l
La célébration de la loi Veil sur l'IVG manquait d'une introduction[1] qui eut ébréché la légende de gaullistes fermés à la réforme et de libéraux l'ayant portée.
En effet, en tant que conseiller technique en 1973/74 au Cabinet de Pierre Messmer, je peux témoigner que ce premier ministre avait cherché à dépénaliser certains cas d'avortement et que ce sont les amis de V. Giscard qui s'y sont opposés.... dans ce climat peuplé de coups bas où se préparait l'affrontement entre VGE et un gaulliste qui a été Chaban Delmas et qui aurait pu être (et a été un moment) Pierre Messmer[2]
Face d'une part à la revendication pour l'avortement, d'autre part à l'hostilité de différents milieux envers une perspective de légalisation de celui-ci, dans le climat difficile de la fin du temps de Pompidou nous avions préparé - en particulier avec Jacques Sourdille, médecin (très attentif aux questions de la santé féminine[3]) parlementaire des Ardennes, issu d'une remarquable Résistance, alors depuis 1972, Secrétaire Général adjoint de l'UDR,un texte bien audacieux pour l'électorat de droite, mais loin de la doctrine féministe voulant que les femmes aient le droit à la libre disposition de leur corps.
C'est le résultat pratique qui nous semblait positif en permettant de résoudre des cas dramatiques. Le projet ouvrait aux femmes la possibilité de l'I.V.G. en cas d'état de détresse reconnu par deux médecins[4]. Ce texte n'alla pas jusqu'au Parlement. Il devait auparavant être "vendu" à la majorité du temps; mais il fut taillé en pièces par le groupe des indépendants d’alors, la plupart hostiles sur le fond, ou ne voulant pas que le pouvoir en place réussisse un apaisement sur la question qui agitait les esprits et la rue et que ce pouvoir en soit crédité, mais quelques mois après, sous la nouvelle présidence, la loi Veil faisait sauter presque toutes les barrières.
Il est bien dommage que l'on ne nous ait pas raconté et l'essai de P. Messmer et les revirements de la droite libérale. Les réalisateurs connaissaient-ils cet épisode ou l'ont-ils dissimulé ?
Je n'ai sans doute jamais rien compris à la politique ou, tout du moins, jamais rien admis de ses manœuvres.
[1] Les éléments en existaient pourtant dans mon livre "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (page 163, dans la Bulle N° "Moïse sauvé des eaux", sur quelques aspects de la vie à Matignon lorsque fut constitué le gouvernement Messmer 2).
[2] cf. Michèle Cotta, in La VIème République qui raconte quelques "secrets d'histoire" de ce temps et comment a été sabotée la candidature de Chaban.
[3] Dès le début des années 70 Jacques Sourdille s’était élevé contre le nombre élevé d’interruptions de grossesse thérapeutiques, cachant bien souvent des « avortements de convenance » (le 28 octobre 1970 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1971). Il invitait alors à réfléchir à des mesures de diminution du nombre de grossesses non désirées, estimant que « les législations permissives comme les répressions médiévales ne résolvent pas le problème ». Trois ans plus tard sa réflexion très ouverte avait évoluée vers la recherche d'une conciliation inspirée par la prise en compte des critiques envers un avortement qui eut été ouvert sans condition et le respect des graves problèmes que pouvaient rencontrer des femmes enceintes, ce qui le conduisait à mettre au point, avec le conseiller (que j'étais) pour les affaires sociales du PM, le texte considéré.
Jacques Sourdille votera la loi Veil.
[4] L'affaire ayant été menée en interne, les seules archives qui pourraient peut-être en témoigner sont celles (qui seraient au SGG), de réunions interministérielles très restreintes, et dont les PV n'ont pas été, à coup sûr, conservés.