Que la réflexion économique d'actualité et les affrontements politiques se nouent aujourd'hui autour du travail du dimanche est ridicule. Voilà une "réforme" qui ne mérite - si ce n'est à titre de prétexte symbolique de savoir s'il faut ou non s'adapter à des moeurs contemporaines illustrant, il est vrai, la sociéte de consommation - ni autant d'honneur, ni autant d'indignité.
Il existe, on ne peut le nier, un problème pratique à résoudre pour aider certaines clientèles à s'approvisionner ce jour là et pour permettre, d'une part, à des points de vente de faire plus de chiffre (ce qui serait bon pour notre activité), d'autre part, à des volontaires de travailler ce jour "férié" selon leurs commodités.
Mais, sauf effet marginal par des achats d'impulsion venant grignoter de l'épargne ou accroître de l'endettement de familles pauvres, sauf séduction de quelques touristes fortunés, il n'en résuttera pas une croissance bien significative, hormis très localement et/ou au détriment d'autres lieux ou d'autres types de commerces que ceux qui ouvriront.
Ce sont des questions méritant des débats pondérés pour trouver des réponses équilibrées; mais ce ne sont ni matière à passions méritant d'être attisées, ni plateforme propre à bâtir une alternative stratégique à la politique mise en oeuvre par l'équipe européiste aux affaires.
Au nombre, certes - comme le dit avec beaucoup d'emphase l'estimable M.N Lienemann qui mélange un peu trop tout - des conquêtes historiques des salariés , le principe du repos dominical ne comporte pas les mêmes enjeux que, par le passé, le travail de nuit des femmes ou que l'esclavage des enfants, surtout dès lors que ce travail dominical serait à coup sûr mieux rémunéré et bien compensé ( ce que prévoit quand même, de manière à encore améliorer, l'habile et vilain Macron).
Quant aux contagions que ces assouplissements pourraient entraîner sur tout le droit du travail et des rémunérations, les surdimensionner revient à crier au feu pour une paille, alors que bien des poutres enfoncées dans la protection des Français n'ont pas ému grand monde.
La réalité est que ce sont la soumission de tant de milieux de gauche et de certains milieux syndicaux à l'économie libérale et/ou leurs aveuglements sur les effets pervers du système de l'Union Européenne qui ont permis de faire peser sur tous les Français de réelles menaces et conséquences de régression sociale. Que l'assouplissement du travail du dimanche soit elle même une "régression sociale", c'est selon quelques sondages (à prendre certes avec prudence) ce que ne penseraient pas la majorité de nos compatriotes. Malgré l'envolée de M. Aubry qui a perdu une occasion de se taire et qui devrait choisir d'essayer de rassembler sur des choses plus stratégiques. Malgré les appels à manifester de Mélenchon qui ne fait malheureusement pas preuve dans son action quotidienne de la qualité et de la puissance de réflexion qu'il développe si bien dans son bel et convaincant ouvrage "l'ère du peuple" !
Quant les vrais débats économiques et sociaux seraient de se porter sur les conséquences du libre échange mondial et sur les catastrophes sociales qu'a entraîné la pousuite de ce qui paraît revenir "le moins cher" , quand ces vrais débats seraient aussi d'apprécier ce que nous perdons comme capacité concurrentielle et comme capacité de manoeuvre en n'ayant plus la moindre souveraineté monétaire, on mesurerait enfin ce que sont les handicaps que nous nous sommes imposés par des régles européennes que nous avons nous mêmes construites comme un piège et, plus encore, par l'euro qui nous permet d'être tous les jours non seulement perdants en matière économique , mais encore insultés par des chiens de garde de l'orthodoxie allemande ne voulant plus nous accorder "des indulgences".
Oui, on ne peut qu'être ébahi devant la stupide dimension que prend la question du travail le dimanche, alors que l'actualité en offrait une beaucoup plus préoccupante : la cession du contrôle de la société d'économie mixte exploitant cet actif rentable et stratégique qu'est l'Aéoport et le hub de Toulouse à des intérêts chinois : par l'effet combiné d'un côté d'une vente d'actions de l'Etat (non seulement parce que celui-ci recherche du cash, mais aussi parce qu'il est sur la ligne libérale de principe de se retirer de tout le secteur de l'économie marchande ... en attendant de merchandiser des services publics) et, d'un autre côté, d'un scandaleux pacte d'actionnaires disposant que ce qui reste au conseil d'administration de la société de représentants de l'Etat devra voter avec les Chinois disposant en ce conseil de près de la moitié des autres voix, ce sont les choix chinois qui seront imposés aux autres actionnaires publics locaux. La France fait mieux que la Grèce cédant le port du Pirée à l'Empire du Milieu comme tête de pont de ses business en Europe : à Toulouse, on offre des tours de contrôle aux concurrents asiatiques sur l'industrie aéronautique française.
Voilà une affaire qui a plus ému Nicolas Dupont Aignan que des personnalités de gauche s'en prennant à de "l'anecdotique", employant toute leur énergie à se scandaliser d'un peu plus de travail le dimanche, tandis que réciproquement, les équipes aux affaires y voient un merveilleux Graal touristique qui pourrait réveiller la France et lui permettre de concurrencer les Anglais !
Cette focalisation des uns et des autres illustre à la fois la médiocrité des outils de développement économique que prône la droite socialiste et l'immaturité de bien de leurs opposants de gauche : ceux-ci ne devraient vraiment pas chercher à faire leur différence sur une telle question si secondaire et si dépassée par les moeurs actuelles qu'ils ne pourront, une fois de plus encore, qu'y perdre du sérieux et des électeurs .