cf. http://www.afrik.com/article12554.html
Deux mois plus tard, elle rend un rapport dans lequel elle va à contre-courant des conceptions lbre-échangistes dominantes . La tête de file du PRG s’impatiente. C'est le 16 juin dernier qu'elle a remis à Nicolas Sarkozy son étude concernant les Accords de Partenariat Economique (APE) entre l’Union Européenne et les Etats ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). Dans un communiqué de presse publié sur son site (cf.http://www.christiane-taubira.org/ ) le 27 juin, elle répond aux interrogations légitimes des spécialistes et de la presse qui attendent les suites de ce rapport : « Mme Taubira déclare ignorer les raisons pour lesquelles aucune réaction n’est parvenue, près de deux semaines après avoir rendu son rapport. » Du côté de l’exécutif, c’est le silence complet.
Dans ce rapport de 191 pages, la députée PRG (Parti Radical de Gauche), répond à la lettre de mission de Nicolas Sarkozy qui, en avril dernier, lui demandait de clarifier les intentions de la Commission Européenne à l’égard des pays ACP, de « restaurer une relation de confiance », de parvenir à faire pleinement profiter les pays concernés des retombées d’une ouverture du marché, et de créer une dynamique porteuse de développement, en favorisant l’intégration régionale.
Il s’agissait donc pour Christiane Taubira d’esquisser des solutions pour pallier les lacunes des APE, négociation difficile entre UE, Etats ACP et OMC. Il s’agissait aussi d’enterrer définitivement les Accords de Lomé (1975) par lesquels les pays africains bénéficiaient de tarifs douaniers préférentiels voire exonérés sur le marché européen et d’entériner à la place la solution de Cotonou (2000). Cet accord prévoit une ouverture commerciale quasi complète-100% pour le marché européen et 80% pour le marché ACP-, pour faire jouer « la concurrence pure et parfaite ».
Ce à quoi la députée a répondu par plusieurs propositions qui semble représenter un virage à 180° dans la politique menée jusqu’ici par l’Europeen en se prononçant en faveur d’une révision complète du mode d’action de la Commission Européenne, prônant même un retour aux accords de «non-réciprocité», ceux qui considéraient que, le Nord et le Sud étant développés à des degrés différents, on ne pouvait leur imposer la même réglementation libérale. Ensuite, elle place le développement, a fortiori le développement durable, au centre des Accords de Partenariat Economique. Plus loin, elle suggère une annulation de la dette extérieure des Etats africains. Et elle consacre le premier chapitre à évoquer les solutions pour contrecarrer la crise alimentaire et éviter les émeutes de la faim.
Un constat politique plus qu’une ébauche technique, Ce qui dérange probablement, dans ce rapport, c’est son ton critique, sans concession pour une politique économique qui a, de l’avis de l’auteure, maintenu les pays africains dans la dépendance vis-à-vis du marché européen. La relance des APE dans le modèle prévu lui semble dangereuse au vu de la fragilité des Etats. Selon elle, le changement sera presque imperceptible pour l’Europe mais risque de mettre à mal des pans entiers de l’économie des pays ACP.
En abattant presque complètement les barrières douanières, le marché africain s’expose à être inondé de marchandises européennes de meilleure qualité et à moindre coût. Les compensations envisagées par l’OMC et l’Europe ne pourront pas combler le manque à gagner pour ces pays, d’autant que les droits de douanes qu’ils perçoivent représentent pour eux une part non négligeable de leurs ressources. Christiane Taubira reprend les critiques des ONG et se positionne du côté de la sauvegarde des valeurs humaines : «Ou bien les mécanismes continuent de faire la loi et les injustices vont leur train jusqu’au chaos qu’aucun mur ni aucune statistique péremptoire ne parviendra à endiguer. Ou bien la Politique se mêle des affaires du monde ».
Le calendrier prévu pour finaliser les APE est fixé à octobre 2009. La présidence française de l’UE est censée être l’instigatrice d’une dynamique de relance, dont le rapport Taubira devait poser les jalons. En ne communiquant pas à ce sujet, Nicolas Sarkozy laisse-t-il augurer que la réaction européenne ne sera pas imprégnée de satisfaction? C'est toute la difficulté de renouveler la réflexion sur les relationss stratégiques économiques afro-européennes.