absolue ». C’est ce régime « majoritaire présidentialiste » (celui dont il faut se demander s’il est un atout ou un handicap pour la France) qui a été validé par ce que j’ai nommé dans cette revue[i]« la toilette Lang/Sarkozy (intéressante à différents titres), mais ne mettant nullement en cause la logique du système qui est le résultat d’un régime politique si glissant d'un modèle à un autre qu'on n'a plus du tout à faire aux mêmes institutions qu’à l’origine.
Celles d’aujourd’hui sont d'ailleurs appréciées de manière tout à fait subjective : selon les différents intérêts partisans des forces politiques en présence. Les jugements portés sur nos institutions (et c’est en ce sens que celles-ci sont pleinement la matrice d’un « régime de partis » à l’inverse de la conception gaullienne) semblent bien directement inspirés par l'estimation des chances que ce régime politique donne à telle ou telle formation de venir aux affaires ou selon le constat que l’alternance l’en exclue ou la marginalise. Ainsi si vous appartenez aux familles dont les réseaux ont une chance d’aller au pouvoir, vous considérerez certainement que nos institutions sont un atout pour la France ; si vous appartenez à un courant de réflexion ou à une formation politique qui n'a (compte tenu, au premier chef, des scrutins majoritaires qui nous gouvernent) guère de chance de faire le poids, vous considérerez vraisemblablement que ces institutions sont un handicap pour notre pays.
La crédibilité que chacun, de sa fenêtre, leur confère est donc totalement contingente en fonction de l'accessibilité qu'elles donnent ou non à tel ou tel d'entrer au nombre des gouvernants.
Cette crédibilité est aussi à l'inverse de celle que l'on peut accorder à divers systèmes de rechange qui sont de temps à autre évoqués (tels que le passage à un régime parlementaire plus marqué dans le cadre de ce que serait un contrat de législature [ii]; ou que le passage à un véritable régime présidentiel [iii]au sens constitutionnel exact du terme, c’est à dire constitué de pouvoirs séparés obligés à coopérer, ou qu’un basculement complet vers une autre nature de pouvoir, par exemple de type helvétique [iv]). Or , aussi bien le dessein précis que pourraient revêtir en France de tels régimes, que les voies politiques à la faveur desquelles ils pourraient se substituer au régime en vigueur sont tellement peu explicités et tellement peu discernables (sauf - puisqu'il a été évident que les circonstances des consultations électorales présidentielles ne suffisaient pas à renouveler l'offre institutionnelle - crise nationale majeure entraînant un spasme collectif exigeant un saut d’imagination créatrice) que c'est l’incrédibilité de tout régime de rechange qui donne – en quelque sorte par défaut – sa crédibilité au régime existant.
À la confluence de l’évolution française vers la concentration des pouvoirs et de l’institution de la co-souveraineté européenne, nos institutions ont produit un puissant présidentialisme majoritaire paradoxalement doté d’une capacité nationale restreinte (I). Autant cette constatation semble pouvoir être partagée, autant la réponse à la question de savoir si les effets de ce dispositif constituent un atout ou un handicap pour la France dépend des critères que l’on privilégie pour en juger (II). En définitive, on constate qu’il y a solidarité (III) entre trois facteurs : l’appréciation que l’on porte sur les moyens de rechercher la confiance ; le modèle de stratégie que l’on croît appropriée pour faire face au monde concurrentiel contemporain ; la marge et des matières que l’on croit ou non ouvertes à des démarches de réformes constitutionnelles.
1 – La confluence déterminante est celle qui s’est établie entre l’impact constitutionnel des compétences interétatiques européennes et le présidentialisme majoritaire français.
1-A –L’impact constitutionnel des compétences interétatiques européennes
Le seul rappel de l’évolution française donnerait l’illusion de faire croire à la continuité du pouvoir exécutif dans la fonction de déterminer et de conduire la politique de la Nation s’il n’était marqué en fronton de ces développements que, depuis vingt ans, le changement majeur de Constitution – tient, comme le traduit la rédaction du Titre XV de celle-ci – à l’introduction au sommet de notre hiérarchie des normes non seulement du droit fondamental européen, mais aussi des contraintes du droit dérivé : les objectifs des directives s’imposent au législateur [v] , en ce triple sens qu’ils ne peuvent être écartés par abstention de transposition, que des dispositions contraires en vigueur ne sauraient leur être opposables et que les textes de transposition doivent les respecter. La borne fut un moment dans le concept formé en 2004/06 par le Conseil Constitutionnel que le droit « communautaire » ne primait sur le droit national que dans la mesure où il n'est pas contraire à un « principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France »…[vi] « sauf à ce que le constituant y ait consenti » (ce qui nous paraît un parallèle à l’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe [vii] rendu à l’occasion de la ratification du traité de Lisbonne, sur la portée de l’engagement européen au regard de la loi fondamentale allemande). Quant au consentement, il a été politiquement obtenu par des révisions faites en tant que de besoin : la Constitution a été modifiée autant de fois que nécessaire pour permettre l’adoption des Traités et notamment de celui de Lisbonne du 13 décembre 2007, ces processus pouvant porter à considérer qu’il n’y a plus, d’un, côté une constitution française, de l’autre un corps de textes européens, mais, selon la juriste A. Marie Le Pourhiet [viii], une “relation fusionnelle”.
Cette intégration a été si loin que le 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a pu juger que le TSCG pouvait entrer dans le droit national sans que soit indispensable une réforme de la Constitution, mais (ce qui évitait opportunément au pouvoir en place d’avoir besoin de votes de l’opposition) par la voie de la loi organique. Or, si le traité considéré, d’une part, en exigeant, en matière de finances publiques consolidées de l’État, des régimes sociaux, des collectivités locales, des engagements quantitatifs plus sévères [ix] n’appelle pas de ce fait une modification constitutionnelle puisqu’il s’agit de la déclinaison d’un principe déjà acquis, d’un autre côté ce TSCG comporte surtout, notamment par son article 3, un dispositif de correction automatique si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif arrêté. Néanmoins, malgré de très fortes analyses en sens inverse[x], au vu de la fine prise en compte littérale de la dernière rédaction[xi] du projet de TSCG, le Conseil Constitutionnel a fait une lecture alternative de l’obligation que s’est donnée la France [xii] excluant, dans l’une des voies possibles (celle de l’interprétation retenue) tout automatisme qui méconnaîtrait les compétences parlementaires. Très critiquée par les « souverainistes » qui dénoncent un « souverainisme européen », cette décision nous paraît mériter au contraire une mention en ce qu’elle peut protéger la France de l’application automatique de mesures structurelles de «redressement » dont elle n’aurait pas, elle-même, décidé.
Néanmoins, sur la base de l’appréciation de la portée l’article 8 ([xiii]) ; la question qui semble, au vu de considérations en sens différents[xiv], rester en attente d’une incontestable réponse, est celle de savoir qui détiendra l’autorité ultime de contrôle. Dans l’acception française – celle du Conseil Constitutionnel – c’est lui-même qui serait fondé à sanctionner des dispositions de loi qui emporteraient dépenses publiques et sociales méconnaissant les effets de la « règle d’or » ; mais, pour autant, et alors que les observations des autorités européennes n’auraient pas été suffisamment prises en compte, rien ne paraît interdire à un tiers non national de se porter devant la cour de Justice de l’U.E. Dans ce cas – selon un certain parallélisme avec l’institution jurisprudentielle d’un pouvoir de dire les droits fondamentaux par la CEDH avec la portée de s’imposer aux droits nationaux - un véritable pouvoir de sanction juridique d’actes législatifs budgétaires français reviendrait, au delà des contrôles normatifs et ponctuels qu’elle exerce déjà aujourd’hui, à la Cour de Justice de l’Union.
Plus prégnant que les conclusions possibles des subtilités des débats juridiques est le ressenti politique de la relation fusionnelle avec l’UE et avec la Zone Euro.
C’est qu’aux yeux de nombreux critiques, le problème démocratique est le problème majeur. Déjà dans les années cinquante, en précurseur gaulliste, un homme politique et juriste bien raisonnable, Léo Hamon, s’en inquiétait [xv]avec une grande prescience. Selon lui, alors, le processus européen se faisait non seulement au mépris de la souveraineté de la France menaçant ainsi sa survie, mais aussi… parce qu'il apparaît qu'elle compromettait la démocratie de deux manières : « dans le principe parce que l'histoire prouve qu’il n’y a eu de naissance de la démocratie que dans les nations qui s'éprouvaient fortement comme telles, (et) dans la pratique, (…) la démocratie impliquant que les citoyens se prononcent sur les règles qui les intéressent par les représentants qu'ils ont choisi », ce qui n'est pas le cas avec la communauté européenne, dans laquelle « les règles pleuvent, venant d'un aéroplane bruxellois dans lequel les fonctionnaires ont fait serment de se détacher de leurs préoccupations nationales» et où «le transfert des compétences nationales à la communauté, c’est ou bien le transfert d'une responsabilité des élus à des fonctionnaires, ou bien le transfert d'Assemblées délibérant publiquement à des hommes délibérant individuellement ».
Certes les choix européens sont réalisés par des instances qui incluent les délégués de la souveraineté française, si bien qu’il y a, en quelque sorte, une traçabilité de la légitimité démocratique qui rend nos gouvernants théoriquement responsables, mais selon une responsabilité qui, de fait, ne peut pas être mise en œuvre. En effet, les deux périmètres - celui d’une part dans lequel il y a dévolution et sanction du pouvoir et celui d’autre part dans lequel il y a définition des politiques économique et monétaire et désormais contrôle budgétaire décisif du pouvoir économique et social emportant des conséquences quasi obligatoires de toute nature - ne coïncident pas. De plus, le second cercle dominant n’est basé sur aucune construction fédérale, mais sur une coopération interétatique pouvant néanmoins être dispensée dans des matières capitales (commerce extérieur, monnaie, politique budgétaire) de la règle d’unanimité; ce second cercle est celui soit de l’UE, soit de la Zone euro. Le premier cercle dans lequel se déroule le choix de gouvernants pouvant être sanctionnés par une non reconduction aux affaires est le cercle national ; mais même la mise en cause de la responsabilité politique globale au sein de ce premier cercle ne peut guère retentir sur l’exercice des compétences du second.
L’effet d’évasion de responsabilités que permet la co-souveraineté tient à cette gouvernance sans fédéralisme qui autorise une prestidigitation faisant s’évanouir l’évènement politique : parce que les dates électorales ne coïncident pas dans les différents pays, parce qu’il y a segmentation des consultations, parce qu’il n’y a pas de scrutin européen unitaire décisif « at large » pour exprimer l’ensemble des citoyens de l’Union, pas de Parlement aux pouvoirs suffisants bien qu’aujourd’hui amplifiés pour les relayer, pas de construction crédible en ce sens dès lors que l’Union a pris des dimensions incompatibles avec l’intégration politique et que la zone euro ne s’y prête pas plus à raison de sa profonde hétérogénéité, un changement politique national est absorbé sans conséquence importante. Le fait qu’un homme (et sa majorité législative) soit élu par la nation avec un évident mandat de changer de ligne stratégique ne peut guère emporter de changements dès lors que les choix et les appuis de son prédécesseur restent dominants et opérationnels dans le collège supra national exerçant le pouvoir de décision. Certes, la réplique pourrait être dans - sinon , comme le conseille E. Todd, la menace de sortie - du moins dans l’hypothèse de « la chaise vide » pour obliger les partenaires à négocier ; mais les pressions sont toujours trop fortes dès lors que la dérégulation mondiale des mouvements de capitaux et les marchés des emprunts entretiennent des risques financiers qui sont insoutenables pour un État qui n’a plus de Banque centrale propre vers laquelle il pourrait se retourner pour obtenir les moyens de passer des caps de tension. La construction de cette infirmité monétaire a réalisé la clef de notre dépendance. Même en cas de profond désaccord, un partenaire ne peut plus sortir du cercle supérieur européen qui l’habilite et le contraint en même temps. Les diplomates se plaisent à voir dans l’Europe (bien qu’ils ne sachent pas toujours laquelle) un club obligatoire.
En bref – c’est une banalité, mais il fallait la rappeler - il n’ y a pratiquement plus d’appel national possible des politiques déléguées au niveau supra national. Tel est le changement irréversible qui relativise ce qui s’est passé à l’échelon national.
1-B _ - Le présidentialisme majoritaire français
Ce que sont aujourd'hui nos institutions est fait non seulement du point mécanique de leur évolution, mais aussi d’une référence mythique au « fait présidentiel » absorbant la vie institutionnelle, ce qui fait prospérer la confusion des pouvoirs et fortifie l’image de leur personnalisation. La confusion apparaît dès lors que le Président est conforté, voire tenu, par une formation qui s’en réclame et qui est majoritaire à l’Assemblée ; c’est ce qui est mécaniquement obtenu en 1962 ; l’équation se confirme timidement en 1967, encore que la majorité tient alors à un fil (centriste). Les événements de 1968 conduisent en 1969 à la forte domination pompidolienne au sein de laquelle se combattent néanmoins les tenants de la « nouvelle société » et les professionnels du réalisme politique ; ceux-ci choisissent VGE parce qu’il a le plus de chances de gagner. Ce qu’apporte sa victoire ne satisfait pas ceux qui sont tout autant allergiques au souffle de la libéralisation politique que réservés au regard d’une orientation économique de type nouveau par rapport à ce qui a prévalu dans la France d’après guerre. La droite d’inspiration gaulliste, de sensibilité à la fois conservatrice et sociale, ainsi que de tradition étatiste récuse ce qui voudrait s’inspirer de l’école libérale dont bien des aspects mettent déjà en cause des situations traditionnellement protégées et des habitudes de gestion publique. Les tensions entre ces deux composantes des droites, fragilement alliées entre 1974 et 1981, favorisent le succès de F. Mitterrand. C’est si clairement un modèle idéal et commode que celui d’une double majorité que le nouveau chef de l’État le consolide immédiatement par la dissolution de l’Assemblée (il recommencera en 1988), ce qui produit, après « l’État RPR », « l’État mitterrandien». « Le roman de la Cinquième République, à l’aube du démo-despotisme »- selon les formules du professeur R. Cubertafond [xvi] - entre dans le chapitre des alternances.
Lorsque majorités de l’Assemblée et du Président ne se superposent pas (entre 1986 et 1988 ; entre 1993 et 1995 ; entre 1997 et 2002), les « grandes alternances » laissent place aux « petites alternances qui sont accompagnées des obligations de cohabitation résultant du déphasage des élections législatives et présidentielles.La logique de la bipolarisation, comme la commodité de la gestion – par l’écrasement du camp rival, le but du jeu est obtenir le grand schlem de concentrer tous les pouvoirs –portent les partis de gouvernement à s’entendre pour exclure le cas de figure de la cohabitation en mettant en œuvre la recette du doyen Vedel: "la simple institution du quinquennat... assortie d'une synchronisation de l'élection du président et de celle des députés... donnerait 90 % de chances d'harmonie entre l'Élysée et le Palais-Bourbon et donc avec Matignon, et retrouveraient les structures de pouvoir obtenus ailleurs par les mécanismes du régime parlementaire... Il est donc possible à peu de frais politique, sans se lancer dans l'entreprise hasardeuse du régime présidentiel, de garder les acquis du présidentialisme majoritaire tout en en corrigeant les défauts ». Il faut de ce propos retenir d’essentiel la chose suivante : des régimes de logiques apparentes opposées peuvent être conçus et gérés – du fait des dates et modes de scrutin – pour avoir le même résultat : un bloc compact de pouvoir. Des régimes chacun spécifiquement qualifiés, souvent comme à l’opposé, par la doctrine universitaire et ressentis ainsi par l’opinion aboutissent alors à des modes de choix des gouvernants quasiment identiques.
Des régimes concrètement très comparables existent ainsi sous des dénominations bien différentes. Au delà des classements traditionnels et de leur infirmité à expliquer toutes les réalités, la typologie des régimes occulte la réalité des systèmes. Ceux-ci sont de deux natures : un système de répartition des pouvoirs; un système de concentration des pouvoirs et la vraie question est de savoir ce qui est préférable.
Adopter le régime parlementaire, avec de ce fait élection simultanée du délibératif et du patron du parti vainqueur comme chef de l’exécutif, ne ferait pas grande différence avec des élections législatives succédant immédiatement à une présidentielle. Qu’on élise directement (régime français) ou indirectement (régimes parlementaires allemand et britannique), l’exécutif suprême national, c’est la division d’un pays entre deux camps dominants qui prévaut sur la typologie classique, et cette division est elle-même, du moins en France, le simple produit du mode de scrutin. Chez nos voisins, l’automaticité n’existe pas au niveau de « perfection » de la France : il peut y avoir - du fait, soit de la proportionnelle allemande, soit du scrutin majoritaire à un seul tour au Royaume Uni - des résultats électoraux parfois segmentés (ce qui est quasiment exclu désormais en France) des incertitudes et des besoins de coalitions non prédéterminées.
La quintessence du régime parlementaire illustré par le cas britannique est que le chef du parti vainqueur devienne le Premier Ministre. Mais il faut alors que le chef de l’exécutif - que ce soit le PM dans un régime de type britannique ou le PR dans le régime français ne cesse d’être regardé par les siens comme le chef reconnu du parti aux affaires. Avec Pompidou (appliquant comme PR la même tactique que comme PM), la Vème République a commencé à basculer vers une pratique britannique dans laquelle le chef de l’exécutif ne gouverne et ne tient à ce poste que par la relation étroite qu’il entretient avec au sein de l’Assemblée ses soutiens parlementaires. « Que cette relation viennent à se détériorer et son sort est scellé : Margaret Thatcher et Tony Blair n’ont pas été renversés par le Parlement mais par leur parti respectif qui ne leur faisait plus confiance pour les conduire à la victoire »[xvii]. Du fait d’un même type de défiance (d’abord, en tant que PM, « il nous fait perdre des voix », ensuite en tant que candidat « il ne pourra pas gagner »), Chaban fut écarté de la chance d’un plus grand destin que celui qui fut le sien. En deux temps : d’abord par un PR exprimant - malgré le vote de confiance qu’avait obtenu le promoteur d’une « nouvelle société» en narguant ainsi « la présidence » - l’opinion profonde d’une majorité conservatrice ; ensuite, lors de la campagne présidentielle de 1974, au profit de VGE, par la frange la plus combative de la majorité droitière emmenée par J. Chirac. Aujourd’hui le chef de l’État français est issu du contrôle que comme candidat il prend sur l’un des deux grands partis dominants et qu’il doit conserver si bien qu’une grande part de son énergie et de son habileté se consomme dans la neutralisation des compétiteurs internes (ainsi, pour N. Sarkozy, en face du président du groupe parlementaire et du secrétaire général du mouvement, ainsi pour F. Hollande envers d’autres candidats des primaires).
Ce modèle est l’inverse de la conception gaullienne selon laquelle le chef de l’Etat doit être au dessus des partis. On voit bien dès lors comment la réforme inspirée par Vedel, décidée en 2000, par un référendum ayant recueilli un très petit taux de participation attestant que les Français n’avaient pas compris l’enjeu et donc laissé l’emporter la minorité ayant exprimé la conviction qu’il faut que “ça coïncide”, réalise, lorsqu’elle est mise en œuvre aux élections de 2002 et 2007, un nouveau régime politique sur lequel ne peut que, fin 2011, se casser les dents une proposition du rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts qui eut, de manière saugrenue, rendues incompatibles les fonctions de chef de parti et de membre du gouvernement. F. Fillon s’était honnêtement étonné "On va regarder avec les parlementaires les propositions qu'on retient dans un projet de loi. Il y en a une assez curieuse, qui consisterait à interdire à un membre du gouvernement d’être responsable d'un parti politique. C'est juste le contraire de la démocratie. Je fais remarquer que dans toutes les démocraties modernes, qui sont des démocraties parlementaires, les ministres sont d'abord des responsables de partis et en général le Premier ministre est même le président de son parti. C'est une proposition qui m'étonne un peu, qui a une sorte de connotation technocratique qui vous fait comprendre que je n'ai pas l'intention de la retenir. »
De plus, le régime politique français en vigueur va plus loin que les autres « démocraties modernes » parce qu’il jumelle cette origine partisane d’un PM et la même origine partisane d’un PR aux pouvoirs considérables. Son caractère capital est d’additionner le parlementarisme majoritaire le plus influent et le présidentialisme le mieux outillé. Après la longue rivalité pour le grand schelem ayant tendu la cohabitation Chirac/Jospin, le régime semble alors bien s’être simplifié à l’extrême. Les résultats de la consultation de 2002 étaient attendus comme un cas d’exercice du modèle préconisé par le doyen Vedel pour assurer la superposition des inspirations présidentielle et législative. Le tremblement de terre aussi systémique que politique fut que la consciencieuse, mais impuissante, gestion de L. Jospin avait tant déçu les Français que le F.N. vint, en emportant la seconde place, rompre le duel « institutionnel » droite/gauche. Et puis, il y eut trois « répliques » : la secousse si forte que subit l’électorat de gauche qu’il apporta au candidat de la droite républicaine de quoi l’emporter dans des conditions jamais vues ; ensuite une petite vague suffisante pour finir de sanctionner la gauche et qui porte alors la même droite à la victoire législative en donnant prise à celle-ci sur le président lui-même ; enfin, la stabilisation brutale qu’en nommant un gouvernement sans ouverture réalisa sans état d’âme J. Chirac (alors même s’il semble s’interroger a posteriori sur le bien fondé de ce choix). Il avait ainsi obéi - paradoxalement par rapport à l’inspiration gaullienne du régime – non pas au vote présidentiel, mais au vote législatif. C’est que le résultat du vote législatif et le poids des partis qui, en régime parlementaire, va de pair avec lui, tiennent le président de la République. Dans le cas considéré, si J. Chirac a été quand même bien faible vis à vis des « siens » en leur laissant le monopole du pouvoir, c’est sans doute parce que, n’excluant pas à cette époque d’être à nouveau candidat, il pensait qu’il aurait alors trop besoin d’eux. Dès lors que le président de la République ne peut dorénavant, en vertu de la réforme de 2008, exercer plus de deux mandats consécutifs, pourrait-on concevoir qu’un Président puisse gagner en liberté vis à vis de ses origines et soutiens politiques à la faveur d’un second mandat ? N’est-ce ce qu’a un peu essayé Nicolas Sarkozy, avant, marqué qu’il était dans son propre camp par des candidats à la succession, d’en venir dans le dernier temps de sa deuxième campagne présidentielle à un alignement sur ses extrêmes ?
Cette réalité du déroulement politique évènementiel relègue évidemment au second plan les avancées de la réforme constitutionnelle de 2008; si celle-ci apporte - au regard du seul point "présidentialiste" optiquement important résultant des facultés de prestations du Président devant les deux assemblées réunies - des contreparties démocratiques appréciables qu'on ne saurait nier : nouveaux droits et garanties pour les citoyens ( les QPC, le défenseur des droits) ; pouvoirs renforcés du Parlement; capacités améliorées pour l'opposition (sans qu'il y ait pour autant - et c'est significatif des mainmises partisanes existant sur l'appareil public - d'ouverture à des facultés d'expression individuelle de parlementaires hors de la tutelle des partis), elle n’a pas choisi de traiter de deux points capitaux.
D’abord, le scrutin majoritaire pour l’élection des députés n’a jamais été, à une dose significative, remis en cause; la problématique des modes de scrutin n'a été sérieusement posée, à une échelle intéressante, que pour le Sénat et non pour l'Assemblée. Or cette question, si elle est importante en équité en ce qui concerne le Sénat, est absolument cruciale lorsqu’elle s’applique à la formation de la représentation nationale à l'Assemblée, puisqu’elle emporte des conséquences majeures. Au premier chef sur les relations entre l’exécutif et le délibératif : si l’on veut assurer la stabilité de l’exécutif, la RP n’est compatible qu’avec un régime présidentiel de séparation des pouvoirs [xviii] . Plus profondément encore, le mode de scrutin caractérise les rapports d’un pouvoir à un pays : une gestion politique n’ayant pas à tenir compte d’importantes contestations gommées par le scrutin majoritaire roule, tôt ou tard vers une perspective d’échec.
Ainsi que l’a remarquablement rappelé le rapport d’information du 22 mai 2010 présenté au Sénat sur les modes de scrutin envisageables pour l’élection des conseillers territoriaux [xix] - la réflexion considérée allant bien au delà du champ des consultations locales - il y a deux philosophies qui ne reposent pas sur la même vision de la vie politique. « Les scrutins majoritaires correspondent à des systèmes d’affrontement et les scrutins proportionnels à des systèmes de coopération… Pour les proportionnalistes, l’idéal réside au fond dans le Gouvernement de coalition à la proportionnelle, de sorte que le pouvoir lui-même soit partagé et pas seulement les sièges à l’assemblée. »
Le deuxième point le plus significatif est - alors même qu’en 2008 on recherche un rééquilibrage en faveur du Parlement (en fait entre un président et sa propre majorité) - que le primat de l’élection du Président conserve une valeur mythique. Son élection est regardée et vécue comme le moment politique essentiel de la Cinquième République ; la rémanence génétique dyarchique de la Cinquième n’inspire pas à l’establishment - dont les diverses composantes sont réunies dans le comité Balladur - une demande d’évolution ni dans un sens parlementaire (l’un des gènes de 1958), ni dans un sens présidentiel ( l’autre gène de 1958/62) et d’ailleurs lorsqu’on évoque en ce comité Balladur un « régime présidentiel », pour l’écarter dans la foulée, ce n’est même pas d’un régime présidentiel ouvert dont il s’agit mais d’un régime présidentiel fermé [xx].
Il faut bien percevoir les motifs profonds du rejet d’une réforme du scrutin législatif et du refus d’une évolution vers un dispositif constitutionnel présidentiel [xxi] : le but des institutions n’est pas de favoriser des coopérations, mais d’organiser des compétitions : le contraire à l’évidence de ce que préconise les porteurs de l’idée de « centre »; et certainement, à nos yeux, l’inverse de ce que veulent une majorité de nos concitoyens qui sont fréquemment contraints par le système, lors d’un second tour législatif, ou au vote bipolaire, ou à l’abstention alors qu’ils apprécieraient souvent des solutions de convergences obtenues par coopérations, ou qui, d’exaspération, finissent enfin, par voter pour les extrêmes.
Le bilan que deux ans après a fait le comité de suivi de la réforme 2008 [xxii] établit clairement que le fonctionnement interne des pouvoirs concentrés a connu d’appréciables améliorations techniques assurant mieux le dialogue entre l’exécutif et sa majorité, mais que les relations avec l’opposition restent – c’est la nature du système – dominées par des logiques d’affrontement.
Que délibératif et exécutif se regardent dans la glace est bien décrit par le premier thème (« une séparation des pouvoirs toujours malmenée ») de l’article du professeur D. Rousseau dans regards sur l’Actualité, N°367 de janvier 2011 construit sur l’éloquente construction suivante : « un gouvernement présidentiel » ; « un parlement présidentialisé ».
Longtemps la seule exception à cette logique de bloc issu de l’élection présidentielle a été celle du Sénat : parce que cette seconde Chambre est largement élue à la répartition proportionnelle, parce qu’elle ne procède pas dans la foulée, de l’élection présidentielle comme en procède aujourd’hui l’Assemblée nationale, parce qu’il n’y avait pas au Sénat de bloc de majorité absolue et que devait, en conséquence, s’y exercer en fait un pluralisme relativement fécond, ; c’est ainsi que la « Haute Assemblée » – alors qu’elle passait pour la plus conservatrice de France (essentiellement parce qu’elle n’avait pas une base démographique bien équitable entre milieux urbains et ruraux, mais ceci a fait l’objet de révision [xxiii] ) - était celle qui pouvait encore engendrer quelques fertilités. Ayant basculé à gauche (à raison des insatisfactions que la gestion de N. Sarkozy a donné à de nombreux élus locaux), le Sénat pourra-t-il encore jouer un certain rôle de conciliation dans le processus de décision législative?
2 – Conséquences et critères et d’appréciation
Si c’est de manière assez objective que peuvent être constatées les conséquences pratiques de la bipolarisation, cette situation institutionnelle française ne peut être appréciée que par rapport à des critères subjectifs.
2-A-Les ambigüités de la bipolarisation
Exacerbant manifestement les concurrences et de ce fait déchirant assez profondément les Français, notre bipolarisation aboutit plutôt à rapprocher les politiques offertes par chacun des deux grands camps en compétition.
Les résultats des consultations électorales s’obtiennent, certes, par les capacités comparées de séduction des différences d’analyses et de préconisations faites et telles que les communications respectives des uns et des autres les mettent en valeur dans le style propre à chacun ; mais l’issue des compétitions semble bien en définitive « se jouer au centre », les dernières élections ayant, comme à l’accoutumée, plutôt montré que les accents mis sur les positions les moins modérées n’étaient pas les plus productifs, et ceci malgré les impacts électoraux résultant de ces « crispations françaises » [xxiv]qui se développent de plus en plus mais qui, tout en étant très menaçantes, mettent malgré tout du temps à porter des changements décisifs sur la représentation nationale affectée par un effet d’amortissement des divisions et des extrêmes.
Le recentrage tient aussi à ce que le positionnement de l’attractivité de tout candidat apparaît comme sur un graphe affiché qui porterait en abscisse l’affectivité dont il fait preuve pour ses clientèles – c.a.d. son sens de leurs intérêts, voire sa ressemblance avec eux, la manière dont il cultive leurs passions, sa compassion humaine et/ou ses ambitions sociales – mais, en ordonnée, de manière bien correctrice de la trajectoire qu’il propose, son conformisme économique regardé comme la condition de sa crédibilité. En effet, dès lors qu’il y a, depuis des décennies, un brouillage des démarcations idéologiques, les campagnes électorales (à l’exception, un moment, des primaires socialistes) n’ont pas été les circonstances où proposer une réflexion novatrice pour tenter d’expliquer ce qui choque et de chercher à y remédier. D’un côté chaque secousse sociale (fermetures de sites, flagrantes injustices) et chaque dégradation des conditions de vie des plus malheureux confrontés aux privilèges florissants conduisent à faire, par medias consciencieux interposés, ressentir « l’horreur économique », mais les mêmes équipes de la presse écrite ou de l’information et des magazines audiovisuels sont rarement portées à chercher et produire des explications de fond se rattachant au fonctionnement de l’économie mondiale et européenne et se satisfont, au mieux, par une approche moralisante, référant aux critiques générales et éculées sur « le capitalisme financier » qu’il faut, bien sûr amender, ou, au pire, répétant des antiennes sur les besoins de compétitivité, sans illustrer concrètement, dans tel ou tel cas d’espèce, pourquoi la concurrence par les prix (que ne corrige quasiment aucune protection) exige effectivement des sacrifices qu’on ne demandait pas à des époques disparues où les moyens globaux du pays, bien moins ouvert, étaient pourtant plus limités. La doxa injectée au grand public, surtout par abstention d’explications basiques, est celle des schémas néo libéraux diffusés par bien des « économistes » des chaînes de télévision écoutés comme des prophètes et cette doxa – parce que, pour en sortir, il faudrait beaucoup de bien ingrate pédagogie - se trouve le plus souvent reprise dans ce qui reste de la presse d’information [xxv].
Les convergences essentielles se sont progressivement formées entre les principaux mouvements politiques français jusqu’au grand point d’orgue de 2008- année de ratification du Traité de Lisbonne et de l’organisation raffinée du quinquennat présidentialiste. C’est bien par la voie parlementaire - en redoutant ce qu’aurait produit la démocratie directe - et dans l’union de fait des forces conservatrices libérales et des forces s’affichant socialistes qu’ont été conduites ces deux réformes constitutionnelles pilotées par un chef de parti et d’État qui a, alors, trouvé ses soutiens et son succès dans le consentement ou le ralliement de « l’opposition ». Un contenu quasiment identique au texte constitutionnel européen (à la différence que ce n’est pas « gravé dans le marbre ») rejeté par voie référendaire en 2005 a réapparu sous le nom de « traité de Lisbonne » et la révision de la Constitution a été effectuée par la voie parlementaire [xxvi], ce qui a assuré l’unité bipartisane de la classe politique dans l’adhésion à une construction européenne s’étant pliée à l’ordre du monde.
De cette étape à celle qui – à travers les épisodes des crises systémiques ayant enclenché la première dépression combattue, en 2009/2010, par les injections de liquidités des relances, entraînant à leur tour l’aggravation des endettements souverains qui ont été sanctionnés par les marchés et par la menace sur l’euro inspirant la priorité de la lutte européenne contre les niveaux de déficits et de dettes - a conduit au partage de la conviction du bien fondé d’une « règle d’or » , tous les enchaînements économiques et juridiques que l’on sait ont été d’une implacable logique.
Celle-ci a trouvé en France, les conditions de sa faisabilité politique par un second partage entre familles politiques dominantes : celui d’un corpus de convictions institutionnelles ancré dans le bipartisme majoritaire, dont la clef est le scrutin majoritaire d’arrondissement. Certes, à l’origine, les caricatures des risques que présentent d’autres modes de scrutin furent inspirées par la droite ayant fait du scrutin majoritaire le socle de sa stratégie de clivage et d’écrasement du centre, en écho au choix de M. Debré qui y trouvait, en 1958, le seul moyen d’avoir une majorité qu’il ne voyait pas exister d’elle-même ; et G. Pompidou disait en privé « enlevez le scrutin d’arrondissement à deux tours et il ne reste rien de notre régime politique » . Alors que F. Mitterrand, avait annoncé, comme on sait, le passage à la RP, R. Bacqué dans « le dernier mort de Mitterrand » raconte que F. de Grossouvre, dès le lendemain de la présidentielle de 1981 a été rassurer J. Chirac : il ne serait pas question d’introduire la RP, qui ne vint que comme mauvaise machine de guerre en 1986.
Dans le droit fil de la volonté d’éliminer les non coïncidences de majorité, le second pilier du pacte d’establishment passé, en 2008, de manière non explicite, mais évidente, est la consolidation par la révision constitutionnelle d’alors de celle ayant institué le quinquennat. Le dispositif qu’on s’est bien gardé, de même que le traité de Lisbonne, de soumettre à referendum, consiste à faire confirmation et toilette du régime présidentialiste majoritaire bipartisan. Lorsque l’affaire vient devant le Congrès, il faut beaucoup de prétextes au PS qui ne veut pas donner le sentiment de soutenir son adversaire à la tête de l’État pour ne pas voter une réforme qui, à certains points secondaires près, lui va comme un gant. D’ailleurs, après avoir été par la majorité votée dans chaque assemblée, elle a recueillie au Congrès 539 voix contre 357, la majorité qualifiée requise (3/5) étant de 539 voix parmi lesquelles s’inscrit par prudence celle du président de séance qui normalement selon la tradition n’aurait pas du prendre part au vote, et au nombre desquelles on compte aussi deux décisives voix socialistes. De la même façon que l’amendement Wallon indiquant incidemment le choix pour la « République » était en 1875 passé à une voix de majorité par le vote d’un député monarchiste, c’est le député socialiste de Wallis et Futuna - qui venait d’œuvrer pour la nomination d’un roi (le Lavuela) de Wallis et Futuna [xxvii] - et/ou l’option de J. Lang (que seule l’histoire retient) qui font l‘écart.
Deux lignes notables de clivages parcourent en conséquence le paysage politique français : d’une part, entre les formations et personnalités qui ne partagent pas les mêmes fondamentaux, d’autre part, entre forces qui rivalisent mais partagent bien de mêmes fondamentaux.
Dans les ténèbres extérieures sont ceux qui ne partagent pas tout de l’institutionnellement et économiquement correct. On y on trouve naturellement ce « centre » qui au regard soit d’une majorité droitière, soit d’une majorité de gauche, ne veut ni de l’une, ni de l’autre, mais se serait bien vu catalyser sous sa houlette le meilleur de chacune, ce qui serait bel et bien neuf ; ce qui ne l’est pas est, par contre, que ce centre ne remet pas en cause la doxa libérale et libre échangiste, mais les injustices qu’elle créée, comme si l’on pouvait rejeter des fruits amers sans tailler l’arbre qui les porte. L’autre défi est dans la contestation populiste sommaire développée par le F.N. qui unit l’attaque du système bipartisan à celle de la « mondialisation », ce qui n’empêche pas des chevronnements importants entre les thématiques de la droite libérale et ceux de la droite radicale. La troisième série de défis est celle des diverses gauches externes au PS ou marginales en son sein : comme elles s’expriment essentiellement sur l’injustice sociale et sur la morale politique, elles interpellent, mais n’expliquent guère les raisons d’iniquité ou d’improbité, si bien qu’à défaut de proposer des diagnostics, elle n’affichent que la revendication de remèdes souvent aussi sympathiques qu’incrédibles et irréalistes [xxviii]. Quant au courant altermondialiste, il reste marqué par un universalisme lui rendant difficile l’expression d’une conduite de rapports de forces avec les pays en voie de développement ou émergents/émergés. Le défi écologiste est pour sa part omniprésent, mais, alors même qu’on ne peut que partager ses préoccupations pour l’homme et la planète, on ne peut pas bien comprendre comment il se situe vis à vis de la globalisation (sinon qu’il veut, comme tout le monde, la « moraliser ») et au regard des institutions qu’il a l’air d’accepter, pourvu qu’elles lui accordent une place pour des participations d’influence (si bien que sa demande de la RP s’est effacée devant le bénéfice d’un accord pour des sièges). Aucun des porteurs de défis politiques n’exprime d’ailleurs avec assez de clarté et ténacité le besoin d’autres institutions et d’autres modes de scrutin (sauf une ou deux personnalités et sauf le PC traditionnellement attaché à la proportionnelle) qui permettraient à la fois le pluralisme et la stabilité dans la conduite des affaires de la Nation. Ne serait-ce en fait parce qu’aucun des porteurs de ces défis ne croit pouvoir vraiment avoir un avenir de parti de gouvernement ?
En second lieu, c’est tout en partageant les mêmes trois fondamentaux (l’Europe, les institutions, l’équilibre budgétaire) que les grands mouvements se différencient par discours, postures et propositions qui vont donc comporter des thématiques idéologiques, sociétales, techniques par lesquelles les uns veulent toujours se démarquer des autres, ce qui est plus facile en campagne électorale qu’en étant aux affaires. La direction socialiste, et désormais celle de l’État, a ainsi bien pu marquer d’un côté ses défiances. Elle l’a surtout fait vis à vis de « la finance », ce qui aboutit à beaucoup de flou, parce qu’il est bien hasardeux de penser que c’est plutôt le « capitalisme financier » que - par les facultés illimitées qu’elle ouvre - la libre circulation entre sociétés très hétérogènes des biens, services et liquidités, qui est à l’origine des désordres du monde. D’un autre côté, son leader sélectionné par les sympathisants, puis Président, a souvent mis en exergue le noyau de ses valeurs : certes « l’égalité » si difficile à définir et mettre en œuvre, au moins « la justice » qui est à la fois une espèce de donnée immédiate de la conscience et d’une mesure possible par le recours à l’économétrie sociale. Malgré les besoins de rigueur, le souci – sinon toujours la faculté - d’équitables fiscalités et redistributions reste ce qui est le plus à porter, nonobstant des reculs et l’absence d’une refonte fiscale – au crédit du pouvoir aujourd’hui.
C’est à la faveur d’un beau débat[xxix] que la plus intelligente des droites républicaines avait, pour sa part et avec probité, mis en exergue l’union de son obligation de réalisme et de sa volonté de ne pas y sacrifier les intérêts des Français, mais les ambitions stratégiques de rallier sans ennemis à droite ont, aux yeux de beaucoup, perverti de plus en plus le discours sarkozyste.
Les convergences de fond entre les deux grands mouvements politiques français pourraient avoir le bon aspect que ces partages, avec ce qu’ils peuvent comporter de stérilisant, aient pour contrepartie constructive une bonne volonté commune de dégager des réponses pertinentes dépassionnées. Mais c’est rarement le cas : du fait de la compétition bipolaire ayant besoin des confrontations d’appareils et d’argumentaires de combat, il n’est pas de problème, il n’est pas de dossier où, en apparence, ne se heurtent, du moins en public, deux diagnostics et deux propositions de traitements antagonistes. C’est donc à grands frais de heurts répétés, de dépenses d’énergie, d’invectives, de « commedia del arte » auprès des électorats, de caricatures ou de déni de réalités sur lesquels il faut finalement que les uns ou les autres reviennent sans perdre leur face, que chemine l’instruction des affaires et la recherche des solutions nationales bien qu’en définitive, sauf surtout sur des points emblématiques, les doses de facteurs communs de soins à y apporter ne soient pas négligeables. C’est bien à ce titre que nos institutions ont produit un régime qui ne peut pas être , à raison du temps perdu, des incompréhensions travaillées, des divisions et des rancœurs fortifiées, regardé comme un atout pour la France. Au plan interne comme dans ses relations extérieures et dans la relation intime avec l ’Union Européenne (à laquelle nous n’offrons pas toujours aujourd’hui une position nationale suffisamment unie et forte), c’est un facteur de « difficilitation » de la recherche de réponses appropriées et, si possible, consensuelles aux questions du temps.
Ce climat de luttes entre les hommes et les thèses, entre les petites phrases et les complexes mises au point font certes les délices des medias, les nourritures des politologues, les thèmes des universitaires, en bref les satisfactions de ceux qui sont dans des rôles d’observateurs, en même temps que le désarroi de beaucoup de ceux qui sont dans des fonctions d’acteurs : les responsables d’entreprises, les partenaires sociaux, les cadres associatifs et les hommes et femmes du service public dont la mission a toujours été de rechercher et mettre en œuvre des consensus plutôt que de fourbir des armes pour tuer un adversaire politique. L’un des fruits amers de nos institutions est dans ces déchirements qu’on mesure mal en dehors des milieux qui ressentent quotidiennement le poids - et souvent la stérilité - des luttes partisanes. Si c’est à cette aune de sensibilité que l’on peut ressentir notre régime politique, c’est avec encore plus de subjectivité qu’il se trouve habituellement apprécié.
2-B – En effet, les jugements que l’on peut porter sur nos institutions résultent des critères qu’on applique.
Au plan fonctionnel, le régime a satisfait par son apparente (quoique largement fictive) continuité et par sa capacité de résistance à des changements sociétaux, comme par sa faculté d’adaptation à des circonstances historiques nouvelles et à des équations politiques délicates ou inattendues (telles que des majorités étroites ou les cohabitations). Cette plasticité a été fréquemment célébrée par les acteurs et les observateurs pour lesquels le premier critère à satisfaire est celui du bon fonctionnement ininterrompu des institutions.
Au regard de ce souhait, celles-ci ont effectivement permis, pendant plus d’un demi siècle, de dégager des majorités de gouvernement, des stabilités gouvernementales successives. En matière de conduite de sa politique internationale, et de son intégration européenne, la France n’a pas, en général, été, de longues années durant, desservie par sa dyarchie institutionnelle. Dans le respect formel des prérogatives en ce champ des compétences des Présidents de la République et, sur le fond, par une apparente communauté de points de vue européens (qui n’a été qu’un peu effritée dans une période récente), les gouvernants ont la plupart du temps parlé, sinon évidemment d’une seule voix, mais clairement dans un seul sens, dès lors qu’au sein de l’establishment la sédition, à l’occasion du Traité de Maastricht, de Philippe Seguin envers la ligne de F. Mitterrand ( et de J. Chirac..) a fait long feu.
Les institutions transformées de la Vème république ont aussi assuré, par une grande habileté des responsables, la faculté de gouverner de manière réputée plutôt cohérente, même en période de cohabitation, les phases de tensions (par exemple sur l’école et sur les nationalisations et privatisations ayant pu être gérées sans blocage institutionnel) ou par l’effet inattendu de la dissolution décidée par J. Chirac. Il faut dire que le mini « statut de l’opposition » conçu par VGE et accompagné de la transformation du rôle du Conseil Constitutionnel (tant sous l ‘effet de l’ouverture de ses facultés de saisine par soixante parlementaires, que par l’évolution prétorienne de sa jurisprudence l’ayant conduit à passer du simple contrôle formel à un contrôle matériel de constitutionalité référant aux principes généraux du droit de la République) a certainement joué un rôle très appréciable pour déminer des risques de crises, le Conseil apparaissant bien comme étant, en droit, le seul garde fou contre des absolutismes auxquels peuvent porter, par le bénéfice de l’addition des scrutins majoritaires, les évolutions du régime politique.
De l’apogée aux implosions
Ce tempérament n’a pas empêché que le présidentialisme majoritaire ait atteint, avec « l’hyper présidence », une sorte d‘apogée créant , à son tour, tant d’irritations et de contestations, que des inquiétudes sur la cohérence des résultats électoraux - présidentiel et législatif – ont pu porter à craindre que le décalage de quelques jours entre présidentielle et législatives puisse réserver des surprises (d’ailleurs en 2007 le score de la majorité avait été ébréché par rapport au score du président). Il est en effet vrai, dans un système binaire d’apparence présidentialiste, mais où les compétences de gestion appartiennent à la majorité parlementaire, que le pouvoir puisse être sur le fil du rasoir et donc à la merci d’un écart minimal de voix ; ainsi des votations accomplies successivement, d’abord pour la Présidence, et quelques semaines ensuite pour l’Assemblée, pourraient conduire non seulement à un relatif désintérêt pour le scrutin législatif (qu’indiquerait la modeste participation au premier tour 2012, à moins qu’il ne faille en chercher la cause dans une certaine réserve des électeurs à l’égard des appareils des grands partis), mais encore – et c’est en vérité ce qui est redouté par les tenants du régime - à une distorsion entre le choix pour la Présidence et la majorité apparaissant à l’Assemblée. C’est pourquoi il y a eu des interrogations [xxx] sur le point de savoir si les deux votations ne pourraient avoir lieu le
Si de telles hypothèses ne semblent pas aujourd’hui reprises, elles ont notamment fleuri lorsque, semblant à son apogée mais soumis aux incertitudes électorales alors imminentes et à des concurrences internes, le présidentialisme majoritaire est entré dans des frémissements d’implosion qui ont prospéré depuis lors, et qui affectent différemment, mais aussi profondément, les familles de gauche que de droite.
Au sein de cette dernière, il est patent que les fissures ont exprimé non seulement des divergences sur la manière dont conduire la campagne présidentielle, de même que des positionnements pour la succession à la tête de l’UMP et pour la future candidature présidentielle, mais aussi - au delà des rivalités entre les personnes et des divergences éloquentes entre les styles - des préférences idéologiques entre lesquelles il semble bien y avoir place pour des distinctions significatives. Il est ainsi clair qu’une droite un peu BCGG très acquise au modèle libéral tant dans le domaine politique et sociétal que pour l’ordre économique se trouve contestée d’un côté par des inspirations se voulant plus sociales et plus centristes et, d’un autre côté, par une inspiration populiste décomplexée dont la clientèle est en osmose, du moins en matière d’options sociétales, avec celle du F. N.
La Vème république a été un système de regroupement par la contrainte électorale – le vote utile contre l’adversaire historique à éliminer - des forces centrifuges qui habitent chacune des deux grandes traditionnelles sensibilités politiques nationales de l’Ordre et du Mouvement. Mais celles-ci sont-elles encore bien identifiables ? Ou des lignes de clivage ne les déchirent-elles pas plus profondément que leurs composantes ne se sont trouvées jusqu’alors finalement cimentées par leurs aversions partagées ? S’il est une France modérée cherchant ce qui est « raisonnable », trouvera-t-elle vraiment, demain, dans le modèle présidentialiste majoritaire sa clef politique ou - ce à quoi, au fond appelle sans doute le centrisme aujourd’hui solitaire d’un F. Bayrou - ne serait-elle un jour ouverte aux voix qui pourraient bien lui suggérer de faire une conversion …helvétique ?
Dans son article précité, qu’il faut, pour en voir bien le raisonnement, longuement citer, Harold James n’écrit-il pas : L'idée qu'un système politique à deux partis dominants favorise la stabilité n'est applicable que si les principales différences entre eux concernent la redistribution des richesses, conformément à un modèle simple... La gauche veut davantage de redistribution et la droite moins, mais pour attirer les électeurs du centre, l'une et l'autre doivent faire des compromis - au point de se rapprocher jusqu'à se ressembler. Néanmoins, dans un monde globalement interconnecté, se développe une nouvelle manière de faire de la politique. Tant à gauche qu'à droite, certaines franges craignent avant tout que la concurrence ou l'influence étrangère ne vienne limiter leur capacité à façonner les choix politiques. Elles en viennent à privilégier la résistance à ce qu'elles considèrent comme des menaces extérieures. Le vieux clivage gauche-droite n'est plus opérationnel….
… Il existe un meilleur modèle, qui a été expérimenté au cœur géographique de l'Europe dans un contexte de diversité linguistique, culturelle et religieuse : le modèle suisse de “Konkordanzdemokratie”. Dans ce système, plusieurs partis sont en concurrence, mais aucun ne vise à diriger le pays à lui tout seul. Tous les grands partis sont représentés au gouvernement, et sont donc obligés de faire des compromis. C'est parfois la loyauté régionale qui motive les membres du gouvernement fédéral, et à d'autres moments leur engagement idéologique, mais ils doivent négocier avant toute décision.
La solution suisse consistant à élire un gouvernement qui représente l'ensemble de l'échiquier politique tend à générer une politique qui manque d'élan - au point que la Suisse a la réputation d'être un pays dont le président qui change chaque année est un quasi inconnu. Les hommes politiques charismatiques agissent en polarisant, en galvanisant et en mobilisant leurs partisans. Par contre la politique au quotidien nécessite de maintenir profil bas et d'accepter les compromis. Aujourd'hui l'Europe n'a pas tant besoin de dirigeants qui fassent vibrer les foules et suscitent un élan populaire, que de leaders qui forcent le respect et qui soient capables de travailler dans un monde complexe et multidimensionnel.”
Un président « normal » - au demeurant pour un pays comme la France, assez composite sur les plans culturels, ethniques et, en définitive, en matière d’éventail des opinions - ne serait-ce pas ce profil ? Et cette propension à trouver la conciliation plus que d‘exercer un charisme n’est-elle aussi l’esprit dominant qui guide la difficile recherche conduite par un homme tel que F. Hollande ?
L’implosion du présidentialisme majoritaire qui a frappé la droite invite d’autant plus à réfléchir sur le point de savoir si nos institutions restent un atout ou devraient évoluer que l’implosion a dévasté la gauche. Les deux tiers des clientèles populaires (ou de leurs soutiens intellectuels) semblent penser avoir trouvé leur répondant dans le Front National ou, hors majorité gouvernementale, dans des formations de gauche.
Ce sont bien nos institutions qui ont été porteuses d’une stratégie française que les alternances n’ont guère, ni hier, ni aujourd’hui, remise en cause, sauf par des essais aux portées limitées d’approches différentes des politiques de redistribution. Par contre, ni dans la relation fondamentale entre gouvernants et gouvernés – lesquels se ressentent plus administrés qu’associés du fait de l’absence de démocratie directe (pas de recours au référendum - , ni pour ce qui concerne les grands choix de politique commerciale internationale (la question du libre–échange) et de politique monétaire (la question de la banque centrale et de l’euro), il n’y a – comme en attestent successivement l’échec du « sarkozysme », puis l’impopularité du « hollandisme » - de communication satisfaisante entre les pouvoirs et les citoyens ; et ceux-ci sont avant tout très inquiets de perdre leurs repères, leurs emplois, leurs protections sociales vitales et des services publics essentiels.
C’est à ce point que les appréciations des résultats des politiques globales télescopent celles des institutions. On peut toujours expliquer que nos institutions fonctionnent bien, mais ceux qui sont gravement insatisfaits ou pénalisés par le cours des choses et ceux qui partagent les critiques des options faites soutiennent aisément que la vraie question n’est pas la capacité d’un véhicule à faire bien jouer ses réglages et à les éprouver sur différents terrains, mais celle de savoir si ce véhicule – notre République portant la Nation - ne va pas « dans le mur » ou vers des précipices.
3 - Solidarités des problématiques
Il y a donc une solidarité entre les interpellations politiques et les problématiques institutionnelles. Ces interpellations se placent dans deux champs : en général, dans celui de la confiance envers le pouvoir ; et au regard de ses probabilités de résultats en matière économique et sociale. Peut-on penser au premier titre que des réformes institutionnelles sont de nature à produire de la confiance ? Au second titre il faut mesurer comment la « crise » impacte les institutions.
3-A – Peut-on restaurer de la confiance par des modifications institutionnelles?
En dehors des réformes constitutionnelles qui ont les unes assuré la plasticité européenne, les autres fait la toilette du quinquennat, il existe un lot d’hypothèses de réformes en suspens. Celle qui peut le plus concrètement toucher les Français est celle concernant les collectivités locales. Le constat est fondé que la vie des territoires et les enceintes dans lesquelles doivent se traiter des questions concrètes majeures (matériellement, comme les dessertes, les logements, les déchets, etc. ; financièrement, la levée et la péréquation des ressources ; fonctionnellement, l’attribution des responsabilités) ne coïncident plus toujours ni avec les circonscriptions traditionnelles, ni avec les compétences et modes actuels de dévolution et d’exercice du pouvoir en leur sein, si bien que l’orientation d’une décentralisation qui se dessine pour une part « à la carte », en fonction de chaque configuration de circonstances et de préférences, est réaliste et reste républicaine si elle assure l’uniformité des droits des citoyens et l’équité des charges. Elle peut apparemment être faite sans révision du texte constitutionnel lui même puisque celui-ci dispose qu’outre les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer …”toute autre collectivité territoriale (ainsi par exemple un type de regroupement doté d’un jeu de compétences) est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités (précédemment) mentionnées “ et que “ces collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon”. Mais le principe que ces collectivités s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi, par des conseils élus, implique d’écarter toute création de pouvoir local personnel. Dans les précautions il y a aussi celle que des découpages et dotations de compétences ne puissent aboutir à émietter le territoire dans la relation à l’Europe pour laquelle c’est l’État central qui doit rester responsable de tout partage souverain, fut-il local.
La seule vraie révolution serait surtout d’en finir avec la superposition contreproductive coûteuse de la Région et du Département. Pour faire court, aujourd’hui - sous réserve du cas particulier devant faire l’objet d’organisations spéciales de l’Ile de France - il faudrait supprimer les départements et fusionner les compétences (L’Alsace donne un très bon exemple) ; mais une dizaine des Régions sont trop grandes et trop loin des habitants pour pouvoir bien administrer et pour gérer, sans gêne pour les citoyens, les affaires sociales qu’elles ont en charge. Il faudrait donc couper en deux collectivités territoriales « ad hoc » les plus grandes des régions (l’éventuel intérêt de périmètres de réflexion géo politique serait parfaitement satisfait par une concertation légère au niveau des sept zones de défense) et aboutir ainsi à quelque chose de proche du projet de 1947 de M. Debré [xxxi] : une petite quarantaine de circonscriptions d’État et collectivités territoriales maillant rationnellement la métropole. Voilà un type de changement chirurgical urgent aux retombées manifestes d’économies qui donnerait une confiance dans la capacité réformatrice du pouvoir.
Dans l’ordre constitutionnel à proprement parler, il est évident que si elle était possible - et elle le serait à coup sûr, par referendum - une réforme de la composition du Conseil Constitutionnel (jusqu’à y introduire des membres d’une très grande indépendance de pensée) s’impose à raison de la dimension qu’il a prise de Cour Suprême et de l’absolue nécessité que ses décisions paraissent tout à fait impartiales et incontestables à tous les citoyens. Le fonctionnement de la Justice – notamment par ce qu’il emporte comme conséquences sur les libertés et droits des individus – aurait pu être, avec au niveau constitutionnel les questions du Conseil Supérieur de la Magistrature et du statut du Parquet, et au niveau pratique, les très graves questions de l’application des peines et des prisons, un des foyers d’un nouveau pacte entre l’État et les citoyens, mais la manière dont la Chancellerie a été pilotée ne s’y est pas jusqu’alors assez prêtée.
Quant aux autres réformes par lesquelles il serait recherché de la confiance - notamment celles préconisées par le comité Jospin sur le statut du chef de l’État - question plus délicate qu’il n’y paraît d’emblée [xxxii], sur les conflits d’intérêts, etc., elles constituent des matières plus prioritairement passionnantes pour la classe politique que pour le commun des gouvernés, car elles ne sont pas de celles qui sont créatrices de lien social entre ceux-ci et les gouvernants (et même la restriction du cumul des mandats qui a d’autres bonnes raisons d’être souhaitée , ne va pas – tout au contraire - dans le sens de fortifier les occasions de lien social ).
Quand les hypothèses avancées approchent des questions majeures – comme le mode de scrutin en suggérant une petite dose de proportionnelle – elles ne sont que d’une portée marginale; toutefois la proposition de réforme du parrainage pour la candidature présidentielle peut séduire parce qu’elle desserre la censure que les dotés peuvent jouer envers des outsiders. Néanmoins, rien de tout cela n’ira donner grande confiance envers les institutions et les politiques, parce que rien ne touche au cœur du système et c’est au contraire un risque – celui que renaisse toujours l’accusation de la ruse de l’État – que de vouloir trouver des réhabilitations dans d’autres champs que dans ceux où l’on est contesté. Or s’il y a une contestation incontournable, c’est la contestation économique et sociale que n’a pas pu dissiper l’alternance, consubstantielle aux institutions de la Vème République.
3- B– l’impact de l’interpellation économique et sociale
« Indignez- vous !», étant un émouvant appel n’apportant ni explication, ni remède, ce sont d’autres approches plus radicales qui constituent à l’égard de la situation une réelle critique multidimensionnelle que l’on peut schématiser comme suit.
La capacité économique – c’est à, dire celle d’avoir des marchés rentables permettant des activités créatrices d’emplois et des bases fiscales suffisantes pour assurer garanties sociales et services publics corrects – implique effectivement la compétitivité. Or la compétition mondiale est inéluctablement devenue, pour l’essentiel, compétition par les prix dès lors qu’ayant construit leur expansion sur l’export, les économies émergentes - vis à vis desquelles il a été longtemps entretenu l’illusion que les pays développés auraient toujours une avance technologique non transférable – sont devenues aptes, dans la plupart des domaines, à la qualité et à l'innovation. Leurs biens, et souvent leurs services, leurs segments de contribution à des produits « made in the world » font prime par rapport aux nôtres qui sont en décroissance; des emplois massifs s’y localisent tandis que nos emplois « nomades » sont en sursis ; les différentiels de profits font que leurs opportunités offrent les meilleurs taux de rentabilité des placements ; leurs excédents commerciaux dégagent des capacités capitalistiques considérables leur permettant la prise de contrôle progressive des économies occidentales [xxxiii] ; leurs niveaux sociaux et leurs protections environnementales n’évolueront que lentement et d’autres réservoirs de main d’œuvre bon marché sont disponibles. Ces facteurs poussent inexorablement à faire baisser fortement chez nous coûts du travail, garanties sociales, poids des services publics, la plupart du temps par l’outil pratique et idéologique des privatisations. Ces compressions de prix de revient censées assurées la satisfaction des consommateurs (qui sont donc portés à les approuver) favorisent en toute hypothèse l'amélioration des profits de ceux qui sont placés en position de les obtenir, avec pour contrepartie l'augmentation du pourcentage de populations vouées à la pauvreté et au rôle de volant d’ajustement par le chômage.
L’impact politique est que ces pourcentages restent toutefois insuffisants pour pouvoir déclencher, lors des consultations électorales, des renversements sociaux et de stratégie économique d’autant qu’une part des marginalisés est captée par l’offre frontiste associée à des thèmes traditionnellement anti immigrés et anti assistés qui font fortune à la faveur des « crispations » de la société française [xxxiv] . De la sorte par la porosité des corps électoraux du Front National et de l'UMP, «une droite populaire » prend en écharpe toute une clientèle. Si on y ajoute les opposants d’autres inspirations, à tort ou à raison, une majorité vraisemblable de la population française - comme de son côté l’a exprimé en créant une part de « chienlit », l’électorat italien - récuse l’économiquement et le politiquement correct qui ont été traditionnellement de pair [xxxv]. Cette majorité négative est bien prête à entendre ceux qui lui disent que la concurrence internationale forcenée entre pays de compétitivités très différentes est la cause profonde de la récession de l’Occident où apparaît une société dont les traits sont à l’inverse de l’espoir qui a fait fonctionner notre civilisation depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Or la gestion socialiste trouve difficilement conciliation entre efficacité et justice tandis que, d’une part, la protection des plus faibles, d’autre part, la nécessité de ménager les intérêts des porteurs de développement, sembleraient faire concentrer les efforts demandés sur les classes intermédiaires. « L’austérité » est prise à partie non seulement par une gauche tribunicienne et par de petites formations [xxxvi] qui se situent aux antipodes sur l’échiquier politique, tout en partagent l’appel à la Nation comme levier de restauration des valeurs et des moyens de satisfaction, mais, de plus, par un nombre significatif [xxxvii] de personnalités et d’ « experts ». Ceux-ci donnent chacun comme à tisser des pans d’un corpus de préconisations « hors des clous » : révision du libre échange dans le sens de la création d’espaces économiques mieux protégés contre la prédation par les prix et cherchant des accords de réciprocité entre pays complémentaires; au delà des disciplines prudentielles bancaires, maîtrise des emplois et mouvements opaques à court terme de capitaux ; dans le refus d’une devise forte qui sert les seuls intérêts des dominants de l’euro, retraitement, au regard du passé, de certains endettements souverains en acceptant, pour soulager les peuples gravement débiteurs, une part de défaut ; et , au regard de l’avenir – pour la part où du déficit des finances publiques serait utile, ou pour assurer le sauvetage d’un service public vital, ou encore pour aider à des prises de participations - possibilités de recours direct des États, devant être moins soumis aux pressions des marchés, à une banque centrale (comme en disposent Etats Unis et Grande Bretagne), en acceptant plus d’inflation (avec effets dispersés réducteurs de revenus sauf pour les minima sociaux) et dépréciation monétaire bienvenue.
Ces pistes[xxxviii] sont regardées comme diaboliques – ouvrant la boite de Pandore - parce qu’elles peuvent créer de la défiance financière accroissant les difficultés, miner l’euro, compromettre le fonctionnement de l’économie de marché dont le carburant est l’inégalité. C’est dire qu’elles ont, toutes choses égales, très peu de chances d’inspirer la gestion en cours ou une gestion alternative. Aujourd’hui, il y a certes des tensions au sein des socialistes : certains pour permettre plus de justice voudraient obtenir quelque changement de stratégie économique européenne et se demandent si c’est vraiment hors de portée, alors qu’on n’a pas vraiment essayé de faire bouger les lignes. Il y a-t-il trop de risques à le tenter ? Que peut-il advenir si aucun gouvernement, aussi bien intentionné ait-il été, ne se démarque pas sensiblement sur le fond des politiques précédentes? Le plus vraisemblable - compte tenu de l’impopularité du pouvoir et de l’absence d’une troisième offre solide - est que l’autre camp revienne aux affaires sans doute sous le leadership désormais attendu de l’ancien Président. Alors que ce ne pourrait être qu’avec le soutien d’une mobilisation populaire droitière, on ne saurait attendre - bien que la porosité entre l'électorat UMP et FN aille de pair avec d’importantes divergences sur « la mondialisation »[xxxix] (mais ne suffirait-il de donner au second des gages contre ses bêtes noires ?) - que celui qui réussirait ce retour cesse d’être attaché à « restaurer le capitalisme », et remette en cause une stratégie considérée comme dure pour les faibles et les migrants et complaisante pour les installés et les puissants.
Il ne pourrait s’ouvrir de variante significative de stratégie française que si le fonctionnement des institutions autorisait un peu mieux l’expression et l’influence d’autres convictions que celle, à travers le poids des deux partis de gouvernement, du conformisme européen et libéral conquérant qui s’étend à l’économie comme aux questions sociétales [xl]. Toute la question est dès lors de savoir si notre régime constitutionnel pourrait favoriser la venue d’une équation ayant des chances de conduire, non plus au choix fermé d’un modèle économique et intellectuel, mais, au moins, à des facultés d’ouvertures et de dosages.
Quelle logique pourrait inspirer un dépassement de notre régime politique ?
Ce ne serait possible qu’en avançant vers un cas de figure permettant de gérer selon la réalité et la conviction que - sauf circonstances tout à fait exceptionnelles – gouverner ce n’est pas choisir entre des affichages opposés et des options radicales, mais c’est savoir doser et savoir le faire accepter. Voilà qui requiert la mise en service de l’une des trois hypothèses suivantes : soit celle d’un régime parlementaire classique permettant des influences croisées; soit celle d’un régime « helvétisé », ce qui correspondrait à une vision très transformée de la société ; soit celle d’un régime présidentiel à pouvoirs séparés plus favorable au pluralisme que le régime majoritaire présidentialiste.
Pour notre part nous ne pouvons pas croire à la première hypothèse non seulement parce que, dans la pratique, ses différentes versions possibles dépendraient en fait des modes de scrutin, mais, d’entrée de jeu, parce qu’on ne voit pas comment pourrait venir une propension populaire en ce sens: il s’est implanté depuis plus d’un demi siècle un système de choix personnalisé par le suffrage universel d’un Président de la république selon des rites collectifs qui ont sans doute trop mobilisé les Français pour - alors même qu’ils sont insatisfaits des résultats qui en découlent - qu’ils y renoncent aisément. En conséquence, il faut sans doute leur offrir soit un changement total de système qui puisse les étonner en leur donnant l’espoir d’un complet aggiornamento, soit une forme de continuité dans l’acte majeur de se choisir, toujours par le suffrage universel, un pilote national, mais en accompagnant cette continuité du mode de sélection de l’exécutif d’un contexte institutionnel transformé apportant des facultés de pluralisme compatibles avec la garantie de stabilité de cet exécutif.
Le changement radical de système - qui signerait de fait une mutation de société dans le sens duquel la communauté des Français (plus encore composite que déchirée de manière cardinale) mûrit sans doute, mais très lentement - serait le passage à un modèle de type helvétique (ce qui devrait d’ailleurs retenir l’intérêt autant comme un choix de ligne de conduite économique internationale que comme option de gouvernance nationale). Le bond à accomplir serait tel qu’il est prématuré de chercher à faire ici une analyse constitutionnelle des voies et termes d’un tel changement ; on doit néanmoins constater plusieurs points faisant que cette hypothèse est plus créatrice que celle d’une formule démocratique parlementaire classique : au plan de la construction juridique, au lieu de comporter les aléas du régime parlementaire, c’est un véritable régime d’équilibre entre les pouvoirs incluant de la démocratie directe ; au niveau du vécu, n’est-ce un système global où le sens des besoins nationaux permet, au prix d’un technocratisme modéré, contrôlé par le referendum, d’obliger à des synthèses d’intérêts ?
Dans un autre sens, si l’on croît plutôt en la vraisemblance d’une apparence de continuité par l’élection au suffrage universel d’un chef de l’État personnellement doté de pouvoirs significatifs - sans qu’il y ait pour autant, ni effacement du Parlement, ni concentration des pouvoirs au bénéfice d‘un même camp provisoirement triomphant - la voie logique et équilibrée serait de passer, un jour, à un véritable « régime présidentiel » de pouvoirs séparés, mais obligés de collaborer. En ayant pour exécutif unifié un Président de la République – devant exprimer l’unité de la nation - ce serait le seul modèle compatible avec - pour exprimer le pluralisme de la société - l’élection de l’Assemblée à la représentation proportionnelle. En effet, s’il est vrai qu’un passage à ce mode de scrutin serait déraisonnable en ce qu’il conduirait à l’instabilité gouvernementale - en fait inconcevable dans tout régime politique, et au premier chef, dans celui qui est actuellement le nôtre, comportant la responsabilité de l’exécutif devant un corps délibératif qui serait élu de la sorte - ce qui est réputé comme les autres inconvénients de la RP (pour autant que quelques précautions soient prises dans ses modalités) ne résiste pas à une analyse nuancée [xli] . Tout à l’inverse, dès lors que par une construction constitutionnelle de pouvoirs séparés, l’exécutif serait à l’abri de la défiance et le délibératif à l’abri de la dissolution, la RP a des avantages majeurs : elle porte à la probité de représenter la diversité citoyenne [xlii]; elle incite à un niveau élevé de participation en ne contraignant plus les électeurs à faire au second tour des choix forcés qui peuvent leur répugner au point de leur faire préférer l’abstention si bien que ce mode de scrutin est une voie de réconciliation entre la politique et les citoyens; il oblige à la lucidité de mesurer toutes les oppositions sans mettre entre parenthèse ( et faire ainsi prospérer dans les esprits, les blogs et la rue) les plus hétérodoxes d’entre elles grâce à cette déformation récurrente de la représentation que permet le scrutin majoritaire ; il préserve les potentialités de faire gouverner par rapprochements plutôt que par affrontements. Il faut bien concevoir la RP comme devant remplir deux fonctions : d’une part éviter de laminer des courants échappant à la bipolarisation et/ou à l’influence des grands partis ; d’autre part concourir à une culture de convergences pouvant permettre à des formations en concurrence d’aller à certaines majorités d’idées, voire à des alliances de gestion[xliii]. L’absence de bloc de majorité qui en résulterait est en effet souhaitable pour obliger enfin les diverses formations non extrémistes à des recherches de convergences pour le vote des lois et des budgets en trouvant des lignes d’accord avec la Présidence. Néanmoins, on ne saurait exclure des risques de blocage en cas de conflits entre les pouvoirs, bien illustrés par les États Unis dont la structure limite pourtant ces bras de fer au champ des compétences fédérales tandis que ces risques pourraient être plus importants dans un État unitaire comme la France. Référer à l’exemple américain de séparation des pouvoirs signifie qu’il ne saurait être simplement translaté, mais qu’il faut prévoir comment résoudre des situations de graves divergences entre les pouvoirs : dans ce cas , il est évident qu’il faudrait stipuler que chacun d’entre eux puisse déclencher un referendum d’arbitrage [xliv]. On voit que malgré les slogans, la RP ne serait pas “retour à la quatrième république” parce que le seul contexte où l’on peut raisonnablement l’imaginer doit comporter de garantir la stabilité de l’exécutif et la solution des hypothèses de blocage. Par la combinaison de deux mécanismes de votation faisant droit et respect aux électorats (la RP et le referendum), on devrait obtenir une relation transformée entre gouvernants et gouvernés - qui se verraient moins mal tous ouvrir quelque chance de prise en compte - en cessant d’exclure d’emblée ceux qui éprouvent aujourd’hui un complexe sentiment de relégation politique, sociale et parfois, territoriale. Pour résoudre la quadrature du cercle d’avoir donc tout ensemble unité et diversité, stabilité du pouvoir et, le cas échéant, arbitrage entre les pouvoirs, il n’est, à nos yeux qu’une équation constitutionnelle rationnelle - un Régime Présidentiel assorti de Représentation Proportionnelle et d’une possibilité de Referendum Provoqué en tant que de besoin : (RP+RP+RP) - que l’on baptisera RP3.
Aucune de ces perspectives n’étant aujourd’hui inscrites à une quelconque horloge politique, il faut conclure, avec scepticisme et angoisse pour l’avenir, que nos institutions sont un atout pour la France s’il s’agit de maintenir celle-ci sur son rail. Pour ceux qui pensent que nos dirigeants doivent apprendre à faire évoluer leur mode de relations avec les gouvernés et leur raisonnement économique, nos institutions sont plutôt à regarder comme le premier handicap interdisant ces renouvellements.
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