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Pourquoi ce blog

L'objet de ce site est de baliser par quelques souvenirs éloquents l'histoire récente et de faire contribuer ces expériences, par des commentaires d'actualité, à éclairer et choisir les changements, en s'interrogeant sur les propositions des politiques et les analyses des essaiystes. Donc, à l'origine, deux versants : l'un rétrospectif, l'autre prospectif.

A côté des problèmes de société (parfois traités de manière si impertinente que la rubrique "hors des clous"a été conçue pour les accueillir), place a été faite à "l'évasion" avec des incursions dans la peinture, le tourisme, des poèmes,  des chansons, ce qui constitue aussi des aperçus sur l'histoire vécue.

 

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L'auteur

 

DSCF0656-copie-1.JPGNé en 1933, appartenant à la génération dont l'enfance a été marquée par la deuxième guerre mondiale, l'occupation et la Résistance, l'adolescence par la Libération, la guerre froide, puis par de clairvoyants engagements pour les décolonisations, l'auteur a ensuite partagé sa vie professionnelle entre le service public (il a notamment été préfet, délégué à l’emploi, directeur des affaires économiques de l’outre-mer, président de sa chaîne de radio-télévision, RFO), l'enseignement et la publication d’ouvrages de sciences politiques (il est aujourd’hui membre du comité de rédaction et collaborateur régulier de la Revue Politique et Parlementaire). Il a également assumé des missions dans de grandes entreprises en restructuration (Boussac, Usinor/Sacilor), puis a été conseil d’organismes professionnels.

 

Alors que ses condisciples ont été en particulier Michel Rocard et Jacques Chirac (il a partagé la jeunesse militante du premier dans les années cinquante et fait entrer le second à Matignon dans les années 60, avant d'être son premier collaborateur à l’Emploi et pour la négociation de Grenelle et au secrétariat d’Etat aux Finances, il n'a suivi ni l'un, ni l'autre dans leurs itinéraires. En effet, dans le domaine politique, comme il ressort de ses publications (cf. infra), Gérard Bélorgey n’a rallié ni la vulgate de la Veme république sur les bienfaits de l’alternance entre partis dominants, ni les tenants du catéchisme du libre-échange mondial. Il ne se résigne donc pas à TINA ("there is no alternative" au libéralisme). Tout en reconnaissant les apports autant que les limites de ceux qui ont été aux affaires et avec lesquels il a travaillé, il ne se résigne pas non plus à trouver satisfaction dans tel ou tel programme de camp. Mesurant combien notre société multiculturelle, injuste et caricaturalement mondialisée, souffre aussi bien des impasses de l’angélisme que des progrès de l’inégalité et des dangers de l’autoritarisme, il voudrait contribuer à un réalisme sans démagogie.

 

Partie de ses archives est déposée dans les Fonds d'Histoire contemporaine de la Fondation des Sciences Poltiques (cf. liens).

 

Il a publié sous d'autres noms que celui sous lequel il a signé des ouvrages fondamentaux que furent "le gouvernement et l'administration de la France" (1967), "la France décentralisée" ( 1984), "Les Dom-Tom" (1994)  : le pseudo de Serge Adour correspond à l'époque de la guerre d'Algérie et à une grande série de papiers dans Le Monde en  1957 , celui d'Olivier Memling au recueil de poèmes et chansons "Sablier " (couronné en 1980 par l'Académie Française et référé, dans l'histoire littéraire du XXeme Siècle de Hachette) celui de  Gérard Olivier à son analyse dans de  grands quotidiens de la décentralisation en 1981/82; celui de Solon  (malheureusement partagée par erreur avec d'autres auteurs) à la publication en 1988 de "la démocratie absolue" . Cessant de vivre un peu masqué, il retrouve son nom en 1998 pour "Trois Illusions qui nous gouvernent", puis en 2000 pour "Bulles d'Histoire et autres contes vrais " (série de coups de projecteurs sur quelques apects du dernier demi siècle qui seront souvent repris ci-dessous), ainsi que pour de  nombreux articles dans  diverses revues. EN 2009, il est revenu sur la guerre d'Algérie avec le roman ( Ed. Baurepaire) "La course de printemps". Il prépare "L'évolution des rapports Gouvernés /Gouvernants sous la Veme République :entre absolutismes et renouvellements?"

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27 mai 2007 7 27 /05 /mai /2007 19:02
- L'ARBRE, LA PAROLE et l'OUBLI

(extrait de "Bulles d'Histoire et Autres Contes Vrais", Phenix edition, 2000, disponible sur alapage.com)



Je revis J.M. Tjibaou plusieurs fois. Dès l'année succédant à notre rencontre à Nouméa, il vint à Paris avec une brochette de séminaristes auxquels je fis visiter, leurs soutanes volant au vent, les lieux sacrés de la capitale, du Sacré-Coeur à l'Hôtel des Monnaies, d'où ils repartirent avec quelques "gri-gri" d'Europe.

C'est après la signature des accords Matignon que nous nous retrouvâmes vraiment : lors de la négociation Oudinot, pour mettre en oeuvre les accompagnements économiques du deal politique. J'étais alors directeur au ministère des DOM-TOM. Nous tombâmes dans les bras l'un de l'autre dans les souvenirs du rôle de notre ami commun. Je fis ensuite plusieurs missions en Nouvelle-Calédonie où il m'accueillit chez lui à Hienghène. On ne parla jamais des morts de sa famille, mais on célébra ses enfants qu'un Européen, grand acheteur et transformateur de trocas en boutons de chemises de luxe , avait pris chez lui pour les protéger pendant les événements.

Au cours de l'un de ses séjours en France pour le suivi des accords, j'organisais à son intention une exploration dans le sud-ouest. Il envisageait en effet de créer une activité agro-alimentaire de foies gras en Nouvelle Calédonie. Il devait ensuite, avec Marie Claude, venir dîner dans cet appartement standard de fonctionnaire, que ma femme et moi habitions boulevard Pasteur. Il était en retard. Il pleuvait. Je le guettais par la fenêtre. Je vis arriver sa voiture et la voiture d'escorte de sécurité. Il se précipita vers la porte de verre et de métal donnant accès à l'immeuble. Je le vis glisser. Je descendis. Il s'était traumatisé le genou, foulé la cuisse et ouvert l'arcade sourcilière. Nous le montâmes et le soignâmes en massant largement sa jambe musclée pendant qu'il se soutenait de verres et de toasts. Il était de très méchante humeur. Il avait un débat télévisé le lendemain. Il fallu cautériser et maquiller le sourcil et la tempe blessée. Il me dit : « Chez vous la pluie, ce n'est pas la pluie de chez nous; elle mouille; elle est froide; c'est une mauvaise pluie ».. Et - je m'en souviendrai toujours - il ajouta « lorsqu'on se blesse sur le seuil d'un ami, c'est un mauvais présage ».

Finalement nous allâmes dîner tard au restaurant du dernier étage de la Tour Montparnasse. Les officiers de sécurité s'étaient installés au bar, veston ouvert, pistolet à portée de main dans un baudrier. Vers notre table, des serveuses portèrent successivement, sur un plateau, deux petits mots pliés, provenant de tables de l'entourage. Le premier disait "Jean-Marie, on t'aime. On aime ton pays. Vive la Kanakie avec nous". Le second disait "sale canaque, on devrait avoir ta peau".

Nous avons fini ce dîner dans l'ambiance purement amicale et touristique de la découverte, depuis ce petit gratte ciel, des lumières de Paris que Marie Claude ne connaissait pas. Puis nous sommes descendus dans les sous-sols récupérer les voitures. Le petit cortège des Tjibaou est parti. Ma femme et moi nous sommes regardés en soufflant d'être délivrés des péripéties de la soirée. Remontés en voiture, nous avons été bloqués au péage. Les policiers ne voulaient pas payer les tickets dont ils ne seraient pas remboursés. Nous avons réglé, salué encore notre hôte : une dernière fois. Il était assassiné quelque temps après à Ouvéa.

Devenu plus tard président de la radiotélévision de l'outre-mer, j'ai soutenu la réalisation de magazines révélant des outre-mers méconnus et j'ai créé une collection vidéo pour pérenniser le meilleur de nos émissions de télévision. A Nouméa, l'architecte Renzo Piano concevait le centre Jean-Marie Tjibaou, vaste ensemble fonctionnel de formes monumentales inspirées de la construction traditionnelle kanaque : celle des cases majeures des tribus. Elles se bâtissent d'un enlacement de matières végétales, selon des procédures rigoureuses que tressent la parole des membres du clan, autour d'un haut tronc d'arbre qui en est le pivot. Inscrire dans une cassette de la collection de RFO ce moment de création et ses sources m'a paru un bon témoignage.

C'est grâce à Marie Claude, qui a ouvert au réalisateur, après bien des palabres, les portes de la brousse, des mémoires, des histoires et des secrets que " l'Arbre et la Parole" a pu être tourné. Le fil conducteur de cette petite production est un va et vient entre l'atelier de Renzo Piano à Gênes et les villages des oncles de Jean-Marie. Lorsque, deux ans plus tard, le Premier ministre se rendit en Calédonie pour célébrer les nouveaux accords franco-calédoniens et ouvrir le centre culturel, pas un exemplaire de ce documentaire n'a été présenté, ni même signalé. Entre temps, à mon instigation pourtant, la chaîne de télévision de l'outre-mer était tombée sous la houlette d'un professionnel de ces métiers. Il considérait sans doute que tout ce qu'il n'avait pas, lui-même, fait ou découvert, n'existait pas. Il n'est certes pas le seul de cet esprit dans le monde des journalistes des grands organes de métropole. Jamais aucun d'entre eux - auxquels j'ai raconté l'histoire de Gilbert Zaksas - n'a fait état du rôle et de l'extraordinaire itinéraire de ce vieil homme oublié.
 
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