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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 17:44

 

Cet article a été publié par la Revue Politique et Parlementaire  N° 1066,  de Janvier mars avril 2013  

 

 

Cette question est du type de celles ayant inspiré, des décennies durant,  les dissertations demandées aux étudiants de droit public. Les corrigés conformistes proposaient des réponses portant à une sage balance « avantages/inconvénients » : comme si ce n'était pas la relativité temporelle, les subjectivités intéressées et la crédibilité d'éventuelles institutions de rechange qui gouvernaient les différentes appréciations possibles, voire antagonistes,  de nos institutions.

 

La relativité, c'est qu'il n'y a pas d'institutions valables en toutes circonstances et pour tous les temps. « Pour quel peuple et à quelle époque ?» demandait Solon aux Grecs qui l'interrogeaient pour connaître la bonne Constitution. Ainsi, il y a eu un moment historique incontestable où la Constitution initiale de 1958 a été l'un des leviers du redressement français de l'époque. Ces institutions furent néanmoins longuement contestées non seulement par de nombreuses prises de positions de la doctrine du droit public, mais par les pamphlets du temps; ni les unes, ni les autres n’empêchèrent leurs propres rédacteurs - arrivés à la tête du pouvoir ou au nombre de ses proches serviteurs - de se glisser tout à fait opportunément dans cet appareil qui est devenu la tenue de service et, à peu d’aménagements près,  l’armement de tous dans la compétition bipolaire. C’est bien ce dont attesta le constat d’ouverture (page 11) de la commission Balladur sur la base duquel celle-ci écarte l'hypothèse d'un passage à un régime présidentiel,  les membres du comité estimant « qu’il faudrait alors ….développer une culture de compromis qui n’est pas toujours conforme aux traditions politiques de notre pays »  et relevant qu’ «aucune des principales forces politiques n’est favorable à un tel régime… ».

 

Le modèle présidentiel - dans une France redoutant alors un Mac Mahon , et toujours sans doute aujourd’hui prévenue à l’encontre de la formule -  ce n’était certes pas celui qu’avait institué le choix du Général, amendé par la technicité de Michel Debré et tenu de respecter les termes de la loi d’habilitation de juin 1958 (exigeant que le régime assure la responsabilité du gouvernement devant le délibératif) ; néanmoins ce choix de 1958 emportait des éléments de structure et de fonctionnement institutionnels faisant place à une part réelle de séparation des pouvoirs, ce qui est la principale protection des gouvernés contre le pouvoir d’un seul. Or, on s’est de plus en plus écarté de ce qui donnait un caractère très singulier (et déconcertant beaucoup) aux institutions d’origine, pour installer de fait un régime beaucoup plus déséquilibré : celui qui règne dès lors qu’il y a double majorité conduisant à un risque réel de « démocratie absolue ». C’est ce  régime « majoritaire présidentialiste » (celui  dont il faut se demander s’il est un atout ou un handicap pour la France) qui a été validé par ce que j’ai nommé dans cette revue[i]« la toilette Lang/Sarkozy (intéressante à différents titres), mais ne mettant nullement en cause la logique du système  qui est le résultat d’un régime politique si glissant d'un modèle à un autre qu'on n'a plus du tout à faire aux mêmes institutions qu’à l’origine.

 

Celles d’aujourd’hui sont d'ailleurs appréciées de manière tout à fait subjective : selon les différents intérêts partisans des forces politiques en présence. Les jugements portés sur nos institutions (et c’est en ce sens que celles-ci sont pleinement la matrice d’un « régime de partis » à l’inverse de la conception gaullienne) semblent bien directement inspirés par l'estimation des chances que ce régime politique donne à telle ou telle formation de venir aux affaires ou selon le constat que l’alternance l’en  exclue ou la marginalise. Ainsi si vous appartenez aux familles dont les réseaux ont une chance d’aller au pouvoir, vous considérerez certainement que nos institutions sont un atout pour la France ; si vous appartenez à un courant de réflexion ou à une formation politique qui n'a (compte tenu, au premier chef, des scrutins majoritaires qui nous gouvernent)  guère de chance de faire le poids, vous considérerez vraisemblablement que ces institutions sont un handicap pour notre pays.

 

La crédibilité que chacun, de sa fenêtre,  leur confère est donc totalement contingente en fonction de l'accessibilité qu'elles donnent ou non à tel ou tel d'entrer au nombre des gouvernants.

Cette  crédibilité est aussi à l'inverse de celle que l'on peut accorder à divers systèmes de rechange qui sont de temps à autre évoqués  (tels que le passage à un régime parlementaire plus marqué dans le cadre de ce que serait un contrat de législature [ii]; ou que le passage à un véritable régime présidentiel [iii]au sens constitutionnel exact du terme,  c’est à dire constitué de pouvoirs séparés obligés à coopérer, ou qu’un basculement complet vers une autre nature de pouvoir, par exemple de type helvétique [iv]). Or , aussi bien le dessein précis que pourraient revêtir en France de tels régimes,  que les voies politiques à la faveur desquelles ils pourraient se substituer au régime en vigueur sont tellement peu explicités et tellement peu discernables (sauf - puisqu'il a été évident que les circonstances des consultations électorales présidentielles ne suffisaient pas à renouveler l'offre institutionnelle  - crise nationale majeure entraînant un spasme collectif exigeant un saut d’imagination créatrice) que c'est l’incrédibilité de tout régime de rechange qui donne – en quelque sorte par défaut – sa crédibilité au régime existant.

 

À la confluence de l’évolution française vers la concentration des pouvoirs  et de l’institution de la co-souveraineté européenne, nos institutions ont produit un puissant présidentialisme majoritaire paradoxalement doté d’une capacité nationale restreinte (I). Autant cette constatation semble pouvoir être partagée, autant  la réponse à la  question de savoir si les effets de ce dispositif constituent un atout ou un handicap pour la France dépend des critères que l’on privilégie pour en juger (II).  En définitive, on constate qu’il y a solidarité (III) entre trois facteurs : l’appréciation que l’on porte  sur les moyens de rechercher la confiance ; le modèle de stratégie que l’on croît appropriée pour faire face au monde concurrentiel contemporain ;  la marge et des matières que l’on croit ou non ouvertes à des démarches de réformes constitutionnelles.

 

 

1 – La confluence déterminante est celle qui s’est établie entre l’impact constitutionnel des compétences interétatiques européennes et le présidentialisme majoritaire français.

 

1-A –L’impact constitutionnel  des compétences interétatiques  européennes

 

Le seul rappel de l’évolution française donnerait l’illusion  de faire croire à la continuité du pouvoir exécutif dans la fonction de déterminer et de conduire la politique de la Nation s’il n’était marqué en fronton de ces développements que, depuis vingt ans, le changement majeur de Constitution – tient, comme le traduit la rédaction du Titre XV de celle-ci – à l’introduction au sommet de notre hiérarchie des normes non seulement du droit fondamental européen, mais aussi des contraintes du droit dérivé : les objectifs des directives s’imposent au législateur [v] ,  en ce triple sens qu’ils ne peuvent être écartés par abstention de transposition, que des dispositions contraires en vigueur ne sauraient leur être opposables et que les textes de transposition doivent les respecter. La borne fut un moment dans le concept formé en 2004/06 par le Conseil Constitutionnel  que le droit « communautaire » ne primait sur le droit national que dans la mesure où il n'est pas contraire à un « principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France »…[vi] « sauf à ce que le constituant y ait consenti » (ce qui nous paraît  un parallèle à l’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe [vii] rendu à l’occasion de la ratification du traité de Lisbonne, sur la portée de l’engagement européen au regard de la loi fondamentale allemande). Quant au consentement, il a été  politiquement obtenu par des révisions faites en tant que de besoin : la Constitution a été modifiée autant de fois que nécessaire pour permettre l’adoption des Traités et notamment de celui de Lisbonne du 13 décembre 2007, ces processus pouvant porter à considérer qu’il n’y a plus, d’un, côté une constitution française, de l’autre un corps de textes européens, mais, selon la juriste A. Marie Le Pourhiet [viii],   une “relation fusionnelle”

 

Cette intégration a été si loin que le 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a pu juger que le TSCG pouvait entrer dans le droit national sans que soit indispensable une réforme de la Constitution, mais (ce qui évitait opportunément  au pouvoir en place d’avoir besoin de votes de l’opposition)  par la voie de la loi organique. Or,  si le traité considéré, d’une part,  en exigeant, en matière de finances publiques consolidées de l’État, des régimes sociaux, des collectivités locales, des engagements quantitatifs plus sévères [ix] n’appelle pas de ce fait une modification constitutionnelle puisqu’il s’agit de la déclinaison  d’un principe déjà acquis, d’un autre côté ce TSCG comporte surtout, notamment par son  article 3, un dispositif de correction automatique si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif arrêté. Néanmoins, malgré de très fortes analyses en sens inverse[x], au vu de la fine prise en compte littérale de la dernière rédaction[xi] du projet de TSCG, le Conseil Constitutionnel a fait une lecture alternative de l’obligation que s’est donnée la France [xii] excluant, dans l’une des voies possibles (celle de l’interprétation retenue) tout automatisme qui méconnaîtrait les compétences parlementaires. Très critiquée par les « souverainistes » qui dénoncent un « souverainisme européen », cette décision nous paraît mériter au contraire une mention en ce  qu’elle peut protéger la France de l’application  automatique de mesures structurelles de «redressement » dont elle n’aurait pas, elle-même, décidé.

 

Néanmoins, sur la base de l’appréciation de la portée l’article 8 ([xiii]) ;   la question qui semble, au vu de considérations en sens différents[xiv], rester en attente d’une incontestable réponse, est celle de savoir qui détiendra l’autorité ultime de contrôle. Dans l’acception française – celle du Conseil Constitutionnel – c’est lui-même qui serait fondé à sanctionner des dispositions de loi qui emporteraient dépenses publiques et sociales méconnaissant les effets de la « règle d’or » ; mais, pour autant, et alors que les observations des autorités européennes n’auraient pas été suffisamment prises en compte,  rien ne paraît interdire à un tiers non national de se porter devant la cour de Justice de l’U.E. Dans ce cas – selon un certain parallélisme avec l’institution jurisprudentielle d’un pouvoir de  dire les droits fondamentaux par la CEDH avec la portée de s’imposer aux droits nationaux  - un véritable pouvoir de sanction juridique d’actes législatifs budgétaires français reviendrait, au delà des contrôles normatifs et ponctuels qu’elle exerce déjà aujourd’hui, à la Cour de Justice de l’Union. 

  

 

Plus prégnant que les conclusions possibles des  subtilités des débats juridiques est le ressenti politique de la relation fusionnelle avec l’UE et avec la Zone Euro.


C’est qu’aux yeux de nombreux critiques, le problème démocratique est le problème majeur. Déjà dans les années cinquante, en précurseur gaulliste,   un homme politique et juriste bien raisonnable,  Léo Hamon,  s’en inquiétait [xv]avec une grande prescience.  Selon lui, alors, le processus européen se faisait non seulement au mépris de la souveraineté de la France menaçant ainsi sa survie, mais aussi… parce qu'il apparaît qu'elle compromettait la démocratie de deux manières : « dans le principe parce que l'histoire prouve qu’il n’y a eu de naissance de la démocratie que dans les nations qui s'éprouvaient fortement comme telles, (et) dans la pratique, (…) la démocratie impliquant que les citoyens se prononcent sur les règles qui les intéressent par les représentants qu'ils ont choisi », ce qui n'est pas le cas avec la communauté européenne, dans laquelle « les règles pleuvent, venant d'un aéroplane bruxellois dans lequel les fonctionnaires ont fait serment de se détacher de leurs préoccupations nationales» et où «le transfert des compétences nationales à la communauté, c’est ou bien le transfert d'une responsabilité des élus à des fonctionnaires, ou bien le transfert d'Assemblées délibérant publiquement à des hommes délibérant individuellement ».

 

Certes les choix européens sont réalisés par des instances qui incluent les délégués de la souveraineté française, si bien qu’il y a, en quelque sorte,  une traçabilité de la légitimité démocratique qui rend nos gouvernants théoriquement responsables, mais selon une responsabilité qui, de fait, ne peut pas être mise en œuvre. En effet, les deux périmètres - celui d’une part dans lequel il y a dévolution et sanction du pouvoir et celui d’autre part  dans lequel il y a définition des politiques économique et monétaire et désormais contrôle budgétaire décisif du pouvoir économique et social  emportant des conséquences quasi obligatoires de toute nature - ne coïncident pas. De plus,  le second cercle dominant n’est basé sur aucune construction fédérale, mais sur une coopération  interétatique pouvant néanmoins être dispensée dans des matières capitales (commerce extérieur, monnaie, politique budgétaire) de la règle d’unanimité; ce  second cercle est celui soit de l’UE, soit de la Zone euro. Le premier cercle dans lequel se déroule le choix de gouvernants pouvant être sanctionnés par une  non reconduction aux affaires est le cercle national ; mais   même la mise en cause de la responsabilité politique globale au sein  de ce premier cercle ne peut guère retentir sur l’exercice des compétences du second.

 

L’effet d’évasion de responsabilités que permet la co-souveraineté tient à cette gouvernance sans fédéralisme qui autorise une prestidigitation faisant  s’évanouir l’évènement politique : parce que les dates électorales ne coïncident pas dans les différents pays, parce qu’il y a segmentation des consultations, parce qu’il n’y a pas de scrutin européen unitaire décisif « at large » pour exprimer l’ensemble des citoyens de l’Union, pas de Parlement aux pouvoirs suffisants bien qu’aujourd’hui amplifiés pour les  relayer, pas de construction crédible en ce sens dès lors que l’Union a pris des dimensions incompatibles avec l’intégration politique et que la zone euro ne s’y prête pas plus à raison de sa profonde hétérogénéité, un changement politique national est absorbé sans conséquence importante.   Le fait qu’un homme (et sa majorité législative)  soit élu par la nation  avec un évident mandat de changer de ligne stratégique ne peut guère emporter de changements dès lors que les choix et les appuis de son prédécesseur restent dominants et  opérationnels dans le collège supra national exerçant le pouvoir de décision. Certes, la réplique pourrait être dans - sinon , comme le conseille E. Todd,  la menace de sortie - du moins dans l’hypothèse de « la chaise vide » pour obliger les partenaires à négocier ; mais les pressions sont toujours trop fortes dès lors que la dérégulation mondiale des mouvements de capitaux et les marchés des emprunts entretiennent des risques financiers qui sont insoutenables pour un État qui n’a plus de Banque centrale propre vers laquelle il pourrait se retourner pour obtenir les moyens de passer des caps de tension. La construction de cette infirmité monétaire a réalisé la clef de notre dépendance. Même en cas de profond désaccord, un partenaire ne peut plus sortir du cercle supérieur européen qui l’habilite et le contraint en même temps. Les diplomates se plaisent à voir dans l’Europe (bien qu’ils ne sachent pas toujours laquelle)  un club obligatoire.

 

En bref – c’est une banalité, mais il fallait la rappeler - il n’ y a pratiquement plus d’appel national possible des politiques déléguées au niveau supra national. Tel est le changement irréversible qui relativise ce qui s’est passé à l’échelon national. 

 

 

 

1-B _ - Le présidentialisme majoritaire français

 

Ce que sont aujourd'hui nos institutions est fait non seulement du point mécanique de leur évolution, mais aussi d’une référence mythique au « fait  présidentiel » absorbant la vie institutionnelle, ce qui fait prospérer la confusion des pouvoirs et fortifie l’image de leur personnalisation. La confusion apparaît dès lors que le Président est conforté, voire tenu, par une formation qui s’en réclame  et qui est majoritaire à l’Assemblée ; c’est ce qui est mécaniquement obtenu en 1962 ; l’équation se confirme timidement en 1967, encore que  la majorité tient alors à un fil (centriste). Les événements de 1968 conduisent en 1969 à la forte domination pompidolienne au sein de laquelle se combattent néanmoins les tenants de la « nouvelle société » et les professionnels du réalisme politique ; ceux-ci choisissent VGE parce qu’il a le plus de chances de gagner. Ce qu’apporte sa victoire ne satisfait pas ceux qui sont tout autant allergiques au souffle de la libéralisation politique que réservés au regard d’une orientation économique de type nouveau par rapport à ce qui a prévalu dans la France d’après guerre. La droite d’inspiration gaulliste, de sensibilité à la fois conservatrice et sociale, ainsi que de tradition étatiste récuse ce qui voudrait s’inspirer de l’école libérale dont  bien des aspects mettent déjà en cause des situations traditionnellement protégées et des habitudes de gestion publique. Les tensions entre ces deux composantes des droites, fragilement alliées entre 1974 et 1981, favorisent le succès de F. Mitterrand. C’est si clairement un modèle idéal et commode que celui d’une double majorité que le nouveau chef de l’État le consolide immédiatement par la dissolution de l’Assemblée (il recommencera en 1988), ce qui produit, après « l’État RPR », « l’État mitterrandien». « Le roman de la Cinquième République, à l’aube du démo-despotisme »- selon les formules du professeur R. Cubertafond [xvi] - entre dans le chapitre des alternances.

 

Lorsque majorités de l’Assemblée et du Président ne se superposent pas (entre  1986 et 1988 ; entre 1993 et 1995 ; entre 1997 et 2002), les « grandes alternances » laissent place aux « petites alternances  qui sont accompagnées  des obligations de cohabitation résultant du déphasage  des élections législatives et présidentielles.La logique de la bipolarisation, comme la commodité de la gestion  – par l’écrasement du camp rival, le but du jeu est obtenir le grand schlem de concentrer tous les pouvoirs  –portent les partis de gouvernement à s’entendre pour exclure le cas de figure de la cohabitation en mettant en œuvre la recette du doyen Vedel: "la simple institution du quinquennat... assortie d'une synchronisation de l'élection du président et de celle des députés... donnerait 90 % de chances d'harmonie entre l'Élysée et le Palais-Bourbon et donc avec Matignon, et retrouveraient les structures de pouvoir obtenus ailleurs par les mécanismes du régime parlementaire... Il est donc possible à peu de frais politique, sans se lancer dans l'entreprise hasardeuse du régime présidentiel, de garder les acquis du présidentialisme majoritaire tout en en corrigeant les défauts ». Il faut de ce propos retenir d’essentiel la chose suivante : des régimes de logiques apparentes opposées peuvent être conçus et gérés – du fait des dates et modes de scrutin – pour  avoir le même résultat : un bloc compact de pouvoir. Des régimes chacun spécifiquement qualifiés, souvent comme à l’opposé,  par la doctrine universitaire et ressentis ainsi par l’opinion aboutissent alors à des modes de choix des gouvernants quasiment identiques.

 

Des régimes concrètement très comparables existent ainsi sous des dénominations bien différentes. Au delà des classements traditionnels et de leur infirmité à expliquer toutes les réalités, la typologie des régimes occulte la réalité des systèmes. Ceux-ci sont de deux natures : un système de répartition des pouvoirs; un système de concentration des pouvoirs et la vraie question est de savoir ce qui est préférable.

 

Adopter le régime parlementaire, avec de ce fait élection simultanée du délibératif et du patron du parti vainqueur comme chef de l’exécutif, ne ferait pas grande différence avec des élections législatives succédant immédiatement à une présidentielle. Qu’on élise directement (régime français) ou indirectement (régimes parlementaires allemand et britannique),  l’exécutif suprême national,  c’est la division d’un pays entre deux camps dominants qui prévaut sur la typologie classique, et cette division est  elle-même, du moins en France,  le simple  produit du mode de scrutin. Chez nos voisins, l’automaticité n’existe pas au niveau de « perfection » de la France : il peut y avoir - du fait, soit de la proportionnelle allemande, soit du scrutin majoritaire à un  seul tour au Royaume Uni -  des résultats électoraux parfois segmentés (ce qui est quasiment exclu désormais  en France) des incertitudes et des besoins de coalitions non prédéterminées.

 

La quintessence du régime parlementaire illustré par le cas britannique est que le chef du parti vainqueur devienne le Premier Ministre. Mais il faut alors que le chef de l’exécutif - que ce soit le PM dans un régime de type britannique ou le PR dans le régime français ne cesse d’être regardé par les siens comme le chef reconnu du parti aux affaires. Avec Pompidou (appliquant comme PR la même tactique que comme PM),  la Vème  République a commencé à basculer vers une pratique britannique dans laquelle le chef de l’exécutif ne gouverne et ne tient à ce poste que par la relation étroite qu’il entretient avec au sein de l’Assemblée ses soutiens parlementaires. « Que cette relation viennent à se  détériorer et son sort est scellé : Margaret Thatcher et Tony Blair n’ont pas été renversés par le Parlement mais par leur parti respectif qui ne leur faisait plus confiance pour les conduire à la victoire »[xvii]. Du fait d’un même type de défiance (d’abord, en tant que PM, « il nous fait perdre des voix », ensuite en tant que candidat « il ne pourra pas gagner »), Chaban fut écarté de la chance d’un plus grand destin que celui qui fut le sien. En deux temps :  d’abord par un PR exprimant - malgré le vote de confiance qu’avait obtenu le promoteur d’une « nouvelle société»  en narguant ainsi « la présidence » - l’opinion profonde d’une majorité conservatrice ; ensuite, lors de la campagne présidentielle de 1974, au profit de VGE,  par la frange la plus combative de la majorité droitière emmenée par J. Chirac.  Aujourd’hui le chef de l’État français est issu du contrôle que comme candidat il prend sur l’un des deux grands partis dominants et qu’il doit conserver si bien qu’une grande part de son énergie et de son habileté se consomme dans la neutralisation des compétiteurs internes (ainsi, pour N. Sarkozy, en face du président du groupe parlementaire et du secrétaire général du mouvement, ainsi pour F. Hollande envers d’autres candidats des primaires).

 

Ce modèle est l’inverse de la conception gaullienne  selon laquelle le chef de l’Etat doit être au dessus des partis. On voit bien dès lors comment la réforme inspirée par Vedel, décidée en 2000, par un référendum ayant recueilli un très petit taux de participation attestant que les Français n’avaient pas compris l’enjeu et donc laissé l’emporter la minorité ayant exprimé la conviction qu’il faut que “ça coïncide”, réalise, lorsqu’elle est  mise en œuvre aux élections de 2002 et 2007, un nouveau régime politique  sur lequel ne peut que, fin 2011,  se casser les dents une proposition du rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts qui eut, de manière saugrenue, rendues incompatibles les fonctions de chef de parti et de membre du gouvernement. F. Fillon s’était honnêtement étonné "On va regarder avec les parlementaires les propositions qu'on retient dans un projet de loi. Il y en a une assez curieuse, qui consisterait à interdire à un membre du gouvernement d’être responsable d'un parti politique. C'est juste le contraire de la démocratie. Je fais remarquer que dans toutes les démocraties modernes, qui sont des démocraties parlementaires, les ministres sont d'abord des responsables de partis et en général le Premier ministre est même le président de son parti. C'est une proposition qui m'étonne un peu, qui a une sorte de connotation technocratique qui vous fait comprendre que je n'ai pas l'intention de la retenir. »

 

 De plus, le régime politique français en vigueur va plus loin que les autres « démocraties modernes » parce qu’il jumelle cette origine partisane d’un PM et la même origine partisane  d’un PR aux pouvoirs considérables. Son caractère capital est d’additionner le parlementarisme majoritaire le plus influent et le présidentialisme le mieux outillé. Après  la longue rivalité pour le grand schelem ayant tendu la cohabitation Chirac/Jospin, le régime semble alors bien  s’être simplifié à l’extrême. Les résultats de la consultation de 2002 étaient attendus comme un cas d’exercice du modèle préconisé par le doyen Vedel pour assurer la superposition des inspirations présidentielle et législative. Le tremblement de terre aussi systémique  que politique fut que la consciencieuse, mais impuissante, gestion de L. Jospin  avait tant déçu les Français que le F.N. vint, en emportant la seconde place, rompre le duel « institutionnel » droite/gauche. Et puis, il y eut trois « répliques » : la secousse si forte que subit l’électorat de gauche qu’il apporta  au candidat de  la droite  républicaine de quoi l’emporter dans des conditions jamais vues ; ensuite une petite vague suffisante pour finir de sanctionner la gauche et qui porte alors  la même droite à la victoire législative en donnant prise à celle-ci sur le président lui-même  ;  enfin, la stabilisation brutale qu’en nommant un gouvernement sans ouverture réalisa sans état d’âme J. Chirac (alors même s’il semble s’interroger a posteriori sur le bien fondé de ce choix). Il avait ainsi obéi  - paradoxalement par rapport à l’inspiration gaullienne du régime – non pas au vote présidentiel, mais au vote législatif. C’est que le résultat du vote législatif et le poids des partis qui,  en régime parlementaire, va de pair avec lui,  tiennent le président de la République. Dans le cas considéré, si J. Chirac a été quand même bien faible vis à vis des « siens » en leur laissant le monopole du pouvoir,  c’est sans doute parce que, n’excluant pas à cette époque  d’être à nouveau candidat, il pensait qu’il aurait alors trop besoin d’eux. Dès lors que le président de la République ne peut dorénavant, en vertu de la réforme de 2008,  exercer plus de deux mandats consécutifs, pourrait-on concevoir qu’un Président puisse gagner en liberté vis à vis de ses origines et soutiens politiques à la faveur d’un second mandat ?  N’est-ce ce qu’a un  peu essayé Nicolas Sarkozy, avant, marqué qu’il était dans son propre camp par des candidats à la succession,  d’en venir dans le dernier temps de sa deuxième campagne présidentielle à un alignement sur ses extrêmes ?

 

Cette réalité du déroulement politique évènementiel relègue évidemment au second plan les avancées de la réforme constitutionnelle de 2008; si celle-ci apporte - au regard du seul point "présidentialiste" optiquement important résultant des facultés de prestations du Président devant les deux assemblées réunies - des contreparties démocratiques appréciables qu'on ne saurait nier  : nouveaux droits et garanties pour les citoyens ( les QPC, le défenseur des droits) ; pouvoirs renforcés du Parlement;  capacités améliorées pour l'opposition (sans qu'il y ait pour autant - et c'est significatif des mainmises partisanes existant sur l'appareil public - d'ouverture à des facultés d'expression individuelle de parlementaires hors de la tutelle des partis), elle n’a pas choisi de traiter de deux points capitaux.

 

D’abord, le scrutin majoritaire pour l’élection des députés n’a jamais été, à une dose significative, remis en cause; la problématique des modes de scrutin n'a été sérieusement posée, à une échelle intéressante, que pour le Sénat et non pour l'Assemblée. Or cette question, si elle est importante en équité  en ce qui concerne le Sénat, est absolument cruciale lorsqu’elle s’applique à la formation de la représentation nationale à l'Assemblée, puisqu’elle emporte des conséquences majeures. Au  premier chef sur les relations entre l’exécutif et le délibératif : si l’on veut assurer la stabilité de l’exécutif, la RP n’est compatible qu’avec un régime présidentiel de séparation des pouvoirs [xviii] . Plus profondément encore,  le mode de scrutin caractérise les rapports d’un pouvoir à un pays : une gestion politique n’ayant pas à tenir compte d’importantes contestations gommées par le scrutin  majoritaire roule, tôt ou tard vers une perspective d’échec.   

 

Ainsi que l’a remarquablement rappelé le rapport d’information du 22 mai 2010 présenté au Sénat sur les modes de scrutin envisageables pour l’élection des conseillers territoriaux [xix] - la réflexion considérée allant bien au delà du champ des consultations locales -  il y a deux philosophies qui ne reposent pas sur la même vision de la vie politique. « Les scrutins majoritaires correspondent à des systèmes d’affrontement et les scrutins proportionnels à des systèmes de coopération… Pour les proportionnalistes, l’idéal réside au fond dans le Gouvernement de coalition à la proportionnelle, de sorte que le pouvoir lui-même soit partagé et pas seulement les sièges à l’assemblée. »

 

Le deuxième point le plus significatif est - alors même qu’en 2008 on recherche un rééquilibrage en faveur du Parlement (en fait entre un président et sa propre majorité) -  que  le primat de l’élection du Président conserve une valeur mythique. Son élection est regardée et vécue comme le moment  politique essentiel de la Cinquième République ; la rémanence génétique dyarchique de la Cinquième  n’inspire pas à l’establishment - dont les diverses composantes sont réunies dans le comité Balladur - une demande d’évolution ni dans un sens parlementaire (l’un des gènes de 1958),   ni dans un sens présidentiel ( l’autre gène de 1958/62) et d’ailleurs lorsqu’on évoque en ce comité Balladur un « régime présidentiel », pour l’écarter dans la foulée,  ce n’est même pas d’un régime présidentiel ouvert dont il s’agit mais d’un régime présidentiel fermé [xx].

 

Il faut bien percevoir les motifs profonds du rejet d’une réforme du scrutin législatif et du refus d’une évolution vers un dispositif constitutionnel présidentiel [xxi] : le but des institutions n’est pas de favoriser des coopérations, mais d’organiser des compétitions : le contraire à l’évidence de ce que préconise les porteurs de l’idée de « centre »;  et certainement, à nos yeux,  l’inverse de ce que veulent une majorité de nos concitoyens qui sont fréquemment  contraints par le système, lors d’un second tour législatif,  ou au vote bipolaire, ou à l’abstention alors qu’ils apprécieraient souvent des solutions de convergences  obtenues par coopérations, ou qui, d’exaspération,  finissent enfin, par voter  pour les extrêmes. 

 

Le bilan que deux ans après a fait le comité de suivi de la réforme 2008 [xxii] établit clairement que le fonctionnement interne des pouvoirs concentrés a connu d’appréciables améliorations techniques assurant mieux le dialogue entre l’exécutif et sa majorité, mais que les relations avec l’opposition restent – c’est la nature du système – dominées par des logiques d’affrontement.

 

Que délibératif et exécutif se regardent dans la glace est bien décrit par le premier thème (« une séparation des pouvoirs toujours malmenée ») de l’article du professeur D. Rousseau dans regards sur l’Actualité, N°367 de janvier 2011 construit sur l’éloquente construction suivante : « un gouvernement présidentiel » ; « un parlement présidentialisé ».

 

Longtemps la seule exception à cette logique de bloc issu de l’élection présidentielle a été celle  du Sénat : parce que cette seconde Chambre  est largement élue à la répartition proportionnelle, parce qu’elle ne procède pas dans la foulée,  de l’élection présidentielle comme en procède aujourd’hui l’Assemblée nationale, parce qu’il n’y avait pas au Sénat de bloc de majorité absolue et que devait, en conséquence, s’y exercer en fait un pluralisme  relativement fécond, ; c’est ainsi que la « Haute Assemblée » – alors qu’elle passait pour la plus conservatrice de France (essentiellement parce qu’elle n’avait pas une base démographique bien équitable entre milieux urbains et ruraux, mais ceci a fait l’objet de révision [xxiii] ) -  était celle qui pouvait encore engendrer quelques fertilités. Ayant basculé à gauche (à raison des insatisfactions que la gestion de N. Sarkozy a donné à de nombreux élus locaux), le Sénat pourra-t-il encore jouer un certain rôle de conciliation dans le processus de décision législative?

 

2 – Conséquences et critères et d’appréciation

 

Si c’est de manière assez objective que peuvent être constatées les conséquences pratiques de la bipolarisation, cette situation  institutionnelle française  ne peut être appréciée que  par rapport à des critères subjectifs.

 

2-A-Les ambigüités de la bipolarisation

 

Exacerbant manifestement les concurrences et de ce fait déchirant assez profondément les Français, notre bipolarisation aboutit plutôt à rapprocher les politiques offertes par chacun des deux grands camps en compétition.

 

Les résultats des consultations électorales s’obtiennent, certes,  par les capacités comparées de séduction des différences d’analyses et de préconisations faites et telles que les communications respectives des uns et des autres les mettent en valeur dans le style propre à chacun ; mais l’issue des compétitions semble bien en définitive « se jouer au centre », les dernières élections ayant, comme à l’accoutumée,  plutôt montré que les accents mis sur les positions les moins modérées n’étaient pas les plus productifs, et ceci malgré les impacts électoraux  résultant de ces « crispations françaises » [xxiv]qui se développent de plus en plus mais qui, tout en étant très menaçantes,  mettent malgré tout du temps à porter des changements décisifs sur la représentation nationale affectée par un effet d’amortissement des divisions et des extrêmes.

 

Le recentrage  tient aussi à ce que le positionnement de  l’attractivité de tout candidat apparaît comme sur un graphe affiché qui porterait en abscisse l’affectivité dont il fait preuve pour ses clientèles – c.a.d. son sens de leurs intérêts, voire sa ressemblance avec eux, la manière dont il cultive leurs passions,  sa compassion humaine et/ou ses ambitions sociales – mais, en ordonnée, de manière bien correctrice de la trajectoire qu’il propose,  son conformisme économique regardé comme la condition de sa crédibilité. En effet, dès lors qu’il y a,  depuis des décennies, un brouillage des démarcations idéologiques, les campagnes électorales (à l’exception, un moment, des primaires socialistes) n’ont pas été les circonstances où proposer une réflexion novatrice pour tenter d’expliquer ce qui choque et de chercher à y remédier.  D’un côté chaque secousse sociale (fermetures de sites, flagrantes injustices) et chaque dégradation des conditions de vie des plus malheureux confrontés aux privilèges florissants   conduisent à faire, par medias consciencieux interposés,  ressentir « l’horreur économique », mais les mêmes équipes  de la presse écrite ou de l’information et des magazines audiovisuels  sont rarement portées à chercher et produire des explications de fond se rattachant au fonctionnement de l’économie mondiale et européenne et se satisfont, au mieux, par une approche moralisante,  référant aux critiques générales et éculées sur « le capitalisme financier » qu’il faut, bien sûr amender, ou,  au pire, répétant des antiennes sur les besoins de compétitivité, sans illustrer concrètement, dans tel ou tel cas d’espèce, pourquoi la concurrence par les prix (que ne corrige quasiment aucune protection) exige effectivement  des sacrifices qu’on ne demandait pas à des époques disparues  où les moyens globaux du pays, bien moins ouvert,  étaient pourtant plus limités.  La doxa injectée au grand public, surtout par abstention d’explications basiques, est celle des schémas néo libéraux diffusés par bien des « économistes » des chaînes  de télévision écoutés comme des prophètes et cette doxa – parce que,  pour en sortir, il faudrait beaucoup de bien ingrate pédagogie - se trouve le plus souvent reprise dans  ce qui reste de la presse d’information [xxv].

 

Les convergences essentielles se sont progressivement  formées entre les principaux mouvements politiques français jusqu’au grand point d’orgue de 2008-  année de ratification du Traité de Lisbonne et de l’organisation raffinée du quinquennat présidentialiste. C’est bien par la voie parlementaire - en redoutant ce qu’aurait produit la démocratie directe -  et dans l’union de fait des forces conservatrices libérales et des forces s’affichant socialistes qu’ont été conduites ces deux réformes constitutionnelles pilotées par un chef de parti et d’État qui a, alors, trouvé ses soutiens et son succès dans le  consentement ou le ralliement de « l’opposition ». Un contenu quasiment identique au texte constitutionnel européen (à la différence que ce n’est pas « gravé dans le marbre ») rejeté par voie référendaire en 2005 a réapparu sous le nom de « traité de Lisbonne » et la  révision de la Constitution a été effectuée par la voie parlementaire [xxvi], ce qui a assuré l’unité bipartisane de la classe politique dans l’adhésion à une construction  européenne s’étant pliée à l’ordre du monde.

 

De cette étape à celle qui – à travers les épisodes des crises systémiques ayant enclenché la première dépression combattue,  en 2009/2010, par les injections de liquidités des relances, entraînant à leur tour l’aggravation des endettements souverains qui ont été sanctionnés par les marchés et par la menace sur l’euro  inspirant la priorité de la lutte européenne contre les niveaux de déficits et de dettes  -  a conduit au partage de la conviction du bien fondé d’une « règle d’or » , tous les enchaînements économiques et juridiques que l’on sait  ont été d’une implacable logique.

 

Celle-ci a trouvé en France, les conditions de sa faisabilité politique par un second partage entre familles politiques dominantes : celui d’un corpus de convictions institutionnelles  ancré dans le  bipartisme majoritaire, dont la clef est le scrutin majoritaire d’arrondissement. Certes, à l’origine, les caricatures des risques que présentent  d’autres modes de scrutin furent inspirées par la droite ayant fait du scrutin majoritaire le socle de sa stratégie de clivage et d’écrasement du centre, en écho au choix de M. Debré qui y trouvait, en 1958,  le seul moyen d’avoir une majorité qu’il ne voyait pas exister d’elle-même ; et G. Pompidou disait en privé «  enlevez le scrutin d’arrondissement à deux tours et il ne reste rien de notre régime politique » . Alors que F. Mitterrand, avait annoncé, comme on sait,  le passage à la RP,   R. Bacqué dans « le dernier mort de Mitterrand » raconte que F. de Grossouvre, dès le lendemain de la présidentielle de 1981 a été rassurer J. Chirac : il ne serait pas question  d’introduire la RP, qui ne vint que comme mauvaise machine de guerre en 1986.

 

Dans le droit fil de la volonté d’éliminer les non coïncidences de majorité, le second pilier du pacte d’establishment passé, en 2008,  de manière non explicite, mais évidente, est la consolidation par la révision constitutionnelle d’alors de celle ayant institué le quinquennat. Le dispositif qu’on s’est bien gardé, de même que le traité de Lisbonne,  de soumettre à referendum,  consiste à faire confirmation et toilette du régime présidentialiste  majoritaire bipartisan. Lorsque l’affaire vient devant le Congrès, il faut beaucoup de prétextes  au PS qui ne veut pas donner le sentiment de soutenir son adversaire à la tête de l’État pour ne pas voter une réforme qui, à certains points secondaires près,  lui va comme un gant. D’ailleurs,  après avoir été par la majorité  votée dans chaque assemblée, elle a recueillie au Congrès 539 voix contre 357, la majorité qualifiée requise (3/5) étant de 539 voix parmi lesquelles s’inscrit par prudence celle du président de séance qui normalement selon la tradition n’aurait pas du prendre part au vote, et au nombre desquelles  on compte aussi deux décisives voix socialistes. De la même façon que l’amendement Wallon indiquant incidemment le choix pour la « République »  était en 1875 passé à une voix de majorité par le vote d’un député monarchiste, c’est le député socialiste de Wallis et Futuna - qui venait d’œuvrer pour la nomination d’un roi (le Lavuela) de Wallis et Futuna [xxvii]  - et/ou l’option de J. Lang  (que seule l’histoire retient) qui font l‘écart.

 

Deux lignes notables de clivages parcourent en conséquence le paysage politique français : d’une part, entre les formations et personnalités qui ne partagent pas les mêmes fondamentaux, d’autre part, entre forces qui rivalisent mais partagent bien de mêmes fondamentaux.

 

Dans les ténèbres extérieures sont ceux qui ne partagent pas tout de l’institutionnellement et économiquement correct. On y  on trouve naturellement ce « centre » qui au regard soit d’une majorité droitière, soit d’une majorité de gauche, ne veut ni de l’une, ni de l’autre, mais se serait bien vu catalyser sous sa houlette le meilleur de chacune, ce qui serait bel et bien neuf ; ce qui ne l’est pas est, par contre, que ce centre ne remet pas en cause la doxa libérale et libre échangiste, mais les injustices qu’elle créée, comme si l’on pouvait rejeter des fruits amers sans tailler l’arbre qui les porte. L’autre défi est dans la contestation populiste sommaire développée par le F.N. qui unit l’attaque du système bipartisan à celle de la « mondialisation », ce qui n’empêche pas des chevronnements importants entre les thématiques de la droite libérale et ceux de la droite radicale. La troisième série de défis est celle des diverses gauches externes au PS ou marginales en son sein :  comme elles s’expriment essentiellement sur l’injustice sociale et sur la morale politique, elles interpellent, mais n’expliquent guère les raisons d’iniquité ou d’improbité, si bien qu’à défaut de proposer des diagnostics, elle n’affichent que la revendication de remèdes souvent aussi sympathiques qu’incrédibles et irréalistes [xxviii]. Quant au courant altermondialiste, il reste marqué par un universalisme lui rendant difficile l’expression d’une conduite de rapports de forces avec les pays en voie de développement ou émergents/émergés. Le défi écologiste est pour sa part omniprésent, mais, alors même qu’on ne peut que partager ses préoccupations pour l’homme et la planète, on ne peut pas bien comprendre comment il se situe vis à vis de la globalisation (sinon qu’il veut, comme tout le monde, la « moraliser ») et au regard des institutions qu’il a l’air d’accepter, pourvu qu’elles lui accordent une place pour des participations d’influence (si bien que sa demande de la RP s’est effacée devant le bénéfice d’un accord pour des sièges).  Aucun des porteurs de défis politiques n’exprime d’ailleurs avec assez de clarté et ténacité le besoin d’autres institutions et d’autres modes de scrutin (sauf une ou deux personnalités et sauf le PC traditionnellement attaché à la proportionnelle) qui permettraient à la fois le pluralisme  et la stabilité dans la conduite des affaires de la Nation. Ne serait-ce en fait parce qu’aucun des porteurs de ces défis ne croit pouvoir vraiment avoir un avenir de parti de gouvernement ?

 

En second lieu, c’est tout en partageant les mêmes trois fondamentaux (l’Europe, les institutions, l’équilibre budgétaire) que les grands mouvements se différencient par discours, postures et propositions qui vont donc comporter des thématiques idéologiques, sociétales, techniques par lesquelles les uns veulent toujours se démarquer des autres, ce qui est plus facile en campagne électorale qu’en étant aux affaires. La direction socialiste, et désormais celle de l’État,  a ainsi bien pu marquer d’un côté ses défiances. Elle l’a surtout fait vis à vis de « la finance », ce qui aboutit à beaucoup de flou, parce qu’il est bien  hasardeux de penser que c’est plutôt le « capitalisme financier » que -  par les facultés illimitées qu’elle ouvre -   la libre circulation entre sociétés très hétérogènes  des biens, services et liquidités, qui est à l’origine des désordres du monde. D’un autre côté, son  leader sélectionné par les sympathisants,  puis Président, a souvent mis en exergue le noyau de ses valeurs : certes « l’égalité » si difficile à définir et mettre en œuvre, au moins « la justice » qui est à la fois une espèce de donnée immédiate de la conscience et d’une mesure possible par le recours à l’économétrie sociale. Malgré les besoins de rigueur,  le souci – sinon toujours la faculté - d’équitables fiscalités et redistributions  reste ce qui est le plus à porter, nonobstant des reculs et l’absence d’une refonte fiscale – au crédit du pouvoir aujourd’hui. 

 

C’est à la faveur d’un beau débat[xxix] que la plus intelligente des droites républicaines avait, pour sa part et avec probité,  mis en exergue l’union de son obligation de réalisme et de  sa volonté de ne pas y sacrifier les intérêts des Français, mais les ambitions stratégiques de rallier sans ennemis  à droite  ont, aux yeux de beaucoup, perverti  de plus en plus le discours sarkozyste.

 

Les convergences de fond entre les deux grands mouvements politiques français pourraient avoir le bon aspect que ces partages, avec ce qu’ils peuvent comporter de stérilisant, aient pour contrepartie constructive une bonne volonté commune de dégager des réponses pertinentes dépassionnées. Mais c’est rarement le cas : du fait de la compétition bipolaire ayant besoin  des confrontations d’appareils et d’argumentaires de combat, il  n’est pas de problème, il n’est pas de dossier où, en apparence, ne se heurtent, du moins en public,  deux diagnostics et deux propositions de traitements antagonistes. C’est donc à grands frais de heurts répétés, de dépenses d’énergie, d’invectives, de « commedia del arte » auprès des électorats, de caricatures ou de déni de réalités sur lesquels il faut finalement que les uns ou les autres reviennent sans perdre leur face,  que chemine l’instruction des affaires et la recherche des solutions nationales bien qu’en définitive, sauf surtout sur des points emblématiques, les doses de facteurs communs de soins à y apporter ne soient pas négligeables. C’est bien à ce titre que nos institutions ont produit un régime qui ne peut  pas être , à raison du temps perdu, des incompréhensions travaillées, des divisions et des rancœurs fortifiées, regardé comme un  atout pour la France.  Au plan interne comme dans ses relations extérieures  et dans la relation intime avec l ’Union Européenne (à laquelle nous n’offrons pas toujours aujourd’hui une position nationale suffisamment unie et forte),  c’est un  facteur de « difficilitation » de la recherche de réponses appropriées et, si possible,  consensuelles  aux questions du temps.

 

Ce climat de luttes entre les hommes et les thèses, entre les  petites phrases et les complexes mises au point font certes les délices des medias, les nourritures des politologues, les thèmes des universitaires, en bref les  satisfactions de ceux qui sont dans des rôles d’observateurs, en même temps que le désarroi de beaucoup de ceux qui sont dans des fonctions d’acteurs : les responsables d’entreprises, les partenaires sociaux, les cadres associatifs et les hommes et femmes du service public dont la mission a toujours été de rechercher et mettre en œuvre des consensus plutôt que de fourbir des armes pour tuer un adversaire politique. L’un des fruits amers de nos institutions est dans ces déchirements qu’on mesure mal en dehors des milieux qui ressentent quotidiennement le poids - et souvent la stérilité -  des luttes partisanes. Si c’est à cette aune de sensibilité que l’on peut ressentir notre régime politique,  c’est avec encore plus de subjectivité  qu’il se trouve habituellement apprécié.

 

 

 

2-B – En effet, les jugements que l’on peut porter sur nos institutions résultent des critères qu’on  applique.

 

Au plan fonctionnel, le régime a satisfait par son apparente (quoique largement fictive) continuité et par sa capacité de résistance à des changements sociétaux, comme par sa faculté d’adaptation à des circonstances historiques nouvelles et à des équations politiques délicates ou inattendues  (telles que des majorités étroites ou les cohabitations). Cette plasticité a été fréquemment célébrée par les acteurs et les observateurs pour lesquels le premier critère à satisfaire est celui du bon fonctionnement ininterrompu des institutions.

 

Au regard de ce souhait, celles-ci ont effectivement permis, pendant plus d’un demi siècle, de dégager des majorités de gouvernement, des stabilités gouvernementales successives. En matière de conduite de sa politique internationale, et de son intégration européenne,  la France n’a pas, en général,  été, de longues années durant,  desservie par sa dyarchie institutionnelle. Dans le respect formel des prérogatives en ce champ des compétences des  Présidents de la République et, sur le fond, par une apparente communauté de points de vue européens  (qui n’a été qu’un peu effritée dans une période récente), les gouvernants ont la plupart du temps parlé, sinon évidemment d’une seule voix, mais clairement dans un seul sens, dès lors qu’au sein de l’establishment la sédition, à l’occasion du Traité de Maastricht, de Philippe Seguin envers la ligne de F. Mitterrand ( et de  J. Chirac..)  a fait long feu. 

 

Les institutions transformées de la Vème république ont aussi assuré, par une grande habileté des responsables,  la faculté de gouverner de manière réputée plutôt cohérente, même en période de cohabitation, les phases de tensions (par exemple sur l’école et sur les nationalisations et privatisations ayant pu être gérées sans blocage institutionnel) ou par l’effet inattendu de la dissolution décidée par J. Chirac. Il faut dire que le mini « statut de l’opposition » conçu par VGE et accompagné de la transformation du rôle du Conseil Constitutionnel (tant sous l ‘effet de l’ouverture de ses facultés de saisine par soixante parlementaires, que par l’évolution prétorienne  de sa jurisprudence l’ayant conduit à passer du simple contrôle formel à un contrôle matériel de constitutionalité référant aux principes généraux du droit de la République) a certainement joué un rôle très appréciable pour déminer des risques de crises, le Conseil apparaissant bien comme étant, en droit,  le seul garde fou contre des absolutismes auxquels peuvent porter, par le bénéfice de l’addition des scrutins majoritaires,  les évolutions du régime politique. 

 

 

De l’apogée aux implosions

 

Ce tempérament n’a pas empêché que le présidentialisme majoritaire ait atteint, avec « l’hyper présidence », une sorte d‘apogée créant , à son tour, tant d’irritations et de  contestations, que des inquiétudes sur la cohérence des résultats électoraux - présidentiel et législatif – ont pu porter à craindre que le décalage de quelques jours entre présidentielle et législatives puisse réserver des surprises  (d’ailleurs en 2007 le score de la majorité avait été ébréché par rapport au score du président). Il est en effet vrai, dans un système binaire d’apparence présidentialiste,  mais où les compétences de gestion appartiennent à la majorité parlementaire,  que le pouvoir puisse être sur le fil du rasoir et donc à la merci d’un écart minimal de voix ; ainsi des votations accomplies successivement, d’abord pour la Présidence, et quelques semaines ensuite pour l’Assemblée,  pourraient conduire non seulement à un relatif désintérêt pour le scrutin législatif (qu’indiquerait la modeste participation au premier tour 2012, à moins qu’il ne faille en chercher la cause dans une certaine réserve des électeurs à l’égard des appareils des grands partis), mais encore – et c’est en vérité ce qui est redouté par les tenants du régime -  à une distorsion entre le choix pour la Présidence et la majorité apparaissant  à l’Assemblée. C’est pourquoi il y a eu des interrogations [xxx] sur le point de savoir si les deux votations ne pourraient avoir lieu le

même jour, voire par un unique bulletin liant un candidat à la présidence et un candidat à un siège de député … ce qui évidemment renforcerait le caractère fermé et présidentialiste du régime bipolaire français en faisant surtout des députés l’image de simples représentants des candidats chapeaux.  

 

Si de telles hypothèses ne semblent pas aujourd’hui reprises, elles   ont notamment fleuri lorsque, semblant à son apogée mais soumis aux incertitudes électorales alors imminentes et à des concurrences internes,  le présidentialisme majoritaire est entré dans des frémissements d’implosion qui ont prospéré depuis lors, et qui affectent différemment, mais aussi profondément,  les familles de gauche que de droite.

 

 Au sein de cette dernière, il est patent que les fissures ont exprimé non seulement des divergences sur la manière dont conduire la campagne présidentielle, de même que des positionnements pour la succession à la tête de l’UMP et  pour la future candidature présidentielle, mais aussi - au delà des rivalités entre les personnes et des divergences éloquentes entre les styles - des préférences idéologiques entre lesquelles il semble bien y avoir place pour des distinctions significatives. Il est ainsi clair qu’une droite un peu BCGG très acquise au modèle libéral tant dans le domaine politique et sociétal  que pour l’ordre économique  se trouve contestée d’un côté par des inspirations se voulant plus sociales et plus centristes et, d’un autre côté, par une inspiration populiste décomplexée dont la clientèle est en osmose, du moins en matière d’options sociétales,  avec celle du F. N.

 

La Vème république a été un système de regroupement par la contrainte électorale – le vote utile contre l’adversaire historique à éliminer  - des forces centrifuges qui habitent chacune des deux grandes traditionnelles sensibilités politiques nationales de l’Ordre et du Mouvement. Mais celles-ci sont-elles encore bien identifiables ?   Ou des lignes de clivage ne les déchirent-elles pas plus profondément que leurs composantes ne se sont trouvées jusqu’alors  finalement  cimentées par leurs aversions partagées ?  S’il est une France modérée  cherchant ce qui est « raisonnable »,  trouvera-t-elle vraiment, demain,  dans le modèle présidentialiste majoritaire sa clef politique ou - ce à quoi, au fond appelle sans doute le centrisme aujourd’hui solitaire d’un F. Bayrou -  ne serait-elle un jour ouverte aux voix qui pourraient bien lui suggérer de  faire une conversion …helvétique ?

 

Dans son article précité, qu’il faut, pour en voir bien le raisonnement, longuement citer, Harold James n’écrit-il pas :    L'idée qu'un système politique à deux partis dominants favorise la stabilité n'est applicable que si les principales différences entre eux concernent la redistribution des richesses, conformément à un modèle simple... La gauche veut davantage de redistribution et la droite moins, mais pour attirer les électeurs du centre, l'une et l'autre doivent faire des compromis - au point de se rapprocher jusqu'à se ressembler. Néanmoins, dans un monde globalement interconnecté, se développe une nouvelle manière de faire de la politique. Tant à gauche qu'à droite, certaines franges craignent avant tout que la concurrence ou l'influence étrangère ne vienne limiter leur capacité à façonner les choix politiques. Elles en viennent à privilégier la résistance à ce qu'elles considèrent comme des menaces extérieures. Le vieux clivage gauche-droite n'est plus opérationnel….

… Il existe un meilleur modèle, qui a été expérimenté au cœur géographique de l'Europe dans un contexte de diversité linguistique, culturelle et religieuse : le modèle suisse de “Konkordanzdemokratie”. Dans ce système, plusieurs partis sont en concurrence, mais aucun ne vise à diriger le pays à lui tout seul. Tous les grands partis sont représentés au gouvernement, et sont donc obligés de faire des compromis. C'est parfois la loyauté régionale qui motive les membres du gouvernement fédéral, et à d'autres moments leur engagement idéologique, mais ils doivent négocier avant toute décision.

La solution suisse consistant à élire un gouvernement qui représente l'ensemble de l'échiquier politique tend à générer une politique qui manque d'élan - au point que la Suisse a la réputation d'être un pays dont le président qui change chaque année est un quasi inconnu. Les hommes politiques charismatiques agissent en polarisant, en galvanisant et en mobilisant leurs partisans. Par contre la politique au quotidien nécessite de maintenir profil bas et d'accepter les compromis. Aujourd'hui l'Europe n'a pas tant besoin de dirigeants qui fassent vibrer les foules et suscitent un élan populaire, que de leaders qui forcent le respect et qui soient capables de travailler dans un monde complexe et multidimensionnel.”

 

Un président  « normal » - au demeurant pour un pays comme la France, assez composite sur les plans culturels,  ethniques et, en définitive, en matière d’éventail des opinions -  ne serait-ce pas ce profil ? Et cette propension à trouver la conciliation plus que d‘exercer un charisme  n’est-elle aussi l’esprit dominant qui guide la difficile recherche conduite par un homme tel que F. Hollande ?

 

L’implosion du présidentialisme majoritaire qui a frappé la droite invite d’autant plus à réfléchir sur le point de savoir si nos institutions restent un  atout  ou devraient évoluer que l’implosion a dévasté la gauche.  Les deux tiers des clientèles populaires (ou de leurs soutiens intellectuels) semblent penser avoir trouvé leur répondant dans le Front National ou, hors majorité gouvernementale,  dans des formations de gauche.

 

Ce sont bien nos institutions qui ont été porteuses d’une stratégie française que  les alternances n’ont guère, ni hier, ni aujourd’hui,  remise en cause, sauf par des essais aux portées limitées d’approches différentes des politiques de redistribution. Par contre, ni dans la relation fondamentale entre gouvernants et gouvernés – lesquels se ressentent plus administrés qu’associés du fait de l’absence  de démocratie directe (pas de recours au référendum - , ni  pour ce qui concerne les grands choix de politique commerciale internationale (la question du libre–échange) et de politique monétaire (la question de la banque centrale et de  l’euro), il n’y a – comme en attestent successivement l’échec du « sarkozysme », puis l’impopularité du « hollandisme » -   de communication satisfaisante entre les pouvoirs et les citoyens ; et ceux-ci sont avant tout très inquiets de perdre leurs repères, leurs emplois, leurs protections sociales vitales et des services publics essentiels.

 

C’est à ce point que les appréciations des résultats des politiques globales télescopent celles des institutions. On peut toujours expliquer que nos institutions fonctionnent bien, mais ceux qui sont gravement insatisfaits ou pénalisés par le cours des choses et ceux qui partagent les critiques des options faites soutiennent  aisément que la vraie question n’est pas la capacité d’un véhicule à faire bien jouer ses réglages et à les éprouver sur différents terrains, mais celle de savoir si ce véhicule – notre République portant la Nation  - ne va pas « dans le mur » ou vers des précipices.

 

 

 

3  - Solidarités des problématiques 

 

Il  y a donc une solidarité entre les interpellations politiques et les  problématiques institutionnelles. Ces interpellations se placent dans deux champs : en général, dans celui de la confiance envers le pouvoir ; et au regard de ses probabilités de résultats en matière économique et sociale. Peut-on penser au premier titre que des réformes institutionnelles  sont de nature à produire de la confiance ? Au second titre il faut mesurer comment  la « crise » impacte les institutions.

 

 

3-A – Peut-on restaurer de la confiance par des modifications institutionnelles?

 

 

En dehors des réformes constitutionnelles qui ont les unes assuré la plasticité européenne, les autres fait la toilette du quinquennat, il existe un lot d’hypothèses de réformes en suspens. Celle qui peut le plus concrètement toucher les Français est celle concernant les collectivités locales. Le constat est fondé que la vie des territoires  et les enceintes dans lesquelles  doivent se traiter des questions concrètes  majeures (matériellement, comme les dessertes, les logements, les  déchets, etc. ; financièrement, la levée et la péréquation des ressources ;  fonctionnellement, l’attribution des responsabilités) ne coïncident plus toujours ni avec les circonscriptions traditionnelles, ni avec les compétences et modes actuels de dévolution et d’exercice du pouvoir en leur sein,  si bien que l’orientation d’une décentralisation qui se dessine pour une part  « à la carte », en fonction de chaque configuration de circonstances et de préférences,  est réaliste et reste républicaine si elle assure l’uniformité des droits des citoyens et l’équité des charges. Elle peut apparemment  être faite sans révision du texte constitutionnel lui même puisque celui-ci dispose qu’outre les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer …”toute autre collectivité territoriale  (ainsi par exemple un type de regroupement doté d’un jeu de compétences) est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités (précédemment) mentionnées “ et que “ces collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon”. Mais le principe que ces collectivités s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi, par des conseils élus,  implique d’écarter toute création de pouvoir local personnel. Dans les précautions il y a aussi celle que des découpages et dotations de compétences ne puissent aboutir à émietter  le territoire dans la relation  à l’Europe pour laquelle c’est l’État central qui doit rester responsable de tout partage souverain, fut-il local.

 

La seule vraie révolution serait surtout d’en finir avec la superposition contreproductive coûteuse de la Région et du Département. Pour faire court, aujourd’hui - sous réserve du cas particulier devant faire  l’objet d’organisations spéciales de l’Ile de France - il faudrait supprimer les départements et fusionner les compétences (L’Alsace donne un très bon exemple) ; mais une dizaine des Régions sont trop grandes et trop loin des habitants pour pouvoir bien administrer et pour gérer, sans gêne pour les citoyens, les affaires sociales qu’elles ont en charge. Il faudrait donc couper  en deux collectivités territoriales « ad hoc » les plus grandes des régions (l’éventuel intérêt de périmètres de réflexion géo politique serait parfaitement satisfait  par une concertation légère au niveau des sept zones de défense) et aboutir ainsi à quelque chose de proche du projet de 1947 de M. Debré [xxxi] : une petite quarantaine de circonscriptions d’État et collectivités territoriales maillant rationnellement la métropole. Voilà un type de changement chirurgical urgent aux retombées manifestes d’économies qui donnerait une confiance dans la capacité réformatrice du pouvoir.

 

Dans l’ordre constitutionnel à proprement parler, il est évident que si elle était possible - et elle le serait à coup sûr, par referendum - une réforme de la composition du Conseil Constitutionnel (jusqu’à y introduire des membres  d’une très grande indépendance de pensée)  s’impose à raison de la dimension qu’il a prise de Cour Suprême et de  l’absolue nécessité que ses décisions paraissent tout à fait impartiales et incontestables à tous les citoyens. Le fonctionnement de la Justice – notamment par ce qu’il emporte comme conséquences sur les libertés et droits des individus – aurait pu être, avec au niveau constitutionnel les questions du Conseil Supérieur de la Magistrature et du statut du Parquet, et au niveau pratique, les très graves questions de l’application des peines et des prisons,   un des foyers d’un nouveau pacte entre l’État et les citoyens, mais la manière dont la Chancellerie a été pilotée ne s’y est pas jusqu’alors assez prêtée.  

 

Quant aux autres réformes par lesquelles il serait recherché de la confiance - notamment celles préconisées par le comité Jospin sur le statut du chef de l’État - question plus délicate qu’il n’y paraît d’emblée [xxxii], sur les conflits d’intérêts, etc.,  elles constituent des matières plus prioritairement passionnantes pour la classe politique que pour le commun  des gouvernés, car elles ne sont  pas de celles qui sont créatrices de lien social entre ceux-ci et les gouvernants (et même la restriction du cumul des mandats qui a d’autres bonnes raisons d’être souhaitée , ne va pas – tout au contraire - dans le sens de fortifier les occasions de lien social ).

 

Quand les hypothèses avancées approchent des questions majeures – comme le mode de scrutin en suggérant une petite dose de proportionnelle – elles ne sont que d’une portée marginale; toutefois la proposition de réforme du parrainage pour la candidature présidentielle peut séduire parce qu’elle desserre la censure que les dotés peuvent jouer envers des outsiders.  Néanmoins, rien de tout cela n’ira donner grande confiance envers les institutions et les politiques, parce que rien ne touche au cœur du système et c’est au contraire un risque – celui que renaisse toujours l’accusation de la ruse de l’État – que de vouloir trouver  des réhabilitations  dans d’autres champs que dans ceux où l’on est contesté. Or s’il y a une contestation incontournable, c’est la contestation économique et sociale que n’a pas pu dissiper l’alternance,   consubstantielle aux institutions de la Vème République. 

 

3-  B– l’impact de l’interpellation économique et sociale

« Indignez- vous !», étant un émouvant appel n’apportant ni explication, ni remède, ce sont d’autres approches plus radicales qui constituent à l’égard de la situation une réelle  critique multidimensionnelle que l’on peut schématiser comme suit.

La capacité économique – c’est à, dire celle d’avoir des marchés rentables permettant des activités créatrices d’emplois et des bases fiscales suffisantes pour assurer garanties sociales et services publics corrects – implique effectivement la compétitivité. Or la compétition mondiale est inéluctablement devenue, pour l’essentiel,  compétition par les prix dès lors qu’ayant construit leur expansion sur l’export, les économies émergentes - vis à vis desquelles il a été longtemps entretenu l’illusion que les pays développés  auraient toujours une avance technologique non transférable – sont devenues aptes, dans la plupart des domaines, à la qualité et à l'innovation. Leurs biens, et souvent leurs services, leurs segments de contribution à des produits  « made in the world » font prime par rapport aux nôtres qui sont en décroissance; des emplois massifs s’y localisent  tandis que nos emplois « nomades » sont en sursis ; les différentiels de profits  font que leurs opportunités offrent les meilleurs taux de rentabilité des placements ; leurs excédents commerciaux dégagent des capacités capitalistiques considérables leur permettant la prise de contrôle progressive des économies occidentales [xxxiii] ; leurs niveaux sociaux et leurs protections environnementales n’évolueront que lentement et d’autres réservoirs de main d’œuvre bon marché sont disponibles.  Ces facteurs poussent inexorablement à faire baisser fortement chez nous coûts du travail, garanties sociales, poids des services publics, la plupart du temps par l’outil pratique et idéologique des privatisations. Ces compressions de prix de revient censées assurées la satisfaction des consommateurs (qui sont donc portés à les approuver) favorisent en toute hypothèse l'amélioration des profits de ceux qui sont placés en position de les obtenir, avec pour contrepartie l'augmentation du pourcentage de populations vouées à la pauvreté et au rôle de volant d’ajustement par le chômage.

L’impact politique est que ces pourcentages  restent toutefois  insuffisants pour pouvoir déclencher, lors des consultations électorales, des renversements sociaux et de stratégie économique d’autant qu’une part des marginalisés est captée par l’offre frontiste associée à des thèmes traditionnellement anti immigrés et anti assistés qui font fortune à la faveur des « crispations » de la société française [xxxiv] . De la sorte par la porosité des corps électoraux du Front National et de l'UMP, «une droite populaire » prend en écharpe toute une clientèle. Si on y ajoute les opposants d’autres inspirations, à tort ou à raison, une majorité vraisemblable de la population  française - comme de son côté l’a exprimé en créant une part de « chienlit », l’électorat italien - récuse l’économiquement et le politiquement correct qui ont été traditionnellement de pair [xxxv].  Cette majorité négative est bien prête à entendre ceux qui lui disent que la concurrence internationale forcenée entre pays de compétitivités très différentes est la cause profonde de la récession de l’Occident où apparaît une société dont les traits sont à l’inverse de l’espoir qui a fait fonctionner notre civilisation depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Or la gestion socialiste trouve difficilement conciliation entre efficacité et justice tandis que, d’une part,  la protection des plus faibles, d’autre part,  la nécessité de ménager les intérêts des porteurs de développement,  sembleraient faire concentrer les efforts demandés sur les classes intermédiaires. « L’austérité » est prise à partie non seulement par une gauche tribunicienne et  par de petites formations [xxxvi] qui se situent aux antipodes sur l’échiquier politique, tout en partagent l’appel à la Nation comme levier de restauration des  valeurs et des moyens de satisfaction, mais, de plus,  par un nombre significatif [xxxvii] de personnalités et d’ « experts ». Ceux-ci donnent chacun comme à tisser des pans d’un corpus de préconisations « hors des clous » : révision du libre échange dans le sens de la création d’espaces économiques mieux protégés contre la prédation par les prix et cherchant des accords de réciprocité entre pays complémentaires; au delà des disciplines prudentielles bancaires, maîtrise des emplois et mouvements opaques à court terme de capitaux ; dans le refus d’une devise forte qui sert les seuls intérêts des dominants de l’euro, retraitement, au regard du passé, de certains endettements souverains  en acceptant, pour soulager les peuples gravement débiteurs,  une part de défaut ; et , au regard de l’avenir – pour la part où du déficit des finances publiques serait utile, ou pour assurer le sauvetage d’un service public vital,  ou encore pour aider à des prises de participations -  possibilités de recours direct des États, devant être moins soumis aux pressions des marchés, à une banque centrale (comme en disposent  Etats Unis et Grande Bretagne), en acceptant plus d’inflation (avec effets dispersés réducteurs de revenus sauf pour les minima sociaux)  et dépréciation monétaire bienvenue.

 Ces pistes[xxxviii] sont regardées comme diaboliques – ouvrant la boite de Pandore - parce qu’elles peuvent créer de la défiance financière accroissant les difficultés,  miner l’euro, compromettre le fonctionnement de l’économie de marché dont le carburant est l’inégalité. C’est dire qu’elles ont, toutes choses égales,  très peu de chances d’inspirer la gestion en cours ou une gestion alternative. Aujourd’hui, il y a certes des tensions au sein des socialistes : certains pour permettre plus de justice voudraient obtenir quelque changement de stratégie économique européenne et se demandent si c’est vraiment hors de portée, alors qu’on n’a pas vraiment essayé de faire bouger les lignes. Il y a-t-il trop de risques à  le tenter ? Que peut-il advenir si aucun gouvernement, aussi bien intentionné ait-il été, ne se démarque pas sensiblement sur le fond des politiques précédentes? Le plus vraisemblable - compte tenu de l’impopularité du pouvoir et de l’absence d’une troisième offre solide  -  est que l’autre camp revienne aux affaires sans doute sous le leadership désormais attendu de l’ancien Président. Alors que ce ne pourrait être qu’avec le soutien d’une mobilisation populaire droitière, on ne saurait attendre - bien que la porosité entre l'électorat UMP et FN aille de pair avec d’importantes divergences sur « la mondialisation »[xxxix] (mais ne suffirait-il de donner au second des gages contre ses bêtes noires ?) - que celui qui réussirait ce retour cesse d’être attaché à « restaurer le capitalisme », et remette en cause une stratégie considérée comme dure pour les faibles et les migrants et complaisante pour les installés et les puissants.

Il ne pourrait s’ouvrir de variante significative de stratégie française que si le fonctionnement des institutions autorisait un peu mieux l’expression et l’influence d’autres convictions que celle, à travers le poids des deux partis de gouvernement,  du conformisme européen et libéral conquérant qui s’étend à l’économie comme aux questions sociétales [xl].  Toute la question est dès lors  de savoir si notre  régime constitutionnel pourrait favoriser la venue d’une équation  ayant des chances de conduire, non plus au choix  fermé d’un modèle économique et intellectuel, mais, au moins, à des facultés d’ouvertures et de dosages.

 

 

 

 

Quelle logique pourrait inspirer un dépassement de notre  régime politique ?

Ce ne serait possible qu’en avançant vers un cas de figure permettant de gérer selon la réalité et la conviction que - sauf circonstances tout à fait exceptionnelles – gouverner ce n’est pas choisir  entre des affichages opposés et  des options radicales, mais c’est savoir doser et savoir le faire accepter. Voilà qui requiert la mise en service de l’une des trois hypothèses suivantes : soit celle d’un régime parlementaire classique permettant des influences croisées;  soit celle d’un régime « helvétisé », ce qui correspondrait à une vision très transformée de la société ;  soit celle d’un  régime présidentiel à pouvoirs séparés plus favorable au pluralisme que le régime majoritaire présidentialiste.

Pour notre part nous ne pouvons pas croire à la première hypothèse non seulement parce que, dans la pratique, ses différentes versions possibles  dépendraient en fait des modes de scrutin, mais, d’entrée de jeu,  parce qu’on ne voit pas comment pourrait venir une propension populaire en ce sens: il s’est implanté depuis plus d’un demi siècle un système de choix personnalisé par le suffrage universel d’un Président de la république  selon des rites collectifs qui ont sans doute trop mobilisé les Français pour -  alors même qu’ils sont insatisfaits des résultats qui en découlent - qu’ils y renoncent aisément. En conséquence, il faut sans doute leur offrir soit un  changement total de système qui puisse les étonner en leur donnant l’espoir d’un complet aggiornamento, soit une forme de continuité dans l’acte majeur de se choisir, toujours par le suffrage universel, un pilote national, mais en accompagnant cette continuité du mode de sélection de l’exécutif  d’un contexte  institutionnel transformé apportant des facultés de pluralisme compatibles avec la garantie de  stabilité de cet exécutif.

Le changement radical de système  - qui signerait de fait une mutation de société dans le sens duquel la communauté des Français (plus encore composite que déchirée de manière cardinale) mûrit sans doute, mais très lentement - serait le passage à un modèle de type helvétique  (ce qui devrait d’ailleurs retenir l’intérêt autant comme un choix de ligne de  conduite économique internationale  que comme  option de gouvernance nationale). Le bond à accomplir serait tel qu’il  est prématuré de chercher à faire ici une analyse constitutionnelle des voies et termes d’un tel changement ; on doit néanmoins constater plusieurs points faisant que cette hypothèse est plus créatrice que celle d’une formule démocratique parlementaire classique : au plan de la construction juridique, au lieu de comporter les aléas du régime parlementaire, c’est un véritable régime d’équilibre entre les pouvoirs  incluant de la démocratie directe ; au niveau du vécu,  n’est-ce un système global où le sens des besoins nationaux permet, au prix d’un technocratisme modéré, contrôlé par le referendum, d’obliger à des synthèses d’intérêts ?

Dans un autre sens, si l’on croît plutôt en la vraisemblance d’une apparence de continuité par l’élection au suffrage universel d’un chef de l’État  personnellement doté de pouvoirs significatifs - sans qu’il y ait pour autant, ni effacement du Parlement, ni concentration  des pouvoirs au bénéfice d‘un même camp provisoirement triomphant - la voie logique et équilibrée serait de passer, un jour, à un véritable « régime présidentiel » de pouvoirs séparés, mais obligés de collaborer.  En ayant pour exécutif unifié  un Président de la République – devant exprimer l’unité de la nation - ce serait le seul modèle compatible avec - pour exprimer le pluralisme de la société - l’élection de l’Assemblée à la représentation proportionnelle. En effet,  s’il est vrai qu’un passage à ce mode de scrutin serait déraisonnable en ce qu’il conduirait à l’instabilité gouvernementale - en fait inconcevable dans tout régime politique, et au premier chef, dans celui qui est actuellement le nôtre, comportant la responsabilité de l’exécutif devant un corps délibératif qui serait élu de la sorte - ce qui est réputé comme les autres inconvénients de la RP (pour autant que quelques précautions soient prises dans ses modalités) ne résiste pas à une analyse nuancée [xli] . Tout à l’inverse, dès lors que par une construction constitutionnelle de pouvoirs séparés, l’exécutif serait à l’abri de la défiance et le délibératif à l’abri de la dissolution, la RP a des avantages majeurs : elle porte à la probité de représenter la diversité citoyenne [xlii];  elle incite à un niveau élevé de participation en ne contraignant plus les électeurs à faire au second tour des choix forcés qui peuvent leur répugner au point de leur faire préférer l’abstention si bien que ce mode de scrutin est une voie de réconciliation entre la politique et les citoyens; il oblige à la lucidité de mesurer toutes les oppositions sans mettre entre parenthèse ( et faire ainsi prospérer dans les esprits, les blogs et la rue)  les plus hétérodoxes d’entre elles  grâce à cette déformation  récurrente de la représentation que permet le scrutin majoritaire ; il préserve les potentialités de faire gouverner par rapprochements plutôt que par affrontements. Il faut bien concevoir la RP comme devant remplir deux fonctions : d’une part éviter  de laminer des courants échappant à la bipolarisation et/ou à l’influence des grands partis ; d’autre part concourir à une culture de convergences pouvant permettre à des formations en concurrence d’aller à certaines majorités d’idées, voire à des alliances de gestion[xliii]. L’absence de bloc de majorité qui en résulterait  est en effet souhaitable pour obliger  enfin les diverses formations non extrémistes à des recherches de convergences pour le vote des lois et des budgets en trouvant des lignes d’accord avec la Présidence. Néanmoins, on ne saurait exclure des risques de blocage en cas de conflits entre les pouvoirs, bien illustrés par les États Unis dont la structure limite pourtant ces bras de fer au champ des compétences fédérales tandis que ces risques pourraient être plus importants dans un État unitaire comme la France. Référer à l’exemple américain de séparation des  pouvoirs signifie qu’il ne saurait être  simplement translaté, mais qu’il faut prévoir comment résoudre des situations de graves divergences  entre les pouvoirs : dans ce cas , il est évident qu’il faudrait stipuler que chacun d’entre eux puisse déclencher un referendum d’arbitrage [xliv]. On voit que malgré les slogans, la RP ne serait pas “retour à la quatrième république” parce que le seul contexte où l’on peut raisonnablement l’imaginer doit comporter de garantir la stabilité de l’exécutif et la solution des hypothèses de blocage. Par la combinaison de deux mécanismes de votation faisant droit et respect aux électorats (la RP et le referendum), on devrait obtenir  une relation transformée entre gouvernants et gouvernés - qui se verraient moins mal tous ouvrir quelque chance de prise en compte - en cessant d’exclure d’emblée ceux qui éprouvent aujourd’hui un complexe sentiment de relégation politique, sociale et parfois, territoriale. Pour résoudre la quadrature du cercle d’avoir donc tout ensemble unité et diversité, stabilité du pouvoir et, le cas échéant, arbitrage entre les pouvoirs, il n’est, à nos yeux qu’une équation constitutionnelle rationnelle  - un  Régime Présidentiel assorti de Représentation Proportionnelle et d’une possibilité de Referendum Provoqué en tant que de besoin : (RP+RP+RP) - que l’on baptisera RP3.

 

 

Aucune de ces perspectives n’étant aujourd’hui inscrites à une quelconque horloge politique, il faut conclure,  avec scepticisme et angoisse pour l’avenir,  que  nos institutions sont un atout pour la France  s’il s’agit de maintenir celle-ci  sur son rail. Pour ceux qui pensent que nos dirigeants doivent apprendre à faire évoluer leur mode de relations avec les gouvernés et leur raisonnement économique, nos institutions sont plutôt à regarder comme le premier handicap interdisant ces renouvellements.

 



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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 17:15

[i] Cf. G. Bélorgey « une traversée désenchantée de la cinquième république » in « La Revue politique et Parlementaire » N° spécial 1048 de juillet/septembre 2008 «  La constitution : un jubilé en demi-teinte ».

 

[ii] Cf. par exemple, dans la tonalité parlementaire, les travaux de  La Convention pour la 6e République (C6R).

 

[iii] Cf. par exemple, dans la tonalité présidentielle, les travaux du MRC et sur le site du mouvement, le point de vue de Marie-Françoise Bechtel.

 

[iv] Cf. in< www.latribune.fr > janv . 8, 2013 : « L’Europe : l’erreur qui se prépare » sur le modèle suisse de  Konkordanzdemokratie, par Harold James professeur d'Histoire et d'Affaires internationales à l'université de Princeton et professeur d'Histoire à l'Institut universitaire européen de Florence.

 

[v]  cf. GDCC 15ème édition, page 793, 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l’énergie.

 

[vi] par la décision du 10 juin  2004, Confiance dans l'économie numérique, le Conseil constitutionnel reconnaît que le respect du droit communautaire est une exigence constitutionnelle, sauf disposition expresse contraire à la Constitution et se déclare donc compétent pour contrôler la conformité d’une loi de transposition d’une directive européenne. Le Conseil d’État s’y est rallié en tenant à prendre des précautions de forme: voir commentaire sous CE, 8 février 2007, Sté Arcelor Atlantique et Lorraine et autres

 

[vii] Résumé de l’arrêt tel que communiqué par la Cour de Karlsruhe : « Le Traité de Lisbonne est compatible avec la loi fondamentale. Mais la loi étendant et renforçant les pouvoirs du Parlement (Bundestag et Bundesrat) dans les matières européennes viole les articles 38.1 et 23.1 de la loi fondamentale dès lors que le Parlement allemand ne se voit pas accorder des pouvoirs suffisants dans la participation à la procédure législative et à la procédure d’amendement des traités. La ratification par la République fédérale d’Allemagne du Traité de Lisbonne ne peut donc avoir lieu tant que la loi relative aux droits de participation du Parlement n’est pas entrée en vigueur ». Le raisonnement est que l'Union issue du traité de Lisbonne n’est pas un État mais, loin du fédéralisme,   demeure un groupement d'États. De ce fait il est nécessaire les parlements nationaux qui, en approuvant les traités, ont donné à l'Union sa légitimité de base, contrôlent également les évolutions de ces traités et, dans le même esprit, il leur incombe également de contribuer à légitimer, par leur contrôle sur leurs gouvernements, les décisions du Conseil européen et du Conseil. En conséquence une législation d’accompagnement  a été adoptée par l’Allemagne le 22 septembre 2009 qui garantit au Bundestag et au Bundesrat de contrôler toute novation significative dans les dévolutions de compétences à l'Union européenne.

 

[viii] Cf. sa contribution le 7 février 2012 à la Conférence débat au Parlement européen, consultable sur < www.observatoiredeleurope.com >.

 

[ix] Avec comme ajout principal,  une limite de déficit structurel à 0,5 %.

 

[x] Un exemple techniquement développé en est donné, en particulier, dans l’ouvrage (Éditions de l’Humanité - 2012) de P. Le Hyaric.

 

[xi] Le paragraphe 2 de l’article 3, relatif à l’entrée en vigueur dans le droit national des parties des règles prévues au paragraphe 1, dispose :

« Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l’entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. Les parties contractantes mettent en place, au niveau national, le mécanisme de correction visé au paragraphe 1, point e), sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne et concernant en particulier la nature, l’ampleur et le calendrier des mesures correctives à mettre en œuvre, y compris en cas de circonstances exceptionnelles, ainsi que le rôle et l’indépendance des institutions chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles énoncées au paragraphe 1. Ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux. »

 

[xii] Si ce mécanisme était « automatique » et, à fortiori, s’il aboutissait à pouvoir permettre un pouvoir de substitution de l’autorité européenne à l’autorité nationale, il poserait manifestement une difficulté constitutionnelle en obligeant alors à opérer des coupes dans les dépenses (ou à procéder à des augmentations des recettes).

Mais selon un « Commentaire de la Décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012  relative au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », commentaire bien utile, placé sur son site par le CC  lui-même, et compte tenu d’une évolution  dans la rédaction du texte de ce traité,  “en définitive, (celui-ci) offre une alternative dans la mise en œuvre de ses stipulations dont une branche serait contraire à la Constitution et non l’autre. Si la France entend mettre en œuvre les exigences du traité en retenant l’option consistant à introduire dans le droit français une règle «contraignante et permanente » imposant le respect des seuils fixés par l’article 3 § 1, une révision de la Constitution est nécessaire. Le Conseil a toutefois estimé que la seconde branche de l’alternative prévue par l’article 3 § 2 permettait de faire produire effet aux règles prévues par l’article 3 § 1 sans qu’il soit nécessaire, pour cela d’introduire en droit national des règles contraires aux prérogatives du Gouvernement et du Parlement et au principe de l’annualité budgétaire….”

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que la ratification du traité n’imposait pas une modification préalable de la Constitution. Il a toutefois précisé : « dans les conditions définies » par les considérants de sa décision dans lesquels il a jugé que seule une mise en œuvre du traité selon les modalités rendues possibles par la seconde branche de l’alternative serait alors possible. Il ne s’agit pas d’une déclaration de constitutionnalité « sous réserve », ce que le Conseil constitutionnel s’interdit de faire lorsqu’il examine la conformité à la Constitution d’un engagement international. Il s’agit de rappeler que la mise en œuvre de ce traité ne pourra se faire que dans le respect des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement dans l’élaboration et l’adoption des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et du principe de l’annualité des lois de finances, ce que le Conseil constitutionnel a estimé possible.”

 

[xiii]  L’article 8 du TSCG dispose en son paragraphe 1 que : « La Commission européenne est invitée à présenter en temps utile aux parties contractantes un rapport concernant les dispositions adoptées par chacune d’entre elles conformément à l’article 3, paragraphe 2. Si, après avoir donné à la partie contractante concernée la possibilité de présenter ses observations, la Commission européenne conclut dans son rapport que ladite partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, la Cour de justice de l’Union européenne sera saisie de la question par une ou plusieurs parties contractantes. Lorsqu’une partie contractante estime, indépendamment du rapport de la Commission, qu’une autre partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, elle peut également saisir la Cour de justice de cette question. Dans les deux cas, l’arrêt de la Cour de justice est contraignant à l’égard des parties à la procédure, lesquelles prennent les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai à déterminer par la Cour de justice. »

 

[xiv] cf. notamment Libération du 10 Août 2012.  Selon D. Maus, « les juges ont beaucoup interprété le traité, en fonction de la jurisprudence française " et « il appartiendra au Conseil constitutionnel - et non à la Cour de Luxembourg - de vérifier et de contrôler l'application de la règle d'or ".  Cette interprétation permettra au gouvernement d'assurer que le traité ne comporte aucun abandon de souveraineté budgétaire et que le Parlement conserve le monopole de la décision.

Toutefois  (cf. Nabil Akim, plus nuancé in Le Monde  du même jour ), cette interprétation du pacte budgétaire suscite deux interrogations. Dans leur décision, les juges estiment que le traité ne nécessite pas de révision de la Constitution puisqu'il "ne comporte pas de clauses contraignantes". Mais cette interprétation pourrait être contestée par la Cour de justice de l'Union européenne, qui sera chargée de contrôler que les États auront correctement retranscrit le traité dans leur droit national. "La Cour de justice n'est pas chargée de contrôler si on respecte la règle d'or, mais de contrôler si les mesures sont conformes ou non au traité. On pourrait imaginer, en théorie, que la Cour dise que ces dispositions sont insuffisantes", estime Bertrand Mathieu, professeur de droit constitutionnel. "La décision du Conseil nous met dans une relative insécurité juridique dans l'hypothèse où la Cour n'aurait pas la même analyse", ajoute-t-il.

 

[xv] cf. “L’œuvre de Léo Hamon” sous la direction de Patrick Charlot,  Dalloz 2012, pages 199/200.

 

[xvi] cf. son article dans le N° 104 de la revue « Pouvoirs », janvier 2003.

 

[xvii] Selon D. Rousseau, in article « une Cinquième République toujours à la recherche de son équilibre » Regards  sur l’actualité (la documentation. française) N°367 janvier 2011).

 

[xviii] J. Julliard semble le découvrir au fil d’un éditorial de “Marianne”  de fin 2012 ( N° 265/266), mais n’en tire apparemment guère de conséquences.

 

[xix] N° 509,  au nom de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation, par MM. Maurey et Collombat. Citations extraites de l’ouvrage de Pierre Martin (Montchrestien, 2006), « les systèmes électoraux et les modes de scrutin » .

 

[xx] Un « régime de nature présidentielle  serait “fermé” s’il allait de pair avec le scrutin majoritaire , surtout le même jour ou de manière rapprochée. Un régime présidentiel serait “ouvert” s’il allait de pair avec la RP permettant le pluralisme du délibératif sans menacer la stabilité/continuité de l’exécutif.

 

[xxi] Les medias ont tendance à nous dire que nous sommes passés à un régime “présidentiel” parce que le fait présidentiel est dominant. C’est purement et simplement une déformation de langage puisque nous ne sommes pas dans un régime garantissant la séparation  des pouvoirs. Pire : le régime français étant, à tort, par des ignorants ou par des complices, couramment dénommé « présidentiel » alors qu’il est « présidentialiste », cette propagation d’un faux concept est l’un des moyens d’écarter une réflexion en faveur du régime présidentiel puisque beaucoup pensent déjà le vivre….

 

[xxii] Cf. extraits de ce bilan in précité Regards sur l’Actualité.

 

[xxiii] L’évolution a été mise en route par les réformes électorales du Sénat qui ont eu lieu depuis 2003 et qui aboutissent à une meilleure pondération démographique.

 

[xxiv] Cf.  in Le Monde du 25 janvier 2013-02-22,  Raphaëlle Besse Desmoulières, Bastien Bonnefous, Abel Mestre et Thomas Wieder.

 

[xxv] Voici une illustration valant très chère de la désinformation par abstention : si le crédit d’impôt pour la compétitivité ( coût estimé à 20 milliards d’euros) est applicable à toutes les activités, c’est que son centrage - qui eut été beaucoup plus efficace ( ou  moins coûteux) - au seul bénéfice des entreprises exposées à la concurrence internationale eut été certainement contraire aux règles du jeu européennes;  pour les respecter, il a donc été offert un “effet d’aubaine”  a  bien des activités profitables qui n’en ont pas besoin. Ce point – lié à celui  que le CICE bénéficie plus aux entreprises étoffées en main d’œuvre ( comme BTP et services) qu’aux firmes industrielles devant investir dans un  capital technique important - n’a été  mis en exergue par aucun media, sauf Alternatives Economiques (n° 319 - décembre 2012) et lettres d’information régulière de cette publication. 

 

[xxvi] Les députés ont voté le texte par 336 voix pour, avec 52 contre, tandis que les sénateurs ont été 265 à l’approuver, 42 à le rejeter et 13 à s’abstenir.

 

[xxvii] Collectivité d’outre-mer du Pacifique où perdure effectivement l’institution coutumière d’un rôle réel de rois rémunérés par la République. 

 

[xxviii] Un malheureux exemple récurrent est celui des oppositions à l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites. Ce qui menace vraiment le troisième et quatrième âge n’est pas une cessation d’activité un peu différée, mais - dans un univers où les cotisations fondent autant que les emplois - que la couverture maladie soit de plus en plus mauvaise. Une partie de la gauche et des syndicats se sont trompés de combat : mieux vaut  (sauf cas particuliers)  des retraités un peu décalés , mais bien  soignés que des retraités un peu précoces, mais mal protégés contre les maux de l’âge.

 

[xxix] le 23 mai 2012, «  ce soir ou jamais », France 3, entre H. Guaino, et  E. Todd, anciens membres de la même “Fondation Marc Bloch” dans les années 90.

[xxx] Cf. JDD 12 juin 2012, “Législatives-présidentielle, le calendrier fait débat”.

La faible participation des Français au premier tour des élections législatives a posé la question du choix fait en 2002 par L. Jospin et J. Chirac d’organiser ce scrutin dans la foulée de la présidentielle. Argument  donné alors par le premier : "Si ce calendrier (les législatives alors organisées avant la présidentielle) était maintenu, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, on verrait le Président élu juste après les députés. Nombreux sont ceux qui pensent, après avoir examiné cette situation, qu'une telle séquence, sans précédent, fait peu de cas de la logique de nos institutions et qu'elle est contraire au bon sens.”

Mais, avec le calendrier actuel, les élections législatives sont réduites à un scrutin de confirmation, qui peine à susciter l’intérêt. Selon D. Maus, "contrairement aux situations où les législatives se déroulaient au milieu d’un mandat présidentiel, le calendrier actuel fait perdre aux législatives leur dimension d’élection test, attributive des pouvoirs".

Pour éviter la désaffection des électeurs lors des législatives, un scénario a été souvent évoqué : l’organisation des scrutins législatifs et présidentiels la même journée, par une réforme qui annulerait quasi totalement la dimension du scrutin législatif en  “réduisant (D. Maus) les députés à un rôle de simple représentant des candidats" et qui serait aussi défavorable aux petits partis.

 

[xxxi] Voir cet historique dans l’ouvrage très nourri de Jean-Louis Masson ;  Fernand Lanore / Sorlot (1984) « Provinces, départements, régions: l'organisation administrative de la France ».

 

[xxxii] Cf. 7 Janvier 2013 , Fondation  Jean Jaurès :Le statut pénal du président : l’enfer et ses pavés par Jean-Jacques  Urvoas.

 

[xxxiii] Cette transformation du paysage économique et social se fait ainsi au profit de l'investissement étranger dans les pays intéressés (le Portugal à dépecer après la Grèce à vendre et beaucoup d’actifs français et anglo saxons acquis par les Asiatiques et le Moyen-Orient).  En elles-mêmes  ces cessions d'activités n'auraient rien de redoutable si les emplois correspondants sont bien maintenus sur les territoires considérés, mais c’est souvent au prix d'un changement des managements obtenant autant qu'il leur faut des novations du droit social et une compression accélérée des coûts collectifs.

 

[xxxiv] Gérard Courtois,  in le Monde du 25 janvier 2013.

 

[xxxv]  Ce sont les « fondamentaux » des partis de gouvernement qu’illustrent bien des think tank comme d’un côté Terra Nova et, de l’autre,  la Fondation pour l’innovation politique ou l’Institut Montaigne.

 

[xxxvi] DLR ou l’ambition gaulliste ; le M’PEP ou le socialisme souverainiste.

 

[xxxvii] Il faut aux” économistes atterrés”,  adjoindre de nombreuses personnalités comme E. Todd, J.L. Gréau J. Sapir, etc. que l’on retrouve  notamment sur http://www.protectionnisme.eu/, le Forum démocratique , l’association “Manifeste pour un  débat sur le libre échange” et auxquels H. de Bodinat ajoute une expérience d’homme d’affaires ( cf. sa contribution in L’Économie politique  N° 57 , janvier 2013).

 

[xxxviii] Alors qu’elles recoupent des analyses de préconisations de P. Krugman et de J.E. Stiglitz, etc.  ( mais il faut admettre que , dans un univers aussi divisé entre thèses opposées que celui de la réflexion économique, les références sont inopérantes).

[xxxix]  Cf. le Monde du 25 janvier 2013, précité : “Les frontières entre familles politiques se sont brouillées - L'étude montre la porosité entre l'électorat UMP et FN, sauf sur l'économie et la mondialisation”.

 

[xl] Ainsi que je l’ai souvent souligné ici, notamment dans le N° 2034  et comme une part de  l’intelligentzia qui s’enracina à gauche le perçoit enfin aujourd’hui : cf. J. Michéa, “les mystères de la gauche”.

 

[xli] C’est en occultant que la pertinence de la RP dépend des  contextes que  bien des auteurs de sciences politiques  lui font des procès injustifiés.

Ainsi, la RP couperait l’élu des électeurs ;  ce qui n’est vrai que si les circonscriptions où elle s’exerce sont trop vastes. Il faut donc concilier des circonscriptions supra départementales toutes également proportionnelles à la population et au nombre de sièges à pourvoir et de dimension  suffisamment humaine pour permettre la relation électeurs/ élus avec des moyens de ne pas perdre des voix minoritaires (par appel à la technique du plus fort reste et de récupération à un échelon national des voix qui s’évaporeraient du fait de calculs aux seuls niveaux des circonscriptions). Combiné à des seuils suffisamment bas pour accéder à la distribution de sièges, de tels dispositifs doivent permettre d’éliminer une seconde série de critiques : que la RP favoriserait la main  mise des grands partis sur les candidats , ce qui ne peut être pire qu’aujourd’hui, tandis qu’à la faveur d’une proportionnelle s’exerçant à un raisonnable échelon territorial pourraient mieux apparaître des personnalités non subordonnées à un appareil partisan.

Au demeurant les pratiques de scrutin proportionnel à travers l’Europe  – ce qui , avec des variantes de place à place, est le cas en Allemagne (c’est le principe proportionnel qui y gouverne les attributions de sièges, le scrutin majoritaire ne servant qu’à faire prévaloir les préférences individuelles des électeurs sur des castings de partis), en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Norvège, en Finlande, en République tchèque, et en Suisse – offrent une gamme de modèles et de techniques  permettant de construire des représentations équitables et pertinentes.   

Une autre critique est que la RP favoriserait les combinaisons contraires aux vœux d’origine des électeurs ; est-ce plus déformant que d’obliger ceux-ci à choisir de façon binaire au second tour ? Surtout, ce détournement de la volonté des électeurs ne peut pas pareillement se produire lorsqu’il y a eu un choix d’un Président de la république au suffrage universel et, le cas échéant, des facultés de referendum, parts déterminantes de  « démocratie directe » autorisant pour des alliances au sein du législatif une part utile de « démocratie médiatisée ». 

 

[xlii] Pour un panorama intégral des critères,  mécanismes et systèmes électoraux en vigueur, consulter <http://aceproject.org/main/francais/es/onePage>.

 

[xliii] Ce qui conduisit en 1951 au système des apparentements qui ne manque pas d’intéret pour pousser en ce sens dès lors qu’il ne serait pas associé à une très injuste  mécanique de pénalisation des concurrents “hors des clous”… comme ce fut le cas à l’époque.

 

[xliv] L’objet d’une telle  consultation référendaire est alors de faire trancher par  le corps électoral entre deux types de propositions, non de conduire au départ ou au renvoi du pouvoir dont la préconisation n’est pas suivie, la seule suite obligatoire étant que c’est la proposition votée par le peuple qui doit être appliquée. Ce n’est donc pas un référendum de destin à la manière gaullienne, mais un référendum d’arbitrage tel qu’il en existe dans différentes constitutions.  Sans ces possibilités de recours au referendum un régime français de séparation des pouvoirs pourrait être ingérable.

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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 17:20

 

 

 

 

 

A - Parce que je consulte régulièrement comme moyen pratique d'information rapide le portail Orange et que, sous le pseudo (il est demandé d'en avoir un ) "memling", j'ai essayé parfois de m'y exprimer, j'ai été conduit à constater qu'Orange refuse de publier les  commentaires qui lui semblent politiquement incorrects ( cf. un florilège d'exemples en notes de renvoi),  j'en suis venu à estimer que ce portail exerce une double dangereuse  fonction :

 - d'une part de présentation de l'information qui confine, comme beaucoup, d'autres media, à  la déformation, mais en le masquant  spécialement bien;

- d'autre part de filtre des réactions d'une manière qui me paraît confiner à la censure et, donc,  à la construction artificielle d'un climat d'opinions favorisant certaines forces politiques plutôt que d'autres.

 

 

B - Difficulté d'avoir de larges infos et besoin d'outils

B1 - La difficulté pour une  dénonciation de censure qui se voudrait "scientifique",  du moins, factuellement incontestable ,  c'est que l'on mesure certes ce que ce portail produit ( et encore faudrait-il le typifier), mais, que - par construction puisque c'est ce qui n'apparaît pas  -  on ne peut pas savoir ce qui  a été censuré... sauf ce qui émane de soi-même et qui ne peut être parfaitement prouvé que si  son  "journal de réaction"  n'a pas été, par des automatismes tenant au site ou à l'internaute, purgé de tout un amont de traces ( que, pour ma part, je n'ai pas toutes gardées, notamment sous forme de captures  d'écran).

 

B2 - Pour être vraiment pertinent, il faudrait donc  d'abord être outillé par des études sociométriques : en chiffrant, sur une moyenne période,  d'un côté,  les types - à définir - de contenus des réactions publiées et , d'un autre côté, ce qui a été refusé . Mais on ne pourrait apprécier ce qui a été refusé qu'en ayant accès à des "journaux  de réactions", individuels ( ou, au moins,  à des échantillons soit tirés au sort, soit fournis, mais ce serait - comme cette contribution - plus subjectif  par des internautes)  pour autant qu'ils aient été conservés, afin de faire apparaître, au regard de ce qui a été publié, ce qui a été passé à la trappe.

Il faudrait ensuite gagner en transparence en ayant les résultats d'investigations sur la manière dont - et par qui ? -  le portail est organisé, géré, piloté .

 

C - Ce que je constate pour ma part - mais toujours de manière relativement subjective - est constitué de deux points significatifs (1) : ce qui est publié à tout va; ce qui est admis ou censuré de mes propositions de "réactions" .  Cette conjugaison aboutit à une ligne politique (2); mais celle-ci est plus puissamment  inoculée qu'elle n'est évidemment affichée (3),  sans qu'on puisse aisément  établir une traçabilité de cette propagande qui s'effectue au jour le jour, puis se dissout sans laisser apparaître de  responsabilités (4).

 

C1 -Le portail/fitre Orange

 

- semble totalement ouvert à toutes les réactions d'inspiration manifestement pour le moins "populiste" qui constituent le flux dominant des billets publiés :

            * contre : les élus politiques, les impôts, les charges sociales, le socialisme, les assistés, les immigrés, l’Islam, etc.

            * pour une laïcité, en fait d'inspiration occidentale, plutôt répressive; une compétitivité de l'économie française s'embarrassant le moins possible de protections sociales; une sécurité s'embarrassant le moins possible de protections des droits de l'homme; un contrôle, voire un terme, des flux migratoires.

Et c'est autour de ces "contre"et de ces "pour" que se bâtit un climat de contestations intenses de ce qui se fait. 

 

- mais , parmi les axes de contestations, le Portail  reprend bien moindrement  ce qui (comme dans certains de mes précédents billets) met frontalement en cause la globalisation,  l'euro et la construction européenne telle qu'elle existe et fonctionne  [i] .

 

 - a passé toutefois, depuis quelques jours du moins, mes observations critiques  sur des acteurs européens [ii] .

 

- tend à censurer assez systématiquement ( du moins selon l'expérience que j'ai  sur mes "réactions ") ce qui paraît comprendre ou soutenir une ligne gouvernementale [iii] .

 

- mais, par contre, produit sans état d'âme ce qui  de ma part (comme de celle de tout le monde, apparemment) , semble critique ( ou très hostile ) à l'égard de telle ou telle  ligne gouvernementale [iv] .

 

- il arrive enfin qu'il publie même mes réactions soutenant plutôt le gouvernement [v].. dans des secteurs spéciaux .

 

À côté d'une complaisance considérable envers des réactions généralement très populistes (mot aimable à la mode pour mettre dans le même sac ce qu'on  aurait autrefois désigné comme "poujadiste" pour le mieux  et "fasciste" pour le pire ) et qui, parfois , font honte et peur, une réelle dose de censure et de censure cachée ( et donc d'autant plus dangereuse) a été ainsi introduite sans contrôle aucun sur le net de la place publique française à  l'encontre de tout ce qui n'est pas dans les clous de la pensée obligatoire européenne et du conformisme économique.

           

 

 

C2 - Tels sont les points que font apparaître d'une part le flux des réactions publiées que chacun peut quotidiennement lire, d'autre part   - mais ce ne sont que des échantillons aléatoires dans le florilège des échanges - les exemples retenus dans les notes de renvois ci-dessous I à IV valant annexes. L'ensemble me paraît traduire

* un choix sociétal très  droitier

* un choix politique hostile au pouvoir en place

* un choix économique et social fortement  libéral

* en bref, une préférence dominante pour  un modèle autoritaire libéral inséré dans l'UE

 

Voilà qui fait, en apparence, du site considéré un outil fort et masqué  au service de la tendance droitière populaire de l'UMP, continuant,  essentiellement par son adhésion européenne, à se distinguer du FN dont les thèmes sont très repris sur le Portail, sans qu'il semble que ses réactions à l'égard de l'UE ou d'autres réactions euro sceptiques ou euro critiques y soient, elles, en nombre, bien accueillies.

 

Ce positionnement sociétal et politique est évidemment de la liberté de tout media, à condition qu'il ne soit pas d'une certaine manière, dissimulé, parce que dissous dans une espèce de permanent sondage non scientifique et informel d'une "opinion" sélectionnée, et porteur d'effets boule de neige.

 

 

C3 - Or le problème du type de "propagande" et de climat de rapports de forces  qu'instaure Orange,  c'est que ce portail passe aisément pour un portail d'information alors que c'est un média d'opinion. Et un média d'une puissance automatique, organisée  et considérable.

 

* Automatique, parce que ce sont des millions de personnes qui fréquentent  régulièrement ce portail[1] sur lequel ils tombent d‘ailleurs directement lorsque c’est leur page d’ouverture sur le net .

 

* Organisée,  parce que c'est un système de conditionnement à deux ou trois étages ; le premier étage est constituée de nouvelles , d'informations et d'appréciations dont on peut aisément constater d'abord qu'elles ont en général une tonalité péjorative envers le pouvoir qui y semble l'objet d'une campagne systématique de déstabilisation, ensuite que ce bouquet réfère manifestement à la gouvernance de "la pensée unique" , mais en souhaitant - alors même que cette pensée là  est aussi, pour une part, mise en œuvre  par la gestion socialiste,  qu'elle soit clairement assurée par une autre majorité. Le second étage est celui, par la dominante des "réactions " publiées, la caricature extrémiste du premier; et le troisième est l'amplification que permettent, les "commentaires” par rapport aux "réactions". Ces commentaires donnent l'apparence de facultés de débats (mais on est vite découragé de débattre sérieusement devant le type des raisonnements, le champ des sentiments, des invectives, des haines et des préjugés  que l'on rencontre),

 

* Considérable parce que c'est un outil sans doute quantitativement beaucoup plus pénétrant que la presse écrite et d’un impact sans doute aussi, voire plus,  important que des TV ; opérant de manière d'autant plus pernicieuse qu’en apparence il  ne se présente sous aucune bannière tout en agissant en fait de manière automatique et insidieuse et dont peuvent rester masqués ceux qui en tirent les ficelles comme sa portée profonde aussi longtemps que des études sociométriques et des journalistes d'investigation ne se seraient pas unis pour faire mesures et transparence de ce phénomène singulier de communication .

 

 

C 4 - Car tout se passe en un temps réel et fugace faisant que , à la différence de la traçabilité qu'autorise la presse écrite que l'on classe plus aisément sur un clavier politique, et dont on peut consulter commodément les archives -  s'agissant du portail Orange, on se reporte mal aux historiques d'articles, de réactions , de commentaires, le tout disparaissant vite des facultés commodes d'accès . C'est , en pire, comme l'audiovisuel et en  plus c'est de manière anonyme que sont inoculés et instillées ces visions de ces choix de société. Qui sait dans le grand public - et même ailleurs - qui dirige le GIE , personne morale support de ce portail ? Qui préside aux choix de reprises de presse écrite ? Quel est le directeur de rédaction et qui est (s'il y en a) rédacteur en chef ?  Quel est  le rapport du Portail avec sa holding privatisé, avec le groupe Orange dans lequel la participation résiduelle de l'État français ne sert plus à rien pour garantir un service public ( notamment d'un portail d'informations dont le sens est sans doute surtout d'être support de recettes - et d'influences ? - publicitaires ) . Quel peut être enfin le lien entre le Portail et les patrons d'Orange et pour quoi, pour  qui - si liens il y a - ceux-ci roulent-ils ?

 

 

D - Le cercle vicieux s'accélère, et bien sûr cette exploitation politicienne intense prend de vitesse les études qu'il faudrait faire ( de sociométrie, de politologie, de communication)  pour parvenir à la contrer.

 

C'est bien pourquoi l'hyper action des politiques et de leurs séides les plus allants dans un sens ou un autre, mais plutôt dans celui de la perversité,  bouscule toujours les politologues et les laisse, par rapport à ceux qui au mépris de toutes bonnes règles de conduite vont sans états d'âme de l'avant, dépassés, débordés, impuissants,  sur le bord du chemin. 



[1] Selon Wiki et Médiamétrie//NetRatings, Orange est le troisième groupe français en termes d'audience sur internet avec plus de 20,7 millions de visiteurs uniques (déjà en juillet 2008 !) notamment via son portail. Ce portail d'Orange est en septembre 2011 le huitième site français en nombre de visites, sans compter d’autres sites internet relevant d’Orange comme le moteur de recherche Voila .

 



[i] // exemples REJETS / Europe

 

a) Au regard de la déclaration, le 29 avril,  de Moscovici selon laquelle la mise en cause de Merkel était contre-productive j'ai eu  pour la réaction ci dessous

Statut : refusé

"Les intérêts et les conceptions allemandes ne sont pas les nôtres et une série de particularités de l'économie allemande fait qu'elle est seule à bénéficier d'une monnaie trop forte : une solution réaliste serait donc que l'Allemagne ( son opinion y est prête ) sorte de l'euro, ce qui permettrait par les autres États partageant cette monnaie commune de remettre les pendules à l'heure en dévaluant "

 

b) Au regard du commentaire suivant, le 29, avril,   de "ALeph" ( en commentaire de ma réaction ci-dessus qui avait été refusée comme réaction à une déclaration de Moscovici, puis acceptée comme réaction à une déclaration d'Ayrault !) 

«  Les attaques contre la chancelière s'expliquent par la perspective des prochaines législatives allemandes. L'Europe veut se mêler à la campagne électorale Allemande, Il faut donc s'attendre à voir se multiplier les attaques à l'emporte- pièce, où la chancelière allemande sera décrite comme une personne sans cœur, refusant l'argent à des États en crise qui n'auraient besoin que d'un bon plan de relance pour sortir de l'ornière. Preuve de la panique et des divisions qui règnent au PS. La seule chose qui les réunit encore, c'est de se trouver la chancelière allemande comme ennemi commun. Le gouvernement français paie surtout sa perte d'influence en Europe. Les socialistes promettaient il y a quelques temps de montrer la voie à l'Europe. Cela sonne, un an après la conquête de l'Élysée, comme une plaisanterie. »

 

ma réponse ci-dessous

Statut : refusé 

"Et qui fait donc du commentaire politicien contre les socialistes, je tiens à dire que je ne me plaçais pas sur ce plan partisan , mais sur celui de la stratégie:  ce qui est à changer c'est la stratégie européenne conformiste commune à Sarkozy et à Hollande. Il faut aller à une autre politique monétaire et à une certaine dose de protectionnisme commercial. Ce sont les seules voies : ou l'UE les adopte, où l'UE n'a plus de sens, ni d'intérêt."

 

 

c) en référence à un article du 30 Avril 2013  "un sixième soldat français tué au Mali" , pour la réaction ci dessous

Statut : refusé

 

"Qui paye la défense des intérêts de la zone de confrontation de l'Occident et du djihadisme ? Les États Unis et la France par le prix du sang et les charges militaires que nous sommes maintenant obligés de réduire au nom de la règle d'or !
En tout cas, ni les pays de l'Est européen, ni l'Allemagne, ce qui favorise d'autant leur concurrence économique.

Encore un motif de revoir des relations intra européennes trop déséquilibrées , à bien des titres - monétaires, commerciaux, budgétaire, agricole - aujourd’hui devenues en notre défaveur,
au lieu de demander la réduction de dépenses françaises de rémunérations des personnels d'État qui n'ont pas augmenté depuis vingt ans proportionnellement aux services souvent insuffisants , mais néanmoins incomparables que rendent nos services publics mis au pilori !

Arrêtons l'intox inouï qui veut accabler le modèle français et demandons qu'on nous rende justice , sinon souveraineté."

 

 

d) en référence à l'article  "Pour Montebourg, Barroso "est le carburant du Front national" , le dimanche 23 juin à 19H09  j'ai eu, pour la réaction ci dessous

Statut : refusé

“bien vu , rien à ajouter au titre”

 

 

[ii] //exemples de PUBLICATIONS  critiques sur Europe

 

a) référence à l'article " Avant sa (probable) réélection, quatre raisons d'apprécier Angela Merkel ", le vendredi 06 septembre à 09H27 , pour ma réaction ci dessous

Statut : publié

"Et quatre raisons de ne pas l'apprécier

- s'oppose à des protections commerciales nécessaires de l'Europe
- fait maintenir un euro surévalué
- maintient quelques millions d'Allemands sous le seuil de pauvreté
- ne s'engage pas dans une politique internationale assez solidaire de la France"

 

b) référence à l'article "Retraite : quatre mois de bras de fer entre Paris et Bruxelles",  Le mardi 10 septembre à 01H08, pour ma réaction ci-dessous

Statut : publié

"La commission européenne fait de l'ingérence

Il n'appartient pas à l'UE de rentrer dans le détails des mesures de la France , dès lors que celle-ci cherche à assurer ses équilibres globaux des comptes publics et sociaux; et d'ailleurs les compensations à l'augmentation des cotisations pour retraites ont été annoncées et viendront en leur temps et selon les choix des pouvoirs publics nationaux qui sont responsables devant les électeurs français et non selon les oukases des technocrates de Bruxelles qui ne sont responsables devant personne et dont on voudrait mieux savoir pour qui ils roulent."

 

 

[iii] /exemples de REJETS de réactions approuvant pluôt le gouvernement

 

a) en référence à l'article "Retraites: et maintenant, le gouvernement va devoir convaincre " Le mardi 27 août à 20H50

pour ma réaction ci-dessous   

Statut : refusé

titre :c'est bien

"juste et équilibré et résolvant plusieurs problèmes à la fois"

 

b) en référence à l'article" Retraites: réforme rejetée par la CGT et le Medef, saluée par la CFDT "Le mardi 27 août à 23H14

pour ma réaction ci dessous

Statut : refusé

titre : il faut boucler l'ensemble

"C'est bien, juste et équilibré : allongement nécessaire durée cotisations; hausse de celles-ci; pas de baisse des retraites ou de prélèvements sur les retraités; création d'un vrai régime pénibilité.
Il reste à savoir par quelle autre fiscalité que la csg (apparemment exclue) à affecter à la branche famille se compensera l'allégement annoncé sur le coût du travail pour donner aux entreprises une contrepartie à la hausse des cotisations retraites?"

 

 

c) en référence au même article

Statut : refusé

titre : votre censure antisocialiste continue

" je viens d'être censuré une nouvelle fois pour le commentaire suivant
"il faut boucler l'ensemble. C'est bien, juste et équilibré : allongement nécessaire durée cotisations; hausse de celles-ci; pas de baisse des retraites ou de prélèvements sur les retraités; création d'un vrai régime pénibilité.
Il reste à savoir par quelle autre fiscalité que la csg ( apparemment exclue) à affecter à la branche famille se compensera l'allégement annoncé sur le coût du travail pour donner aux entreprises une contrepartie à la hausse des cotisations retraites?"

Peut-être un peu optimiste parce qu'il y a quand même un petit effet réduction des retraites ( avec le décalage de prise en compte de l'inflation, mais je ne comprends pas que ce portail accueille les commentaires les plus outranciers et vulgaires lorsqu'ils taclent les pouvoirs, les Arables ou les immigrés et refuse régulièrement une réflexion sérieuse qu'elle critique la pensée unique ou qu'elle approuve un peu la gauche. C'est proprement scandaleux."

 

d) En référence à l'article "Syrie: Paris avance des preuves, Assad menace d'"une guerre régionale" Le lundi 02 septembre à 22H55

  

Statut : refusé

je réïtère ce qui a été "refusé" (compte tenu , je veux croire, de fautes de frappes)

comme Hitler et Staline" : Poutine soutient Assad comme Staline a soutenu Hitler. Pour ces dirigeants là, les résistants ( Polonais, Syriens, Tchétchènes et autres) et leurs enfants sont des chairs à pâté , à gaz et à goulag. On a toléré trop longtemps ce tyran fou et l'on n'a pas su mieux armer les révolutionnaires syriens que la République Espagnole livrée au fascisme de Franco par la démission des démocraties occidentales" .

 

 

[iv] // exemples de publications de réactions plutôt contre le gouvernement

 

a) En référence à l'article " La charte de la laïcité placardée dans les écoles : êtes-vous pour ou contre ? " Le lundi 09 septembre à 18H16

 

Statut : publié

une laïcité répressive ou une laïcité ouverte ?

La proscription des signes religieux ou communautaires est l'expression, à mes yeux, d'une laïcité négative : celle qui faisait autrefois réprimer une petite croix au cou des filles élèves catholiques, celle qui condamne le port d'une calotte par des enfants juifs ou d'un foulard laissant le visage ouvert aux filles arabo berbères (d'ailleurs tantôt juives, tantôt musulmanes, tantôt laïques), celle qui voit dans un sari ou un boubou une provocation vestimentaire. Il n'y a, en France, qu' à la Réunion, parce que c'est une mosaïque d'ethnies que l'on comprend la diversité .... Une laïcité ouverte - en fait proche du réel esprit de la loi de séparation des Églises et de l'État - est celle qui accueillerait toutes les différences et en permettrait l'expression "comme la diversité des traits se résout en l'harmonie du visage"( Jacques Roumain). Nous devons reconnaître que notre pays est devenu multi ethnique et multi culturel et il ne faut pas effacer cette richesse qui est un peu le reflet de celle de l'ex Empire et de l'Union française ( d'ailleurs si "tous ces gens" sont chez nous, c'est que nous avons été chez eux ). Contraindre à l'uniformité - ce qui est prétendre qu'on est, mieux que les autres - ne peut que susciter des ressacs. Et puis, l'uniformité , c'est triste . Mais la contre partie de ce "différentialisme" - qu'il faut, à mon sens, promouvoir pour accoutumer les enfants à s'accepter les uns les autres, dans leurs singularités culturelles qu'adultes ils rencontreront dans toute leur vie - c'est, par tous, le respect de l'ordre public parfaitement conciliable avec la tolérance . Par ailleurs, il n'y a guère de sens à afficher un drapeau européen alors qu'on a refusé en 2005 une constitution européenne, et tandis qu'il faut, à l'inverse, faire valoir aujourd'hui les intérêts propres de notre Nation. Ses principes fondateurs ( la République ne reconnaît aucune valeur à des traitements fondés sur des différences d'origine, de races, de religions) , doivent faire reconnaître les droits de l'homme et de la femme à se choisir une identité respectée par les autres. C'est aussi la part de francophonie de notre héritage qui, dans la différence de ses composantes, doit être reconnue comme pouvant toujours faire la force de la France.

 

b) En référence à l'article Laïcité : le Défenseur des droits demande des "éclaircissements" , Le lundi 09 septembre à 20H07

·  Statut : publié

la laïcité de combat continue

"Il est évident que ce type de jusqu'au boutisme , dans la suite des exigences d'une Blandine Kriegel lorsqu'elle présidait le haut comité de l'intégration, et aujourd'hui à la remorque de l'islamophobie populiste va sans le sens de la laïcité répressive (voir ma précédente réaction) qui ne peut être guère produire fécondités et solidarités ".

 

Si ces réactions a) et b) ont été publiées - alors qu'elle ne sont pas dans la ligne du Portail qui laisse apparaître une grosse préférence pour une laïcité totalitaire de combat contre l'Islam -  c'est sans doute parce que les "filtreurs" n'ont pas compris que mes propos étaient contre cette laïcité là, mais ils ont pris ma réaction, parce qu'elle était contre un acte du  gouvernement et pouvait sembler aussi avoir un petit ton catho et nostalgique Union française...

 

 

[v] // exemples de PUBLICATIONS  de réactions soutenant plutôt le gouvernement

a) en référence à l'article" Réforme pénale: Taubira veut une discussion "des que possible" "Le samedi 31 août à 19H27

pour ma réaction ci dessous

Statut : publié

titre :un arbitrage plus équilibré qu'on ne donne à penser

"Une partie du projet Taubira a été validé ; schématiquement il y a suppression des peines planchers; et création d'une alternative à la prison, la probation.
Mais, comme pour les peines planchers, l'automaticité a été écartée : d'une part la probation ne sera pas automatique, les juges pouvant décider dans le sens de la prison ; d'autre part l' idée - un moment, de la Garde des Sceaux - de ( nouvelles) remises automatiques sur la durée des peines d'emprisonnement me semble avoir été aussi écartée.
OR, en disant d'une part que le projet Taubira était laxiste, et en disant d'autre part que c'est la ligne Taubira qui a été adoptée, certains médias ne forcent-ils pas le trait pour ...accuser le pouvoir de... laxisme?

Sur le fond tout va dépendre de deux choses : d'abord des juges et ensuite des moyens. Avec un budget de la Justice bien plus doté ( mais que les contraintes de rigueur interdisent), on aurait pu bien concilier Valls et Taubira qui ont tous les deux leur part de raison : il faut plus de places dans les prisons surpeuplées ; il faut de nouveaux outils à essayer contre la récidive ( pas de "sortie sèche" de prison sans un certain accompagnement; des personnels et des crédits pour bien réussir le système probation). Sortons par le haut de la polémique pour bien mesurer les besoins."

(si ce papier a été publié, à mon sens, c'est qu'en fait, il apprécie plus l'apport de Valls que celui de Taubira)

 

b) En référence à l'article "Syrie: Bartolone "regrette l'expression" "esprit munichois" Le lundi 02 septembre à 13H07

pour ma réaction ci dessous 

Statut : publié

titre : A fronts renversés

"Bartolone conforme à l'esprit de la Veme République.
Quant à VGE, on voit vraiment que ce n'est pas un héritier de De Gaulle
Et le constitutionnaliste, D. Mauss, interviewé ces jours-ci, dans sa ligne de souplesse sur les institutions, ouvre, lui, tous les possibles, de la même manière qu'il a couvert avec le quinquennat, par le passé, le passage de la République présidentielle au parlementaro-présidentialisme majoritaire. Que ce confrère en sciences politiques me pardonne la tentation d'un méchant mot : c'est de la "quimauss". "

 

c) En référence à l'article Syrie: les Américains prêts à parler avec les Russes des armes chimiques Le lundi 09 septembre à 17H17

 

Statut : publié

"première avancée de Poutine, résultat d 'efficacité d'une menace crédible ?

avec cette proposition qui est intéressante, il est démontré que la menace des frappes américano-françaises a sa part d'efficacité" .

 

Notons que les publications b et c , publiées bien que plutôt compréhensives vis à vis du gouvernement , ne sont pas dans le domaine passionnel de politique intérieure .

 

 

 

 

 

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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 15:23

  

  La "Revue Politique et Parlementaire", a bien voulu  - dans l'axe d'une longue coopération (dont je donnerai prochainement l'ensemble des références )  notamment sur les questions institutionnelles, les affaires d'outre-mer et les interrogations européennes - accueillir le texte ci-dessous qu'au titre d'une expérience diversifiéeð, je lui ai proposé pour  son Numéro 1066 de janvier/mars 2013.
 

 

Ce numéro est titré "France : le choc des réalités"

couverture 1066 RPP jepget,  comme le fac similé ci contre l'illustre, il regroupe de nombreuses contributions qui s'ordonnent autour des métamorphoses, des problématiques et des facteurs de doute ou de rayonnement qui caractérisent aux yeux de chacun des auteurs la situation actuelle de notre société.

Il doit être noté que dans la matière institutionnelle, un article parallèle au mien que signe Didier Mauss (Ancien conseiller d'État , Président émérite de l'Association internationale de droit constitutionnel ) fait entendre une opinion manifestement plus portée que la mienne à apprécier notre régime politique.

J'invite donc, en dialogue,  mes lecteurs à se reporter à sa contribution ( en consultant la RPP qui est présente dans toutes les  bibliothèques publiques et universitaires ou en la commandant via son site   <www.revuepolitique.fr>.

Je suis très satisfait de pouvoir souligner  à cette occasion combien l'ouverture dont a toujours fait preuve la RPP, en accueillant des points de vue différents, est constitutif de la valeur de  pluralisme que je voudrais voir , de même partout, mieux gouverner la vie publique française.   

 

 

 

 

 

 

Les notes de fin seront produites dans ma prochaine édition

 

 

 

 

 

 

 

 

  Les institutions de la Vème république, handicap ou atout pour la France ?

 

Cette question est du type de celles ayant inspiré, des décennies durant,  les dissertations demandées aux étudiants de droit public. Les corrigés conformistes proposaient des réponses portant à une sage balance « avantages/inconvénients » : comme si ce n'était pas la relativité temporelle, les subjectivités intéressées et la crédibilité d'éventuelles institutions de rechange qui gouvernaient les différentes appréciations possibles, voire antagonistes,  de nos institutions.

 

La relativité, c'est qu'il n'y a pas d'institutions valables en toutes circonstances et pour tous les temps. « Pour quel peuple et à quelle époque ?» demandait Solon aux Grecs qui l'interrogeaient pour connaître la bonne Constitution. Ainsi, il y a eu un moment historique incontestable où la Constitution initiale de 1958 a été l'un des leviers du redressement français de l'époque. Ces institutions furent néanmoins longuement contestées non seulement par de nombreuses prises de positions de la doctrine du droit public, mais par les pamphlets du temps; ni les unes, ni les autres n’empêchèrent leurs propres rédacteurs - arrivés à la tête du pouvoir ou au nombre de ses proches serviteurs - de se glisser tout à fait opportunément dans cet appareil qui est devenu la tenue de service et, à peu d’aménagements près,  l’armement de tous dans la compétition bipolaire. C’est bien ce dont attesta le constat d’ouverture (page 11) de la commission Balladur sur la base duquel celle-ci écarte l'hypothèse d'un passage à un régime présidentiel,  les membres du comité estimant « qu’il faudrait alors ….développer une culture de compromis qui n’est pas toujours conforme aux traditions politiques de notre pays »  et relevant qu’ «aucune des principales forces politiques n’est favorable à un tel régime… ».

 

Le modèle présidentiel - dans une France redoutant alors un Mac Mahon , et toujours sans doute aujourd’hui prévenue à l’encontre de la formule -  ce n’était certes pas celui qu’avait institué le choix du Général, amendé par la technicité de Michel Debré et tenu de respecter les termes de la loi d’habilitation de juin 1958 (exigeant que le régime assure la responsabilité du gouvernement devant le délibératif) ; néanmoins ce choix de 1958 emportait des éléments de structure et de fonctionnement institutionnels faisant place à une part réelle de séparation des pouvoirs, ce qui est la principale protection des gouvernés contre le pouvoir d’un seul. Or, on s’est de plus en plus écarté de ce qui donnait un caractère très singulier (et déconcertant beaucoup) aux institutions d’origine, pour installer de fait un régime beaucoup plus déséquilibré : celui qui règne dès lors qu’il y a double majorité conduisant à un risque réel de « démocratie absolue ». C’est ce  régime « majoritaire présidentialiste » (celui  dont il faut se demander s’il est un atout ou un handicap pour la France) qui a été validé par ce que j’ai nommé dans cette revue[i] « la toilette Lang/Sarkozy (intéressante à différents titres), mais ne mettant nullement en cause la logique du système  qui est le résultat d’un régime politique si glissant d'un modèle à un autre qu'on n'a plus du tout à faire aux mêmes institutions qu’à l’origine.

 

Celles d’aujourd’hui sont d'ailleurs appréciées de manière tout à fait subjective : selon les différents intérêts partisans des forces politiques en présence. Les jugements portés sur nos institutions (et c’est en ce sens que celles-ci sont pleinement la matrice d’un « régime de partis » à l’inverse de la conception gaullienne) semblent bien directement inspirés par l'estimation des chances que ce régime politique donne à telle ou telle formation de venir aux affaires ou selon le constat que l’alternance l’en  exclue ou la marginalise. Ainsi si vous appartenez aux familles dont les réseaux ont une chance d’aller au pouvoir, vous considérerez certainement que nos institutions sont un atout pour la France ; si vous appartenez à un courant de réflexion ou à une formation politique qui n'a (compte tenu, au premier chef, des scrutins majoritaires qui nous gouvernent)  guère de chance de faire le poids, vous considérerez vraisemblablement que ces institutions sont un handicap pour notre pays.

 

La crédibilité que chacun, de sa fenêtre,  leur confère est donc totalement contingente en fonction de l'accessibilité qu'elles donnent ou non à tel ou tel d'entrer au nombre des gouvernants.

Cette  crédibilité est aussi à l'inverse de celle que l'on peut accorder à divers systèmes de rechange qui sont de temps à autre évoqués  (tels que le passage à un régime parlementaire plus marqué dans le cadre de ce que serait un contrat de législature [ii]; ou que le passage à un véritable régime présidentiel [iii] au sens constitutionnel exact du terme,  c’est à dire constitué de pouvoirs séparés obligés à coopérer, ou qu’un basculement complet vers une autre nature de pouvoir, par exemple de type helvétique [iv]). Or , aussi bien le dessein précis que pourraient revêtir en France de tels régimes,  que les voies politiques à la faveur desquelles ils pourraient se substituer au régime en vigueur sont tellement peu explicités et tellement peu discernables (sauf - puisqu'il a été évident que les circonstances des consultations électorales présidentielles ne suffisaient pas à renouveler l'offre institutionnelle  - crise nationale majeure entraînant un spasme collectif exigeant un saut d’imagination créatrice) que c'est l’incrédibilité de tout régime de rechange qui donne – en quelque sorte par défaut – sa crédibilité au régime existant.

 

À la confluence de l’évolution française vers la concentration des pouvoirs  et de l’institution de la co-souveraineté européenne, nos institutions ont produit un puissant présidentialisme majoritaire paradoxalement doté d’une capacité nationale restreinte (I). Autant cette constatation semble pouvoir être partagée, autant  la réponse à la  question de savoir si les effets de ce dispositif constituent un atout ou un handicap pour la France dépend des critères que l’on privilégie pour en juger (II).  En définitive, on constate qu’il y a solidarité (III) entre trois facteurs : l’appréciation que l’on porte  sur les moyens de rechercher la confiance ; le modèle de stratégie que l’on croît appropriée pour faire face au monde concurrentiel contemporain ;  la marge et des matières que l’on croit ou non ouvertes à des démarches de réformes constitutionnelles.

 

 

1 – La confluence déterminante est celle qui s’est établie entre l’impact constitutionnel des compétences interétatiques européennes et le présidentialisme majoritaire français.

 

1-A –L’impact constitutionnel  des compétences interétatiques  européennes

 

Le seul rappel de l’évolution française donnerait l’illusion  de faire croire à la continuité du pouvoir exécutif dans la fonction de déterminer et de conduire la politique de la Nation s’il n’était marqué en fronton de ces développements que, depuis vingt ans, le changement majeur de Constitution – tient, comme le traduit la rédaction du Titre XV de celle-ci – à l’introduction au sommet de notre hiérarchie des normes non seulement du droit fondamental européen, mais aussi des contraintes du droit dérivé : les objectifs des directives s’imposent au législateur [v] ,  en ce triple sens qu’ils ne peuvent être écartés par abstention de transposition, que des dispositions contraires en vigueur ne sauraient leur être opposables et que les textes de transposition doivent les respecter. La borne fut un moment dans le concept formé en 2004/06 par le Conseil Constitutionnel  que le droit « communautaire » ne primait sur le droit national que dans la mesure où il n'est pas contraire à un « principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France »…[vi] « sauf à ce que le constituant y ait consenti » (ce qui nous paraît  un parallèle à l’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe [vii] rendu à l’occasion de la ratification du traité de Lisbonne, sur la portée de l’engagement européen au regard de la loi fondamentale allemande). Quant au consentement, il a été  politiquement obtenu par des révisions faites en tant que de besoin : la Constitution a été modifiée autant de fois que nécessaire pour permettre l’adoption des Traités et notamment de celui de Lisbonne du 13 décembre 2007, ces processus pouvant porter à considérer qu’il n’y a plus, d’un, côté une constitution française, de l’autre un corps de textes européens, mais, selon la juriste A. Marie Le Pourhiet [viii],   une “relation fusionnelle”

 

Cette intégration a été si loin que le 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a pu juger que le TSCG pouvait entrer dans le droit national sans que soit indispensable une réforme de la Constitution, mais (ce qui évitait opportunément  au pouvoir en place d’avoir besoin de votes de l’opposition)  par la voie de la loi organique. Or,  si le traité considéré, d’une part,  en exigeant, en matière de finances publiques consolidées de l’État, des régimes sociaux, des collectivités locales, des engagements quantitatifs plus sévères [ix] n’appelle pas de ce fait une modification constitutionnelle puisqu’il s’agit de la déclinaison  d’un principe déjà acquis, d’un autre côté ce TSCG comporte surtout, notamment par son  article 3, un dispositif de correction automatique si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif arrêté. Néanmoins, malgré de très fortes analyses en sens inverse[x], au vu de la fine prise en compte littérale de la dernière rédaction[xi] du projet de TSCG, le Conseil Constitutionnel a fait une lecture alternative de l’obligation que s’est donnée la France [xii] excluant, dans l’une des voies possibles (celle de l’interprétation retenue) tout automatisme qui méconnaîtrait les compétences parlementaires. Très critiquée par les « souverainistes » qui dénoncent un « souverainisme européen », cette décision nous paraît mériter au contraire une mention en ce  qu’elle peut protéger la France de l’application  automatique de mesures structurelles de «redressement » dont elle n’aurait pas, elle-même, décidé.

 

Néanmoins, sur la base de l’appréciation de la portée l’article 8 ([xiii]) ;   la question qui semble, au vu de considérations en sens différents[xiv], rester en attente d’une incontestable réponse, est celle de savoir qui détiendra l’autorité ultime de contrôle. Dans l’acception française – celle du Conseil Constitutionnel – c’est lui-même qui serait fondé à sanctionner des dispositions de loi qui emporteraient dépenses publiques et sociales méconnaissant les effets de la « règle d’or » ; mais, pour autant, et alors que les observations des autorités européennes n’auraient pas été suffisamment prises en compte,  rien ne paraît interdire à un tiers non national de se porter devant la cour de Justice de l’U.E. Dans ce cas – selon un certain parallélisme avec l’institution jurisprudentielle d’un pouvoir de  dire les droits fondamentaux par la CEDH avec la portée de s’imposer aux droits nationaux  - un véritable pouvoir de sanction juridique d’actes législatifs budgétaires français reviendrait, au delà des contrôles normatifs et ponctuels qu’elle exerce déjà aujourd’hui, à la Cour de Justice de l’Union. 

  

 

Plus prégnant que les conclusions possibles des  subtilités des débats juridiques est le ressenti politique de la relation fusionnelle avec l’UE et avec la Zone Euro.


C’est qu’aux yeux de nombreux critiques, le problème démocratique est le problème majeur. Déjà dans les années cinquante, en précurseur gaulliste,   un homme politique et juriste bien raisonnable,  Léo Hamon,  s’en inquiétait [xv] avec une grande prescience.  Selon lui, alors, le processus européen se faisait non seulement au mépris de la souveraineté de la France menaçant ainsi sa survie, mais aussi… parce qu'il apparaît qu'elle compromettait la démocratie de deux manières : « dans le principe parce que l'histoire prouve qu’il n’y a eu de naissance de la démocratie que dans les nations qui s'éprouvaient fortement comme telles, (et) dans la pratique, (…) la démocratie impliquant que les citoyens se prononcent sur les règles qui les intéressent par les représentants qu'ils ont choisi », ce qui n'est pas le cas avec la communauté européenne, dans laquelle « les règles pleuvent, venant d'un aéroplane bruxellois dans lequel les fonctionnaires ont fait serment de se détacher de leurs préoccupations nationales» et où «le transfert des compétences nationales à la communauté, c’est ou bien le transfert d'une responsabilité des élus à des fonctionnaires, ou bien le transfert d'Assemblées délibérant publiquement à des hommes délibérant individuellement ».

 

Certes les choix européens sont réalisés par des instances qui incluent les délégués de la souveraineté française, si bien qu’il y a, en quelque sorte,  une traçabilité de la légitimité démocratique qui rend nos gouvernants théoriquement responsables, mais selon une responsabilité qui, de fait, ne peut pas être mise en œuvre. En effet, les deux périmètres - celui d’une part dans lequel il y a dévolution et sanction du pouvoir et celui d’autre part  dans lequel il y a définition des politiques économique et monétaire et désormais contrôle budgétaire décisif du pouvoir économique et social  emportant des conséquences quasi obligatoires de toute nature - ne coïncident pas. De plus,  le second cercle dominant n’est basé sur aucune construction fédérale, mais sur une coopération  interétatique pouvant néanmoins être dispensée dans des matières capitales (commerce extérieur, monnaie, politique budgétaire) de la règle d’unanimité; ce  second cercle est celui soit de l’UE, soit de la Zone euro. Le premier cercle dans lequel se déroule le choix de gouvernants pouvant être sanctionnés par une  non reconduction aux affaires est le cercle national ; mais   même la mise en cause de la responsabilité politique globale au sein  de ce premier cercle ne peut guère retentir sur l’exercice des compétences du second.

 

L’effet d’évasion de responsabilités que permet la co-souveraineté tient à cette gouvernance sans fédéralisme qui autorise une prestidigitation faisant  s’évanouir l’évènement politique : parce que les dates électorales ne coïncident pas dans les différents pays, parce qu’il y a segmentation des consultations, parce qu’il n’y a pas de scrutin européen unitaire décisif « at large » pour exprimer l’ensemble des citoyens de l’Union, pas de Parlement aux pouvoirs suffisants bien qu’aujourd’hui amplifiés pour les  relayer, pas de construction crédible en ce sens dès lors que l’Union a pris des dimensions incompatibles avec l’intégration politique et que la zone euro ne s’y prête pas plus à raison de sa profonde hétérogénéité, un changement politique national est absorbé sans conséquence importante.   Le fait qu’un homme (et sa majorité législative)  soit élu par la nation  avec un évident mandat de changer de ligne stratégique ne peut guère emporter de changements dès lors que les choix et les appuis de son prédécesseur restent dominants et  opérationnels dans le collège supra national exerçant le pouvoir de décision. Certes, la réplique pourrait être dans - sinon , comme le conseille E. Todd,  la menace de sortie - du moins dans l’hypothèse de « la chaise vide » pour obliger les partenaires à négocier ; mais les pressions sont toujours trop fortes dès lors que la dérégulation mondiale des mouvements de capitaux et les marchés des emprunts entretiennent des risques financiers qui sont insoutenables pour un État qui n’a plus de Banque centrale propre vers laquelle il pourrait se retourner pour obtenir les moyens de passer des caps de tension. La construction de cette infirmité monétaire a réalisé la clef de notre dépendance. Même en cas de profond désaccord, un partenaire ne peut plus sortir du cercle supérieur européen qui l’habilite et le contraint en même temps. Les diplomates se plaisent à voir dans l’Europe (bien qu’ils ne sachent pas toujours laquelle)  un club obligatoire.

 

En bref – c’est une banalité, mais il fallait la rappeler - il n’ y a pratiquement plus d’appel national possible des politiques déléguées au niveau supra national. Tel est le changement irréversible qui relativise ce qui s’est passé à l’échelon national. 

 

 

 

1-B _ - Le présidentialisme majoritaire français

 

Ce que sont aujourd'hui nos institutions est fait non seulement du point mécanique de leur évolution, mais aussi d’une référence mythique au « fait  présidentiel » absorbant la vie institutionnelle, ce qui fait prospérer la confusion des pouvoirs et fortifie l’image de leur personnalisation. La confusion apparaît dès lors que le Président est conforté, voire tenu, par une formation qui s’en réclame  et qui est majoritaire à l’Assemblée ; c’est ce qui est mécaniquement obtenu en 1962 ; l’équation se confirme timidement en 1967, encore que  la majorité tient alors à un fil (centriste). Les événements de 1968 conduisent en 1969 à la forte domination pompidolienne au sein de laquelle se combattent néanmoins les tenants de la « nouvelle société » et les professionnels du réalisme politique ; ceux-ci choisissent VGE parce qu’il a le plus de chances de gagner. Ce qu’apporte sa victoire ne satisfait pas ceux qui sont tout autant allergiques au souffle de la libéralisation politique que réservés au regard d’une orientation économique de type nouveau par rapport à ce qui a prévalu dans la France d’après guerre. La droite d’inspiration gaulliste, de sensibilité à la fois conservatrice et sociale, ainsi que de tradition étatiste récuse ce qui voudrait s’inspirer de l’école libérale dont  bien des aspects mettent déjà en cause des situations traditionnellement protégées et des habitudes de gestion publique. Les tensions entre ces deux composantes des droites, fragilement alliées entre 1974 et 1981, favorisent le succès de F. Mitterrand. C’est si clairement un modèle idéal et commode que celui d’une double majorité que le nouveau chef de l’État le consolide immédiatement par la dissolution de l’Assemblée (il recommencera en 1988), ce qui produit, après « l’État RPR », « l’État mitterrandien». « Le roman de la Cinquième République, à l’aube du démo-despotisme »- selon les formules du professeur R. Cubertafond [xvi] - entre dans le chapitre des alternances.

 

Lorsque majorités de l’Assemblée et du Président ne se superposent pas (entre  1986 et 1988 ; entre 1993 et 1995 ; entre 1997 et 2002), les « grandes alternances » laissent place aux « petites alternances  qui sont accompagnées  des obligations de cohabitation résultant du déphasage  des élections législatives et présidentielles. La logique de la bipolarisation, comme la commodité de la gestion  – par l’écrasement du camp rival, le but du jeu est obtenir le grand schlem de concentrer tous les pouvoirs  –portent les partis de gouvernement à s’entendre pour exclure le cas de figure de la cohabitation en mettant en œuvre la recette du doyen Vedel: "la simple institution du quinquennat... assortie d'une synchronisation de l'élection du président et de celle des députés... donnerait 90 % de chances d'harmonie entre l'Élysée et le Palais-Bourbon et donc avec Matignon, et retrouveraient les structures de pouvoir obtenus ailleurs par les mécanismes du régime parlementaire... Il est donc possible à peu de frais politique, sans se lancer dans l'entreprise hasardeuse du régime présidentiel, de garder les acquis du présidentialisme majoritaire tout en en corrigeant les défauts ». Il faut de ce propos retenir d’essentiel la chose suivante : des régimes de logiques apparentes opposées peuvent être conçus et gérés – du fait des dates et modes de scrutin – pour  avoir le même résultat : un bloc compact de pouvoir. Des régimes chacun spécifiquement qualifiés, souvent comme à l’opposé,  par la doctrine universitaire et ressentis ainsi par l’opinion aboutissent alors à des modes de choix des gouvernants quasiment identiques.

 

Des régimes concrètement très comparables existent ainsi sous des dénominations bien différentes. Au delà des classements traditionnels et de leur infirmité à expliquer toutes les réalités, la typologie des régimes occulte la réalité des systèmes. Ceux-ci sont de deux natures : un système de répartition des pouvoirs; un système de concentration des pouvoirs et la vraie question est de savoir ce qui est préférable.

 

Adopter le régime parlementaire, avec de ce fait élection simultanée du délibératif et du patron du parti vainqueur comme chef de l’exécutif, ne ferait pas grande différence avec des élections législatives succédant immédiatement à une présidentielle. Qu’on élise directement (régime français) ou indirectement (régimes parlementaires allemand et britannique),  l’exécutif suprême national,  c’est la division d’un pays entre deux camps dominants qui prévaut sur la typologie classique, et cette division est  elle-même, du moins en France,  le simple  produit du mode de scrutin. Chez nos voisins, l’automaticité n’existe pas au niveau de « perfection » de la France : il peut y avoir - du fait, soit de la proportionnelle allemande, soit du scrutin majoritaire à un  seul tour au Royaume Uni -  des résultats électoraux parfois segmentés (ce qui est quasiment exclu désormais  en France) des incertitudes et des besoins de coalitions non prédéterminées.

 

La quintessence du régime parlementaire illustré par le cas britannique est que le chef du parti vainqueur devienne le Premier Ministre. Mais il faut alors que le chef de l’exécutif - que ce soit le PM dans un régime de type britannique ou le PR dans le régime français ne cesse d’être regardé par les siens comme le chef reconnu du parti aux affaires. Avec Pompidou (appliquant comme PR la même tactique que comme PM),  la Vème  République a commencé à basculer vers une pratique britannique dans laquelle le chef de l’exécutif ne gouverne et ne tient à ce poste que par la relation étroite qu’il entretient avec au sein de l’Assemblée ses soutiens parlementaires. « Que cette relation viennent à se  détériorer et son sort est scellé : Margaret Thatcher et Tony Blair n’ont pas été renversés par le Parlement mais par leur parti respectif qui ne leur faisait plus confiance pour les conduire à la victoire »[xvii]. Du fait d’un même type de défiance (d’abord, en tant que PM, « il nous fait perdre des voix », ensuite en tant que candidat « il ne pourra pas gagner »), Chaban fut écarté de la chance d’un plus grand destin que celui qui fut le sien. En deux temps :  d’abord par un PR exprimant - malgré le vote de confiance qu’avait obtenu le promoteur d’une « nouvelle société»  en narguant ainsi « la présidence » - l’opinion profonde d’une majorité conservatrice ; ensuite, lors de la campagne présidentielle de 1974, au profit de VGE,  par la frange la plus combative de la majorité droitière emmenée par J. Chirac.  Aujourd’hui le chef de l’État français est issu du contrôle que comme candidat il prend sur l’un des deux grands partis dominants et qu’il doit conserver si bien qu’une grande part de son énergie et de son habileté se consomme dans la neutralisation des compétiteurs internes (ainsi, pour N. Sarkozy, en face du président du groupe parlementaire et du secrétaire général du mouvement, ainsi pour F. Hollande envers d’autres candidats des primaires).  

 

Ce modèle est l’inverse de la conception gaullienne  selon laquelle le chef de l’Etat doit être au dessus des partis. On voit bien dès lors comment la réforme inspirée par Vedel, décidée en 2000, par un référendum ayant recueilli un très petit taux de participation attestant que les Français n’avaient pas compris l’enjeu et donc laissé l’emporter la minorité ayant exprimé la conviction qu’il faut que “ça coïncide”, réalise, lorsqu’elle est  mise en œuvre aux élections de 2002 et 2007, un nouveau régime politique  sur lequel ne peut que, fin 2011,  se casser les dents une proposition du rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts qui eut, de manière saugrenue, rendues incompatibles les fonctions de chef de parti et de membre du gouvernement. F. Fillon s’était honnêtement étonné "On va regarder avec les parlementaires les propositions qu'on retient dans un projet de loi. Il y en a une assez curieuse, qui consisterait à interdire à un membre du gouvernement d’être responsable d'un parti politique. C'est juste le contraire de la démocratie. Je fais remarquer que dans toutes les démocraties modernes, qui sont des démocraties parlementaires, les ministres sont d'abord des responsables de partis et en général le Premier ministre est même le président de son parti. C'est une proposition qui m'étonne un peu, qui a une sorte de connotation technocratique qui vous fait comprendre que je n'ai pas l'intention de la retenir. »

 

 De plus, le régime politique français en vigueur va plus loin que les autres « démocraties modernes » parce qu’il jumelle cette origine partisane d’un PM et la même origine partisane  d’un PR aux pouvoirs considérables. Son caractère capital est d’additionner le parlementarisme majoritaire le plus influent et le présidentialisme le mieux outillé. Après  la longue rivalité pour le grand schelem ayant tendu la cohabitation Chirac/Jospin, le régime semble alors bien  s’être simplifié à l’extrême. Les résultats de la consultation de 2002 étaient attendus comme un cas d’exercice du modèle préconisé par le doyen Vedel pour assurer la superposition des inspirations présidentielle et législative. Le tremblement de terre aussi systémique  que politique fut que la consciencieuse, mais impuissante, gestion de L. Jospin  avait tant déçu les Français que le F.N. vint, en emportant la seconde place, rompre le duel « institutionnel » droite/gauche. Et puis, il y eut trois « répliques » : la secousse si forte que subit l’électorat de gauche qu’il apporta  au candidat de  la droite  républicaine de quoi l’emporter dans des conditions jamais vues ; ensuite une petite vague suffisante pour finir de sanctionner la gauche et qui porte alors  la même droite à la victoire législative en donnant prise à celle-ci sur le président lui-même  ;  enfin, la stabilisation brutale qu’en nommant un gouvernement sans ouverture réalisa sans état d’âme J. Chirac (alors même s’il semble s’interroger a posteriori sur le bien fondé de ce choix). Il avait ainsi obéi  - paradoxalement par rapport à l’inspiration gaullienne du régime – non pas au vote présidentiel, mais au vote législatif. C’est que le résultat du vote législatif et le poids des partis qui,  en régime parlementaire, va de pair avec lui,  tiennent le président de la République. Dans le cas considéré, si J. Chirac a été quand même bien faible vis à vis des « siens » en leur laissant le monopole du pouvoir,  c’est sans doute parce que, n’excluant pas à cette époque  d’être à nouveau candidat, il pensait qu’il aurait alors trop besoin d’eux. Dès lors que le président de la République ne peut dorénavant, en vertu de la réforme de 2008,  exercer plus de deux mandats consécutifs, pourrait-on concevoir qu’un Président puisse gagner en liberté vis à vis de ses origines et soutiens politiques à la faveur d’un second mandat ?  N’est-ce ce qu’a un  peu essayé Nicolas Sarkozy, avant, marqué qu’il était dans son propre camp par des candidats à la succession,  d’en venir dans le dernier temps de sa deuxième campagne présidentielle à un alignement sur ses extrêmes ?

 

Cette réalité du déroulement politique évènementiel relègue évidemment au second plan les avancées de la réforme constitutionnelle de 2008; si celle-ci apporte - au regard du seul point "présidentialiste" optiquement important résultant des facultés de prestations du Président devant les deux assemblées réunies - des contreparties démocratiques appréciables qu'on ne saurait nier  : nouveaux droits et garanties pour les citoyens ( les QPC, le défenseur des droits) ; pouvoirs renforcés du Parlement;  capacités améliorées pour l'opposition (sans qu'il y ait pour autant - et c'est significatif des mainmises partisanes existant sur l'appareil public - d'ouverture à des facultés d'expression individuelle de parlementaires hors de la tutelle des partis), elle n’a pas choisi de traiter de deux points capitaux.

 

D’abord, le scrutin majoritaire pour l’élection des députés n’a jamais été, à une dose significative, remis en cause; la problématique des modes de scrutin n'a été sérieusement posée, à une échelle intéressante, que pour le Sénat et non pour l'Assemblée. Or cette question, si elle est importante en équité  en ce qui concerne le Sénat, est absolument cruciale lorsqu’elle s’applique à la formation de la représentation nationale à l'Assemblée, puisqu’elle emporte des conséquences majeures. Au  premier chef sur les relations entre l’exécutif et le délibératif : si l’on veut assurer la stabilité de l’exécutif, la RP n’est compatible qu’avec un régime présidentiel de séparation des pouvoirs [xviii] . Plus profondément encore,  le mode de scrutin caractérise les rapports d’un pouvoir à un pays : une gestion politique n’ayant pas à tenir compte d’importantes contestations gommées par le scrutin  majoritaire roule, tôt ou tard vers une perspective d’échec.   

 

Ainsi que l’a remarquablement rappelé le rapport d’information du 22 mai 2010 présenté au Sénat sur les modes de scrutin envisageables pour l’élection des conseillers territoriaux [xix] - la réflexion considérée allant bien au delà du champ des consultations locales -  il y a deux philosophies qui ne reposent pas sur la même vision de la vie politique. « Les scrutins majoritaires correspondent à des systèmes d’affrontement et les scrutins proportionnels à des systèmes de coopération… Pour les proportionnalistes, l’idéal réside au fond dans le Gouvernement de coalition à la proportionnelle, de sorte que le pouvoir lui-même soit partagé et pas seulement les sièges à l’assemblée. »  

 

Le deuxième point le plus significatif est - alors même qu’en 2008 on recherche un rééquilibrage en faveur du Parlement (en fait entre un président et sa propre majorité) -  que  le primat de l’élection du Président conserve une valeur mythique. Son élection est regardée et vécue comme le moment  politique essentiel de la Cinquième République ; la rémanence génétique dyarchique de la Cinquième  n’inspire pas à l’establishment - dont les diverses composantes sont réunies dans le comité Balladur - une demande d’évolution ni dans un sens parlementaire (l’un des gènes de 1958),   ni dans un sens présidentiel ( l’autre gène de 1958/62) et d’ailleurs lorsqu’on évoque en ce comité Balladur un « régime présidentiel », pour l’écarter dans la foulée,  ce n’est même pas d’un régime présidentiel ouvert dont il s’agit mais d’un régime présidentiel fermé [xx].

 

Il faut bien percevoir les motifs profonds du rejet d’une réforme du scrutin législatif et du refus d’une évolution vers un dispositif constitutionnel présidentiel [xxi] : le but des institutions n’est pas de favoriser des coopérations, mais d’organiser des compétitions : le contraire à l’évidence de ce que préconise les porteurs de l’idée de « centre »;  et certainement, à nos yeux,  l’inverse de ce que veulent une majorité de nos concitoyens qui sont fréquemment  contraints par le système, lors d’un second tour législatif,  ou au vote bipolaire, ou à l’abstention alors qu’ils apprécieraient souvent des solutions de convergences  obtenues par coopérations, ou qui, d’exaspération,  finissent enfin, par voter  pour les extrêmes. 

 

Le bilan que deux ans après a fait le comité de suivi de la réforme 2008 [xxii] établit clairement que le fonctionnement interne des pouvoirs concentrés a connu d’appréciables améliorations techniques assurant mieux le dialogue entre l’exécutif et sa majorité, mais que les relations avec l’opposition restent – c’est la nature du système – dominées par des logiques d’affrontement.

 

Que délibératif et exécutif se regardent dans la glace est bien décrit par le premier thème (« une séparation des pouvoirs toujours malmenée ») de l’article du professeur D. Rousseau dans regards sur l’Actualité, N°367 de janvier 2011 construit sur l’éloquente construction suivante : « un gouvernement présidentiel » ; « un parlement présidentialisé ».

 

Longtemps la seule exception à cette logique de bloc issu de l’élection présidentielle a été celle  du Sénat : parce que cette seconde Chambre  est largement élue à la répartition proportionnelle, parce qu’elle ne procède pas dans la foulée,  de l’élection présidentielle comme en procède aujourd’hui l’Assemblée nationale, parce qu’il n’y avait pas au Sénat de bloc de majorité absolue et que devait, en conséquence, s’y exercer en fait un pluralisme  relativement fécond, ; c’est ainsi que la « Haute Assemblée » – alors qu’elle passait pour la plus conservatrice de France (essentiellement parce qu’elle n’avait pas une base démographique bien équitable entre milieux urbains et ruraux, mais ceci a fait l’objet de révision [xxiii] ) -  était celle qui pouvait encore engendrer quelques fertilités. Ayant basculé à gauche (à raison des insatisfactions que la gestion de N. Sarkozy a donné à de nombreux élus locaux), le Sénat pourra-t-il encore jouer un certain rôle de conciliation dans le processus de décision législative?

 

2 – Conséquences et critères d’appréciation

 

Si c’est de manière assez objective que peuvent être constatées les conséquences pratiques de la bipolarisation, cette situation  institutionnelle française  ne peut être appréciée que  par rapport à des critères subjectifs.

 

2-A-Les ambigüités de la bipolarisation

 

Exacerbant manifestement les concurrences et de ce fait déchirant assez profondément les Français, notre bipolarisation aboutit plutôt à rapprocher les politiques offertes par chacun des deux grands camps en compétition.

 

Les résultats des consultations électorales s’obtiennent, certes,  par les capacités comparées de séduction des différences d’analyses et de préconisations faites et telles que les communications respectives des uns et des autres les mettent en valeur dans le style propre à chacun ; mais l’issue des compétitions semble bien en définitive « se jouer au centre », les dernières élections ayant, comme à l’accoutumée,  plutôt montré que les accents mis sur les positions les moins modérées n’étaient pas les plus productifs, et ceci malgré les impacts électoraux  résultant de ces « crispations françaises » [xxiv] qui se développent de plus en plus mais qui, tout en étant très menaçantes,  mettent malgré tout du temps à porter des changements décisifs sur la représentation nationale affectée par un effet d’amortissement des divisions et des extrêmes.

 

Le recentrage  tient aussi à ce que le positionnement de  l’attractivité de tout candidat apparaît comme sur un graphe affiché qui porterait en abscisse l’affectivité dont il fait preuve pour ses clientèles – c.a.d. son sens de leurs intérêts, voire sa ressemblance avec eux, la manière dont il cultive leurs passions,  sa compassion humaine et/ou ses ambitions sociales – mais, en ordonnée, de manière bien correctrice de la trajectoire qu’il propose,  son conformisme économique regardé comme la condition de sa crédibilité. En effet, dès lors qu’il y a,  depuis des décennies, un brouillage des démarcations idéologiques, les campagnes électorales (à l’exception, un moment, des primaires socialistes) n’ont pas été les circonstances où proposer une réflexion novatrice pour tenter d’expliquer ce qui choque et de chercher à y remédier.  D’un côté chaque secousse sociale (fermetures de sites, flagrantes injustices) et chaque dégradation des conditions de vie des plus malheureux confrontés aux privilèges florissants   conduisent à faire, par medias consciencieux interposés,  ressentir « l’horreur économique », mais les mêmes équipes  de la presse écrite ou de l’information et des magazines audiovisuels  sont rarement portées à chercher et produire des explications de fond se rattachant au fonctionnement de l’économie mondiale et européenne et se satisfont, au mieux, par une approche moralisante,  référant aux critiques générales et éculées sur « le capitalisme financier » qu’il faut, bien sûr amender, ou,  au pire, répétant des antiennes sur les besoins de compétitivité, sans illustrer concrètement, dans tel ou tel cas d’espèce, pourquoi la concurrence par les prix (que ne corrige quasiment aucune protection) exige effectivement  des sacrifices qu’on ne demandait pas à des époques disparues  où les moyens globaux du pays, bien moins ouvert,  étaient pourtant plus limités.  La doxa injectée au grand public, surtout par abstention d’explications basiques, est celle des schémas néo libéraux diffusés par bien des « économistes » des chaînes  de télévision écoutés comme des prophètes et cette doxa – parce que,  pour en sortir, il faudrait beaucoup de bien ingrate pédagogie - se trouve le plus souvent reprise dans  ce qui reste de la presse d’information [xxv].

 

Les convergences essentielles se sont progressivement  formées entre les principaux mouvements politiques français jusqu’au grand point d’orgue de 2008 -  année de ratification du Traité de Lisbonne et de l’organisation raffinée du quinquennat présidentialiste. C’est bien par la voie parlementaire - en redoutant ce qu’aurait produit la démocratie directe -  et dans l’union de fait des forces conservatrices libérales et des forces s’affichant socialistes qu’ont été conduites ces deux réformes constitutionnelles pilotées par un chef de parti et d’État qui a, alors, trouvé ses soutiens et son succès dans le  consentement ou le ralliement de « l’opposition ». Un contenu quasiment identique au texte constitutionnel européen (à la différence que ce n’est pas « gravé dans le marbre ») rejeté par voie référendaire en 2005 a réapparu sous le nom de « traité de Lisbonne » et la  révision de la Constitution a été effectuée par la voie parlementaire [xxvi], ce qui a assuré l’unité bipartisane de la classe politique dans l’adhésion à une construction  européenne s’étant pliée à l’ordre du monde.

 

De cette étape à celle qui – à travers les épisodes des crises systémiques ayant enclenché la première dépression combattue,  en 2009/2010, par les injections de liquidités des relances, entraînant à leur tour l’aggravation des endettements souverains qui ont été sanctionnés par les marchés et par la menace sur l’euro  inspirant la priorité de la lutte européenne contre les niveaux de déficits et de dettes  -  a conduit au partage de la conviction du bien fondé d’une « règle d’or » , tous les enchaînements économiques et juridiques que l’on sait  ont été d’une implacable logique.

 

Celle-ci a trouvé en France, les conditions de sa faisabilité politique par un second partage entre familles politiques dominantes : celui d’un corpus de convictions institutionnelles  ancré dans le  bipartisme majoritaire, dont la clef est le scrutin majoritaire d’arrondissement. Certes, à l’origine, les caricatures des risques que présentent  d’autres modes de scrutin furent inspirées par la droite ayant fait du scrutin majoritaire le socle de sa stratégie de clivage et d’écrasement du centre, en écho au choix de M. Debré qui y trouvait, en 1958,  le seul moyen d’avoir une majorité qu’il ne voyait pas exister d’elle-même ; et G. Pompidou disait en privé «  enlevez le scrutin d’arrondissement à deux tours et il ne reste rien de notre régime politique » . Alors que F. Mitterrand, avait annoncé, comme on sait,  le passage à la RP,   R. Bacqué dans « le dernier mort de Mitterrand » raconte que F. de Grossouvre, dès le lendemain de la présidentielle de 1981 a été rassurer J. Chirac : il ne serait pas question  d’introduire la RP, qui ne vint que comme mauvaise machine de guerre en 1986.

 

Dans le droit fil de la volonté d’éliminer les non coïncidences de majorité, le second pilier du pacte d’establishment passé, en 2008,  de manière non explicite, mais évidente, est la consolidation par la révision constitutionnelle d’alors de celle ayant institué le quinquennat. Le dispositif qu’on s’est bien gardé, de même que le traité de Lisbonne,  de soumettre à referendum,  consiste à faire confirmation et toilette du régime présidentialiste  majoritaire bipartisan. Lorsque l’affaire vient devant le Congrès, il faut beaucoup de prétextes  au PS qui ne veut pas donner le sentiment de soutenir son adversaire à la tête de l’État pour ne pas voter une réforme qui, à certains points secondaires près,  lui va comme un gant. D’ailleurs,  après avoir été par la majorité  votée dans chaque assemblée, elle a recueillie au Congrès 539 voix contre 357, la majorité qualifiée requise (3/5) étant de 539 voix parmi lesquelles s’inscrit par prudence celle du président de séance qui normalement selon la tradition n’aurait pas du prendre part au vote, et au nombre desquelles  on compte aussi deux décisives voix socialistes. De la même façon que l’amendement Wallon indiquant incidemment le choix pour la « République »  était en 1875 passé à une voix de majorité par le vote d’un député monarchiste, c’est le député socialiste de Wallis et Futuna - qui venait d’œuvrer pour la nomination d’un roi (le Lavuela) de Wallis et Futuna [xxvii]  - et/ou l’option de J. Lang  (que seule l’histoire retient) qui font l‘écart.

 

Deux lignes notables de clivages parcourent en conséquence le paysage politique français : d’une part, entre les formations et personnalités qui ne partagent pas les mêmes fondamentaux, d’autre part, entre forces qui rivalisent mais partagent bien de mêmes fondamentaux.

 

Dans les ténèbres extérieures sont ceux qui ne partagent pas tout de l’institutionnellement et économiquement correct. On y  on trouve naturellement ce « centre » qui au regard soit d’une majorité droitière, soit d’une majorité de gauche, ne veut ni de l’une, ni de l’autre, mais se serait bien vu catalyser sous sa houlette le meilleur de chacune, ce qui serait bel et bien neuf ; ce qui ne l’est pas est, par contre, que ce centre ne remet pas en cause la doxa libérale et libre échangiste, mais les injustices qu’elle créée, comme si l’on pouvait rejeter des fruits amers sans tailler l’arbre qui les porte. L’autre défi est dans la contestation populiste sommaire développée par le F.N. qui unit l’attaque du système bipartisan à celle de la « mondialisation », ce qui n’empêche pas des chevronnements importants entre les thématiques de la droite libérale et ceux de la droite radicale. La troisième série de défis est celle des diverses gauches externes au PS ou marginales en son sein :  comme elles s’expriment essentiellement sur l’injustice sociale et sur la morale politique, elles interpellent, mais n’expliquent guère les raisons d’iniquité ou d’improbité, si bien qu’à défaut de proposer des diagnostics, elle n’affichent que la revendication de remèdes souvent aussi sympathiques qu’incrédibles et irréalistes [xxviii]. Quant au courant altermondialiste, il reste marqué par un universalisme lui rendant difficile l’expression d’une conduite de rapports de forces avec les pays en voie de développement ou émergents/émergés. Le défi écologiste est pour sa part omniprésent, mais, alors même qu’on ne peut que partager ses préoccupations pour l’homme et la planète, on ne peut pas bien comprendre comment il se situe vis à vis de la globalisation (sinon qu’il veut, comme tout le monde, la « moraliser ») et au regard des institutions qu’il a l’air d’accepter, pourvu qu’elles lui accordent une place pour des participations d’influence (si bien que sa demande de la RP s’est effacée devant le bénéfice d’un accord pour des sièges).  Aucun des porteurs de défis politiques n’exprime d’ailleurs avec assez de clarté et ténacité le besoin d’autres institutions et d’autres modes de scrutin (sauf une ou deux personnalités et sauf le PC traditionnellement attaché à la proportionnelle) qui permettraient à la fois le pluralisme  et la stabilité dans la conduite des affaires de la Nation. Ne serait-ce en fait parce qu’aucun des porteurs de ces défis ne croit pouvoir vraiment avoir un avenir de parti de gouvernement ?

 

En second lieu, c’est tout en partageant les mêmes trois fondamentaux (l’Europe, les institutions, l’équilibre budgétaire) que les grands mouvements se différencient par discours, postures et propositions qui vont donc comporter des thématiques idéologiques, sociétales, techniques par lesquelles les uns veulent toujours se démarquer des autres, ce qui est plus facile en campagne électorale qu’en étant aux affaires. La direction socialiste, et désormais celle de l’État,  a ainsi bien pu marquer d’un côté ses défiances. Elle l’a surtout fait vis à vis de « la finance », ce qui aboutit à beaucoup de flou, parce qu’il est bien  hasardeux de penser que c’est plutôt le « capitalisme financier » que -  par les facultés illimitées qu’elle ouvre -   la libre circulation entre sociétés très hétérogènes  des biens, services et liquidités, qui est à l’origine des désordres du monde. D’un autre côté, son  leader sélectionné par les sympathisants,  puis Président, a souvent mis en exergue le noyau de ses valeurs : certes « l’égalité » si difficile à définir et mettre en œuvre, au moins « la justice » qui est à la fois une espèce de donnée immédiate de la conscience et d’une mesure possible par le recours à l’économétrie sociale. Malgré les besoins de rigueur,  le souci – sinon toujours la faculté - d’équitables fiscalités et redistributions  reste ce qui est le plus à porter, nonobstant des reculs et l’absence d’une refonte fiscale – au crédit du pouvoir aujourd’hui. 

 

C’est à la faveur d’un beau débat[xxix] que la plus intelligente des droites républicaines avait, pour sa part et avec probité,  mis en exergue l’union de son obligation de réalisme et de  sa volonté de ne pas y sacrifier les intérêts des Français, mais les ambitions stratégiques de rallier sans ennemis  à droite  ont, aux yeux de beaucoup, perverti  de plus en plus le discours sarkozyste.

 

Les convergences de fond entre les deux grands mouvements politiques français pourraient avoir le bon aspect que ces partages, avec ce qu’ils peuvent comporter de stérilisant, aient pour contrepartie constructive une bonne volonté commune de dégager des réponses pertinentes dépassionnées. Mais c’est rarement le cas : du fait de la compétition bipolaire ayant besoin  des confrontations d’appareils et d’argumentaires de combat, il  n’est pas de problème, il n’est pas de dossier où, en apparence, ne se heurtent, du moins en public,  deux diagnostics et deux propositions de traitements antagonistes. C’est donc à grands frais de heurts répétés, de dépenses d’énergie, d’invectives, de « commedia del arte » auprès des électorats, de caricatures ou de déni de réalités sur lesquels il faut finalement que les uns ou les autres reviennent sans perdre leur face,  que chemine l’instruction des affaires et la recherche des solutions nationales bien qu’en définitive, sauf surtout sur des points emblématiques, les doses de facteurs communs de soins à y apporter ne soient pas négligeables. C’est bien à ce titre que nos institutions ont produit un régime qui ne peut  pas être , à raison du temps perdu, des incompréhensions travaillées, des divisions et des rancœurs fortifiées, regardé comme un  atout pour la France.  Au plan interne comme dans ses relations extérieures  et dans la relation intime avec l ’Union Européenne (à laquelle nous n’offrons pas toujours aujourd’hui une position nationale suffisamment unie et forte),  c’est un  facteur de « difficilitation » de la recherche de réponses appropriées et, si possible,  consensuelles  aux questions du temps.

 

Ce climat de luttes entre les hommes et les thèses, entre les  petites phrases et les complexes mises au point font certes les délices des medias, les nourritures des politologues, les thèmes des universitaires, en bref les  satisfactions de ceux qui sont dans des rôles d’observateurs, en même temps que le désarroi de beaucoup de ceux qui sont dans des fonctions d’acteurs : les responsables d’entreprises, les partenaires sociaux, les cadres associatifs et les hommes et femmes du service public dont la mission a toujours été de rechercher et mettre en œuvre des consensus plutôt que de fourbir des armes pour tuer un adversaire politique. L’un des fruits amers de nos institutions est dans ces déchirements qu’on mesure mal en dehors des milieux qui ressentent quotidiennement le poids - et souvent la stérilité -  des luttes partisanes. Si c’est à cette aune de sensibilité que l’on peut ressentir notre régime politique,  c’est avec encore plus de subjectivité  qu’il se trouve habituellement apprécié.  

 

 

 

2-B – En effet, les jugements que l’on peut porter sur nos institutions résultent des critères qu’on  applique.

 

Au plan fonctionnel, le régime a satisfait par son apparente (quoique largement fictive) continuité et par sa capacité de résistance à des changements sociétaux, comme par sa faculté d’adaptation à des circonstances historiques nouvelles et à des équations politiques délicates ou inattendues  (telles que des majorités étroites ou les cohabitations). Cette plasticité a été fréquemment célébrée par les acteurs et les observateurs pour lesquels le premier critère à satisfaire est celui du bon fonctionnement ininterrompu des institutions.

 

Au regard de ce souhait, celles-ci ont effectivement permis, pendant plus d’un demi siècle, de dégager des majorités de gouvernement, des stabilités gouvernementales successives. En matière de conduite de sa politique internationale, et de son intégration européenne,  la France n’a pas, en général,  été, de longues années durant,  desservie par sa dyarchie institutionnelle. Dans le respect formel des prérogatives en ce champ des compétences des  Présidents de la République et, sur le fond, par une apparente communauté de points de vue européens  (qui n’a été qu’un peu effritée dans une période récente), les gouvernants ont la plupart du temps parlé, sinon évidemment d’une seule voix, mais clairement dans un seul sens, dès lors qu’au sein de l’establishment la sédition, à l’occasion du Traité de Maastricht, de Philippe Seguin envers la ligne de F. Mitterrand ( et de  J. Chirac..)  a fait long feu. 

 

Les institutions transformées de la Vème république ont aussi assuré, par une grande habileté des responsables,  la faculté de gouverner de manière réputée plutôt cohérente, même en période de cohabitation, les phases de tensions (par exemple sur l’école et sur les nationalisations et privatisations ayant pu être gérées sans blocage institutionnel) ou par l’effet inattendu de la dissolution décidée par J. Chirac. Il faut dire que le mini « statut de l’opposition » conçu par VGE et accompagné de la transformation du rôle du Conseil Constitutionnel (tant sous l ‘effet de l’ouverture de ses facultés de saisine par soixante parlementaires, que par l’évolution prétorienne  de sa jurisprudence l’ayant conduit à passer du simple contrôle formel à un contrôle matériel de constitutionalité référant aux principes

généraux du droit de la République) a certainement joué un rôle très appréciable pour déminer des risques de crises, le Conseil apparaissant bien comme étant, en droit,  le seul garde fou contre des absolutismes auxquels peuvent porter, par le bénéfice de l’addition des scrutins majoritaires,  les évolutions du régime politique. 

 

 

De l’apogée aux implosions

 

Ce tempérament n’a pas empêché que le présidentialisme majoritaire ait atteint, avec « l’hyper présidence », une sorte d‘apogée créant , à son tour, tant d’irritations et de  contestations, que des inquiétudes sur la cohérence des résultats électoraux - présidentiel et législatif – ont pu porter à craindre que le décalage de quelques jours entre présidentielle et législatives puisse réserver des surprises  (d’ailleurs en 2007 le score de la majorité avait été ébréché par rapport au score du président). Il est en effet vrai, dans un système binaire d’apparence présidentialiste,  mais où les compétences de gestion appartiennent à la majorité parlementaire,  que le pouvoir puisse être sur le fil du rasoir et donc à la merci d’un écart minimal de voix ; ainsi des votations accomplies successivement, d’abord pour la Présidence, et quelques semaines ensuite pour l’Assemblée,  pourraient conduire non seulement à un relatif désintérêt pour le scrutin législatif (qu’indiquerait la modeste participation au premier tour 2012, à moins qu’il ne faille en chercher la cause dans une certaine réserve des électeurs à l’égard des appareils des grands partis), mais encore – et c’est en vérité ce qui est redouté par les tenants du régime -  à une distorsion entre le choix pour la Présidence et la majorité apparaissant  à l’Assemblée. C’est pourquoi il y a eu des interrogations [xxx] sur le point de savoir si les deux votations ne pourraient avoir lieu le même jour, voire par un unique bulletin liant un candidat à la présidence et un candidat à un siège de député … ce qui évidemment renforcerait le caractère fermé et présidentialiste du régime bipolaire français en faisant surtout des députés l’image de simples représentants des candidats chapeaux.  

 

Si de telles hypothèses ne semblent pas aujourd’hui reprises, elles   ont notamment fleuri lorsque, semblant à son apogée mais soumis aux incertitudes électorales alors imminentes et à des concurrences internes,  le présidentialisme majoritaire est entré dans des frémissements d’implosion qui ont prospéré depuis lors, et qui affectent différemment, mais aussi profondément,  les familles de gauche que de droite.

 

 Au sein de cette dernière, il est patent que les fissures ont exprimé non seulement des divergences sur la manière dont conduire la campagne présidentielle, de même que des positionnements pour la succession à la tête de l’UMP et  pour la future candidature présidentielle, mais aussi - au delà des rivalités entre les personnes et des divergences éloquentes entre les styles - des préférences idéologiques entre lesquelles il semble bien y avoir place pour des distinctions significatives. Il est ainsi clair qu’une droite un peu BCGG très acquise au modèle libéral tant dans le domaine politique et sociétal  que pour l’ordre économique  se trouve contestée d’un côté par des inspirations se voulant plus sociales et plus centristes et, d’un autre côté, par une inspiration populiste décomplexée dont la clientèle est en osmose, du moins en matière d’options sociétales,  avec celle du F. N.

 

La Vème république a été un système de regroupement par la contrainte électorale – le vote utile contre l’adversaire historique à éliminer  - des forces centrifuges qui habitent chacune des deux grandes traditionnelles sensibilités politiques nationales de l’Ordre et du Mouvement. Mais celles-ci sont-elles encore bien identifiables ?   Ou des lignes de clivage ne les déchirent-elles pas plus profondément que leurs composantes ne se sont trouvées jusqu’alors  finalement  cimentées par leurs aversions partagées ?  S’il est une France modérée  cherchant ce qui est « raisonnable »,  trouvera-t-elle vraiment, demain,  dans le modèle présidentialiste majoritaire sa clef politique ou - ce à quoi, au fond appelle sans doute le centrisme aujourd’hui solitaire d’un F. Bayrou -  ne serait-elle un jour ouverte aux voix qui pourraient bien lui suggérer de  faire une conversion …helvétique ?

 

Dans son article précité, qu’il faut, pour en voir bien le raisonnement, longuement citer, Harold James n’écrit-il pas :    L'idée qu'un système politique à deux partis dominants favorise la stabilité n'est applicable que si les principales différences entre eux concernent la redistribution des richesses, conformément à un modèle simple... La gauche veut davantage de redistribution et la droite moins, mais pour attirer les électeurs du centre, l'une et l'autre doivent faire des compromis - au point de se rapprocher jusqu'à se ressembler. Néanmoins, dans un monde globalement interconnecté, se développe une nouvelle manière de faire de la politique. Tant à gauche qu'à droite, certaines franges craignent avant tout que la concurrence ou l'influence étrangère ne vienne limiter leur capacité à façonner les choix politiques. Elles en viennent à privilégier la résistance à ce qu'elles considèrent comme des menaces extérieures. Le vieux clivage gauche-droite n'est plus opérationnel….

… Il existe un meilleur modèle, qui a été expérimenté au cœur géographique de l'Europe dans un contexte de diversité linguistique, culturelle et religieuse : le modèle suisse de “Konkordanzdemokratie”. Dans ce système, plusieurs partis sont en concurrence, mais aucun ne vise à diriger le pays à lui tout seul. Tous les grands partis sont représentés au gouvernement, et sont donc obligés de faire des compromis. C'est parfois la loyauté régionale qui motive les membres du gouvernement fédéral, et à d'autres moments leur engagement idéologique, mais ils doivent négocier avant toute décision.

La solution suisse consistant à élire un gouvernement qui représente l'ensemble de l'échiquier politique tend à générer une politique qui manque d'élan - au point que la Suisse a la réputation d'être un pays dont le président qui change chaque année est un quasi inconnu. Les hommes politiques charismatiques agissent en polarisant, en galvanisant et en mobilisant leurs partisans. Par contre la politique au quotidien nécessite de maintenir profil bas et d'accepter les compromis. Aujourd'hui l'Europe n'a pas tant besoin de dirigeants qui fassent vibrer les foules et suscitent un élan populaire, que de leaders qui forcent le respect et qui soient capables de travailler dans un monde complexe et multidimensionnel.”

 

Un président  « normal » - au demeurant pour un pays comme la France, assez composite sur les plans culturels,  ethniques et, en définitive, en matière d’éventail des opinions -  ne serait-ce pas ce profil ? Et cette propension à trouver la conciliation plus que d‘exercer un charisme  n’est-elle aussi l’esprit dominant qui guide la difficile recherche conduite par un homme tel que F. Hollande ?

 

L’implosion du présidentialisme majoritaire qui a frappé la droite invite d’autant plus à réfléchir sur le point de savoir si nos institutions restent un  atout  ou devraient évoluer que l’implosion a dévasté la gauche.  Les deux tiers des clientèles populaires (ou de leurs soutiens intellectuels) semblent penser avoir trouvé leur répondant dans le Front National ou, hors majorité gouvernementale,  dans des formations de gauche.

 

Ce sont bien nos institutions qui ont été porteuses d’une stratégie française que  les alternances n’ont guère, ni hier, ni aujourd’hui,  remise en cause, sauf par des essais aux portées limitées d’approches différentes des politiques de redistribution. Par contre, ni dans la relation fondamentale entre gouvernants et gouvernés – lesquels se ressentent plus administrés qu’associés du fait de l’absence  de démocratie directe (pas de recours au référendum - , ni  pour ce qui concerne les grands choix de politique commerciale internationale (la question du libre–échange) et de politique monétaire (la question de la banque centrale et de  l’euro), il n’y a – comme en attestent successivement l’échec du « sarkozysme », puis l’impopularité du « hollandisme » -   de communication satisfaisante entre les pouvoirs et les citoyens ; et ceux-ci sont avant tout très inquiets de perdre leurs repères, leurs emplois, leurs protections sociales vitales et des services publics essentiels.

 

C’est à ce point que les appréciations des résultats des politiques globales télescopent celles des institutions. On peut toujours expliquer que nos institutions fonctionnent bien, mais ceux qui sont gravement insatisfaits ou pénalisés par le cours des choses et ceux qui partagent les critiques des options faites soutiennent  aisément que la vraie question n’est pas la capacité d’un véhicule à faire bien jouer ses réglages et à les éprouver sur différents terrains, mais celle de savoir si ce véhicule – notre République portant la Nation  - ne va pas « dans le mur » ou vers des précipices.

 

 

 

3  - Solidarités des problématiques 

 

Il  y a donc une solidarité entre les interpellations politiques et les  problématiques institutionnelles. Ces interpellations se placent dans deux champs : en général, dans celui de la confiance envers le pouvoir ; et au regard de ses probabilités de résultats en matière économique et sociale. Peut-on penser au premier titre que des réformes institutionnelles  sont de nature à produire de la confiance ? Au second titre il faut mesurer comment  la « crise » impacte les institutions.

 

 

3-A – Peut-on restaurer de la confiance par des modifications institutionnelles?

 

 

En dehors des réformes constitutionnelles qui ont les unes assuré la plasticité européenne, les autres fait la toilette du quinquennat, il existe un lot d’hypothèses de réformes en suspens. Celle qui peut le plus concrètement toucher les Français est celle concernant les collectivités locales. Le constat est fondé que la vie des territoires  et les enceintes dans lesquelles  doivent se traiter des questions concrètes  majeures (matériellement, comme les dessertes, les logements, les  déchets, etc. ; financièrement, la levée et la péréquation des ressources ;  fonctionnellement, l’attribution des responsabilités) ne coïncident plus toujours ni avec les circonscriptions traditionnelles, ni avec les compétences et modes actuels de dévolution et d’exercice du pouvoir en leur sein,  si bien que l’orientation d’une décentralisation qui se dessine pour une part  « à la carte », en fonction de chaque configuration de circonstances et de préférences,  est réaliste et reste républicaine si elle assure l’uniformité des droits des citoyens et l’équité des charges. Elle peut apparemment  être faite sans révision du texte constitutionnel lui même puisque celui-ci dispose qu’outre les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer …”toute autre collectivité territoriale  (ainsi par exemple un type de regroupement doté d’un jeu de compétences)est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités (précédemment) mentionnées “ et que “ces collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon”. Mais le principe que ces collectivités s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi, par des conseils élus,  implique d’écarter toute création de pouvoir local personnel. Dans les précautions il y a aussi celle que des découpages et dotations de compétences ne puissent aboutir à émietter  le territoire dans la relation  à l’Europe pour laquelle c’est l’État central qui doit rester responsable de tout partage souverain, fut-il local.

 

La seule vraie révolution serait surtout d’en finir avec la superposition contreproductive coûteuse de la Région et du Département. Pour faire court, aujourd’hui - sous réserve du cas particulier devant faire  l’objet d’organisations spéciales de l’Ile de France - il faudrait supprimer les départements et fusionner les compétences (L’Alsace donne un très bon exemple) ; mais une dizaine des Régions sont trop grandes et trop loin des habitants pour pouvoir bien administrer et pour gérer, sans gêne pour les citoyens, les affaires sociales qu’elles ont en charge. Il faudrait donc couper  en deux collectivités territoriales « ad hoc » les plus grandes des régions (l’éventuel intérêt de périmètres de réflexion géo politique serait parfaitement satisfait  par une concertation légère au niveau des sept zones de défense) et aboutir ainsi à quelque chose de proche du projet de 1947 de M. Debré [xxxi] : une petite quarantaine de circonscriptions d’État et collectivités territoriales maillant rationnellement la métropole. Voilà un type de changement chirurgical urgent aux retombées manifestes d’économies qui donnerait une confiance dans la capacité réformatrice du pouvoir.

 

Dans l’ordre constitutionnel à proprement parler, il est évident que si elle était possible - et elle le serait à coup sûr, par referendum - une réforme de la composition du Conseil Constitutionnel (jusqu’à y introduire des membres  d’une très grande indépendance de pensée)  s’impose à raison de la dimension qu’il a prise de Cour Suprême et de  l’absolue nécessité que ses décisions paraissent tout à fait impartiales et incontestables à tous les citoyens. Le fonctionnement de la Justice – notamment par ce qu’il emporte comme conséquences sur les libertés et droits des individus – aurait pu être, avec au niveau constitutionnel les questions du Conseil Supérieur de la Magistrature et du statut du Parquet, et au niveau pratique, les très graves questions de l’application des peines et des prisons,   un des foyers d’un nouveau pacte entre l’État et les citoyens, mais la manière dont la Chancellerie a été pilotée ne s’y est pas jusqu’alors assez prêtée.  

 

Quant aux autres réformes par lesquelles il serait recherché de la confiance - notamment celles préconisées par le comité Jospin sur le statut du chef de l’État - question plus délicate qu’il n’y paraît d’emblée [xxxii], sur les conflits d’intérêts, etc.,  elles constituent des matières plus prioritairement passionnantes pour la classe politique que pour le commun  des gouvernés, car elles ne sont  pas de celles qui sont créatrices de lien social entre ceux-ci et les gouvernants (et même la restriction du cumul des mandats qui a d’autres bonnes raisons d’être souhaitée , ne va pas – tout au contraire - dans le sens de fortifier les occasions de lien social ).

 

Quand les hypothèses avancées approchent des questions majeures – comme le mode de scrutin en suggérant une petite dose de proportionnelle – elles ne sont que d’une portée marginale; toutefois la proposition de réforme du parrainage pour la candidature présidentielle peut séduire parce qu’elle desserre la censure que les dotés peuvent jouer envers des outsiders.  Néanmoins, rien de tout cela n’ira donner grande confiance envers les institutions et les politiques, parce que rien ne touche au cœur du système et c’est au contraire un risque – celui que renaisse toujours l’accusation de la ruse de l’État – que de vouloir trouver  des réhabilitations  dans d’autres champs que dans ceux où l’on est contesté. Or s’il y a une contestation incontournable, c’est la contestation économique et sociale que n’a pas pu dissiper l’alternance,   consubstantielle aux institutions de la Vème République. 

 

3-  B– l’impact de l’interpellation économique et sociale

« Indignez- vous !», étant un émouvant appel n’apportant ni explication, ni remède, ce sont d’autres approches plus radicales qui constituent à l’égard de la situation une réelle  critique multidimensionnelle que l’on peut schématiser comme suit.

La capacité économique – c’est à, dire celle d’avoir des marchés rentables permettant des activités créatrices d’emplois et des bases fiscales suffisantes pour assurer garanties sociales et services publics corrects – implique effectivement la compétitivité. Or la compétition mondiale est inéluctablement devenue, pour l’essentiel,  compétition par les prix dès lors qu’ayant construit leur expansion sur l’export, les économies émergentes - vis à vis desquelles il a été longtemps entretenu l’illusion que les pays développés  auraient toujours une avance technologique non transférable – sont devenues aptes, dans la plupart des domaines, à la qualité et à l'innovation. Leurs biens, et souvent leurs services, leurs segments de contribution à des produits  « made in the world » font prime par rapport aux nôtres qui sont en décroissance; des emplois massifs s’y localisent  tandis que nos emplois « nomades » sont en sursis ; les différentiels de profits  font que leurs opportunités offrent les meilleurs taux de rentabilité des placements ; leurs excédents commerciaux dégagent des capacités capitalistiques considérables leur permettant la prise de contrôle progressive des économies occidentales [xxxiii] ; leurs niveaux sociaux et leurs protections environnementales n’évolueront que lentement et d’autres réservoirs de main d’œuvre bon marché sont disponibles.  Ces facteurs poussent inexorablement à faire baisser fortement chez nous coûts du travail, garanties sociales, poids des services publics, la plupart du temps par l’outil pratique et idéologique des privatisations. Ces compressions de prix de revient censées assurées la satisfaction des consommateurs (qui sont donc portés à les approuver) favorisent en toute hypothèse l'amélioration des profits de ceux qui sont placés en position de les obtenir, avec pour contrepartie l'augmentation du pourcentage de populations vouées à la pauvreté et au rôle de volant d’ajustement par le chômage.

L’impact politique est que ces pourcentages  restent toutefois  insuffisants pour pouvoir déclencher, lors des consultations électorales, des renversements sociaux et de stratégie économique d’autant qu’une part des marginalisés est captée par l’offre frontiste associée à des thèmes traditionnellement anti immigrés et anti assistés qui font fortune à la faveur des « crispations » de la société française [xxxiv] . De la sorte par la porosité des corps électoraux du Front National et de l'UMP, «une droite populaire » prend en écharpe toute une clientèle. Si on y ajoute les opposants d’autres inspirations, à tort ou à raison, une majorité vraisemblable de la population  française - comme de son côté l’a exprimé en créant une part de « chienlit », l’électorat italien - récuse l’économiquement et le politiquement correct qui ont été traditionnellement de pair [xxxv].  Cette majorité négative est bien prête à entendre ceux qui lui disent que la concurrence internationale forcenée entre pays de compétitivités très différentes est la cause profonde de la récession de l’Occident où apparaît une société dont les traits sont à l’inverse de l’espoir qui a fait fonctionner notre civilisation depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Or la gestion socialiste trouve difficilement conciliation entre efficacité et justice tandis que, d’une part,  la protection des plus faibles, d’autre part,  la nécessité de ménager les intérêts des porteurs de développement,  sembleraient faire concentrer les efforts demandés sur les classes intermédiaires. « L’austérité » est prise à partie non seulement par une gauche tribunicienne et  par de petites formations [xxxvi] qui se situent aux antipodes sur l’échiquier politique, tout en partagent l’appel à la Nation comme levier de restauration des  valeurs et des moyens de satisfaction, mais, de plus,  par un nombre significatif [xxxvii] de personnalités et d’ « experts ». Ceux-ci donnent chacun comme à tisser des pans d’un corpus de préconisations « hors des clous » : révision du libre échange dans le sens de la création d’espaces économiques mieux protégés contre la prédation par les prix et cherchant des accords de réciprocité entre pays complémentaires; au delà des disciplines prudentielles bancaires, maîtrise des emplois et mouvements opaques à court terme de capitaux ; dans le refus d’une devise forte qui sert les seuls intérêts des dominants de l’euro, retraitement, au regard du passé, de certains endettements souverains  en acceptant, pour soulager les peuples gravement débiteurs,  une part de défaut ; et , au regard de l’avenir – pour la part où du déficit des finances publiques serait utile, ou pour assurer le sauvetage d’un service public vital,  ou encore pour aider à des prises de participations -  possibilités de recours direct des États, devant être moins soumis aux pressions des marchés, à une banque centrale (comme en disposent  Etats Unis et Grande Bretagne), en acceptant plus d’inflation (avec effets dispersés réducteurs de revenus sauf pour les minima sociaux)  et dépréciation monétaire bienvenue.

 Ces pistes[xxxviii] sont regardées comme diaboliques – ouvrant la boite de Pandore - parce qu’elles peuvent créer de la défiance financière accroissant les difficultés,  miner l’euro, compromettre le fonctionnement de l’économie de marché dont le carburant est l’inégalité. C’est dire qu’elles ont, toutes choses égales,  très peu de chances d’inspirer la gestion en cours ou une gestion alternative. Aujourd’hui, il y a certes des tensions au sein des socialistes : certains pour permettre plus de justice voudraient obtenir quelque changement de stratégie économique européenne et se demandent si c’est vraiment hors de portée, alors qu’on n’a pas vraiment essayé de faire bouger les lignes. Il y a-t-il trop de risques à  le tenter ? Que peut-il advenir si aucun gouvernement, aussi bien intentionné ait-il été, ne se démarque pas sensiblement sur le fond des politiques précédentes? Le plus vraisemblable - compte tenu de l’impopularité du pouvoir et de l’absence d’une troisième offre solide  -  est que l’autre camp revienne aux affaires sans doute sous le leadership désormais attendu de l’ancien Président. Alors que ce ne pourrait être qu’avec le soutien d’une mobilisation populaire droitière, on ne saurait attendre - bien que la porosité entre l'électorat UMP et FN aille de pair avec d’importantes divergences sur « la mondialisation »[xxxix] (mais ne suffirait-il de donner au second des gages contre ses bêtes noires ?) - que celui qui réussirait ce retour cesse d’être attaché à « restaurer le capitalisme », et remette en cause une stratégie considérée comme dure pour les faibles et les migrants et complaisante pour les installés et les puissants.

Il ne pourrait s’ouvrir de variante significative de stratégie française que si le fonctionnement des institutions autorisait un peu mieux l’expression et l’influence d’autres convictions que celle, à travers le poids des deux partis de gouvernement,  du conformisme européen et libéral conquérant qui s’étend à l’économie comme aux questions sociétales [xl].  Toute la question est dès lors  de savoir si notre  régime constitutionnel pourrait favoriser la venue d’une équation  ayant des chances de conduire, non plus au choix  fermé d’un modèle économique et intellectuel, mais, au moins, à des facultés d’ouvertures et de dosages

 

  

Quelle logique pourrait inspirer un dépassement de notre  régime politique ?

Ce ne serait possible qu’en avançant vers un cas de figure permettant de gérer selon la réalité et la conviction que - sauf circonstances tout à fait exceptionnelles – gouverner ce n’est pas choisir  entre des affichages opposés et  des options radicales, mais c’est savoir doser et savoir le faire accepter. Voilà qui requiert la mise en service de l’une des trois hypothèses suivantes : soit celle d’un régime parlementaire classique permettant des influences croisées;  soit celle d’un régime « helvétisé », ce qui correspondrait à une vision très transformée de la société ;  soit celle d’un  régime présidentiel à pouvoirs séparés plus favorable au pluralisme que le régime majoritaire présidentialiste.

Pour notre part nous ne pouvons pas croire à la première hypothèse non seulement parce que, dans la pratique, ses différentes versions possibles  dépendraient en fait des modes de scrutin, mais, d’entrée de jeu,  parce qu’on ne voit pas comment pourrait venir une propension populaire en ce sens: il s’est implanté depuis plus d’un demi siècle un système de choix personnalisé par le suffrage universel d’un Président de la république  selon des rites collectifs qui ont sans doute trop mobilisé les Français pour -  alors même qu’ils sont insatisfaits des résultats qui en découlent - qu’ils y renoncent aisément. En conséquence, il faut sans doute leur offrir soit un  changement total de système qui puisse les étonner en leur donnant l’espoir d’un complet aggiornamento, soit une forme de continuité dans l’acte majeur de se choisir, toujours par le suffrage universel, un pilote national, mais en accompagnant cette continuité du mode de sélection de l’exécutif  d’un contexte  institutionnel transformé apportant des facultés de pluralisme compatibles avec la garantie de  stabilité de cet exécutif.

Le changement radical de système  - qui signerait de fait une mutation de société dans le sens duquel la communauté des Français (plus encore composite que déchirée de manière cardinale) mûrit sans doute, mais très lentement - serait le passage à un modèle de type helvétique  (ce qui devrait d’ailleurs retenir l’intérêt autant comme un choix de ligne de  conduite économique internationale  que comme  option de gouvernance nationale). Le bond à accomplir serait tel qu’il  est prématuré de chercher à faire ici une analyse constitutionnelle des voies et termes d’un tel changement ; on doit néanmoins constater plusieurs points faisant que cette hypothèse est plus créatrice que celle d’une formule démocratique parlementaire classique : au plan de la construction juridique, au lieu de comporter les aléas du régime parlementaire, c’est un véritable régime d’équilibre entre les pouvoirs  incluant de la démocratie directe ; au niveau du vécu,  n’est-ce un système global où le sens des besoins nationaux permet, au prix d’un technocratisme modéré, contrôlé par le referendum, d’obliger à des synthèses d’intérêts ?

Dans un autre sens, si l’on croît plutôt en la vraisemblance d’une apparence de continuité par l’élection au suffrage universel d’un chef de l’État  personnellement doté de pouvoirs significatifs - sans qu’il y ait pour autant, ni effacement du Parlement, ni concentration  des pouvoirs au bénéfice d‘un même camp provisoirement triomphant - la voie logique et équilibrée serait de passer, un jour, à un véritable « régime présidentiel » de pouvoirs séparés, mais obligés de collaborer.  En ayant pour exécutif unifié  un Président de la République – devant exprimer l’unité de la nation - ce serait le seul modèle compatible avec - pour exprimer le pluralisme de la société - l’élection de l’Assemblée à la représentation proportionnelle. En effet,  s’il est vrai qu’un passage à ce mode de scrutin serait déraisonnable en ce qu’il conduirait à l’instabilité gouvernementale - en fait inconcevable dans tout régime politique, et au premier chef, dans celui qui est actuellement le nôtre, comportant la responsabilité de l’exécutif devant un corps délibératif qui serait élu de la sorte - ce qui est réputé comme les autres inconvénients de la RP (pour autant que quelques précautions soient prises dans ses modalités) ne résiste pas à une analyse nuancée [xli] .

 

Tout à l’inverse, dès lors que par une construction constitutionnelle de pouvoirs séparés, l’exécutif serait à l’abri de la défiance et le délibératif à l’abri de la dissolution, la Répartition Proportiionnelle a des avantages majeurs : elle porte à la probité de représenter la diversité citoyenne [xlii];  elle incite à un niveau élevé de participation en ne contraignant plus les électeurs à faire au second tour des choix forcés qui peuvent leur répugner au point de leur faire préférer l’abstention si bien que ce mode de scrutin est une voie de réconciliation entre la politique et les citoyens; il oblige à la lucidité de mesurer toutes les oppositions sans mettre entre parenthèse ( et faire ainsi prospérer dans les esprits, les blogs et la rue)  les plus hétérodoxes d’entre elles  grâce à cette déformation  récurrente de la représentation que permet le scrutin majoritaire ; il préserve les potentialités de faire gouverner par rapprochements plutôt que par affrontements. Il faut bien concevoir la RP comme devant remplir deux fonctions : d’une part éviter  de laminer des courants échappant à la bipolarisation et/ou à l’influence des grands partis ; d’autre part concourir à une culture de convergences pouvant permettre à des formations en concurrence d’aller à certaines majorités d’idées, voire à des alliances de gestion[xliii]. L’absence de bloc de majorité qui en résulterait  est en effet souhaitable pour obliger  enfin les diverses formations non extrémistes à des recherches de convergences pour le vote des lois et des budgets en trouvant des lignes d’accord avec la Présidence. Néanmoins, on ne saurait exclure des risques de blocage en cas de conflits entre les pouvoirs, bien illustrés par les États Unis dont la structure limite pourtant ces bras de fer au champ des compétences fédérales tandis que ces risques pourraient être plus importants dans un État unitaire comme la France. Référer à l’exemple américain de séparation des  pouvoirs signifie qu’il ne saurait être  simplement translaté, mais qu’il faut prévoir comment résoudre des situations de graves divergences  entre les pouvoirs : dans ce cas , il est évident qu’il faudrait stipuler que chacun d’entre eux puisse déclencher un referendum d’arbitrage [xliv].

On voit que malgré les slogans, la RP ne serait pas “retour à la quatrième république” parce que le seul contexte où l’on peut raisonnablement l’imaginer doit comporter de garantir la stabilité de l’exécutif et la solution des hypothèses de blocage. Par la combinaison de deux mécanismes de votation faisant droit et respect aux électorats (la RP et le referendum), on devrait obtenir  une relation transformée entre gouvernants et gouvernés - qui se verraient moins mal tous ouvrir quelque chance de prise en compte - en cessant d’exclure d’emblée ceux qui éprouvent aujourd’hui un complexe sentiment de relégation politique, sociale et parfois, territoriale. Pour résoudre la quadrature du cercle d’avoir donc tout ensemble unité et diversité, stabilité du pouvoir et, le cas échéant, arbitrage entre les pouvoirs, il n’est, à nos yeux qu’une équation constitutionnelle rationnelle  - un  Régime Présidentiel assorti de Représentation Proportionnelle et d’une possibilité de Referendum Provoqué en tant que de besoin : (RP+RP+RP) - que l’on baptisera RP 3.

 

 

Aucune de ces perspectives n’étant aujourd’hui inscrites à une quelconque horloge politique, il faut conclure,  avec scepticisme et angoisse pour l’avenir,  que  nos institutions sont un atout pour la France  s’il s’agit de maintenir celle-ci  sur son rail. Pour ceux qui pensent que nos dirigeants doivent apprendre à faire évoluer leur mode de relations avec les gouvernés et leur raisonnement économique, nos institutions sont plutôt à regarder comme le premier handicap interdisant ces renouvellements.

 



ð  préfet honoraire et ancien dirigeant d’entreprise, enseignant et auteur de sciences politiques, j'ai notamment été plus de trente ans maître de conférences à l’IEP de Paris. 



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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 15:26

 

 

 

[i] Cf. G. Bélorgey « une traversée désenchantée de la cinquième république » in « La Revue politique et Parlementaire » N° spécial 1048 de juillet/septembre 2008 «  La constitution : un jubilé en demi-teinte ».

 

[ii] Cf. par exemple, dans la tonalité parlementaire, les travaux de  La Convention pour la 6e République (C6R).  

 

[iii] Cf. par exemple, dans la tonalité présidentielle, les travaux du MRC et sur le site du mouvement, le point de vue de Marie-Françoise Bechtel.

 

[iv] Cf. in< www.latribune.fr > janv . 8, 2013 : « L’Europe : l’erreur qui se prépare » sur le modèle suisse de  Konkordanzdemokratie, par Harold James professeur d'Histoire et d'Affaires internationales à l'université de Princeton et professeur d'Histoire à l'Institut universitaire européen de Florence.  

 

[v]  cf. GDCC 15ème édition, page 793, 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l’énergie.

 

[vi] par la décision du 10 juin  2004, Confiance dans l'économie numérique, le Conseil constitutionnel reconnaît que le respect du droit communautaire est une exigence constitutionnelle, sauf disposition expresse contraire à la Constitution et se déclare donc compétent pour contrôler la conformité d’une loi de transposition d’une directive européenne. Le Conseil d’État s’y est rallié en tenant à prendre des précautions de forme: voir commentaire sous CE, 8 février 2007, Sté Arcelor Atlantique et Lorraine et autres

 

[vii] Résumé de l’arrêt tel que communiqué par la Cour de Karlsruhe : « Le Traité de Lisbonne est compatible avec la loi fondamentale. Mais la loi étendant et renforçant les pouvoirs du Parlement (Bundestag et Bundesrat) dans les matières européennes viole les articles 38.1 et 23.1 de la loi fondamentale dès lors que le Parlement allemand ne se voit pas accorder des pouvoirs suffisants dans la participation à la procédure législative et à la procédure d’amendement des traités. La ratification par la République fédérale d’Allemagne du Traité de Lisbonne ne peut donc avoir lieu tant que la loi relative aux droits de participation du Parlement n’est pas entrée en vigueur ». Le raisonnement est quel'Union issue du traité de Lisbonne n’est pas un État mais, loin du fédéralisme,   demeure un groupement d'États. De ce fait il est nécessaire les parlements nationaux qui, en approuvant les traités, ont donné à l'Union sa légitimité de base, contrôlent également les évolutions de ces traités et, dans le même esprit, il leur incombe également de contribuer à légitimer, par leur contrôle sur leurs gouvernements, les décisions du Conseil européen et du Conseil. En conséquence une législation d’accompagnement  a été adoptée par l’Allemagne le 22 septembre 2009 qui garantit au Bundestag et au Bundesrat de contrôler toute novation significative dans les dévolutions de compétences à l'Union européenne.

 

[viii] Cf. sa contribution le 7 février 2012 à la Conférence débat au Parlement européen, consultable sur < www.observatoiredeleurope.com >.

 

[ix] Avec comme ajout principal,  une limite de déficit structurel à 0,5 %.

 

[x] Un exemple techniquement développé en est donné, en particulier, dans l’ouvrage (Éditions de l’Humanité - 2012) de P. Le Hyaric.

 

[xi] Le paragraphe 2 de l’article 3, relatif à l’entrée en vigueur dans le droit national des parties des règles prévues au paragraphe 1, dispose :

« Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l’entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. Les parties contractantes mettent en place, au niveau national, le mécanisme de correction visé au paragraphe 1, point e), sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne et concernant en particulier la nature, l’ampleur et le calendrier des mesures correctives à mettre en œuvre, y compris en cas de circonstances exceptionnelles, ainsi que le rôle et l’indépendance des institutions chargées, au niveau national, de vérifier le respect des règles énoncées au paragraphe 1. Ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux. »

 

[xii] Si ce mécanisme était « automatique » et, à fortiori, s’il aboutissait à pouvoir permettre un pouvoir de substitution de l’autorité européenne à l’autorité nationale, il poserait manifestement une difficulté constitutionnelle en obligeant alors à opérer des coupes dans les dépenses (ou à procéder à des augmentations des recettes).

Mais selon un « Commentaire de la Décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012  relative au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », commentaire bien utile, placé sur son site par le CC  lui-même, et compte tenu d’une évolution  dans la rédaction du texte de ce traité,  “en définitive, (celui-ci) offre une alternative dans la mise en œuvre de ses stipulations dont une branche serait contraire à la Constitution et non l’autre. Si la France entend mettre en œuvre les exigences du traité en retenant l’option consistant à introduire dans le droit français une règle «contraignante et permanente » imposant le respect des seuils fixés par l’article 3 § 1, une révision de la Constitution est nécessaire. Le Conseil a toutefois estimé que la seconde branche de l’alternative prévue par l’article 3 § 2 permettait de faire produire effet aux règles prévues par l’article 3 § 1 sans qu’il soit nécessaire, pour cela d’introduire en droit national des règles contraires aux prérogatives du Gouvernement et du Parlement et au principe de l’annualité budgétaire….”

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que la ratification du traité n’imposait pas une modification préalable de la Constitution. Il a toutefois précisé : « dans les conditions définies » par les considérants de sa décision dans lesquels il a jugé que seule une mise en œuvre du traité selon les modalités rendues possibles par la seconde branche de l’alternative serait alors possible. Il ne s’agit pas d’une déclaration de constitutionnalité « sous réserve », ce que le Conseil constitutionnel s’interdit de faire lorsqu’il examine la conformité à la Constitution d’un engagement international. Il s’agit de rappeler que la mise en œuvre de ce traité ne pourra se faire que dans le respect des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement dans l’élaboration et l’adoption des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et du principe de l’annualité des lois de finances, ce que le Conseil constitutionnel a estimé possible.”

 

[xiii]  L’article 8 du TSCG dispose en son paragraphe 1 que : « La Commission européenne est invitée à présenter en temps utile aux parties contractantes un rapport concernant les dispositions adoptées par chacune d’entre elles conformément à l’article 3, paragraphe 2. Si, après avoir donné à la partie contractante concernée la possibilité de présenter ses observations, la Commission européenne conclut dans son rapport que ladite partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, la Cour de justice de l’Union européenne sera saisie de la question par une ou plusieurs parties contractantes. Lorsqu’une partie contractante estime, indépendamment du rapport de la Commission, qu’une autre partie contractante n’a pas respecté l’article 3, paragraphe 2, elle peut également saisir la Cour de justice de cette question. Dans les deux cas, l’arrêt de la Cour de justice est contraignant à l’égard des parties à la procédure, lesquelles prennent les mesures nécessaires pour se conformer audit arrêt dans un délai à déterminer par la Cour de justice. »

 

[xiv] cf. notamment Libération du 10 Août 2012.  Selon D. Maus, « les juges ont beaucoup interprété le traité, en fonction de la jurisprudence française " et « il appartiendra au Conseil constitutionnel - et non à la Cour de Luxembourg - de vérifier et de contrôler l'application de la règle d'or ".  Cette interprétation permettra au gouvernement d'assurer que le traité ne comporte aucun abandon de souveraineté budgétaire et que le Parlement conserve le monopole de la décision.

Toutefois  (cf. Nabil Akim, plus nuancé in Le Monde  du même jour ), cette interprétation du pacte budgétaire suscite deux interrogations. Dans leur décision, les juges estiment que le traité ne nécessite pas de révision de la Constitution puisqu'il "ne comporte pas de clauses contraignantes". Mais cette interprétation pourrait être contestée par la Cour de justice de l'Union européenne, qui sera chargée de contrôler que les États auront correctement retranscrit le traité dans leur droit national. "La Cour de justice n'est pas chargée de contrôler si on respecte la règle d'or, mais de contrôler si les mesures sont conformes ou non au traité. On pourrait imaginer, en théorie, que la Cour dise que ces dispositions sont insuffisantes", estime Bertrand Mathieu, professeur de droit constitutionnel. "La décision du Conseil nous met dans une relative insécurité juridique dans l'hypothèse où la Cour n'aurait pas la même analyse", ajoute-t-il.

 

[xv] cf. “L’œuvre de Léo Hamon” sous la direction de Patrick Charlot,  Dalloz 2012, pages 199/200.

 

[xvi] cf. son article dans le N° 104 de la revue « Pouvoirs », janvier 2003.

 

[xvii] Selon D. Rousseau, in article « une Cinquième République toujours à la recherche de son équilibre »Regards  sur l’actualité (la documentation. française) N°367 janvier 2011).

 

[xviii] J. Julliard semble le découvrir au fil d’un éditorial de “Marianne”  de fin 2012 ( N° 265/266), mais n’en tire apparemment guère de conséquences.

 

[xix] N° 509,  au nom de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation, par MM. Maurey et Collombat. Citations extraites de l’ouvrage de Pierre Martin (Montchrestien, 2006), « les systèmes électoraux et les modes de scrutin » .

 

[xx] Un « régime de nature présidentielle  serait “fermé” s’il allait de pair avec le scrutin majoritaire , surtout le même jour ou de manière rapprochée. Un régime présidentiel serait “ouvert” s’il allait de pair avec la RP permettant le pluralisme du délibératif sans menacer la stabilité/continuité de l’exécutif.

 

[xxi] Les medias ont tendance à nous dire que nous sommes passés à un régime “présidentiel” parce que le fait présidentiel est dominant. C’est purement et simplement une déformation de langage puisque nous ne sommes pas dans un régime garantissant la séparation  des pouvoirs. Pire : le régime français étant, à tort, par des ignorants ou par des complices, couramment dénommé « présidentiel » alors qu’il est « présidentialiste », cette propagation d’un faux concept est l’un des moyens d’écarter une réflexion en faveur du régime présidentiel puisque beaucoup pensent déjà le vivre….

 

[xxii] Cf. extraits de ce bilan in précité Regards sur l’Actualité.

 

[xxiii] L’évolution a été mise en route par les réformes électorales du Sénat qui ont eu lieu depuis 2003 et qui aboutissent à une meilleure pondération démographique.

 

[xxiv] Cf.  in Le Monde du 25 janvier 2013-02-22,  Raphaëlle Besse Desmoulières, Bastien Bonnefous, Abel Mestre et Thomas Wieder.

 

[xxv] Voici une illustration valant très chère de la désinformation par abstention : si le crédit d’impôt pour la compétitivité ( coût estimé à 20 milliards d’euros) est applicable à toutes les activités, c’est que son centrage - qui eut été beaucoup plus efficace ( ou  moins coûteux) - au seul bénéfice des entreprises exposées à la concurrence internationale eut été certainement contraire aux règles du jeu européennes;  pour les respecter, il a donc été offert un “effet d’aubaine”  a  bien des activités profitables qui n’en ont pas besoin. Ce point – lié à celui  que le CICE bénéficie plus aux entreprises étoffées en main d’œuvre ( comme BTP et services) qu’aux firmes industrielles devant investir dans un  capital technique important - n’a été  mis en exergue par aucun media, sauf Alternatives Economiques (n° 319 - décembre 2012) et lettres d’information régulière de cette publication. 

 

[xxvi] Les députés ont voté le texte par 336 voix pour, avec 52 contre, tandis que les sénateurs ont été 265 à l’approuver, 42 à le rejeter et 13 à s’abstenir.

 

[xxvii] Collectivité d’outre-mer du Pacifique où perdure effectivement l’institution coutumière d’un rôle réel de rois rémunérés par la République. 

 

[xxviii] Un malheureux exemple récurrent est celui des oppositions à l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites. Ce qui menace vraiment le troisième et quatrième âge n’est pas une cessation d’activité un peu différée, mais - dans un univers où les cotisations fondent autant que les emplois - que la couverture maladie soit de plus en plus mauvaise. Une partie de la gauche et des syndicats se sont trompés de combat : mieux vaut  (sauf cas particuliers)  des retraités un peu décalés , mais bien  soignés que des retraités un peu précoces, mais mal protégés contre les maux de l’âge.

 

[xxix] le 23 mai 2012, «  ce soir ou jamais », France 3, entre H. Guaino, et  E. Todd, anciens membres de la même “Fondation Marc Bloch” dans les années 90.

[xxx] Cf. JDD 12 juin 2012, “Législatives-présidentielle, le calendrier fait débat”.

La faible participation des Français au premier tour des élections législatives a posé la question du choix fait en 2002 par L. Jospin et J. Chirac d’organiser ce scrutin dans la foulée de la présidentielle. Argument  donné alors par le premier : "Si ce calendrier (les législatives alors organisées avant la présidentielle) était maintenu, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, on verrait le Président élu juste après les députés. Nombreux sont ceux qui pensent, après avoir examiné cette situation, qu'une telle séquence, sans précédent, fait peu de cas de la logique de nos institutions et qu'elle est contraire au bon sens.”

Mais, avec le calendrier actuel, les élections législatives sont réduites à un scrutin de confirmation, qui peine à susciter l’intérêt. Selon D. Maus, "contrairement aux situations où les législatives se déroulaient au milieu d’un mandat présidentiel, le calendrier actuel fait perdre aux législatives leur dimension d’élection test, attributive des pouvoirs".

Pour éviter la désaffection des électeurs lors des législatives, un scénario a été souvent évoqué : l’organisation des scrutins législatifs et présidentiels la même journée, par une réforme qui annulerait quasi totalement la dimension du scrutin législatif en  “réduisant (D. Maus) les députés à un rôle de simple représentant des candidats" et qui serait aussi défavorable aux petits partis.

 

[xxxi] Voir cet historique dans l’ouvrage très nourri de Jean-Louis Masson ;  Fernand Lanore / Sorlot (1984) « Provinces, départements, régions: l'organisation administrative de la France ».

 

[xxxii] Cf. 7 Janvier 2013 , Fondation  Jean Jaurès :Le statut pénal du président : l’enfer et ses pavés par Jean-Jacques  Urvoas.

 

[xxxiii] Cette transformation du paysage économique et social se fait ainsi au profit de l'investissement étranger dans les pays intéressés (le Portugal à dépecer après la Grèce à vendre et beaucoup d’actifs français et anglo saxons acquis par les Asiatiques et le Moyen-Orient).  En elles-mêmes  ces cessions d'activités n'auraient rien de redoutable si les emplois correspondants sont bien maintenus sur les territoires considérés, mais c’est souvent au prix d'un changement des managements obtenant autant qu'il leur faut des novations du droit social et une compression accélérée des coûts collectifs.

 

[xxxiv] Gérard Courtois,  in le Monde du 25 janvier 2013.

 

[xxxv]  Ce sont les « fondamentaux » des partis de gouvernement qu’illustrent bien des think tank comme d’un côté Terra Nova et, de l’autre,  la Fondation pour l’innovation politique ou l’Institut Montaigne.

 

[xxxvi] DLR ou l’ambition gaulliste ; le M’PEP ou le socialisme souverainiste.

 

[xxxvii] Il faut aux” économistes atterrés”,  adjoindre de nombreuses personnalités comme E. Todd, J.L. Gréau J. Sapir, etc. que l’on retrouve  notamment sur http://www.protectionnisme.eu/, le Forum démocratique , l’association “Manifeste pour un  débat sur le libre échange” et auxquels H. de Bodinat ajoute une expérience d’homme d’affaires ( cf. sa contribution in L’Économie politique  N° 57 , janvier 2013).

 

[xxxviii] Alors qu’elles recoupent des analyses de préconisations de P. Krugman et de J.E. Stiglitz, etc.  ( mais il faut admettre que , dans un univers aussi divisé entre thèses opposées que celui de la réflexion économique, les références sont inopérantes).

[xxxix]  Cf. le Monde du 25 janvier 2013, précité : “Les frontières entre familles politiques se sont brouillées - L'étude montre la porosité entre l'électorat UMP et FN, sauf sur l'économie et la mondialisation”.

 

[xl] Ainsi que je l’ai souvent souligné ici, notamment dans le N° 2034  et comme une part de  l’intelligentzia qui s’enracina à gauche le perçoit enfin aujourd’hui : cf. J. Michéa, “les mystères de la gauche”.

 

[xli] C’est en occultant que la pertinence de la RP dépend des  contextes que  bien des auteurs de sciences politiques  lui font des procès injustifiés.

Ainsi, la RP couperait l’élu des électeurs ;  ce qui n’est vrai que si les circonscriptions où elle s’exerce sont trop vastes. Il faut donc concilier des circonscriptions supra départementales toutes également proportionnelles à la population et au nombre de sièges à pourvoir et de dimension  suffisamment humaine pour permettre la relation électeurs/ élus avec des moyens de ne pas perdre des voix minoritaires (par appel à la technique du plus fort reste et de récupération à un échelon national des voix qui s’évaporeraient du fait de calculs aux seuls niveaux des circonscriptions). Combiné à des seuils suffisamment bas pour accéder à la distribution de sièges, de tels dispositifs doivent permettre d’éliminer une seconde série de critiques : que la RP favoriserait la main  mise des grands partis sur les candidats , ce qui ne peut être pire qu’aujourd’hui, tandis qu’à la faveur d’une proportionnelle s’exerçant à un raisonnable échelon territorial pourraient mieux apparaître des personnalités non subordonnées à un appareil partisan.

Au demeurant les pratiques de scrutin proportionnel à travers l’Europe  – ce qui , avec des variantes de place à place, est le cas en Allemagne (c’est le principe proportionnel qui y gouverne les attributions de sièges, le scrutin majoritaire ne servant qu’à faire prévaloir les préférences individuelles des électeurs sur des castings de partis), en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Norvège, en Finlande, en République tchèque, et en Suisse – offrent une gamme de modèles et de techniques  permettant de construire des représentations équitables et pertinentes.   

Une autre critique est que la RP favoriserait les combinaisons contraires aux vœux d’origine des électeurs ; est-ce plus déformant que d’obliger ceux-ci à choisir de façon binaire au second tour ? Surtout, ce détournement de la volonté des électeurs ne peut pas pareillement se produire lorsqu’il y a eu un choix d’un Président de la république au suffrage universel et, le cas échéant, des facultés de referendum, parts déterminantes de  « démocratie directe » autorisant pour des alliances au sein du législatif une part utile de « démocratie médiatisée ». 

 

[xlii] Pour un panorama intégral des critères,  mécanismes et systèmes électoraux en vigueur, consulter <http://aceproject.org/main/francais/es/onePage>.

 

[xliii] Ce qui conduisit en 1951 au système des apparentements qui ne manque pas d’intéret pour pousser en ce sens dès lors qu’il ne serait pas associé à une très injuste  mécanique de pénalisation des concurrents “hors des clous”… comme ce fut le cas à l’époque.

 

[xliv] L’objet d’une telle  consultation référendaire est alors de faire trancher par  le corps électoral entre deux types de propositions, non de conduire au départ ou au renvoi du pouvoir dont la préconisation n’est pas suivie, la seule suite obligatoire étant que c’est la proposition votée par le peuple qui doit être appliquée. Ce n’est donc pas un référendum de destin à la manière gaullienne, mais un référendum d’arbitrage tel qu’il en existe dans différentes constitutions.  Sans ces possibilités de recours au referendum un régime français de séparation des pouvoirs pourrait être ingérable.

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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 08:24

 

Les commentateurs du lobby du "genre" ( les plus nombreux, car c'est la mode de l'intelligentsia)  se félicitent de toute part ce matin de la décision du CC, et se gaussent des opposants, mais la plupart cachent que le Conseil constitutionnel a vidé la loi sur le mariage gay de l'une des bases  qui l'ont inspirée et qui aurait pu lui conférer l'une de ses plus graves portées idéologiques : un prétendu "droit à l'enfant" . Les "mariés"  homosexuels n'auront aucun droit automatique à l'enfant.

En effet, ce n'est pas, contrairement à la plupart des titres, "sans réserve" que l' approbation est donnée. Le Conseil, après avoir pris acte de la compétence du législateur  - à travers une appréciation de la portée possible de la loi à confronter au principe dégagé à cette occasion, un  principe de  valeur constitutionnelle, celui de l'intérêt de  l'enfant,  supérieur à l'abus de majorité  parlementaire  qui a conduit à cette loi  - fait, quant à la portée de ce texte,  une réserve majeure. 

 

Pour bien la mesurer, il suffit de lire, ce qu'exprime  cette décision :

 

"S'agissant de l'adoption qui découle de l'ouverture du mariage aux homosexuels, le Conseil a jugé qu'il "n'avait, là encore, pas le même pouvoir d'appréciation que le législateur qui a estimé que l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive".

Le Conseil a estimé que la loi adoptée n'avait "ni pour objet, ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un "droit à l'enfant" et que "le 10e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 impliquait le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant". C'est la première fois, a-t-on souligné au Conseil, que la haute juridiction "dégage ce principe constitutionnel".

Le Conseil a émis une "réserve" afin que dorénavant soit appliquée l'exigence constitutionnelle de "l'intérêt de l'enfant" dans la délivrance de l'agrément par les conseils généraux permettant l'adoption et dans les décisions d'adoption prononcées par les tribunaux"

 

Voilà  donc une décision qui revêt un pur caractère formel et qui n'engage pas le Conseil dans le champ du suivisme sociétal tel qu'estimé par le législateur, comme il l'avait malheureusement fait dans sa décision sur le voile, en  invoquant alors des règles de vie en société  qui auraient  valeur constitutionnelle! 

 

Il est certes vrai que si les règles de l'adoption sont rappelées comme identiques pour tous les "genres" de  couples, ce n'est pas une novation  juridique. Mais,  d'une part, la novation est dans le fait que le Conseil s'est opportunément saisi de cette occasion pour conférer un caractère  de principe fondamental  aux droits de l'enfant , d'autre part qu'il était important de le marquer clairement puisque les demandeurs de cette loi ont fait campagne sur leur prétendu "droit à l'enfant"; et  l'affichage de celui-ci eut été le porte manteau non seulement de la PMA que l'on peut comprendre pour certain cas de figures de couples de lesbiennes (dès lors que l'une d'elle porte l'enfant et assure ainsi un lien du sang ) , mais aussi de la GPA qui reste totalement inadmissible à nos yeux pour les couples gays masculins.


 Comme la  décision  sur le voile  qui épousait, en effet, hélas, une passion d'hostilité populaire envers un marqueur de la confession musulmane,  l'approbation d'hier - obligatoirement imposée par les textes institutionnels -   par ce rappel solennel qu'il n'y a pas de  droit à  l'enfant, tient compte à l'évidence  de la dominante d'opinion très réservée envers l'adoption  homosexuelle.


Cette hostilité évidemment majoritaire chez les Français  eut d'ailleurs manifestement exclu une approbation par référendum ( non du mariage, mais de la filiation adoptive homosexuelle) ; si bien, sans doute que les "Sages",   tout en étant formellement obligés de se soumettre au législateur,  ont bien été conscients que si la voie du référendum avait été utilisée le texte eut été repoussé, tandis que dans le cas du voile son interdiction dans les lieux publics  eut été adoptée. On voit d'ailleurs ainsi que dans les deux cas, le Conseil  a tenu, dans la mesure où ( en s'auto habilitant depuis les années 1970) il le pouvait,  autant compte de la conscience collective que du droit fondamental français

Voilà donc une institution juridictionnelle sans appel qui - comme tout  contrôle matériel de constitutionnalité  -   autant qu'un juge des normes est un thermomètre de société... qui s'essaie dans certain cas  à en concilier les fièvres ou les sensibilités opposées. 

 

ps :

1 - Alors que la souveraineté de la loi - le régime parlementaire (absolu) -  se définissait selon la formule que "le légistaleur peut tout faire sauf changer un homme en femme", le régime présidentialiste majoritaire absolu fait mieux puisque  la loi a désormais  ouvert  la faculté qu' un homme soit changé en femme et vice versa . Comme la nature ne pourrait le faire, la loi permet qu'on le singe. 

 

2 -   * la reconnaissance de la  constitutionnalité de ce texte par le CC n'a-t-elle été faite, en vérité,  sous l'influence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ? Saisie par différents plaignants homosexuels, en particulier sur des questions de parentalité, la CEDH n'a jamais voulu se prononcer sur le principe du mariage et de l'adoption homosexuelle , mais  avait manifestement considéré que c'était de la compétrence des législations nationales, si bien que si la loi française venant d'être votée n'avait pas été regardée comme constitutionnelle, on pouvait redouter des développements contentieux européens qui eussent été défavorables à une position de rejet !

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 16:45

De quelques éléments d’impact du droit de l’Union Européenne sur les capacités de l’État et des autres collectivités publiques et de leur combinaison avec la RGPP, la déconcentration et la décentralisation.  

 

Alors que doit s’ouvrir un grand chantier de réorganisation des structures publiques, jumelé à la recherche d’importantes économies, nous avons demandé à Catherine Piquemal Pastré* de faire  un rapide état synthétique des lieux. Celui-ci fait apparaître la prévalence des principes européens.  

 

* Docteur d’État en droit public, maître de conférences à la Faculté de droit de Rouen où elle assure notamment des cours de droit public  (droit de l’organisation administrative; droit de la décentralisation;  droit des services publics ; droit de la fonction publique ; principes fondamentaux du droit public interne).

 

 

 

I- L’action publique est mise en cause par le droit communautaire : la formule du « service public à la française » se trouve confrontée, et pour partie battue en brèche par celui-ci

 

1 - C’est d’abord la conséquence de la prévalence  du principe de concurrence.

 

A) Quand on considère l’ensemble du droit communautaire – droit primaire et  interprétation de la CJCE et droit dérivé et son interprétation - on constate que le droit communautaire a essentiellement mis en cause toutes les formes ou tous les procédés à travers lesquels l’État ou les collectivités publiques sont supposés pouvoir agir en modelant des rapports privés.

Ainsi quand une administration ou une agence publique sont taxées d’abuser de leur position dominante (ex : aides de l’État aux communes, notamment en matière d’urbanisme), ce sont les institutions publiques qui sont affectées par le droit communautaire.

Ceci est renforcé par le fait que le Conseil d’État impose le droit de la concurrence dans le service public.

Quand les institutions publiques ou entreprises auxquelles l’État ou des collectivités publiques attribuent des missions et donc des moyens particuliers, sont invitées à réviser leurs relations avec d’autres au nom de la concurrence, ce sont les services assurés qui sont affectés.

Ainsi, quand des opérateurs publics détiennent des droits exclusifs ou interviennent dans des industries de réseau, leur position réputée privilégiée, les exposerait à des réflexes protectionnistes qu’en tout état de cause leurs partenaires économiques n’hésitent plus à dénoncer et que les autorités de concurrence sanctionnent avec fermeté au regard du droit de la concurrence.[1]

Quand les interventions financières de l’État ou d’autres collectivités publiques destinées à amortir les conséquences sociales de mutations industrielles rugueuses sont remises en question, ce sont les politiques sociales et leurs mécanismes qui sont touchés.

Quand au nom de la liberté de prestation des services, de la liberté de circulation des marchandises ou du droit de la concurrence, des réglementations  nationales sont frappées de paralysie, c’est encore une autre dimension de l’action publique qui est affectée.

Ainsi, des diverses composantes de l’action publique : institutions ou organisations, prestations ou services rendus, réglementations, aucune ne sort indemne de la construction européenne.

 

B ) Bien sûr, des évolutions ont permis d’affiner l’approche de la notion de services d’intérêt général, néanmoins, on note toujours « l’absence de proposition de texte global permettant de définir le contenu et les exigences du service d’intérêt général et l’emploi de plusieurs expressions pour rendre compte de ce qu’on appelle le service public en droit français »[2].

Certes, avec la jurisprudence Altmark[3]  la Cour de justice a élaboré la théorie de la compensation que l’on peut résumer ainsi, « lorsqu’une entreprise bénéficie d’une compensation des sujétions pesant sur elle pour accomplir ses missions de service public, il ne s’agit pas d’une aide d’État. »[4] Cependant, ce principe exige qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Il semble que l’apport de cette jurisprudence doive être amplifié par la commission de Bruxelles[5].

Avec le traité de Lisbonne, la distinction opérée entre services d’intérêt économique général et services d’intérêt général ne vient pas changer fondamentalement l’approche européenne en matière de services publics et l’on peut ne pas partager l’enthousiasme de certains auteurs, qui estiment que « les disputes sur les termes n’ont plus beaucoup de sens »[6].

Niveau élevé de qualité, de sécurité, caractère abordable, égalité de traitement, promotion de l’accès universel, droits des utilisateurs, ces exigences inhérentes à la réalisation des services d’intérêt général (SIG)[7] sont loin des exigences du service public français : continuité, égalité, adaptabilité, précaution, responsabilité.

 

 

 2- Ceci résulte également, dans la logique de la prégnance du droit communautaire, du constat de la fragilité, et souvent de l’inefficacité des protections des  États.

 

 

A) Théoriquement, l’édifice juridique du  droit communautaire préserve l’action des États et des collectivités publiques : répartition des compétences, subsidiarité en cas de compétences partagées, tout ce qui n’est pas de la compétence communautaire est de la compétence des États.

Mais en réalité, les instances communautaires avancent l’argument que les États n’interviennent pas, pour agir à leur place. Comme il n’existe pas réellement de texte, les instances communautaires estiment devoir intervenir quand elles considèrent que les États s’occupent, mais pas comme elles le désirent, des matières considérées. En réalité, les instances communautaires interviennent quand elles le désirent, en pure opportunité. La conséquence en est que l’on assiste certes d’une part à des harmonisations,  voire des créations,  qui peuvent constituer des clarifications, voire des avancées appréciables (comme en matière de droits de la propriété intellectuelle et des NTIC, ou dans certains domaines de protection des consommateurs) mais aussi, au remplacement de normes nationales maximales par des normes communautaires minimales. Une part de l’Europe risque ainsi de se faire « vers le bas ».

 

B) Le principe de subsidiarité  ne protège donc guère les capacités d’action publique des États qui est l’objet permanent d’une surveillance étroite des instances communautaires.

On assiste ainsi à une transformation volontaire, de la part de ces instances, des qualifications pour ouvrir la voie à une compétence communautaire, afin d’appliquer les règles destinées à organiser le marché ou promouvoir son fonctionnement.

Le poids des mots est fort : une institution publique devient une « entreprise » ; une intervention financière aux ambitions généreuses devient une « aide » ; une réglementation même très consensuelle devient une « mesure ».

Les instances communautaires, de la sorte,  par une interprétation très discutable du principe de subsidiarité et par  une transformation des qualifications, élargissent-elles  considérablement, insidieusement,  leurs compétences au détriment des États.  Ce poids croissant d’une réglementation communautaire édictée par des institutions dont la légitimité démocratique est imparfaite relativise considérablement la  portée des normes arrêtées par les autorités  nationales dont la compétence  en vient à ne plus s’exercer que sur des coques de plus en plus vidées de contenus au profit des marchés et de leurs lois.

 

C) Certes, à l’emprise des règles communautaires correspondant aux exigences du marché, des limites ont été apportées.

Ainsi, la libre circulation doit tolérer des bornes, le droit de la concurrence, dans ses dispositions applicables à l’action des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général peut supporter des dérogations (art.90-2 traité de Rome) mais, si des dérogations aux règles de concurrence sont possibles, le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la communauté (art.90-2 traité de Rome).

La construction européenne exalte des exigences du marché pouvant être contraires aux valeurs du service public ; l’antinomie est bien là, et vouloir que service public et service d’intérêt général soient une seule et même chose  n’est pas possible.

Avec la crise économique en 2008/2009, on a pu se demander comment l’intervention des États en faveur des banques pouvait être admise par les instances communautaires.

C’est que l’État qui est intervenu était bien l’État libéral et non un État-providence, en effet, il s’agissait, par ces interventions, non pas d’administrer le marché, mais d’en corriger les conséquences négatives a posteriori  afin de restaurer les conditions de la confiance économique, pour que puissent à nouveau se développer librement les lois du marché.

 

 

II- La remise en cause du modèle français d’administration publique par l’Europe.

 

A)  En principe, la construction communautaire n’avait pas vocation

à affecter l’organisation des administrations publiques de chacun des États membres.

En premier lieu l’article 39 §4 du traité instituant la communauté européenne exclut expressément « les emplois dans l’administration publique » du principe de libre circulation des travailleurs.

En deuxième lieu, l’article 45 premier alinéa de ce même traité fait échapper « les activités participant […] même à titre occasionnel à l’exercice de l’autorité publique » du champ d’application de la liberté d’établissement.

En troisième lieu enfin, les directives 89/48 CEE et 92/51 CE relatives aux systèmes généraux de reconnaissance des formations professionnelles ne devaient trouver à s’appliquer qu’aux professions réglementées du secteur privé.

Néanmoins, au regard d’un modèle français d’administration publique, l’Europe a fortement ébranlé les fondements de celui-ci.

Certes, l’administration publique française conserve une certaine efficacité car elle a su relativement s’adapter, toutefois, le concept de modèle d’administration publique n’a guère de sens dans l’Europe d’aujourd’hui[8].

 

B) Le modèle français a été critiqué et reste critiqué sous l’influence anglo-saxonne. Le droit anglo-saxon s’efforce de supplanter le droit continental.

« Derrière le « modèle » administratif et juridique exporté, les entreprises sont à l’affût. Ces modèles ne sont, en effet pas neutres. L’implantation de règles du jeu anglo-saxonnes permet bien plus aisément à des entreprises habituées à ces schémas de pénétrer les marchés. »[9].

 « Si nous voulons rester maîtres de notre modèle, il faut pouvoir le faire partager le plus largement possible, dans les pays émergents ou en développement et également dans les enceintes internationales. Nous sommes en période de confrontation des modèles, ce qui est tout sauf neutre politiquement et économiquement »[10].

En réalité, c’est la conception française du service public qui est au centre de cette confrontation des modèles dont le cœur est la conception que l’on a de l’intérêt général.

Le concept de service public est fortement affecté : « Service public à la française et droit communautaire : rarement un débat conceptuel et pratique aura été aussi passionné. A la conception française du service public, véritable pierre angulaire du droit public, étroitement liée à la notion de puissance publique et de souveraineté de l’État, ainsi que fortement chargée d’histoire, le droit communautaire oppose une logique mécanique de marché et d’application stricte des règles de concurrence. »[11]

Le service public constituant en droit public français un critère déterminant  pour la définition des notions aussi importantes et diversifiées que celles notamment d’agent public, de domaine public et de travaux publics, sa remise en cause est de nature à affecter tant les structures mêmes de l’administration publique que ses modalités de fonctionnement.

 

C) Ainsi, pour des motifs tirés, certes, d’une part, d’une volonté de simplification administrative d’ordre purement interne, mais également en vue de satisfaire aux exigences du droit communautaire impliquant une distinction de l’administration publique régalienne et des autres activités administratives, notamment les activités publiques situées sur un segment concurrentiel, il a été procédé, au cours des années 1980, à une réforme législative de grande ampleur en redéfinissant l’ensemble des structures et des missions respectives des fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière ( lois 13 juillet 1983 et 11 janvier 1984, 26 janvier 1984 et 9 janvier 1986).

Nombre de corps et d’emplois de la fonction publique de l’État, une grande majorité de ceux de la Fonction publique territoriale et la quasi-totalité de la Fonction publique hospitalière ne comportent ni l’exercice de la puissance publique, ni l’attribution de responsabilités pour la sauvegarde des intérêts généraux de l’État. Ainsi en est-il par exemple de l’ensemble des enseignants[12], de différents fonctionnaires municipaux[13], ou d’un directeur d’hôpital[14], d’où il résulte que ces fonctions sont largement ouvertes aux non nationaux au nom de l’application du principe de libre circulation des travailleurs, en principe exclu dans l’Administration publique.

 

D) La commission européenne, soutenue par le Parlement européen, a toujours marqué un vif intérêt en faveur d’un accroissement des compétences communautaires ou nationales, conférées par la voie de la décentralisation aux collectivités territoriales.

« Elle a fondé nombre de ses politiques, notamment de cohésion économique et sociale, sur cette approche politique, postérieurement exprimée par le principe de subsidiarité, mais dont certains ont pu estimer qu’elle pouvait pour partie traduire une logique classique de pouvoir entre la Communauté et les États membres. Les « actes I et II » du vaste mouvement de décentralisation en France de 1982 à 2004, résultent largement de cette dynamique institutionnelle »[15].

 

 

III- Une combinaison de facteurs conduit, sans doute, à un nouveau concept d’ « administration des territoires ». 

 

La volonté politique des institutions communautaires de créer une véritable Europe fédérale, induisant un mouvement de « fédéralisation » au sein de chaque État membre, a pu trouver des limites.

Notamment en France, ce que d’aucuns ont qualifié de « reféodalisation[16] » a été contrecarrée par un renforcement de la déconcentration, manifestant une présence forte de l’État au niveau local, pour préserver son unité, et l’héritage fort d’un État unitaire s’est ainsi affirmé.

 

A) Simultanément une autre volonté politique  s’est affirmée, comme exprimée  dans la révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 à 2012, de « moins de services, moins de personnel, moins d’État »[17] et  a trouvé sa traduction  dans différentes mesures remettant en cause la présence de l’État au niveau local.

La mise en œuvre de la RGPP s’est  manifestée par une « mue de l’État », en « clair, son amaigrissement. »[18].

Par ailleurs, le  renforcement de  l’autorité des préfets de région, a coiffé celle des préfets de départements[19]. Autrement dit, le représentant de l’État en région a son mot à dire  sur les affaires qui étaient, en principe, du ressort de ses collègues des autres départements. Ajoutons que le préfet de région, disposant d’un pouvoir d’évocation, peut désormais se substituer au préfet de département[20].

Cet « amaigrissement » de l’État, s’est manifesté également au niveau des sous-préfectures dont on a souhaité réduire sensiblement le nombre en « déqualifiant » le responsable de l’État –remplacement du sous-préfet par un fonctionnaire de la préfecture-. La question est toujours d’actualité.

 

B)  De plus, la conception que l’on a retenu de la déconcentration a changé de nature, il n’était plus vraiment question d’organiser un contrepoids à la décentralisation, la déconcentration toute entière, en réalité, confiée au préfet, est plutôt apparue  comme une volonté de politisation de ce mouvement administratif, le préfet étant nommé par le Président de la République, et les préfets étant de moins en moins issus de l’ENA[21].

 

1- A l’échelon régional , la manifestation de cette double « mue » (allégement et reprise en main) des services de l’État en région a été que ceux-ci ont été sensiblement réduits. La restructuration des administrations déconcentrées au niveau régional s’est traduite par une réduction importante du nombre des directions régionales qui a été fixé à sept, résultant de fusions et de regroupements[22], placés sous l’autorité du préfet de région.

Ce pouvoir de direction du représentant de l’État sur les services déconcentrés au niveau régional, s’accommode cependant d’exceptions traditionnelles confirmées par le décret du 16 février 2010 et les textes sur les nouvelles directions régionales. Ainsi, en matière d’éducation, ce qui profite au recteur d’académie et concerne aussi la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ou celle de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

Sont également soustraites à l’autorité préfectorale les missions d’établissement des statistiques. De même, celles d’inspection du travail dans lesquelles la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l’emploi est, bien sûr, impliquée. Est également dans une situation à part, l’agence régionale de santé.

Quant à la direction régionale des finances publiques, elle occupe véritablement une place à part dans le dispositif puisque son responsable, héritier du directeur des services fiscaux et du trésorier-payeur général, est plus un partenaire qu’un subordonné du représentant de l’État. 

Néanmoins, l’existence de missions soustraites à l’autorité du représentant de l’État n’exclut pas[23] la participation des services concernés aux politiques interministérielles conduites sous sa direction.

On doit ajouter que pour favoriser le recentrage du préfet sur sa mission de pilotage, l’implication du secrétaire général pour les affaires régionales dans le fonctionnement des services déconcentrés a été accrue[24] et que les attributions du comité de l’administration régionale sont également mieux précisées.

Notons également que les établissements publics sont associés à l’action des services déconcentrés, qu’ils participent aux actions conduites par le représentant de l’État, que cela vaut notamment pour l’agence régionale de santé.

L’évolution des rapports entre les établissements publics et le préfet de région reflète la volonté d’intégrer progressivement leurs services dans l’administration territoriale placée sous son autorité.

Juridiquement, le préfet de région devient le représentant de tous les établissements publics entrant dans le champ d’application du nouveau dispositif et reçoit autorité sur leurs services territoriaux.

En pratique, cette possibilité, expressément envisagée par le décret du 16 février 2010, exige la conclusion d’une convention entre le représentant de l’État et les responsables de l’établissement public qui peuvent affecter leur personnel propre dans les services déconcentrés concernés ; ce personnel se trouve alors placé sous le pouvoir hiérarchique du préfet en sa qualité de représentant territorial de la nouvelle institution[25]. Bien qu’intégrés dans l’administration régionale, les établissements publics n’ont pas totalement perdus la maîtrise des actions menées par leurs services territoriaux.

Il n‘en reste pas moins que « la réforme de l’administration régionale efface sur le terrain ce qui restait du particularisme de la décentralisation technique ou fonctionnelle par rapport à la déconcentration »[26].

 

2- L’échelon départemental a été organisé en fonction des besoins des citoyens et non, comme dans les régions, selon les lignes de découpage des périmètres ministériels.

Si le département ne disparaît pas, on assiste à une reprise en main du premier ministre sur l’administration départementale d’État et à une réduction du nombre de lieux de pouvoir.[27]

L’aspect le plus novateur à ce niveau concerne l’institution des nouvelles directions départementales interministérielles.

Ces nouvelles directions départementales interministérielles crées par fusion des nombreux services existant précédemment, sont des services déconcentrés, interministériels, rattachés au premier ministre (SGG) et non pas à un ministère en particulier, placés sous l’autorité directe des préfets[28]. Le décret de 2009 précise les missions de ces directions. En particulier, son article 8 précise que « sous l’autorité du préfet de département, elles mettent en œuvre des politiques définies par le gouvernement dont le pilotage et la coordination sont assurés par le préfet de région, assisté des directions régionales. »

Le même article précise qu’elles exercent leurs missions « sous réserve des compétences dévolues à d’autres services ou établissements publics de l’État ».

En effet, certaines structures départementales actuelles deviennent des unités territoriales (UT) de directions régionales qui ne sont pas intégrées aux directions départementales. Il en va ainsi par exemple pour la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (principalement ex-direction départementale du travail et de l’emploi) et pour la direction régionale des affaires culturelles (ex- service de l’architecture et du patrimoine).

Ces services des directions régionales (UT), remplacent ainsi certaines structures départementales existant précédemment et sont placés sous l’autorité fonctionnelle des préfets de département, lesquels auront autorité directe sur les unités départementales des services régionaux lorsqu’elles traiteront de dossiers relevant de domaines de sa compétence.

Quant aux agences régionales de santé, opérationnelles depuis le 1° juillet 2010[29], elles sont représentées par une délégation territoriale.

Ce qui est l’aspect le plus notable de l’organisation des directions départementales interministérielles, c’est leur organisation modulable. En effet, afin de concrétiser l’adaptation aux besoins et aux spécificités des divers départements, le schéma retenu est composé d’un socle de base à deux directions, éventuellement augmenté d’une direction supplémentaire selon les départements.

L’organisation à deux directions est la règle dans tous les départements de moins de 400 000 habitants, avec une direction des territoires et une direction de la cohésion sociale et de la protection des populations.

Au dessus de ce seuil, le préfet peut décider de créer une troisième direction, dite « de la protection des populations », la direction de la cohésion sociale devenant une direction à part. Toutefois, ce n’est pas une obligation.

Quant aux départements ayant à traiter de problématiques spécifiques, des adaptations sont prévues : dans les départements côtiers, par exemple, la direction des territoires comporte une délégation à la mer et au littoral.

Mais il convient  de relever qu’à côté de ces directions interministérielles, subsistent la direction départementale des finances publiques, résultant elle-même du rapprochement des services fiscaux et de la trésorerie générale, l’inspection d’académie, la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, des services de police et les unités de gendarmerie.

 

En ce qui concerne les directions départementales interministérielles (DDI), depuis le 1° janvier 2010, c’est au préfet qu’il incombe d’arrêter, sur proposition  du directeur, conformément aux orientations du premier ministre, après présentation au comité de l’administration régionale et accord du préfet de région, la création des DDI (direction départementale des territoires qui  traite de l’ensemble des politiques à impact territorial qui étaient jusque-là conduites notamment par les DDE et les directions départementales de l’agriculture et de la forêt.). Dans les départements où elle est créée, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations est chargée des missions définies aux articles 4 et 5, à l'exception de la mise en œuvre des politiques relatives aux fonctions sociales du logement lorsque celle-ci est confiée à la direction départementale des territoires.

 

De cette longue énumération, il ressort que l’État entend rester présent dans les départements, néanmoins, l’épisode neigeux de la fin de l’année 2010 a montré les défaillances des services de l’État, pour dégager les routes, en fait leur absence, pour cause de réduction des effectifs dans le cadre de la « révision générale des politiques publiques »[30].

De plus, on voit poindre là, nombre de frottements potentiels avec l’action des collectivités territoriales. « La « déconcentralisation » à la française reste riche de ces situations où les frontières entre complémentarité et concurrence se brouillent avec à la clé financements croisés et dilution des responsabilités. Les vieux démons ! »[31].

On peut aujourd’hui se demander si, cette modification de la déconcentration ne risque pas de déboucher sur un manque d’État pour les citoyens ; l’État qui demeure le garant de l’intérêt général, de la solidarité, de la justice sociale, éléments fondamentaux du service public. En effet, la déconcentration a été conçue comme un renforcement des pouvoirs et du rôle du préfet et non comme une présence locale des services publics de l’État.

D’où le thème de « transversalité » évoqué depuis quelques temps par les autorités politiques de l’État, et qui doit (ou devrait) se substituer à la « verticalité » des liens, verticalité que l’on avait cherché à limiter dès 1964. Si le préfet « représente le premier ministre et chacun des ministres » comme le déclare l’article 1° du décret de 1964, alors il faut effectivement établir cette transversalité. Mais il reste à repenser les relations entre l’administration territoriale, et notamment les services déconcentrés, qui ne dépendraient plus, dans cette nouvelle organisation, de l’administration centrale, ainsi que les fonctions de celles-ci… »[32] .

C’est bien un déficit d’État au niveau local, que l’on a noté, un déficit de services publics de l’État, rendant la vie des citoyens au quotidien plus difficile.

 

- Dans le même temps, ce déficit d’État au niveau local, s’est traduit par une re-centralisation de l’organisation de l’État, c’est-à-dire que la présence de l’État au niveau local revient à des acteurs essentiellement politiques, en effet, le préfet de région est un emploi « à la discrétion du gouvernement », nommé par le Président de la République.

La révision de l’article 13, en juillet 2008 qui vise à encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République qui s’exerce «  après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée », ne concerne pas les préfets.

Dans ces conditions, jusqu’à aujourd’hui, la diminution du volume des services déconcentrés, donc de l’administration indépendante du pouvoir politique, le renforcement très net du pouvoir du préfet de région, essentiellement représentant du pouvoir politique et précisément du Président de la République, la présence de l’État au niveau local est celle du pouvoir politique central. Les préfets apparaissant comme les héritiers des « missi dominici », des intendants  du Roi, eux-mêmes ancêtres des préfets de l’an VIII.

 

La libéralisation et l’harmonisation de certains domaines essentiels tels que les télécommunications, l’énergie, la poste, le secteur financier et, de façon plus générale, ce qu’il est convenu d’appeler les réseaux, se sont traduits au plan national, précisément pour satisfaire aux prescriptions communautaires, par la création de nombreuses autorités de régulation sous formes d’autorités administratives indépendantes[33] ou d’établissements publics[34]  dotés d’un pouvoir réglementaire.

Les origines de ces secteurs fortement marqués par le service public, ne sont peut-être pas étrangères au rôle normatif reconnu à ces autorités de régulation.

 

 

 

 

Après lecture de cette contribution de C. Piquemal Pastré, on doit constater qu’il appartient désormais à la nouvelle gestion politique de chercher le meilleur dosage possible pour concilier  la satisfaction des citoyens et la rationalité budgétaire. Voilà ce qui devra se conduire en tenant donc compte d‘inspirations bien différentes : celle d’un État unitaire et pilote servi par  une catégorie fonctionnelle particulière de citoyens, les agents de l’État,  ayant des garanties spéciales, en contrepartie de devoirs particuliers ; celle d’une philosophie rémanente de décentralisation exaltant les fonctions électives locales, mais en attendant en contre partie des élus locaux un sens élevé de responsabilité y compris financière ;  celle de la reconnaissance du marché  (et, parfois au prix de l’emploi national,  d’un marché ouvert sur les concurrences extérieures ) en tant que régulateur de coûts des équipements et  services.  Ce défi complexe ne peut, à notre sens, être relevé qu’à la condition d’une mise à plat de la carte administrative française pour écarter les doublons, situer les responsabilités, optimiser les dépenses.

Je présenterai prochainement  comme cadre historique de réflexion ce que je pense être la  situation présente - DES POUVOIRS PÉRIPHÉRIQUES POUVANT CONFÉRER DES LATITUDES DE GESTION AUX ÉLUS LOCAUX, MAIS NE POUVANT, NI D'AILLEURS NE DEVANT, CONSTITUER UN POUVOIR STRATÉGIQUE. – et les réformes leviers qu’elle pourrait appeler. 

 

 



[1] C. Appel Paris 1° Ch. 27 janv. 1998 EDF, AJDA 20 mai 1998 p. 435. 

[2]Florence Chaltiel : « Les apports du traité de Lisbonne au service public » AJDA 8 sept. 2008 n°29 p. 1575.

[3] CJCE 24 juill. 2003 Altmark Trans Gmbh, aff.C-280/00, AJDA 2003. 1739, note S. Rodrigues.

[4] F. Chaltiel précitée. 

[5] Voir AJDA 10 oct. 2011, p.1873 : « Vers un nouveau droit européen des aides d’État », le « paquet Almunia ».

[6] ibidem

[7] Prévues dans le protocole sur les SIG du traité de Lisbonne.

[8]Voir Jacques Biancarelli et Flore Pulliero : « La remise en cause du modèle français d’administration publique par l’Europe ? » Cahiers de la Fonction publique et de l’Administration (CFP) n° 265 mars 2007 p.5.

[9] Rémy Schwartz - Éditorial des CFP n° 265 mars 2007.

[10] Ibidem.

[11] J. Biancarelli : « Service public et intérêt général : du conflit à la conciliation entre le droit  communautaire et le droit français » CFP fév. 1999 n° 176 p. 2.

[12] CJCE Lawrie-Blum 3 juillet 1986,  66/85

[13] CJCE 17 déc. 1980  Commission c. Belgique, 149/79

[14] CJCE 9 sept. 2003, Burbaud, 285/01

[15]  J.Biancarelli CFP 2007 n° 265 précité.

[16] Pierre Legendre : « Remarques sur la re-féodalisation de la France » in Études en l'honneur de Georges Dupuis ; L.G.D.J, Coll. Les Mélanges, janvier 1997, p. 201

[17] Déclaration du premier Ministre le 10/10/07

[18] Le Monde 4 sept. 2008, Enquête p. 20.

[19] On peut noter que le préfet de région se situe désormais dans une relation de supériorité hiérarchique, vis-à-vis du préfet de département selon le  décret n° 2010-146 du16 février 2010« Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'État dans la région, sous réserve des compétences de l'agence régionale de santé, ainsi que de l'exécution des politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l'État.  A cet effet, les préfets de département prennent leurs décisions conformément aux instructions que leur adresse le préfet de région. »

[20]Décret 16 févr.2010 : « Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département. »

[21] Ainsi, de 2007 à 2012, deux tiers des préfets n’étaient pas issus de l’ENA, magistrats, ingénieurs, policiers… montrant bien qu’ils étaient véritablement choisis personnellement par le Président de la République.

[22] 1) Direction régionale : des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l’emploi ; 2) Direction régionale : de l’environnement, de l’aménagement, du logement ; 3) Direction régionale : de la jeunesse, des sports, de la cohésion sociale ; 4) Direction régionale : de l’alimentation, de l’agriculture, de la forêt ; 5) Direction régionale de la culture ; 6) Direction régionale de finances publiques ; 7) Agence régionale de santé.

[23] Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004

[24] Décret n° 2009-587 du 25 mai 2009

[25]Ex : agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –ADEME-.

[26] Francis Chauvin : « La nouvelle administration régionale de l’État » AJDA 2010 p.825.

[27] Voir en parallèle D. n° 2009- 1549 du 14 déc. 2009 créant la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, placée sous l’autorité du premier ministre.

[28] Décret n° 2009-1484 du 3 déc. 2009 relatif aux directions interministérielles, art. 1°.

[29] Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, art. 131)

[30] Voir Jean-Claude Fortier : « Avis de tempête sur le service public : la République en question(s) » AJFP janvier/février 2011 p.1.

[31] Christophe Guettier : « L’administration départementale de l’État » AJDA 2010 p.831.

[32] J.M.Pontier « La réforme de l’administration territoriale » AJDA  26 avril 2010 p 819.

[33]AMF : régulation des marchés financiers, ARCEP : autorité de régulation des communications électroniques et des postes, CRE : commission de régulation de l’électricité – cf. Rapport public du Conseil d’État 2001 : « Les autorités administratives indépendantes ».

[34]RFF : réseau ferré de France.

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 06:36

 

 Un vaste colloque tenu à Nouméa, sous la direction de J.Y. Faberon, V. Fayaud et J.M. Regnault, sur "Destins des collectivités publiques d'Océanie" a eu lieu il ya déjà environ 18 moi etba donné lieu à une publication en deux volumes des PUF d'AixMarseille. pour la Revue des Outremers , en voie de réalisation, j'ai donné la note de lecture ci-dessous dont je veux souligner qu'emme comporte la recherche d'un écho constituionnel opportun pour notre République composite.

 

« DESTINS DES COLLECTIVITES POLITIQUES D’OCÉANIE »

 Note de lecture - G. Bélorgey

On ne saurait mieux marquer l'ambition couronnée de succès et les points forts de ces deux volumes qu'en reprenant les conclusions du professeur Christian HUETZBELEMPS. Je me permets d’y adjoindre ce à quoi j’ai été le plus particulièrement sensible en tant observateur attentif  de toutes les décolonisations et après avoir tenté, à différentes étapes de ma vie, d'apporter à celles-ci mes modestes contributions de militant, d’acteur administratif et de gestionnaire de moyens au service  de cultures partagées.

Les analyses conjuguées  des notions  de «peuple , «population », «nation»,  « État », « pays », «patrie », «communauté » et «frontières » aboutissent à des clarifications si éloquentes des contenus – parfois, des conventions, des énigmes ou des ambiguïtés d’usage de chacune d’elles -  que ces explorations m’ont apparu avoir une double portée. Il y a, naturellement, celle qui s’applique aux  champs mêmes de l’ouvrage ; mais il y a, également, au-delà de ces mises en lumière des transactions humaines et institutionnelles dans lesquelles s’inscrivent les « destins » des « pays » considérés, le dévoilement indirect d’un autre besoin :  celui (et j’y reviendrai in fine, car c’est l’ensemencement que j’ai ressenti) d’une actualisation  de notre lecture actuelle – voire de certains contenus toujours très rigides - de notre héritage constitutionnel pour la part où celui-ci sert communément de base aux politiques ou aux préconisations en matière de traitement de populations migrantes installées ou résidentes au sein du territoire français.

Une belle dimension de ces travaux (et, même, un plus par rapport à son titre)  est  de placer, de manière pertinente, les mondes d’Océanie dans des parallèles précis  avec d’autres univers: celui de l’Atlantique nord où sont en vis-à-vis une histoire du Québec qui a subi la dure loi anglaise avant les compromis d’aujourd’hui et l’avenir ouvert du Groenland ; celui du centre Amérique marqué par la question de Porto Rico, tandis qu’évoluent souplement les Antilles néerlandaises ; celui de l'océan Indien avec le contraste de la recherche très organisée d’un équilibre interculturel à l'île Maurice et  le pari départemental obligé mahorais à la mode uniformisatrice française ; des coups de projecteur sur des antipodes asiatiques de nos démocraties démystifient Hong Kong et Macao. Quant aux comparaisons entre  des grands  modèles de droit public – non seulement ceux qu’offrent les constructions américaine ou helvétique dont les rappels sont tout à fait bienvenus, mais aussi ceux de la bien singulière Allemagne dont la citoyenneté/nationalité fondamentale par le sang tient sans doute à ce qu’elle n’a jamais assuré de Commonwealth ou d’Empire extra continental -,  elles mettent de manière parfaitement pédagogique en évidence les possibilités d’États « composites». Des types de relations bilatérales ou de participation à l’échelon européen illustrent des variantes de la citoyenneté duale.  Quelle précieuse somme pour tous les constitutionnalistes. En outre, il est aussi très appréciable que cet ouvrage fasse le point sur les rôles et les positions des organismes internationaux.

Si les pluralismes et la probité qui marquent toutes ces pages les inscrivent dans un climat de respect réciproque des diverses sensibilités, je crois que c’est aussi parce que les approches des enjeux d’outre-mer sont assez largement parvenues à échapper au fléau des manichéismes et aux excès de notre bipolarisation. Heureusement, les combats frontaux pour l’alternance  n'ont pas empêché que, derrière des formulations partisanes parfois agressives l’une  envers l’autre,  une forme de continuité attentive des pouvoirs publics successifs se soit exprimée vis-à-vis des outre-mers. Au plan juridique, le Colloque met en valeur la clarification qui procède, dans la souplesse, de la réforme de 2003 ; je partage l’idée que l’on peut aller jusqu’à reconnaître, à travers des affirmations identitaires,  une forme de République  «plurinationale ».  Je souhaite ajouter  qu’au plan économique (dont le colloque a peu traité), cette vigilance envers l’outre-mer - dès lors que les charges induites pour aller dans la voie de l’égalité des chances n’étaient pas de la dimension insoutenable de celles qui eussent été  nécessaires pour faire face aux besoins algériens ou à ceux de l’ancienne Union française – s’est traduite, certes à travers des canaux budgétaires et administratifs différents pour les COM et pour les  DOM, par des solidarités d’impacts assez comparables. Voilà ce qui relativise un peu les distinctions institutionnelles. Toutefois, il est bien vrai qu’une importante  différence politique tient à ce que les positions, les sécurités et les capacités d’action des «gouvernés» vis-à-vis des  « gouvernants» ne sont pas identiques dans les COM et dans les DOM : dans les premières, les habitants  sont des sujets de droit fiscal et social de chacune de leurs structures statutaires spécifiques, tandis que dans les seconds, les habitants sont,  directement, des contribuables et des assurés sociaux de la République.

J’ai apprécié qu’un point essentiel de l’originalité du Pacifique ( et qui va de pair avec le précédent) apparaisse bien: ses COM ne sont pas intégrées mais associées à l’U.E., une conséquence majeure étant qu’elles conservent leur liberté commerciale et leurs recettes tarifaires, surtout qu’elles échappent au principe européen du libre-échange interne et externe, ce qu’un intervenant déplore, mais ce dont, pour ma part, je prends positivement acte : ce sont les seules communautés françaises qui conservent, à ces titres,  leurs responsabilités. En même temps diverses discriminations positives pour « océaniser » leurs politiques locales (en matière d’échanges commerciaux, d’emploi, de tenure foncière dont on mesure au vu des traditions, comme du contre-exemple hawaïen, toute l’importance) leur sont moins difficiles à mettre en œuvre que dans les DOM (dans lesquels la « créolisation » a été une voie, hélas,  fermée). Les pays du Pacifique sont donc, à mes yeux, dans des conditions plus adéquates pour, s’il le faut, protéger leurs économies et faire en sorte de préserver des perspectives de propres personnalités.

Or, au cœur de cet ouvrage, il y a une petite phrase symphonique qui revient régulièrement. On l’entend dans les communications - bien soutenues par des iconographies et par des cartographies limpides - qui portent sur les géographies humaines, sur le  multilinguisme océanien, ainsi que sur les «vocabulaires politiques» et parfois sur leurs mutations et équivoques. On l’entend, cette petite phrase symphonique, dans les déclinaisons des thèmes autonomistes, indépendantistes, voire souverainistes. Cette petite phrase, à la charnière des deux tomes, c’est celle  qui pointe la question clé d' "être soi". Pour les peuples premiers à l’évidence, mais aussi pour des migrants des temps successifs qui ont pu, sous des latitudes conquises, construire des communautés. Prendre les uns et les autres en compte tout en sachant expliquer les voies par lesquelles sortir des anciens rapports de forces est la forme de prouesse politique qu’exprime le préambule annexé  de l’accord de Nouméa à la maturation duquel on sait  combien l’Institut de droit d’outre-mer a pris sa part, Institut  qui continue à travers ce colloque à être dans son jeu de médiation :  c’est à dire à inviter les «politiques» au milieu des meilleurs  « experts ».  Et des politiques majeurs  sont là, du moins ceux de Nouvelle-Calédonie, tandis que la présence de la Polynésie reste plutôt assurée par des universitaires …(qui ne manqueront pas  – il faut l’espérer - d’être le moment venu relayés par qui de droit ?). 

 

Je souhaite aussi dire combien je suis intéressé par le fait que des thèmes cardinaux de ce colloque interfèrent avec des questions constitutionnelles restant à traiter.

Une anomalie relevée par ces travaux - que des suffrages recueillis lors de consultations  électorales  dans les COM pourraient arbitrer des majorités et donc des stratégies politiques  au niveau national – doit, comme il est noté, conduire à s’interroger sur une faculté  de «déconnection institutionnelle » . La question majeure est celle de « la nécessaire refondation de la conception républicaine de la patrie pour prendre en compte la diversité» (D. Turpin), non seulement dans les relations entre République et outre-mers, mais au sein même de la République[i]. Cette diversité paraît, en effet, désormais quasi incorporée de manière positive dans la géographie politique et dans les architectures institutionnelles post coloniales, mais, pour la France continentale,  la plupart des autorités politiques et juridiques ainsi que  des  faiseurs d’opinion  réfèrent rigoureusement aux principes fondamentaux de l’unité, de l’égalité, de la laïcité,  par le rejet de toute distinction selon l’origine, la race ou la religion. Une fermeté sur les fondamentaux de la République qui ne va pas sans quelques réels problèmes pratiques comme celui de l’utilité de «statistiques ethniques » encadrées de manière déontologique.

Il y a surtout qu’une lecture aujourd’hui figée de textes de louable inspiration universaliste et égalitaire écrits autrefois s’accorde parfois mal avec les vécus d’aujourd’hui. Si les immigrations constituées de citoyens français de l’outre-mer  se sont plutôt bien accommodées (sous réserve des «plafonds de verre» rencontrés par des ultra marins) de notre conception uniformisatrice, l’application obstinée de  cette philosophie à des immigrations provenant d’autres régions du monde ne mérite-t-elle pas d’être, dans l’intérêt de toutes les parties, reconsidérée ? En réfléchissant à nouveau sur les termes d’un choix qui a été trop simplifié : entre, d’une part, une conception de l’intégration conçue comme une insertion de groupes d’origines externes pouvant conserver des traits spécifiques, approche qui admet donc une part (fut-elle transitoire) de communautarisme ; et, d’autre part, à l’extrême, une conception de l’intégration conçue comme une assimilation des  individus, et centrée en conséquence sur les exigences combinées d’égalité des devoirs et des droits, d’unité nationale, d’identité des valeurs… et pour finir de la capacité des migrants à offrir un rapport positif qualité/prix . Cette seconde conception – certes née de l’esprit républicain, ayant glissé vers une idéologie utilitaire officielle – n’a pas pris en compte certains changements marquant le phénomène migratoire. Par le passé,  bien des migrants voulaient - ou ont dû - couper les ponts avec leurs patries d’origine si bien que  les expressions de leurs différences  se sont souvent dissoutes en moins de deux générations dans la société globale. Les démarches contemporaines  d’immigration, elles, ne sont pas forcément sans idée de retour,  d’autant que la fluidisation des échanges aide aux doubles appartenances. Celles-ci comportent l’attachement à une culture d’origine  que traduisent dans certains cas des marqueurs (religieux, endogamiques, rituels, alimentaires, nominatifs, vestimentaires, etc.) pouvant choquer des habitants du pays d’arrivée,  dont beaucoup attendent qu’en échange d’être « accueillis» les nouveaux venus se conforment à leur ressembler, faute de devoir accepter d’être discriminés. Dans la mesure où les migrants leur semblent poser autant de problèmes qu’avoir actuellement d’utilité, plusieurs responsables  politiques européens se sont affichés contre le multiculturalisme. En France, comme l’ont explicité des communications (notamment d’A. Roux) du Colloque, après diverses jurisprudences du Conseil Constitutionnel ouvrant débat, le pouvoir constituant a tranché pour reconnaître  l’existence de « populations » vivant outre-mer, mais englobées (avec la particularité néanmoins du constat d’un peuple Kanak)  dans un seul peuple français.  Au-delà, «les exigences minimales de la vie en société» de ce peuple n’ont-elles pas été élevées, par la décision du Conseil Constitutionnel dite « sur le voile»,  au niveau de principes fondamentaux semblant bien inclure - par ce que ces « exigences » peuvent et pourraient ou non comporter - une franche dose de relativité selon les appréciations qu’on en fait ? 

Dès lors, une forte tentation de caractériser une identité nationale autour du pilier de la conformité aux mœurs soit traditionnelles, soit majoritaires, soit validées par des modes dominantes, à l’exclusion des pratiques importées et/ou pratiquées  par des minorités,   ne s’impose-t-elle pas ? Une telle identité peut dès lors être  regardée à la fois d’une part comme  la référence qui conduit à durcir les conditions des naturalisations, d’autre part comme  le patrimoine  à protéger contre des intrusions déplacées de non nationaux : les résidents détenant des titres de séjour en règle et, a fortiori, ceux en situation irrégulière (même s’ils sont contribuables). Le Peuple/Nation serait ainsi voulu comme l’addition de ceux qui ont les mêmes souches, dont les ancêtres furent enterrés dans le  même sol, de ceux qui vivent ensemble les mêmes préférences du présent et de mêmes souhaits d’avenir ,  et – marginalement - , de certains hommes et femmes venus d’ailleurs,  mais, qui ont  pu (ou pourraient) être admis comme citoyens de ce peuple : pour autant que ces personnes se reconnaissent comme gouvernées, dans leur vie civile et privée comme dans leurs présences dans l’espace public, non seulement par le respect nécessaire des lois de la République, mais encore par une adhésion (sans concurrence avec d’autres étalons) aux valeurs et aux opinions professées par la plupart des habitants déjà en place sur le sol qui les reçoit.

 

Cependant la Nation n’a pas été faite de l’assimilation d’allogènes au cas par cas,  mais par des insertions successives, selon diverses étapes et transactions, tantôt de nouveaux incorporés par extensions territoriales, tantôt de nouveaux arrivants par immigrations, les uns et les autres pouvant plus ou moins individuellement  ou familialement se  fondre dans la collectivité  ou s’y continuer en des formes de communautés. Si on ne peut aller jusqu’à dire simplement que la Nation française a été formée de divers peuples – puisque les rôles et poids respectifs des divers composants humains de l’histoire et de la démographie de la France ont été bien différents – il faut, pour le moins, afficher que cette Nation n’est ni uniforme, ni destinée à le devenir, mais qu’elle est plurielle et appelée à continuer ainsi : elle inclut ces minorités que voudraient nier des principes, mais qui sont toujours « visibles » ou  identifiables. Aujourd’hui, moins placée, à notre sens, sous la menace spirituelle et politique de l’Islam que déjà possédée par l’expansion matérielle et financière de l’Asie, la part dominante de notre société nourrit des fantasmes la conduisant à préférer l’ouverture aux marchandises plutôt qu’aux hommes, à partager plus facilement les liens d’affaires que les rémanences des points communs de civilisation. Alors que, par l’incorporation des Traités européens,  la Constitution a intégré, sans toutes les prudences utiles, la mondialisation commerciale, elle devrait mieux incorporer, avec les précautions nécessaires, la mondialisation interethnique, d’autant que les immigrations que reçoit notre territoire sont pour une part  non négligeable un héritage indirect de l’Union française.


En conséquence - par le texte même de la charte fondamentale à réviser d’une manière qui, au lieu d’interdire toute portée aux distinctions, positiverait la diversité - la République ne devrait-elle être définie,  comme « constituée d’un peuple français comportant des pluralités d’origines, de races et de religions,  réunies dans un État de droit assurant leur égalité devant la loi »? ? Et, à titre de signe pouvant assurer à la République et à la France bien des adhésions, cette Constitution ne devrait-elle inscrire qu’elle garantit,  dans le cadre de ses lois,  le respect  des cultures des minorités nationales  et celles des résidents étrangers présents sur son sol ?

Double provocation que l’idée de constitutionnaliser d’une part la reconnaissance de la diversité des composants du peuple souverain, d’autre part le principe d’un droit des minorités. Il y a eu de ces schémas  dans de puissants empires et il y en a dans des États critiqués. Peut-on imaginer que l’esprit français  s’applique à imaginer ce qui pourrait être ainsi, comme une forme de suite, bien plus étroite, mais devenant réellement égalitaire,  à un Empire disparu ? Et le rôle que cet esprit pourrait jouer, peut-être mieux que l’Union pour la Méditerranée en tant que charnière d’Europe, pour donner une nouvelle dimension à la tradition universaliste française ?

Ne seraient-ce,  avec tant de points difficiles à traiter et avec tant de débats à soutenir, de belles perspectives pour  un Colloque, un jour,  à venir ?



[i] Dans l’axe d’un colloque P. de Dekker/J.Y. Faberon de 2002,  comme dans celui de l’ouvrage de  ce dernier  (en  2003, l’État pluriculturel et les droits aux différences) et des travaux sous la direction de M. Wievorka (depuis 1996, déjà !, Une société fragmentée. Le multiculturalisme mis en débat), les confrontations d’approches se succèdent. Après avoir fait deux présentations développées( Progrès et tensions dans la France multi-ethnique et multi-culturelle in Revue Politique et parlementaire, N°1047, Janvier/mars 2007 ; Essai sur la France post-coloniale, in Géopolitique Africaine , N° 38, Oct/décembre 2010) de la situation et des points de vue exprimés, je constate que de nouvelles contributions prêtent naturellement à bien des controverses (cf. Philippe d'Iribarne, Les immigrés de la République, Impasses du multiculturalisme, Seuil, 2010 ), mais apportent aussi des vécus d’expériences (cf. à titre d’exemples, in « Cahier de Politique Autrement », février 2012 ; Yannick Blanc, Le marché mondial de l'immigration ; Malika Sorel, L'intégration en question). 

 

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25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 00:03

 

 

                    I- CONSTATS

 

1 – Les refus exprimés par le second tour .

 

Si l’on ajoute à une abstention inégalée ( 44% en moyenne, très importante dans l’électorat ouvrier et employé, majoritaire chez les plus jeunes (1) ), les bulletins blancs et nuls,  les votes qui se sont portés sur des candidats  du Front de Gauche, du Modem, de Debout La République(2), c’est sensiblement plus que la moitié des Français qui, lors du second tour législatif,  n’ont pas jugé bon de choisir . ..

 

…de choisir entre une droite aggravée ayant nourri l’extrémisme, une sociale-démocratie toujours très européiste, et un lepénisme mélangeant désormais un rejet largement fondé du libre échange et du système européen avec sa constance  dans des  « valeurs » valant repoussoirs, notamment  en matière de société et à l’encontre de l’immigration.

2 – Les contre-sens  institutionnels


Ce refus massif, par la majorité des citoyens, des conformismes – la droite, la gauche, le FN - partout mis en valeur de manière privilégiée – n’empêche pas que l’on célèbre comme à l’accoutumée les vertus du régime bipolaire ; celui-ci serait le bon héritage des institutions nées en 1958 en assurant la cohérence des votes présidentiel et législatif , alors que c’est surtout le produit du quinquennat qui a vidé de son sens la dyarchie entre d’une part Président de la République et, d’autre part, chef du gouvernement; ce qui  porte à la dernière déformation ( déjà demandée et prévue)  de la Constitution : le regroupement en un même temps des votations pour les gouvernants, afin que, comme dans les autres démocraties bipartisanes, les citoyens aient, pour diriger le pays,  à choisir entre deux chefs de partis, exactement ce que n’avait pas voulu le Général de Gaulle.

3 - Le « centre » , un fantôme joué par d’autres.

 

L’erreur de jugement sur notre régime  institutionnel est bien illustré par le fait que certains ânes de  journalistes le nomment "présidentiel" ( ce qui est le terme de science politique définissant un régime à pouvoirs séparés non renversables l’un par l’autre ), alors que, par la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée, le régime français  est au contraire  bien  un régime "parlementaire",  mais que l’addition et la quasi simultanéité de scrutins majoritaires en font un régime "présidentialiste".

 

Un tel système excluant une réelle répartition proportionnelle (parce que ce mode de scrutin  est incompatible en régime parlementaire avec le besoin de  stabilité de l’exécutif) a, évidemment, pour effet automatique d’interdire un tiers parti influent si bien que « le centre » n’y existe que si ce rôle  est joué, comme il advint  autrefois, par une droite raisonnable, ou, comme il semble aujourd’hui, par une gauche modérée.  Droite raisonnable et gauche modérée qui sont en fait invitées – notamment par les medias dominants qui s’y consacrent avec toute leur énergie lobbyiste - à réussir des stratégies tout à fait cousines dont le facteur commun essentiel, malgré quelques variantes,  est  constitué depuis Maastricht par des cadres européens contraignants.

 

4 – La célébration européenne.

 

Voilà pourquoi, après la célébration du régime bipolaire, la seconde célébration médiatique (atténuant d’ailleurs d’autant la première)  est celle de l’Europe.

 

Ainsi quasiment tous les organes de la presse écrite et audiovisuelle poussent très fort les notes de leurs chansons convergentes,  comme s’il n’y avait qu’une voie unique de salut, fut-ce au prix de quelques fausses fenêtres et de vraies concessions : celle de sauver l’euro et de construire donc une « gouvernance », c.a.d. en terme clair,  une souveraineté européenne vidant plus encore qu’aujourd’hui de beaucoup de ses contenus et de son sens la notion de souveraineté nationale.

 

C’est bien partout l’illusion européenne qui l’a emporté : en France, en donnant à penser, à la faveur du succès électoral social-démocrate,  que l’on pourrait vraiment changer d’Europe ( mais ce qui en serait  - on le rappellera plus avant - la condition sine qua non, revenir sur le principe du libre échange, n’est  pas à un quelconque ordre du jour et, en France même, est loin d’être seulement envisagée) ;   en Grèce, même les opposants de la gauche radicale voulaient l’euro, mais  sans son prix  et on ne voit d’issue que dans l’acharnement thérapeutique.

 

Que tout organe de presse - même ayant prétendu ne pas être de l’establishment - se coule dans la liturgie européenne est bien donné par le ton adopté par  « Marianne » ; l‘hebdomadaire n’a posé, la semaine dernière, la bonne question « L’Europe doit-elle disparaître ? » - que pour payer son écho pluraliste à quelques voix dissidentes ( la meilleure étant celle du philosophe Paul Thibaud qui parle de « piège »), tout en laissant évidemment entendre par des voix majeures ( Julliard ; Attali, etc.) qu’il ne saurait en être question,  sauf à choisir la catastrophe, ce qui est cohérent avec le soutien de F. Hollande.

 

Certes, une longue et bonne analyse rappelle que les institutions européennes « se font détester » parce que les citoyens nationaux ne peuvent jamais faire jouer la responsabilité  de celles-ci : en effet,  le pouvoir d’élection et de sanction s’exerce au niveau national, tandis que les pouvoirs de faire les choix stratégiques sur lesquels l’électeur « lamda »  n’est pas consulté s’exercent de manière opaque au niveau de l’Union ; mais cette analyse  ne débouche que sur l’évocation de propositions fumeuses tant il est vrai qu’on voit mal, malgré quelques contributions incantatoires, comment obtenir une démocratisation par une perspective fédérale : des Etats Unis d’Europe sur le modèle américain sont effectivement tout à fait inconcevables entre des pays qui ne partagent ni une même langue, ni une même culture, ni un marché fluide du travail.

 

5 – Les dominations, prétentions et prescriptions des souverainistes européens


 Le questionnement qui se voudrait panoramique sur la question  européenne tourne en rond dans les thèmes monétaire et budgétaire, sans mettre en évidence que c’est l’option fondamentale de l’Europe pour le libre échange qui explique l’ensemble des prétentions des souverainistes européens.

 

Ceux-ci ont déjà trouvé dans l’ouverture commerciale - gérée sans retenue et sans contrôle  par la Commission - aux produits et services des pays à bas coût de revient  le moyen systématique 

a) de faire pression pour des concurrences  tout à fait faussées par les dumpings, dotées de hautes marges de rentabilité et d’une attractivité prédatrice envers les activités beaucoup moins profitables situées dans les pays avancés ;

b) contre des niveaux salariaux et des modèles sociaux corrects;

c) contre les concours publics à l’économie productive ;

d) pour la privatisation maximale  des modes de financement ( ce qui rend indispensables  de fortes  inégalités pour que les mieux pourvus puissent être épargnants sources de  placements et investissements);

e) pour le cantonnement des prélèvements obligatoires et donc des services publics et des couvertures sociales, afin de réduire les coûts pesant sur les prix de revient ( conséquence des concurrences par les prix) et sur les bénéfices et valorisations des entreprises (conséquence des concurrences entre rentabilités financières totales mesurées par l'addition des dividendes et des plus values de valorisation). 

 

Tels  sont - beaucoup plus que la lutte contre l’endettement public, lequel est moindre que  ceux des entreprises et des ménages et lequel est tout à fait supportable lorsque l’accès aux emprunts n’est pas assorti de flambée des taux d’intérêts – les vrais ressorts de la promotion paranoïaque  (depuis les critères subjectifs au doigt mouillé de Maastricht) de la "règle d’or" contre les déficits publics et les endettements souverains. 

 

Ces offensives triomphantes du néo libéralisme ont conduit,  en même temps qu’au développement des extrémismes contestataires, à de véritables régressions économiques et sociales, à des  niveaux inouïs de chômage et de précarité dans nos pays qui, il y a trente ans, avant la nouvelle mondialisation  et les dérégulations,  avançaient vers l’équilibre et auraient même pu en venir aux principes de la Charte de La Havane.

 

6 – Les « fondements compétitifs » de la croissance.


La systématisation et le perfectionnement de cette ligne politique s’exprime aujourd’hui  dans la volonté d’imposer à nos sociétés des « fondements compétitifs »(3) qui seraient les clefs de la croissance . 

 

On peut les ramener à quatre

- une monnaie forte pour prémunir contre l‘inflation et pour profiter aux entreprises afin que celles-ci puissent, au meilleur rapport de change, acquérir soit énergie et matières premières , soit des composants (à monter dans des productions terminales)  soit des produits finis (à distribuer avec des différentiels assurant  de bonnes marges )  provenant de pays à monnaie faible et à coûts de revient imbattables, notamment du fait du bas prix du travail, d’absence de protections environnementales et de fiscalités et prélèvements modérés à raison de la médiocrité de leurs services publics et sociaux. L’instrument de cette politique monétaire d’économie dominante est la BCE dont la devise forte écrase les pays faiblement outillés en  leur imposant une remise en cause des acquis sociaux;

 

- la garantie du respect obsessionnel de la règle d’or, dans le double objectif de stabilité monétaire et de compression des prélèvements, au moyen de la supervision et du suivi de l’exécution des budgets nationaux par des autorités technocratiques dont aucune responsabilité politique n’est susceptible d’être engagée ;

 

- la flexibilité du marché de l’emploi et du droit du travail,  bien au delà de l’adaptation des temps aux fluctuations des plans de charges :  selon des normes aujourd’hui clairement prescrites par les autorités européennes  consistant à mettre les salariés sous pression (absence ou bas niveau d’une rémunération minimale ; aisance des licenciements ;  couverture chômage suffisamment courte et faible pour obliger les chômeurs à reprendre n’importe quel type de travail) ;

 

- l’extension de la technique de la privatisation, comme conséquence de la rigueur budgétaire et du désengagement public (assorti de la réduction du champ statutaire pour les agents administratifs), pour le financement non par l’impôt, mais par les marchés, et pour la gestion sous leur contrôle non seulement du secteur de l’économie productive, mais aussi des champs  de services sociaux et même d’activités administratives et régaliennes.

 

 

7 - Les engrenages imparfaits du « Monde »


Ces  prétentions/prescriptions  européennes sont toutes des conséquences logiques du principe de libre échange mondial  et celui-ci est bien d’ailleurs à l’origine de toutes les grands récents  dysfonctionnements, de même que l’absence de sortie de ceux-ci tient au principe même qui gouverne le système central bancaire européen construit pour se plier à ce libre-échange. 

 

 Un  grand mécano illustré de roues dentelées  présenté  dans une entière double page du «Monde »  du  15 juin 2012   entend , par la figuration d’une suite d’engrenages, expliquer « d’ où vient la crise » et pourquoi il y a « récession européenne : des désaccords sur la sortie de la crise ». Mais, de bout en bout, le schéma présenté procède, au moins pour moitié , de raisonnements convenus faussés par des omissions.

 

S’il est vrai que les « racines  américaines » sont dans le crash immobilier et dans une récession mondiale dans laquelle la crise financière est une part des causes,  s’il est vrai que les « racines européennes » sont dans les illusions de l’euro qui a  leurré les investisseurs, caché le surendettement et s’il est pour partie exact que la compétitivité industrielle en serait ici et là oubliée, la roue majeure d‘entraînement en amont de l’ensemble systémique dépressif, c’est la diminution des capacités d’emplois, l’affaissement des revenus modestes  ( mal pallié par l’endettement des ménages : les subprimes) , c’est le défaut d’investissement de l’Occident dans son économie réelle  dès lors que ses marchés internes et externes ont été ( et sont toujours) siphonnés par les pays émergents et les contrées est-européennes en retard  ; c’est la nouvelle  (en fait depuis presque dix ans)  donne de localisation des activités créatrices d’emplois telle qu’elle résulte de la seconde mondialisation qui est à l’origine de la dépression occidentale confrontée à l’expansion asiatique par l’exportation : aucune roue initiale du mécano n’évoque même cela.  

 

La seconde omission est que les remèdes apportés à la récession  par injection de liquidités au profit de divers agents économiques, et notamment des banques en tant que redistributeurs de moyens ,  n’ont pu apporter aucune stimulation  à l’emploi, donc au niveau de la solvabilité des ménages et à la capacité d’auto investissement des entreprises parce que l’argent ainsi injecté  dans une économie ouverte n’a pas eu les effets keynésiens classiques attendus, mais  d’une part a bénéficié aux grands vendeurs en amont de biens et de services, c’est à dire aux Pays émergents et non aux États consentant les dépenses,  d’autre part  a fortement contribué au surendettement  de  ceux-ci ( résultant lui-même, on le sait, très largement du libre échange - cf . sur ce site l’article du  10/12/11  ), tandis que la prise en charge publique des prêts ou des découverts des institutions financières ( ce que la  BCE continue à faire quasiment à guichet ouvert pour les banques à condition qu’elles ne soient pas publiques !)… a transformé, sinon en France qui a été prudente,  mais largement ailleurs,  des passifs privés en dettes souveraines.

La troisième omission est celle d’une roue de fin de schéma qui offrirait l’icône d’une banque centrale apte, comme la Réserve fédérale américaine ou la banque d’Angleterre,
à monétiser une partie de la dette des États; voilà qui balancerait par une dose supportable d’inflation (qui devrait rester raisonnable à raison des effets sociaux pervers d’excès en ce sens, et à raison du prix en dollars des approvisionnements en pétrole) et par donc une nécessaire moindre appréciation de l’euro (ce dont bénéficierait les économies européennes dominées par une devise trop forte)  les effets de plans d’austérité sans doute excessifs dans certains de leurs aspects, mais inévitables (cf. même  sous gestion « socialiste »
, ce qui se passe au Danemark ) si l’on reste dans la logique européenne actuelle.

 

 8 – Sans protectionnisme, la recherche de la croissance par la demande  va à l’échec.

 

Si l’on ne change pas  de logique, ce sont les recettes  allemandes de « croissance »  - donc ces « fondements compétitifs » dont on a vu tous les dangers sociaux - qui sont les bonnes recettes. Car il ne faut pas croire, à une petite échelle, que ce sont des mutualisations (difficile à faire admettre au bénéfice des plus pauvres et des plus imprudents par les plus « vertueux » riches et exigeants) d’une fraction marginale des emprunts qui vont résoudre d’énormes distorsions internes à la zone ; et il ne faut pas croire à une échelle globale que de l’injection d’argent public ( le plan Hollande par exemple, bien inspiré dans ses financements et dans ses objectifs, mais bien incertain  dans ses résultats) peut être la garantie de croissance et surtout de plus d’emploi :  si une part de protection des marchés créés par une demande supplémentaire n’est pas assurée au bénéfice des entreprises localisées en Europe, cette nouvelle politique keynésienne bien sommaire n’aura pas plus d’effets positifs  que ce qui a été fait sans accompagnement protectionniste en 2008 et 2009 et qui n’a  abouti qu’à la crise symétrique des surendettements mise en exergue en 2011, d’abord aux Etats-Unis comme machine de guerre contre B. Obama, ensuite en Europe comme bouclier contre les dépenses pesant sur les entreprises et contre les impôts à demander aux mieux pourvus.  

 

 

          II - CONVICTIONS

 

9 - Aussi, me démarquant des clefs de pensée de la vague rose et de la vague europhile,  je pense que le salut est dans une sortie de l’Europe telle qu’elle est : parce qu'on n’obtiendra sans doute jamais à temps ce raisonnable protectionnisme européen qui devrait être l’un des produits de bon sens d’une construction fédérale européenne resserrée, mais elle-même très difficile à construire.

Je crois donc qu’il faut faire droit à une inspiration stratégique faisant d’une part  de souverainisme français un rempart  contre le souverainisme européen. Ce qui n’ira pas sans crises  politiques externes et internes.  Défendre la Nation suppose qu’elle soit capable de rassembler, dans un nouveau régime institutionnel ,  un bon éventail de ses forces politiques  sur des lignes partagées.

 

C’est pourquoi ma conviction souverainiste va de pair avec ma  conviction du besoin d'une construction  institutionnelle (une VI ème République) permettant un champ majeur de rassemblement national : une politique faisant droit à une inspiration souverainiste ne peut se concevoir et se  faire qu’en front largement uni  vis à vis des autres pays et des institutions supra nationales :  dans une réelle solidarité nationale  et donc avec certaines compréhensions transpartisanes et réconciliations. Aussi,  je ne peux trouver dans la démocratie bi partisane une réponse satisfaisante à ce besoin et j’appelle donc de mes vœux un réel régime présidentiel assorti d’une représentation proportionnelle pour  la constitution de l’Assemblée.

 

 

10 – Une  logique transversale lie politique économique et régime politique, parce que  vont, à mon sens,  solidairement de pair une stratégie faisant place au souverainisme économique et social, et  un régime politique obligeant à des convergences françaises . C'est ce que devrait pouvoir produire un système associant un Président élu au suffrage universel et une Assemblée  détentrice des pouvoirs législatifs et budgétaires et devant  trouver ensemble des compromis, des transactions d’union nationale. Non loin de ce qu’a plaidé  F. Bayrou, mais en vain parce qu’il n’a pas été au bout de sa logique institutionnelle : le besoin de la RP sans laquelle aucun centre politique ne peut ni sortir des urnes, ni se créer pour gérer le pays par des coalitions de gouvernement.

 

Je suis donc "proportionnaliste" ( pour le mode de scrutin législatif) et en faveur d’un exécutif présidentiel unifié qui devrait, pour être garanti de la stabilité ( que peut menacer la RP)  ne pas être  responsable devant l'Assemblée. Le Parlement,  pour sa part, deviendrait ainsi honnêtement et réellement pluraliste ( et non pas simplement assorti d’un codicille proportionnel pour donner une portion congrue à  quelques minoritaires ). Ce serait donc aller résolument  dans un autre sens que celui de la démocratie majoritaire absolue enchaînant des quinquennats d’alternance pilotés par des présidents éjectables par les coups d‘essuie glace des élections.

 

 En cas de conflits, s'ils étaient  autrement insolubles, entre exécutif et délibératif (il se peut, il est normal, il est riche, il est sain que puissent apparaître à  tel ou tel moment des divergences non surmontables par la négociation entre un Président et une majorité forcement composite ) la situation devrait être déloquée, arbitrée s’il le faut, à l’initiative de l’un ou l’autre des pouvoirs, par recours au referendum; la réponse de la souveraineté populaire à celui-ci indiquerait le choix  à mettre en œuvre aux deux titulaires de la souveraineté nationale : Président exécutif - dont s'il était désavoué, une  démission de type gaulien ne correspondrait nullement à ce modèle - et Assemblée délibérante qui si elle n'était pas suivie,  devrait de même se soumettre. Faire que l'un et l'autre des pouvoirs  ait, l'un et  l'autre, le devoir constitutionnel de continuer après un arbitrage populaire ne donnant satisfaction qu'à l'un des deux,  exprime qu'il s'agit de concilier  plus de démocratie représentative et plus de démocratie directe : en fait d'assurer plus de pouvoir au peuple.  

 

11- Reconnaître une Nation française  composite à tous titres - politiques, territoriaux , ethnoculturels - que ses solidarités doivent rendre unitaire ( 4).


Composite comme elle devrait être représentée au Parlement,  composite par les souverainetés limitées mais réelles et un peu protégées des collectivités locales, la France est aussi de plus en plus composite au niveau ethno culturel. C’est une bonne chose qui fait sa diversité, sa force, pour une part sa démographie et, de plus,  ses chances relationnelles dans le monde entier.    C’est aussi la suite,  en partie apaisée,  d’un Empire dont les temps ont  été difficiles sans avoir été tous négatifs.

 

Appréciant tout l’intérêt de l’unité nationale,  je vois son contenu , l’identité de la Nation, ainsi peu à peu logiquement changer en incorporant de nouveaux habitants  – selon, ce qui est tout à fait normal, des degrés inégaux d’intégration. L'intégration  n’est d'ailleurs pas une valeur à reconnaître comme  unique, mais elle doit au contraire être combinée avec - c'est aussi  un  héritage d’Empire - la valeur de diversité . C'est l'union de ces valeurs qui, réunit des Français - et des résidents- de toutes les origines. A l’égard de ces nouveaux et, souvent ( par le sang versé et le travail accompli), Français de longue date et de grands mérites, je comprends mal ces dénis de réalité que sont les procès de « communautarisme » . Il me semble en effet  d’abord inévitable qu’il y ait des phases d‘adaptation (vécues par les Provinciaux qui sont longtemps restés, et sont encore assez souvent,  très caractérisés par les attaches et les larges fratries de leurs origines régionales, bien connues de Juifs venant de l’étranger, éprouvées par les Polonais, les Italiens, les Maghrébins, les Africains, les Libanais, les Asiatiques, les Européens de l’Est), oui, des phases d’adaptation  pour des arrivants qui ont besoin, alors qu'ils sont  en transition de type de vies,   de l’existence  d’un esprit  communautariste. Il me semble ensuite historiquement vérifié et sociétalement positif  que puissent persister ( parce qu'il est normal que les immigrés ne veuillent pas rompre avec des racines vis à vis desquelles ils gardent des liens légitimes, en entretenant aussi dans certains cas des perspectives de retour au pays d'origine) des facteurs culturels marquants et récurrents (comme ceux tout à fait acceptés de diverses communautés, par exemple  israëlite ou chinoise )  qui doivent à mon sens être respectés dès lors que ceux qui y sont attachés  observent les lois de la République.

 

C’est pourquoi je suis aussi résolument favorable au « différentialisme » qu‘attaché à l’existence d’une nation  unitaire et restant largement souveraine : les différences ethniques, culturelles, religieuses, de mœurs et de convictions sont – comme il est vrai dans toutes les grandes nations – constitutives, dès lors que des solidarités existent,  d’une force nationale aux facettes plurielles. C’est ainsi qu’il faut bien solidariser les Français et ceux qui veulent le devenir par l’acceptation  de l’arc en ciel de leurs constituants ethno culturels, voire par la facilitation de l’expression des différences. 

 

En outre, et de manière cohérente,  je suis aussi naturellement,  sinon jacobin, du moins clairement unitariste à l’encontre de décentralisations des pouvoirs normatifs et sociaux pouvant morceler la Nation en fiefs et en inégalités, tout en considérant que des collectivités territoriales mieux regroupées à un niveau significatif devraient recevoir un  pouvoir propre de création fiscale qui les responsabiliserait plus correctement qu’aujourd’hui où elles reçoivent trop de subventions ( que devraient surtout fonder le besoins de péréquation) .

 

 

12 – Gouverner c’est plus encore savoir bien doser que radicalement choisir et c’est donc en venir à rassembler

   

 Reconnaître toutes les composantes, toutes les diversités de la Nation  en trouvant à celle-ci, par la conservation et l’exercice de pouvoirs propres  essentiels,  des moyens opérationnels  adéquats négociés entre ses  groupes d’intérêts,  ne peut être obtenu que par la recherche des bons dosages tant il est vrai que, malgré l’adage - qui a fait beaucoup de mal et couvert beaucoup d’erreurs - gouverner c’est, en permanence, plus savoir doser que radicalement choisir, ce qui n’est impérieux que dans les spasmes de l’Histoire.

Malgré les tensions partisanes et les difficultés de fond, je crois aux vertus d’un rassemblement faisant bouger les lignes d’aujourd’hui,  défendant des intérêts proprement nationaux, je crois à une forme de synthèse possible  (que la France a,  sinon connu,  du moins voulu  dans des périodes exceptionnelles comme la Libération) entre des valeurs sociales de gauche, des valeurs morales de droite, des valeurs économiques nationales : une trilogie bien contraire aux bases du néo libéralisme construit sur la lutte de classe pilotée par les dominants, sur la permissivité généralisée et sur  la suprématie des paris internationaux sur les précautions nationales.  Ce n’est ni un frileux repli, ni le modèle égocentriste - encore qu’intéressant - d’une économie « helvétisée » ( ce qu’il eut peut être fallu plutôt faire pour la France à la fin des années 60 que l’intégration à une Europe se préparant à ne plus se protéger ). C’est un challenge qui demanderait beaucoup d ’efforts, mais en donnant sens enfin à ces efforts de toutes façons inévitables. En outre,  la reconnaissance des diversités internes est la garantie contre  la fermeture au monde, et la forme par laquelle préparer, en particulier, comme il a été rêvé, autour de la Méditerranée ,  un fécond univers de réciprocités commerciales, culturelles et politiques.  

 

13 – Mes contre-pieds .


 La variété de mes expériences  (comme responsable d’administrations,  d’entreprises ou d’intérêts professionnels) , mon attention pour la vie publique  nourrie par trois dizaines d‘années d’enseignement de science politique et de politique économique et par ma ténacité depuis lors à suivre et analyser les questions clefs de ce temps, voire mes incursions trop personnelles dans des champs  politiques, en bref cette combinaison d’approches complémentaires me donne à mes yeux une légitimité d’intervenant et d’observateur participatif qui me semble cruellement manquer à  bien des chroniqueurs et universitaires ayant chacun leurs sillons tout tracés et le bénéfice de trouver des audiences du seul fait de leur notoriété et de leurs titres. En présentant aujourd’hui mes contre-pieds de manière provocante j’ai tenu à annoncer mes couleurs qui ne sont toujours d’aucun camp et dont, en conséquence, la seule chance d’influence est dans la force des choses qui contaminera toutes les orthodoxies d’aujourd’hui.  

 

Pour me résumer, je m’affirme donc souverainiste avec le souhait d’un tissu d’accords de réciprocité , protectionniste en matière commerciale, et convaincu d’un besoin de contrôle des flux de capitaux,  mais favorable aux brassages des communautés, et donc, différentialiste dans le respect  de l’unité de la Nation qui ne peut  pas être une machine à  assimiler mais devrait être un système de  solidarité pour faire coexister – et s’ils le veulent se fondre et se  mélanger - des gens différents les uns des autres  et dont l’uniformisation serait une perte pour tous.

 

 Je suis aussi évidemment encore,  pour compléter le faisceau de mes références regardées comme périmées, "colbertiste" : je crois à une part indispensable d’économie mixte pour financer les investissements non par l’inégalité, mais par des contributions  transitant (via prélèvements ou emprunts) par le Trésor  national, et je suis convaincu du besoin de contrôle public sur les secteurs stratégiques et sur ceux qui, si les pouvoirs de décision les concernant passent en des mains étrangères , peuvent devenir des bombes éclatant en ondes de chômage de salariés et de faillites de  fournisseurs et sous-traitants. Le colbertisme dont nous avons à nouveau besoin va de pair avec une inspiration socialiste actualisée. À condition de ne pas chercher à satisfaire les mythes collectifs comme moins de travail ( et des retraites précoces pour tous) mais les réels besoins sociaux :  l’avenir de l’assurance maladie est un combat plus capital que l’âge de la retraite car mieux vaut des retraités un peu tardifs mais bien soignés  que  beaucoup de jeunes retraités mal soignés. À condition que les exigences de justice fiscale ne soient pas mises en œuvre d’une manière si sommaire ( comme par exemple par le refus de toute forme de hausse de TVA)  qu’elle pourrait priver des moyens imaginatifs de mieux assurer protection et  compétitivité pour soutenir l‘économie . À condition , en bref, que les bons dosages – qui ne peuvent résulter que d’échanges entre points de vue différents – soient privilégiés sur le calendrier de satisfaire un programme électoral. À condition, bien sûr, qu’un programme électoral puisse être largement révisé selon les besoins  et réunir ainsi plus largement. Voilà qui dépend aussi de cette réforme institutionnelle - que je baptise RP3 ( Régime Présidentiel, Répartition Proportionnelle, Référendum Provoqué si nécessaire par l’un ou l’autre pouvoir), mais dont la probabilité prochaine est tellement peu vraisemblable qu’il faudra encore, hélas, sans doute,  plus d’un tour d’alternance et plus d’un tour d’imbroglios européens pour que la France sorte  des passes dangereuses où elle louvoie aujourd'hui dans un peu trop d ’euphorie.   

 

 

1 - selon une étude Ipsos, la participation au scrutin  a été spécialement faible chez les jeunes (seuls 37 % des 18-24 ans ont voté, contre 73 % des 60 ans et plus) et, comme à l'accoutumée, bien moins forte chez les ouvriers (41 %) et les employés (49 %) que chez les cadres (59 %).

 

2 - sur lequel on fait un silence complet bien que ce mouvement ait, en fait, deux députés, presqu’ autant que le « centre » et le FN, et très bien élus….

 

3 - C’est le vocable utilisé dans la très orthodoxe publication de la Fondation R. Schuman par Alain Fabre qui analyse la situation actuelle de la zone euro. Après avoir rappelé les risques qu'engendrerait  une sortie de la Grèce de la zone euro, , il évoque la nécessité pour tous les Etats de cette zone de fonder leur croissance sur "des fondements compétitifs". Il mentionne enfin le risque que font courir à l'Europe les divergences actuelles entre France et Allemagne, qui privent la zone euro "d'un des moyens les plus puissants pour la résolution des problèmes". Suivez son regard…

 

4 – le poète Haïtien, Jacques Roumain évoquant,  dans les années trente,  le combat unitaire pour la justice d’hommes d’ethnies différentes, avait la très belle expression «  comme la contradiction des traits se résout  en l’unité du visage » . Avec de telles références, j’affirme aussi mon droit à ma part d’utopie créatrice.

 

 

 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 06:25

 

 

 

Ce serait à peine une surprise; on en a déjà parlé, mais comme d'une dose possible

 

je la vois plutôt comme un dernier coup d'échec :

la représentation proportionnelle de suite, comme c'est tout à fait possible par une loi simple... un coup de théâtre 

 

Le Président peut jouer ce coup ( en sachant le justifier)

comme FM avait institué en 86 ce qu'il avait renié...  depuis 81, pour minimiser la victoire de la droite 

l'un et l'autre, à l'envers, en brûlant ce qu'ils ont adoré , le SM ( instrument des victoires des presidentialismes majoritaires absolus )

Aujourd'hui ce serait un bon coup pour priver un  vainqueur présidentiel vraisemblable d'une majorité législative
 

 

et ouvrir les voies à une recomposition dont celle de toutes les droites pouvant en partie du moins se coaliser...
 

 

mais voilà, aussi, ce qui,  au delà,  déboucherait  sur une grande diversité  de possibles


impliquant tôt ou tard le passage à un régime de séparation des pouvoirs : le régime présidentiel, le seul avec lequel la RP, si l'on veut  la stabilité de l'exécutif, soit compatible, tout en donnant un vrai poids au Parlement 

 

j'ai toujours souhaité ce réquilibrage démocratique des pouvoirs

j'ai espéré qu'il pouvait être présenté par un  candidat du " parti du Mouvement" ou d'un vrai Centre refusant la bipolarisation

comme moyen d'un pluralisme réel

(bien préférable à des rétrocessiions de circonscriptions... comme au profit des Verts)

 

Le challenger du pouvoir  n'y a donné qu'un  coup de chapeau , avec la référence habituelle à une simple dose de RP;ce qui ne changerait pas la logique du système

 

Il serait quand même drôle que le basculement de la Veme déformée qui est la nôtre dans une nouvelle république  résulte d'un geste un peu désespéré de redistributioin des cartes !

 

mais dans ces conditions, est-ce que cela pourrait être de bon augure ?

 

encore que pour que l'histoire progresse

il faut bien que ce soit par des contradictions...

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